612 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 février 1790.] article jusqu’à la deuxième ou troisième législature, parce que les dispositions de l’article 6 laissent la porte ouverte à des changements dans les limites. M. de Montlosier. L’article 5 doit être adopté parce qu’il contribuera puissamment à l’établissement d’un cadastre général qui servira de hase à une égale répartition de l’impôt. M. Pison du Galand. L’arpentage que nécessiterait l’adoption de l’article 5 jetterait tout le royaume dans une très grande dépense, dépense d’autant plus inutile que la carte de l’Académie offre tout ce qu’on peut désirer de mieux à cet égard; d’ailleurs, les limites qu’il s’agit de définir ne formeront qu’une ligne de circonvallation en laissant le milieu absolument vide. Je demande la question préalable sur l’article 5. L’Assemblée consultée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 5 proposé par le comité. M. le Président donne lecture de l’article 6 proposé par le comité. Il est ainsi conçu : « Art. 6. Il sera libre à toutes les villes, paroisses et communautés, dont le clocher ne sera pas à plus de cinq cents toises des limites des districts dans l’intérieur de chaque département, et à toutes les villes, paroisses et communautés, dont le clocher ne sera pas à plus de mille deux cents toises des limites du département, de présenter requête à la prochaine législature, pour passer d’un district ou d’un département dans un autre ; et sur le vu des observations respectives des départements et des districts intéressés, la prochaine législature prononcera définitivement. » M. Gaultier de Biauzat. Je demande la question préalable sur l’article 6. M. Dupont {de Nemours). L’article 6 a pour objet de réserver à un grand nombre de communautés leur recours à la prochaine législature contre des imperfections et des erreurs mêmes qu’une œuvre aussi difficile que celle de la division du royaume doit nécessairement entraîner. De plus, il est fait pour tranquilliser la conscience des députés et de FAssemblée nationale elle-même sur le travail de son comité de constitution, dont les erreurs involontaires ne doivent pas devenir des lois irrévocables. M. Fréteau. Si l’article était adopté, les paroisses pourraient se trouver successivement dans le rayon prévu par l’article; elles pourraient aussi successivement former des demandes qui anéantiraient d’abord le district et ensuite le département. M. Gaultier de Biauzat. Vous avez créé 83 départements; bientôt vous n’en aurez plus que 82, si vous laissez subsister l’article parce qu’un grand nombre de communautés de la Basse-Auvergne n’attendent que le moment de réclamer. L’Assemblée consultée décide qu’il n'y a pas lieu à délibérer sur i’articlé 6. M. le President donne lecture ainsi qu’il suit, de l’article 7 et dernier des articles généraux du projet de décret proposé par le comité de constitution : « Art. 7. La division du royaume en départements et en districts n’est décrétée, quant à présent, que pour l’exercice du pouvoir administratif ; et les anciennes divisions, relatives au pouvoir judiciaire, subsisteront jusqu’àla nouvelle et prochaine organisation de ce pouvoir. Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l’ordre judiciaire. » M. le comte de Dortan. Je pense qu’il y aurait grand avantage à rappeler ici le décret déjà rendu sur la perception des impôts. M. Guillotin. La chose est en effet urgente et même facile. Il suffirait d’ajouter aux mots : relatives au pouvoir judiciaire , ceux-ci : et à la perception des impôts. L’amendement est mis aux voix et adopté. L’Assemblée adopte ensuite l’article 7, qui devient l’article 4 du décret, avec la rédaction suivante : « Art. 4. La division du royaume en départements et en districts, n’est décrétée, quant à présent, que pour l’exercice du pouvoir administratif, et les anciennes divisions relatives au pouvoir judiciaire et à la perception dés impôts, subsisteront jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée. Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l’ordre judiciaire. » M. le Président. Je vais donner lecture du décret tel qu’il résulte des votes émis par l’Assemblée dans le cours de la séance. L’Assemblée nationale a décrété et décrète : Art. 1er. La liberté réservée aux électeurs de plusieurs départements ou districts, par différents décrets de l’Assemblée nationale, pour le choix des chefs-lieux et l’emplacement de divers établissements, est celle d’en délibérer, et de proposer à l’Assemblée nationale, ou aux législatures qui suivront, ce qui paraîtra le plus conforme à l’intérêt général des administrés et des juridi-ciables. Art. 2. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à radministration directe de leur municipalité, et que les communautés de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées dont les habitants sont cotisés sur les rôles d’imposition du chef-lieu. Art. 3. Lorsqu’une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements ou les deux districts ne sont bornés que par le milieu du lit de la rivière , et que les deux directoires doivent concourir à l’administration de la rivière. Art. 4. La division du royaume en départements et en districts n’est décrétée, quant à présent, que pour l’exercice du pouvoir administratif; et les anciennes divisions relatives au pouvoir judiciaire, et à la perception des impôts, subsisteront jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par l’Assemblée. Les dispositions relatives aux villes qui ont été désignées comme pouvant être sièges de tribunaux, sont subordonnées à ce qui sera décrété pour l’ordre judiciaire. M. le Président fait lecture de la lettre suivante de M. le garde des sceaux : 613 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] « M. le garde des sceaux a élé invité par M. le comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, de transmettre à M. le Président de l’Assemblée nationale la copie de la lettre que lui a écrite M. l’évêque de Basle, le 26 septembre dernier, et le traité sur lequel il fonde ses prétentions. « Signé : CHAMPION DE CiCÉ, archevêque de Bordeaux. « Paris, le 16 février 1790. » Cette lettre est accompagnée des pièces qu’elle annonce. L’Assemblée renvoie le tout au comité de la féodalité, pour en faire incessamment son rapport. M. le Président fait lecture d’une seconde lettre de M. le garde des sceaux , conçue dans les termes suivants : « Le Roi a accepté le décret de l’Assemblée nationale du 11 de ce mois, sur la détermination de la valeur locale de la journée de travail, d’après laquelle doit se faire la liste des citoyens actifs, et celui du même jour concernant la municipalité de Noyon. « Sa Majesté a aussi sanctionné : « 1° Le décret du 5, portant que tous possesseurs de bénéfices, ou de pensions, sur les biens ecclésiastiques quelconques, seront tenus d’en faire leur déclaration ; et, en outre, suppression de maisons religieuses de chaque ordre ; « 2° Le décret du 6, concernant les magistrats qui composaient la dernière chambre des vacations du parlement de Rennes ; « 3° Le décret du 8, portant qu’il sera assis sur tous les citoyens de la ville de Rouen, qui payent trois livres et plus de capitation, une contribution égale aux trois quarts de la capitation ; « 4° Le décret du 10, relatif aux faits allégués contre la validité de l’élection des officiers municipaux de Saint-Jean-d'Angely ; « 5° Le décret du 1 1 , portant qu’il sera mis sous les yeux de l’Assemblée nationale, sous 15 jours, un état exact, tant des sommes auxquelles se montent les dons patriotiques, que de la quantité de vaisselle d’or et d’argent, du numéraire qu’elle a produit, et quel en a été l’emploi. t Quant à celui du 9, concernant l’exécution du décret du 10 août dernier, en ce qui regarde le maintien de la tranquilité publique. Sa Majesté l’a pareillement sanctionné ; mais elle a voulu que le mémoire ci-joint fût communiqué à l’Assemblée nationale, et M. le Président est prié de vouloir bien lui en faire donner lecture. « Signé : Champion DE ClCÛ. « Arch. de Bordeaux. « Paris, 16 février 1790. » Cette lettre est accompagnée d’un mémoire concernant les désordres qui régnent dans quelques provinces. Un de MM. les secrétaires donne lecture de ce mémoire qui porte en substance : Les désordres qui régnent dans les provinces affectent douloureusement le cœur de Sa Majesté. Si ces alarmantes insurrections n’avaient pas un terme prochain, toutes les propriétés seraient bientôt violées; rien n’est sacré pour les brigands. Sa Majesté, en sanctionnant le décret relatif à l’organisation des nouvelles municipalités, était dans la confiance que les officiers civils et municipaux emploieraient, avec autant de courage que de succès, tous les moyens possibles d’arrêter les troubles qui se propagent. Cependant ces troubles subsistent encore dans les provinces méridionales ; et Sa Majesté, voulant donner à son peuple l’exemple du respect qu’on doit à la loi, communique à l’Assemblée l’exposé des malheurs dont la ville de Béziers particulièrement vient d’être le théâtre. L’Assemblée nationale devra prendre à ce sujet le parti qui lui paraîtra convenable, et qu’elle pèsera instantanément dans sa sagesse. Des gens faisant la contrebande du sel furent arrêtés aux portes de Béziers, par les commis chargés du recouvrement des deniers royaux. Un nombre infini d’hommes s’armèrent pour attaquer les commis. M. de Vodre, colonel-commandant du régiment de Médoc, en garnison dans cette ville, fît de lui-même, et sans l’autorisation de la municipalité, de vains efforts pour arrêter les brigands. Quelques commis se réfugièrent à l’hôtel-de-ville; M. de Yodre insista inutilement pour qu’un consul au moins y passât la nuit. Le peuple demandait à grands cris que le nommé Bernard et les autres commis lui fussent livrés. M.de Vodre prévint ces malheureux persécutés, et se flatta d’empêcher le peuple d’entrer pendant une heure. Les portes furent fermées, et bientôt enfoncées ; les séditieux poursuivirent leur proie. Les malheureux commis furent mutilés d’une manière horrible. Cinq d’entre eux furent pendus, et le secours du commandant, sollicité par plusieurs citoyens, parvint enfin à calmer, un peu tard, la fureur des scélérats. Le récit de ces horreurs a vivement affecté l’Assemblée, qui en a témoigné sa juste indignation. M. Emmcry. Je cède à l’impression que je viens d’éprouver, et je ne prends la parole que pour examiner avec vous les moyens que nous devons employer pour empêcher que de semblables horreurs "se renouvellent. Nous écarterons-nous des principes que nous avons adoptés, ou bien ne nous en écarterons-nous pas ? Je ne crois pas que, quelque graves que soient les circonstances, nous puissions, nous devions nous écarter de nos principes. J’ai toujours pensé que le Roi, comme chef du pouvoir exécutif, a dans sa main tous les moyens de réprimer les émeutes. Les officiers civils doivent, dans des cas d’insurrection, requérir la force militaire et diriger cette force. Voilà le principe. Mais les officiers ne veulent pas, dit-on, requérir cette force, crainte des suites funestes qu’un pareil acte peut amener pour eux-mêmes. J’observe d’abord que les officiers municipaux, établis par le nouveau régime, n’ont pas encore été dans le cas de donner des preuves ni de leurs alarmes, ni de leur volonté, ni de leur courage. Je crois, moi, que nous devons compter sur les nouveaux officiers municipaux. D’ailleurs, les tribunaux seront bientôt organisés, et dès lors nous aurons le moyen sûr de prévenir les maux qui nous affligent. Mais il est indispensable d’aviser à un expédient pour parer aux maux actuels, aux maux du moment. Quel moyen emploierons-nous pour cela ? Je n’ose en prévenir aucun ; je ne pense pas que vous deviez en adopter aucun sans réflexions, et je me borne à demander que votre comité de constitution soit obligé de vous .présenter demain, demain sans faute, un projet de décret qui remédie au mal, avec une telle mesure que votre sagesse et la liberté du peuple ne soient pas compromises. M. le marquis de Foueault. Je suis allé