478 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 octobre 1789.] Bion, la confirmation de titres aussi inviolables. Signé : DE Joi.Y, président ; FLEURY, DE Saint-Albert, Régnier, Dusou-chet, de Saint-Rëal, Ogé jeune, Hellot, Raimond, Porzat, secrétaires. » M. le Président a répondu : Aucune partie de la nation ne réclamera vainement ses droits auprès de l’Assemblée de ses représentants : ceux que l’intervalle des mers, ou les préjugés relatifs à la différence d’origine semblent placer plus loin de ses regards, en seront rapprochés par ces sentiments d’humanité qui caractérisent toutes ses délibérations, et qui animent tous ses efforts. Laissez sur le bureau vos pièces et votre requête: il en sera rendu compte à l’Assemblée nationale. La séance est accordée à la députation des gens de couleur . M. le baron de Menou fait ensuite une motion sur le départ de monseigneur le duc d’Orléans. M. le baron de Menou. L’homme Vraiment attaché à l’intérêt général doit dire ce qu’il prévoit et ce qu’il craint. Le salut public est la suprême loi. J’ai demandé la parole avant l’ordre du jour pour remplir ce devoir. M. le duc d’Orléans est venu, il y a plus de huit jours, demander un passe-port pour aller en Angle terre remplir une mission que le Roi lui avait confiée; mais ce prince, chargé de stipuler pour le bailliage deCrépy et pour la France entière, pouvait-il se soustraire ainsi à ses fonctions ? Depuis son départ, on l’a accusé hautement d’avoir participé à des complots ; on a dit qu’il ne s’était éloigné que pour échapper à la surveillance du ministère public. S’il eût été instruit de ces bruits, il se serait présenté, il se serait justifié; un député à l’Assemblée nationale, chargé de faire le bien par la confiance, ne doit pas même être soupçonné. Leduc d’Orléans n’est pas seul inculpé : on accuse une partie de l’Assemblée de partager les projets et les intrigues qu’on lui prête, tandis que ces députés, fiers de la pureté de leur conscience, consacrent tous leurs vœux, tout leur temps à la chose publique Les habitants de Boulogne-sur-Mer ont retenu ce prince; s’il est encore détenu, vous devez ordonner qu’il soit relâché ; mais n’est-il pas aussi de votre équité de le mettre à même de se justifier ? S’il est innocent, sa justification doit être éclatante ; s’il est coupable, il doit être puni. Votre décision à cet égard ne serait point contradictoire avec le passe-port que vous avez accordé. Les bruits injurieux à M, le duc d’Orléans ne se sont répandus qu’après son départ, M. le duc de Liancourt. On ne peut présenter nul motif plausible de rappeler M. le d uc d’Orléans. La notoriété publique et la connaissance particulière qui m’a été donnée par ce prince des motifs de son départ, doivent empêcher toutes dispositions à cet égard. M. le duc d’Orléans partait volontairement, chargé d’une mission importante et touché de la confiance que Sa Majesté lui avait témoignée. Il n’y a nul lieu à délibérer sur la motion du préopinant. M. le comte de La Touche. Je suis aussi compromis dans les pamphlets relatifs au départ de M. le duc d’Orléans, et je demande que le comité des recherches examine sévèrement ma conduite. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu de délibérer quant à présent. On passe à l’ordre du jour, qui a poür objet les conditions pour être éligible aux assemblées municipales. La deuxième qualité proposée par le comité est d’être âgé de vingt-cinq ans accomplis. M. Le Chapelier. Les circonstances présentes, les réformes qui seront faites dans l’éducation publique, peuvent faire espérer que bien avant l’âge de vingt-cinq ans les hommes seront capables de remplir des fonctions publiques, et je pense que la majorité devrait être fixée à vingt et un ans. M.Le Pelletier de Saint-Fargeau.La majorité diffère dans plusieurs provinces ; il faut que le droit d’éligibilité soit uniforme. Une loi ne doit jamais varier par des circonstances accidentelles. On doit donc déterminer l’âge de majorité, et je pense qu’il peut être fixé à vingt-cinq ans. L’Assemblée décrète la seconde qualité d’éligibilité comme il suit : « Etre âgé de vingt-cinq ans. » On passe à la troisième qualité : « Etre domicilié dans le canton, au moins depuis un an. » M. Lanjuinais. Le mol domicilié est trop indéterminé; il y a domicile de droit et domicile de fait ; il faut laisser l’alternative, et rédiger ainsi l’article, à moins d’être domicilié de fait ou de droit, et compris au rôle d’impositions personnelles dans le canton. M. le duc de Mortemart. Il faut laisser la liberté du choix, et mettre simplement : d’avoir un domicile. M. Dubois de France. Il est important de rendre aux habitants des campagnes tous leurs droits, ou bien vous détruirez l’édifice qui vous a coûté tant de peines. Arrêtez donc qu’il faut avoir dans les campagnes un domicile de fait, au moins depuis un an pour y exercer les droits de citoyen actif. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau, J’applaudis à ces réflexions ; mais je crois qu’il est nécessaire de maintenir entre les villes et les campagnes une certaine fraternité. Les campagnes alimentent les villes. ; les villes portent le numéraire dans les campagnes. Je propose en conséquence de rédiger ainsi l’article: « Avoir déposé au registre de la municipalité, depuis un an, sa déclaration, qu’on est domicilié dans le canton, et y habiter au moins pendant quatre mois chaque année. » M. Populus expose à l’appui de la nécessité du domicile, que Rattachement au local et la connaissance du local sont indispensables pour exercer des droits dans le canton. M. Males. J’ajoute que le contraire ne pourrait que favoriser trois espèces d’hommes peu dignes de faveur : les courtisans, les agioteurs et les financiers. M. Biauzat propose de retrancher le mot canton, et d’y substituer un terme générique. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 479 Plusieurs amendements sont encore proposés. L’Assemblée décide qu’il n'y a pas lieu de délibérer sur les amendements, et décrète la condition d’éligibilité en ces termes : « La troisième qualité requise pour être éligible consiste à être domicilié de fait dans l’arrondissement des assemblées primaires, au moins depuis un an. » Quatrième qualité d’éligibilité :« Payer une imposition directe de la valeur locale de trois journées de travail. » M. l’abbé Grégoire attaque cet article ; il redoute l’aristocratie des riches, fait valoir les droits des pauvres, et pense que pour être électeur ou éligible dans une assemblée primaire, il suffit d’être bon citoyen, d’avoir un jugement sain et un cœur français. M. Duport. Voici une des plus importantes questions que vous ayez à décider. Il faut savoir à qui vous accorderez, à qui vous refuserez la qualité de citoyen. Cet article compte pour quelque chose la fortune qui n’est rien dans l’ordre de la nature. Il est contraire à la déclaration des droits. Vous exigez une imposition personnelle, mais ces sortes d’impositions existeront-elles toujours ? Mais ne viendrait pas un temps où les biens seuls seront imposés? Une législature, ou une combinaison économique pourrait donc changer les conditions que vous aurez exigées. M. Biauzat. Vous déterminez à la valeur d’un marc d’argent la quotité de l’imposition pour être député à l’Assemblée nationale. Pourquoi ne pas suivre le môme mode pour les autres assemblées? Indiquez donc pour les assemblées primaires une contribution équivalente aune ou deux onces d’argent. M. Robespierre. Tous les citoyens, quels qu’ils soient, ont droit de prétendre à tous les degrés de représentation. Rien n’est plus conforme à votre déclaration des droits, devant laquelle tout privilège, toute distinction, toute exception doivent disparaître. La Constitution établit que la souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple. Chaque individu a donc droit de concourir à la loi par laquelle il est obligé, et à l’administration de la chose publique, qui est la sienne. Sinon, il n’est pas vrai que tou3 les hommes sont égaux en droits, que tout homme est citoyen. Si celui qui ne paye qu’une imposition équivalente à une journée de travail a moins de droit que celui qui paye la valeur de trois journées de travail, celui qui paye celle de dix journées a plus de droit que celui dont l’imposition équivaut seulement à la valeur de trois ; dès lors celui qui a 100,000 livres de rente a cent fois autant de droit que celui qui n’a que 1,000 livres de revenu. Il résulte de tous vos décrets que chaque citoyen a le droit de concourir à la loi, et dès lors celui d’être électeur ou éligible, sans distinction de fortune. M. Dupont (de Nemours). Le comité de Constitution a commis une erreur en établissant des distinctions entre les qualités nécessaires pour être électeur ou éligible. Pour être éligible, la seule question est de savoir si l’on paraît avoir des qualités suffisantes aux yeux des électeurs. Pour être électeur il faut avoir une propriété, il faut avoir un manoir. Les [22 octobre 1789.] affaires d’administration concernent les propriétés, les secours dus aux pauvres, etc. Nul n’y a intérêt que celui qui est propriétaire; les propriétaires seuls peuvent être électeurs. Ceux qui n’ont pas de propriétés ne sont pas encore de la société, mais la société est à eux. M. Defermon. La nécessité de payer une imposition détruirait en partie la clause de la majorité, car les fils de famille majeurs ne payent pas d’impositions. La société ne doit pas être soumise aux propriétaires, ou bien on donnerait naissance à l’aristocratie des riches qui sont moins nombreux que les pauvres. Comment d’ailleurs ceux-ci pourraient-ils se soumettre à des lois auxquelles ils n’auraient pas concouru? Je demande la suppression de cette quatrième qualité. M. Démeunier combat, au nom du comité, les diverses objections faites contre cette condition. En n’exigeant aucune contribution, dit-il, on admettrait les mendiants aux assemblées primaires car ils ne payent pas de tribut à l’Etat-, ppurrait-on d’ailleurs penser qu’ils fussent à l’abri de la corruption ? L’exclusion des pauvres, dont on a tant parlé n’est qu’accidentelle ; elle deviendra un objet d’émulation pour les artisans, et ce sera encore le moindre avantage que l’administration puisse en retirer. Je ne puis admettre l’évaluation de l’imposition par une ou deux onces d’argent. Celle qui serait faite d’après un norabfe de journées deviendrait plus exacte pour les divers pays du royaume, ou le prix des journées varie avec la valeur des propriétés. La rédaction du comité pour la quatrième condition est adoptée. M. Alquier, membre du comité des rapports. , fait le rapport du mandement de l’évêque de Tréguier, et des circonstances qui l’ont accompagné. Il lit les différentes pièces d’une information faite par toutes les municipalités réunies du diocèse de Tréguier. Il en résulte que non-seulement ce prélat a excité le peuple à la sédition par son mandement, mais encore qu’il a concouru avec les nobles ae son diocèse à faire déserter de la milice nationale un nombre considérable de jeunes citoyens, qui, séduits par de l’argent et par des promesses, se sont engagés à n’obéir qu’aux entilshommes, et à les prendre pour leurs chefs. e plus grand nombre des témoins s’accordent à déposer que, députés vers M. l’évêque pour l’instruire des dispositions des jeunes gens en faveur de la noblesse, ce prélat a dit : « que si les municipalités du diocèse venaient défendre la milice de Tréguier, ce train ne durerait pas longtemps, qu’on ferait sonner le tocsin, et que les habitants des campagnes fondraient sur cette milice et l’écraseraient. » Les municipalités du diocèse ont dénoncé ces faits à l’Assemblée nationale. Le comité des rapports pense que le mandement est propre à exciter le soulèvement du diocèse, que cet écrit accuse le peuple français de ne plus aimer son Roi, qu’il calomnie les opérations de l’Assemblée, qu’il présente la division des ordres comme nécessaire au bonheur de l’Etat, etc. ; qu’enfin son auteur a abusé des fonctions de paix qui lui sont confiées, pour exciter les peuples à la révolte. Il propose un projet de décret. M. l’abbé de Mohtgazfn représente ce mandement comme une paraphrase exacte de la