®18 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1791.] M. Ulry. Je propose de soumettre aux patentes les seuls marchands de vins, limonadiers, aubergistes et autres de cette espèce compris en l’article 13 du projet du comité, et de faire payer en outre à ces mêmes personnes ainsi qu’à tous les citoyens de l’Empire qui sont aisés, 2 sols pour livre de leur loyer, jusqu’à 600 livres. (Murmures.) M. Oérard. Vous avez décrété le 27 janvier 1790 que tous les ci-devant privilégiés payeraient leurs boissons au même taux que les autres citoyens; en conséquence, je demande sur cet article la question préalable et le rapport du décret. On ne doit pas mettre d’imposition sur les boissons ; si on en met, il faut les mettre sur les gens puissants, au lieu que ce sont les gens de la dernière classe qui payeraient ces impôts ; c’est injuste. M. d’André. Monsieur le Président, je prétends que si les personnes qui réclament ici pour les propriétaires avaient bien réfléchi et bien examiné ce que M. Defermon vous a présenté, elles ne mettraient plus de difficulté à cet article, puisqu'il est vrai que l’impôt qu’on nous demande n’est autre chose qu’un impôt indirect dont on se prévaudra sur les consommateurs. Je suis d’un pays où l’on vend le vin en détail, et je sais que si vous admettez une exception pour le propriétaire qui vendra en détail, il n’y aura plus de droit; car ce seront toujours des propriétaires qui vendront en détail. Quand un propriétaire aura vendu son vin, il eu achètera d’autre et vendra ainsi toute l’année. Comme vous ne voulez pas, avec grande raison, de visites domiciliaires, il sera impossible de vérifier si c’est toujours son vin qu’il vend. Un cabaretier achètera 5 à 6 arpents et, sous ce prétexte, il vendra 10,000 pièces de vin. Ainsi donc, je m’oppose à tous ces amendements; ils ne tendent qu’à détruire l’impôt. D’ailleurs, il n’y a aucun propriétaire qui, au moyen de 3, 6, 9 ou 12 livres, ne fasse la vente de son vin. (La discussion est fermée.) M. d’AIlarde, rapporteur. Le comité propose d’ajouter à l’article ces mots : « Sont exceptés de la présente disposition les cultivateurs qui vendent ou achètent des grains, bestiaux ou fourrages. » Plusieurs membres réclament la première rédaction. M. d’AIlarde, rapporteur. J’avais qensé que le mot cultivateur comprenait tout; mais on peut, s’il n’y a pas de difficulté, y ajouter celui de propriétaire. On dirait alors : « Les propriétaires et cultivateurs qui vendront des blés, grains, fourrages et bestiaux, ne sont point compris dans cet article. » M. Malouet. Cette rédaction me paraît très vicieuse ; car le rapportenr n’exceptaot que les grains, les bestiaux, les fourrages, il en résulterait que le propriétaire ne pourrait pas vendre ses vins en gros, ni ses bois, ni ses autres denrées. Je demande que l’article soit ainsi terminé : « Et néanmoins ne pourront être soumis au droit de patente tous les propriétaires et cultivateurs pour la vente de leurs denrées et productions, autres que les vins et boissons vendus en détail. » M. d’AIlarde, rapporteur. J’adopte la rédaction de M. Malouet. M. Perdry. Je demande que l’Assemblée s’explique clairement; les cultivateurs, chez moi, achètent tous les jours des bestiaux pour manger leurs regains, et puis ils les revendent. Je demande si l’Assemblée exige que ces cultivateurs-là prennent des licences. (Murmures.) M. Rœderer, rapporteur. L’article, tel qu’il est rédigé, lève toutes les difficultés; car 11 exempte les propriétaires et les cultivateurs non seulement sur leurs denrées et productions, mais indéfiniment sur leurs bestiaux. Il n’importe, quelle que soit la cause pour laquelle on leur accorde la franchise, dès qu’on leur permet de vendre en franchise leurs bestiaux, à tel titre qu’ils les possèdent. Voici donc l’article tel que je le propose : « Sont exceptés de la disposition de ces articles, les cultivateurs et propriétaires pour la vente de leurs bestiaux, denrées et productions, autres néanmoins que les boissons qui seraient veodues à pinte ou à pot. » (Gette addition est adoptée.) L’article est décrété comme suit : Art. 7 (art. 8 du projet). « A compter du 1er avril prochain, il sera libre à tout citoyen d’exercer telle profession, art ou métier qu’il trouvera bon, après s’être pourvu d’une patente, et en avoir acquitté le prix suivant les taux ci-après déterminés, et à la charge de se conformer aux règlements qui pourront être faits. Ne seront assujettis à se pourvoir de patentes, les propriétaires et cultivateurs pour la vente de leurs bestiaux, denrées et productions, excepté le cas où ils vendraient leurs boissons en détail à pinte ou à pot. » Les articles suivant sont décrétés dans ces termes : Art. 8 (art. 9 du projet). « Tout particulier qui voudra se pourvoir d’une patente, en fera, dans le mois de décembre de chaque année, à la municipalité du ressort de son domicile, sa déclaration, laquelle sera inscrite sur un registre à souche. Il lui eu sera délivré un certificat qui contiendra son nom et la valeur locative de son habitation. Il se présentera ensuite chez le receveur de la contribution mobilière, auquel il payera le prix de la patente, suivant le taux ci-après fixé; ce receveur lui en délivrera quittance au dos du certificat; et sur la représentation du certificat et de la quittance, qui seront déposés et enregistrés aux archives du district, il lui sera délivré, au secrétariat du directoire, la patente pour l’année suivante. « Les déclarations, certificats, quitiances et patentes seront sur papier timbré, et conformes aux modèles annexés au présent décret. Art. 9 (art. 10 du projet). « Ceux qui voudront exercer une profession, art et métier quelconque pendant la présente année, seront tenus de se présenter à leurs nm-nicipalités avant le 1er avril prochain, et de rem- [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1791.] 219 plir les formalités prescrites par les articles précédents. « La jouissance des patentes, qui leur seront délivrées, commencera au 1er avril prochain, et les prix en seront fixés aux trois quarts des patentes, qui, dans la suite, seront accordées pour une année. Art. 10 (art. 11 du projet). « Les particuliers qui, dans le courant d’une année, désireront se pourvoir de patentes, en auront la faculté en remplissant les formalités prescrites par l’article 8, et en acquittant le droit pour le restant de l’année, à compter du premier jour du quartier dans lequel ils auront demandé les [latentes. » M. «TAIlarde, rapporteur , donne lecture de l’article 12 du projet de décret, concernant la fixation du montant des patentes. M. Aubry du Bochet. Votre comité, Messieurs, élève le produit du droit de patente à 12 millions; mais il est probable qu’il ne l’a pas calculé à sa juste valeur; il a craint de paraître vouloir vous flatter. Moi, qui suis le médecin tant mieux, je crois qu’en cavant au plus bas, il montera à 52 millions. Je divise les commerçants du royaume en cinq classes, comme les villes ; et, sans fixer aucun maximum, je propose d’amender ainsi l’article 12 : « Le prix des patentes annuelles pour tous les commerces, arts, métiers et professions est fixé, sous les exceptions ci-après, à raison du prix du loyer ou de la valeur locative de l’habitation de ceux qui les demanderont et dans les proportions suivantes : « Les premiers vingt livres de loyer payeront 5 livres; au-dessus et jusqu’à 400 1. 2 s. par livre; depuis 400 jusqu’à 800 1. 2 s. 6 d.; et, au-dessus de 800 livres jusqu’à telle somme que ce soit, 3 sols par livre. » Je propose ensuite d’amender ainsi un des articles suivants, le 17 : « Pour les particuliers qui voudront réunir à leur commerce, métier ou profession la faculté d’exercer les professions de marchand de vin, etc..., le prix des patentes sera fixé : « Savoir: 15 livres sur les premiers cent livres de loyer, et 3 sols pour livre du prix du loyer excédant jusqu’à 400 livres; 3 s. 6 d., depuis 4Ü0 jusqu’à 800 livres; et 4 s. 6 d. au-dessus de 800 livres, à quelque somme que puisse s’élever le prix du loyer. » D’après ces bases, le droit de patente que vous avez décrété produirait 34 à 35 millions, déduction faite du tiers abandonné aux municipalités. Ainsi vous pouvez abolir à l’instant tous droits à l’entrée des villes. Je me résume et je demande que le projet de décret que j’ai eu l’honneur de vous proposer (1) et dont vous avez ordonné l’impression, soit mis à la discussion aussitôt après celui qui vous occupe aujourd’hui. M. Malouet. Si les observations et les calculs du préopinant sont exacts, leur résultat est un de ceux que je cherche à vérifier, et je demanderais d’abord que le comité d’imposition voulût bien s’expliquer sur ces calculs. Je voudrais que �1) V°yez ci-dessus, séauce du 11 février 1791, page la proportion du prix de loyer fût graduée, ainsi que le propose M. Aubry, suivant les différentes villes et les classes dans lesquelles elles ont déjà été fixées. Mais ensuite je voudrais que la taxe, le droit de patentes fût a issi gradué à raison de la nécessité, de l’utilité ou de la moindre utilité de toutes les professions. Je ne trouve pas juste que l’ouvrier d’une profession de luxe ne supporte pas un droit plus considérable que celui d'une profession nécessaire. M. Rœderer. Ce que nous vous proposons remplit absolument les vues de M. Aubry, qui ont longtemps occupé le comité et qui ont été prises en considération par lui. Quant à l’observation de M. Malouet, nous avons cru que des intérêts plus grands devaient céder devant les intérêts qu’il vous présente. Le graud intérêt est celui de dissoudre les corporations d’arts et métiers ; elles présentaient de grands inconvénients politiques et de très grands inconvénients économiques; de grands inconvénients politiques, comraires à l’esprit de la Constitution, en ce que ces corporations tendent à diviser les citoyens, à les opposer les uns aux autres par des intérêts particuliers; des inconvénients économiques, en ce que ces corporations peuvent augmenter le prix des consommations et diminuer le salaire des ouvriers. En ce qui concerne l’observation de M. Aubry de distinguer le prix des patentes par l’importance et par la population des villes, le comité a pourvu à cet objet en n’imposant que les loyers. Le comité, au surplus, a cherché à dissoudre les corporations, à procurer des travaux à tous les ouvriers et à faire baisser la main-d’œuvre par une concurrence nombreuse. M. Malouet. Je conviens du danger des corporations ; mais j’observe que la graduation des patentes, suivant la plus ou moins grande utilité des professions, n’a rien de commun avec leur destruction. M. de Boufflers. La graduation du prix des patentes surle loyer a l’inconvénient de faire payer au plus pauvre ouvrier autant qu'au plus riche, puisqu’il faut moins de logement à un riche orfèvre qu’à un pauvre charron. M. Chastenet de Puységur. Il est des arts, qui sans donner beaucoup de profits, exigent cependant des emplacements, des loyers fort chers. M. d’AIIarde, rapporteur. Le comité a pris pour base les 4 millions et demi de citoyens actifs répandus dans le royaume, ce qui donne à peu près 1 million de citoyens actifs non sujets au droit de paten'e. L'Assemblée pourrait cependant fixer un minimum du droit de patentes de 15 livres par exemple, et fixer le maximum à 500 livres. M. Aubry du Bochet. Point de maximum ; ce serait encourager à faire des compagnies d’industrie. M. Populus appuie l’opinion de M. Aubry. M. liavie. Je demande qu’on assujettisse à un minimum les ouvriers qui exercent une profession dans un hôtel.