ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 juillet 1789,] 229 [Assemblée nationale.] notre admiration. Cependant il est banni. Il doit rendre compte à l’Assemblée de sa conduite; s’il est coupable, c’est à nous de le juger. Mais s’il n’a fait que secourir la France dans les calamités les plus funestes, c’est à nous d’assurer son triomphe. Le Roi n’a pu l’exiler sans commettre une injustice. — Un courrier du commandant de Paris est introduit; il remet au président une lettre à peu près conçue en ces termes : a La foule est immense au Palais-Royal; plus de dix mille hommes sont armés; ils annoncent qu’ils vont attaquer les troupes des Champs-Elysées, puis de là aller à Saint-Denis se joindre aux régiments et se rendre à Versailles. a Toutes les barrières du côté du nord ont été saccagées. Celle du Trône est en feu. « Les armuriers ont été pillés, et chacun prend la cocarde verte. « Paris va être en feu dans un instant. Ils disent qu’ils vont ouvrir toutes les prisons. Ils ont ôté mal instruits à Versailles; on veut punir les bandits et les garder dans les prisons. » Après en avoir délibéré l’arrêté suivant est pris : L’Assemblée nationale arrête : « Qu’il serait fait une députation au Roi, pour lui représenter tous les dangers qui menacent la capitale et le royaume; la nécessité de renvoyer les troupes, dont la présence irrite le désespoir du peuple, et de confier la garde de la ville à la milice bourgeoise. » Il a été de plus arrêté que, si l’Assemblée obtient la parole du Roi pour le renvoi des troupes et l’établissement de la milice bourgeoise, elle enverra des députés à Paris, pour y porter ces nouvelles consolantes, et contribuer au retour de la tranquillité. Tous les membres de l’Assemblée se sont offerts avec empressement, pour être admis dans la députation qui doit être chargée de se rendre à Paris. Il a été résolu que les membres de cette députation seraient choisis par le sort, au nombre de quatre-vingts, pris dans les diverses provinces. Les députés de la ville de Paris ont représenté que connaissant le peuple de cette ville, et étant honorés de sa confiance, il paraissait juste et convenable qu’ils fussënt tous admis dans la députation ; ce qui a été approuvé par l’Assemblée. Les députés chargés de se rendre vers le Roi ont été nommés par M. le Président, au nombre de quarante, ainsi qu’il suit : Députation au Roi. CLERGÉ. MM. MM. L’archevêque de Vienne. L’archevêque d’Aix. L’archevêque d’Arles. L’évêque de Limoges. Gennetet. Landreau. Brousse. Melon. Mesnard. Martin. NOBLESSE. MM. Le duc de Praslin. Le baron de Marguerites. Le vicomte de Toulongeon. Le comte do Marsanne. De Fréteau. MM. Le marquii de Lezay-Marneiia. Le duc de Mortemart. De Provençal. Le vicomte de Sanrlrouin. Le marquis de Biencourt. COMMUNES. MM. Couppé. Giraud Duplessis. Goupil de Prefeln. Milscent. Millon de Montherlant. Nairac. Populus. Cherfils. Mougeotte de Vignes. Bertrand de Montfort. MM. Turpin. Desèze. De Guilhermy. Meunier du Breuil. Rivière. Dupont. Dauchy. Bonnet de Treiches Salles. Meynier de Salinelles. Ces députés sont sortis de la salle, pour s’acquitter de leur mission. M. le Président a dit lorsqu’ils ont été rentrés, qu’il avait représenté au Roi la situation alarmante où se trouve le royaume; le danger de voir naître bientôt successivement dans les autres villes les mêmes troubles qui existent dans la capitale; la nécessité de rétablir la tranquilité publique dans la ville de Paris, en éloignant promptement les troupes, et en établissant une milice bourgeoise, et qu’il avait ajouté que l’Assemblée nationale reconnaissait Je droit qu’avait Sa Majesté de régler la composition de son Conseil, mais qu’elle ne pouvait lui déguiser que le changement des ministres était la première cause des malheurs actuels. Sa Majesté a répondu en ces termes : Je vous ai déjà fait connaître mes intentions sur les mesures que les désordres de Paris m’ont forcé de prendre; c’est à moi seul de juger de leur nécessité, et je ne puis, à cet égard, apporter aucun changement. Quelques villes se gardent elles-mêmes, mais l’étendue de cette capitale ne permet pas une surveillance de ce genre. Je ne doute pas de la pureté des motifs qui vous portent ' à offrir vos services dans cette affligeante circonstance, mais votre présence à Paris ne ferait aucun bien ; elle est nécessaire ici pour l’accélération de vos importants travaux dont je ne cesse de vous recommander la suite. La réponse du Roi ne satisfait point l’Assemblée ; plusieurs membres témoignent leur indignation de la tranquillité apparente du Roi, au milieu du désordre général, et du peu de condescendance qu’il a pour les demandes de l’Assemblée nationale. On propose divers projets d’arrêté ; mais on ne se fixe sur aucun. On propose alors dénommer des commissaires qui seront chargés de rédiger sur-le-champ un projet d’arrêté. Cette proposition est adoptée. Les commissaires sont nommés. Ils se retirent un moment, et bientôt ils reviennent apporter le projet d’arrêté qui suit et qui est unanimement approuvé : « L’Assemblée, interprète de la nation, déclare que M. Necker, ainsi que les autres ministres qui viennent d’être éloignés, emportent avec eux son estime et ses regrets. « Déclare qu’effrayée des suites funestes que peut entraîner la réponse du Roi, elle ne cessera d’insister sur l’éloignement des troupes extraordinairement rassemblées près de Pans et de Versailles, et sur l’établissement des gardes bourgeoises. « Déclare de nouveau qu’il ne peut exister d’intermédiaire entre le Roi et l’Assemblée nationale. 230 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1789. j « Déclare que les ministres et les agents civils et militaires de l’autorité sont responsables de toute entreprise contraire aux droits de la nation et aux décrets de cette Assemblée. « Déclare que les ministres actuels et les conseils de Sa Majesté, de quelque rang et état qu’ils puissent être, ou quelque fonction qu’ils puissent avoir, sont personnellement responsables des malheurs présents et de tous ceux qui peuvent suivre. « Déclare que la dette publique ayant été mise sous la garde de l’honneur et de la loyauté française, et la nation ne se refusant pas d’en payer les intérêts, nul pouvoir n’a le droit de prononcer l’infâme mot de banqueroute , nul pouvoir n’a le droit de manquer à la foi publique sous quelque forme et dénomination que ce puisse être. « Enfin l’Assemblée nationale déclare qu’elle persiste dans ses précédents arrêtés, et notamment dans ceux du 17, du 20 et du 23 juin dernier. « Et la présente délibération sera remise au Roi par le président de l’Assemblée, et publiée par la voie de l’impression. « L’Assemblée arrête de plus que M. le président écrira à M: Necker et aux autres ministres qui ont été éloignés, pour les informer de l’arrêté qui les concerne. » On demande que la séance soit continuée, afin que l’Assemblée puisse être à portée d’être instruite de tous les événements, pour prendre les délibérations que les circonstances exigeront. D’autres membres représentent que la longueur de la séance ne permet pas à M. le président de se tenir continuellement à son poste; qu’il convient que l’Assemblée se nomme un vice-président qui, en l’absence du président, en remplira les fonctions. Cette proposition est adoptée. Les membres de l’Assemblée se retirent dans leurs bureaux respectifs pour élire un vice-président. Le résultat du scrutin est en faveur de M. le marquis de Lafayette, qui réunit la majorité des suffrages. Il a été proclamé vice-président au milieu des applaudissements de toute l’Assemblée. M. le marquis de Lafayette s'approche du bureau. Messieurs, dans un autre moment je vous rappellerais mon insuffisance et la situation particulière où je me trouve ; mais la circonstance est telle que mon premier sentiment est d’accepter avec transport l’honneur que vous me faites, et d’en exercer avec zèle les fonctions sous notre respectable président, comme mon premier devoir est de ne me séparer jamais de vos efforts pour maintenir la paix et consolider la liberté publique. (On applaudit .) La délibération est suspendue à onze heures et demie, sans cependant que la séance soit levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE FRANC DE POMPIGNAN, ARCHEVÊQUE DE VIENNE. Séance du mardi \\ juillet 1789. L’Assemblée, qui n’avait point levé sa séance, a repris ses délibérations à 9 heures du matin. On a proclamé les noms de tous les membres qui avaient été élus pour former le comité des finances, et dont la liste suit : Comité des finances. M. le Président a annoncé, comme un fait positif, quoiqu’il ne le tînt pas des nouveaux ministres qu’il a déclaré n’avoir point vus, que les arrangements pris par M. Necker, pour donner à l’Assemblée tous les renseignements et lui communiquer tous les papiers relatifs aux finances, subsistaient toujours ; qu’à cet effet il allait être établi un vaste dépôt à l hôtel de la guerre, et que les commissaires ou l’Assemblée ne demanderait pas une seule communication qui ne leur fût donnée. On reprend la discussion de la motion faite il y a quelques jours par M. le marquis de Lafayette, tendant à ce qu'on mette la déclaration des droits de l’homme à la tête de la constitution. Celte motion est longtemps débattue. Les uns