114 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE FILLASSIER, orateur de la députation : Dans votre séance du 27 brumaire dernier, tous les habitans de Clamart-le-Vignoble, district de l’Egalité, département de Paris, concluaient leur adresse insérée dans le Bulletin, en vous disant : « Plus de ministres ,plus d’apôtres, plus de « cultes privilégiés, que chacun adore l’Etre « Suprême à sa manière; c’est un droit qu’il « tient de la nature, mais décrétez enfin qu’il « n’y aura plus désormais d’autre culte public « que celui de la Raison, et le prompt retour « des bonnes mœurs couronnera vos travaux « immortels. » Citoyens, notre commune n’a plus rien à désirer; en proclamant l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, vous donnez la vie à toutes nos institutions sociales; vous comblez le vœu d’un grand peuple; vous confondez tous nos ennemis, et vous placez vos travaux et votre gloire sur une base inébranlable. En effet, sans la ferme croyance de ces deux vérités, reconnues de toutes les nations de la terre, la liberté n’est qu’une chimère dangereuse et le plus sage gouvernement n’est qu’une triste illusion. Sans ces idées sublimes, nous ne serions que des machines, et vous-mêmes, Législateurs, vous ne seriez aussi que des automates, doués d’un mouvement un peu plus réfléchi et d’une énergie moins inconsistante. La vertu, sans l’éternel témoin qui la fait naître, qui la soutient, qui l’encourage et qui la console, sans l’impérissable couronne qu’il lui destine, ne serait plus qu’un déplorable fantôme contre lequel Brutus aurait droit de blasphémer. Et pour qui travailleriez-vous avec tant de persévérance et de courage ? Pour des atomes insensibles, fugitifs, rapides enfans d’un hazard, aveugle comme eux. Etait-ce bien parmi nous, hommes des champs et fils aînés de la nature, que cette horde factieuse, couverte du manteau de l’athéisme, voulait essayer de disséminer son absurde doctrine ? Quelle foule d’argumens, simples comme nous mais victorieux comme la raison, nous eussions opposés tout à coup à l’impudence de leurs assertions et à l’astuce de leurs sophismes ! Ce grain qui ne peut s’anéantir que pour reprendre un nouvel être et multiplier son espèce, ce bouton qui semble ne s’ouvrir que pour embellir par l’éclat des fleurs les plus suaves, le riant triomphe du printemps, et qui présente ensuite au palais la délicieuse saveur d’un fruit nourrissant et salutaire ; ces métamorphoses périodiques et si constantes de tous les végétaux, cette admirable succession, cet incompréhensible enchaînement de tous les êtres et l’immutabilité de leurs habitudes et de leurs formes, tout ne nous annonce-t-il pas la main d’un ouvrier souverainement sage et d’un conservateur tout puissant qui se montre à chaque instant par son inépuisable munificence, et qui nous a créés pour l’immortalité puisqu’il nous a donné le sentiment de ses bienfaits, l’amour de la vertu, l’horreur du vice et le remords du crime. Pour établir cette profession de foi publique, vous n’avez pas eu besoin, Législateurs, de recourir aux pieuses fictions des Lycurgue, des Solon, des Numa ni de Socrate lui-même. Dans le siècle de la saine philosophie, il vous a suffi de parler son langage et votre voix a retenti dans les cœurs de tous les vrais patriotes. A cette voix redoutable, la tyrannie est tombée et tous ses vils suppôts ont péri avec elle; la superstition s’est anéantie pour faire place à la vérité et à la raison; toutes les erreurs politiques et morales ont disparu, et le français. rendu à sa dignité originelle ne se courbera plus que devant le père de tous les êtres. O Divinité tutélaire ! Nous te devons la liberté, le plus grand de tous les biens, et l’égalité, sa céleste compagne. Jette les yeux sur ton ouvrage. Arme ton bras puissant, continue d’environner les intrépides et généreux restaurateurs d’une nation qui t’adore et qui t’offre l’hommage d’un peuple immense qu’ils ont rendu digne de toi. Achève de confondre les complots des scélérats qui osent t’insulter en voulant renverser les bienfaits dont tu nous combles, et que les attentats qu’ils viennent de méditer soient les derniers efforts d’une rage impuissante ! (1) . 19 Une députation de la Société populaire de Châlons-sur-Marne exprime son indignation sur l’assassinat des représentans les plus fidèles au peuple, projeté par les rois, et félicite la Convention sur ses importans travaux et sur les hommages qu’elle rend à l’Etre-Suprême; la députation est invitée aux honneurs de la séance, et la Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de l’adresse des montagnards de Châlons. (2) . L’ORATEUR de la députation : Représentants, Attaqué de toutes parts, le peuple français a vaincu parce qu’il a foulé aux pieds tous les vices. Son triomphe est celui de la vertu et tandis que les enfans de la patrie font mordre la poussière aux esclaves coalisés contre elle, vous affermissez à jamais la République par des lois sages, des lois qui, en rappelant l’homme à sa dignité, touchent sa sensibilité, lui inspirent l’amour de ses droits et de ses devoirs, lui font chérir et pratiquer les vertus. Parmi ces lois que les patriotes ont reçues avec joie, ils ont surtout remarqué celle qui enchaîne l’athéïsme et rend hommage à l’Etre Suprême, et celle qui porte la consolation dans la chaumière du pauvre. Qu’il est beau, qu’il est sublime le gouvernement où le malheur est honoré, où les inégalités sont aplanies, où les infortunés sont secourus, où l’enfance, le vieillard, l’infirme la mère de famille indigente trouvent un soulagement assuré, dans la protection des agens publics ! Remplir des devoirs (1) C 305, pl. 1144, p. 31. Signé Coignet (présid. de la Sté popul.), Lépine (Mun.), Fillassier (présid.), Batlas, Laplace, Crespinet, Franquet [et 3 signatures illisibles]. (2) P.V., XXXVIII, 190. B