594 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ie* juillet 1790.] selon leur classe, sans priver même de ce traitement les agrégés à place fixe dans les paroisses. Les charges spirituelles de ces bénéfices, c’est-à-dire les services religieux, tels que des messes ou autres offices ou fonctions sacerdotales, en tels ou tels lieux, en tel ou tel temps, ou même de simples prières de la part des ecclésiastiques titulaires, doivent être, ou continuées, ou réduites, ou compensées selon qu’il sera jugé plus convenable par les évêques diocésains, sur les instructions et demandes des assemblées administratives, ainsi que des patrons eux-mêmes. Il en doit être de même de toutes fondations particulières dont l’exécution peut intéresser les familles, mais qui ayant été reçues par l’Eglise et décrétées par elle, sont hors de leur patrimoine. Quant aux chapelles ou oratoires privés et clos dont le service est tout libre, ou bien les services religieux, non homologués ou décrétés par l’Eglise, c’est la seule exception que les règles canoniques et les décrets de l’Assemblée nationale nous aient permis de faire en faveur des citoyens qui, dans ce cas, ne sont ni patrons ni colla-teurs. Reste à observer que, depuis l’impression de notre premier rapport, l’Assemblée nationale a rendu deux décrets, l’un portant suppression de tous bénéfices, hors les évêchés et les curés qu’elle a soumis aux élections; et l’autre portant obligation à tous corps et particuliers, possesseurs de biens ecclésiastiques, d’en faire leurs déclarations, sans excepter l’ordre de Malte ; cela a dérangé beaucoup la forme de notre premier projet, et il a fallu le corriger et remplacer par celui qui suit: PROJET DE DÉCRET. Art. 1er. L’Assemblée nationale décrète que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, comprend, parmi ces biens, tous ceux qui dépendent des bénéfices, églises et chapelles, dont le titre ou la fondation a été spiritualisée par l’autorité épiscopale, ou qui seraient devenus d’un usage général, public et libre, quoique la présentation de leurs titulaires ecclésiastiques, ou même la pleine collation, ait été accordée à leurs fondateurs et à leurs héritiers ou autres. Art. 2. La disposition de l’article précédent s’applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l’Eglise, quels que soient les services religieux qu’elles aient imposés et de quelques clauses et conditions dont elles aient été accompagnées, même de celle qui porterait la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par l’Assemblée nationale, n’exceptant le présent décret que les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées telles par titre et possession. Art. 3. En conséquence, l’Assemblée nationale décrète que tous bénéfices, places, chapelles, prébendes, canonicats, dignités, chapitres et autres établissements ecclésiastiques, pour l’un et l’autre sexe, qui sont à la présentation, nomination ou collation, soit du roi, soit de particuliers, patrons ou collateurs, sont et demeurent supprimés, à l’exception des bénéfices-cures, lesquels seront, à l’avenir, exempts de la présentation ou collation de patrons et autres, pour être soumis à l’élection dans la forme commune et générale des élections à toutes les cures du royaume. Art. 4. Les biens des bénéfices en patronage laïque ou à pleine collation laïcale dont la suppression vient d’être décrétée, seront administrés, comme tous les autres biens ecclésiastiques, aux termes des décrets des 14 et 20 avril dernier, sauf aux patrons et collateurs laïcs qui prétendront se trouver dans une exception particulière, de produire leurs titres et leurs actes possessoires aux assemblées administratives qui les jugeront d'après les règles tracées par le présent décret. Art. 5. L’Assemblée nationale décrète qu’en exécution tant des précédents articles que de tous les autres qui forment constitutionnellement une représentation nouvelle du clergé, les assemblées de départements et de districts respectivement se concerteront avec les évêques diocésains, et même, le cas échéant, avec les patrons et collateurs laïques, pour l’acquittement des charges spirituelles, fondées et attachées aux biens dont l’administration a été confiée auxdites assemblées, à quoi il sera procédé de telle manière que l’on conserve des charges et fondations toutes celles dont l’acquittement ou l’exécution tourne évidemment au plus grand bien de la religion, des mœurs et de la nation. Art. 6. Les titulaires et possesseurs actuels des bénéfices et autres établissements supprimés dans les termes de Tarde 3 ci-dessus, et parmi lesquels sont compris les filleuls et agrégés à place inamovible dans les paroisses, auront le même traitement qui a été acordé par l’Assemblée nationale aux autres titulaires dont les bénéfices à patronage ou collation ecclésiatique sont déjà supprimés, chacun selon la classe de son bénéfice ou de sa place, et le montant de ses revenus ecclésiatiques. M. Aoys. Avant de passer à la discussion, je demande que M. Durand de Maillane donne lecture du rapport dont vous n’avez entendu aujourd’hui que la suite. M. Mouglns de Roquefort. Ce rapport à été distribué depuis assez longtemps pour que tous les députés en aient pris connaissance. Je demande qu’ou passe à la discussion afin de ne pas perdre un temps précieux. M. Durand de Maillane donne une nouvelle lecture de l’article 1er. M. Andrien. Votre décret du 2 novembre et autres subséquents ayant ordonné la vente des biens ecclésiastiques, il est important de déterminer les signes auxquels ces biens pourront être reconnus. Ce n’est pas par leur application au service religieux qu’on peut décider qu’ils sont ecclésiastiques. Ils sont laïcs, quand la dotation a été faite sans le concours de l’Eglise. Dans ce cas, le propriétaire peut toujours disposer du revenu, puisque seul il a droit de nommer au bénéfice, puisque le droit commun a interdit aux écciésiastiques le pouvoir de substituer quelqu’un à la place de celui que le propriétaire a nommé. Il était d’usage, j’en conviens, de faire intervenir l’autorité ecclésiastique, non seulement dans les fondations purement laïcales, mais même dans les pactes de famille, dans les transactions. N’est-ce pas faire un acte de propriété, [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er juillet 1790.] que de nommer des desservants sans le concours et la participation de l’Eglise? En prenant pour exemple l’institution des chapelles dans différents châteaux, peut-on douter que le fondateur ait eu l’intention de se procurer, à lui et à sa famille, la faculté d’assister au service divin? D’après ces réflexions, voici le projet de décret que j’ai l’honneur de vous soumettre : « L’ Assemblée nationale déclare que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, ne comprend par ceux qui dépendent des fondations en pleine collation laïque. » M. Treilhard. Lorsque vous avez décrété les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation, vous avez différé de prononcer sur les fondations laïques, non pas parce que vous croyiez qu’elles dussent être exceptées, mais parce que vous vouliez qu’elles soient discutées séparément. Il est venu ce temps où l’on doit traiter cette question plus importante par son objet que par ses difficultés. Le projet qui vous a été présenté par votre comité me paraît reposer tout à la fois sur les bases de la prudence et de la justice. Pour établir mon opinion, permettez que je fixe votre attention sur l’origine des patronages. Ils étaient inconnus dans les premiers siècles de l’Eglise; mais lorsque la discipline, qui en faisait la gloire, commença à s’affaiblir, les ministres ne se regardèrent plus comme étrangers aux soins temporels, et les titres de bénéfices furent recherchés. Bientôt le droit de présenter le sujet à l’évêque diocésain fut accordé au fondateur, et cet abus finit par devenir transmissible de père en fils. J’avoue que tant que les règles de l’élection ont été méconnues, les inconvénients n’ont pas été bien graves; car le choix des uns n’était pas plus dangereux que celui des autres. Il s’agit ici de fondations acceptées par l’Eglise, et non de fondations domestiques. La nation n’a aucun droit sur celles qu’un décret de l’Eglise n’a pas acceptées. Les patronages et collations laïques peuvent être envisagés sous trois points de vue : l’administration des biens, la manière de pourvoir aux bénéfices, et la clause des fondations. A l’instant où le peuple sera saisi du droit de nommer ses ministres, où le peuple redemande la pureté de l’ancienne discipline, il est constant que les patronages et les collations laïques ne peuvent être réclamés. C’est un usage contraire à l’ordre public. Il est sensible que tous les bénéfices ne doivent être remplis que de la même manière. Ici s’appliquent les principes consacrés par le décret du 2 novembre. Le titulaire ne peut pas plus être propriétaire que les autres; c’est toujours à la décharge de la nation que les fondations ont été faites : il n’y a aucun prétexte pour les soustraire à l’exécution de vos décrets. En disposant des biens, la nation reste grevée des charges : il n’y a rien de plus juste. Aussi le comité a-t-il eu soin de vous proposer un article qui porte cette disposition. L’éducation publique, le soin des pauvres, rien ne sera négligé; jamais l’intention des fondateurs n’aura été plus respectée qu’elle le sera dans l’avenir; elle a été outragée lorsque les revenus passaient dans les mains de commenda-taires inutiles, lorsqu’ils étaient dévorés par des titulaires oisifs qui affichaient partout le scandale et le faste. Vous aurez suivi l’intention des fondateurs, lorsque vous aurez salarié honnêtement des ecclésiastiques respectables, dont chaque jour sera marqué par de nouveaux services. On 595 remplit l’intention littérale du fondateur, quand cela est possible. Fixez vos regards sur ces anciennes fondations, et voyez si elles sont utiles. Elles étaient appliquées à des ordres militaires, pour combattre des infidèles que nous devons laisser en paix; à des établissements pour guérir des maladies dont le nom est inconnu; à des religieux inutiles, que vous avez détruits. Qu’avez-vous fait ? Une foule de malheureux ecclésiastiques languissaient dans la misère et vous les avez soustraits à la misère. Des ateliers de charité, établis pour des personnes de tout sexe, vont offrir aux pauvres des moyens de subsister avec aisance; et certes, l’intention des fondateurs est respectée. Le fondateur a voulu ce qui était bon alors; il a voulu que sa fondation fût perpétuelle, parce qu’il a jugé qu’elle serait toujours également utile. C’est cette intention principale qu’ii ne faut pas perdre de vue; celui qui a fondé une église a voulu honorer la divinité, et pour être plus sûr du sujet, il s’en est réservé la nomination ; mais si la fondation est devenue inutile et le titulaire un objet de scandale, supprimez la fondation, et vous remplissez évidemment l’intention du fondateur. On oppose aussi des clauses de réversion ; quelques fondateurs ont prévu le cas où leurs établissements devaient cesser d’être utiles, et ils ont voulu alors qu’ils cessassent d’exister; mais, sans doute, ils n’ont pas voulu prévoir celui où les représentants de la nation assemblés pour établir un nouvel ordre de choses, se mettraient à la place du fondateur, et appliqueraient leurs libéralités pour le plus grand bien de l’état et de la religion. Supprimez les établissements inutiles, et dotez les ministres utiles : vous avez rempli l’intention des fondateurs. Vous faites en un instant plus de bien qu’ils n’en ont fait en plusieurs siècles. Qu’on ne m’oppose pas des clauses inutiles, qu’ou ne cherche point à éluder les principes, sous prétexte que le fondateur se plaint au bout de dix siècles que la fondation n’est pas remplie. Je demande que le projet de décret du comité soit mis aux voix. M. Delandlne. Le rapport de votre comité ecclésiastique sur les patronages laïques offre sans doute des vues dignes de compléter son travail sur l’organisation du clergé. Les principes en sont justes et tiennent à l’intérêt général; mais toute justice trop rigoureuse devient quelquefois une injustice, et le bien lui-même, pour s’opérer et se soutenir, nedoit-ilpas souventse garder de paraître extrême ? En adoptant plusieurs bases du rapportée crois que l’une d’elles ne porte pas sur un fondement solide; en admettant ses résultats, je peose que l’un d’eux mérite une plus grande extension, et que sans elle il nuirait à un grand nombre de citoyens sans servir beaucoup à l’utilité publique; je veux parler des prébendes familières et des simples commissions de messes. Lorsque l’Assemblée a ordonné la suppression de plusieurs bénéfices, lorsqu’elle a réglé la forme de l’administration des autres, un premier aperça émané de sa justice, le premier sentiment de la raison, et c’est toujours celui-là qu’il faut écouter, lui Fit formellement distinguer les patronages laïques, et depuis elle a renvoyé sa décision sur cet objet à un examen particulier; mais dans ces patronages de fondation laïcale, il en est de plusieurs genres; votre décision ne peut donc être la même pour tous. Plusieurs diffèrent dans leurf 596 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1®»“ juillet 1790.] but, dans leur objet, on ne peut donc les placer dans le même rang; plusieurs enfin offrent diverses conditions dans la donation, un hommage plus ou moins entier à l’Eglise; ils ne peuvent donc lui appartenir tous au même titre et se trouver confondus dans une même disposition. Je sais que l’article 2 du projet de décret qui vous est présenté excepte de sa disposition les fondations non spiritualisées et laïcales, justifiées par titre et par cession; mais cette exception est insuffisante, ou du moins ne porte pas avec elle la juste application qu’elle doit avoir. En effet, le rapport ne paraît pas avoir assez évidemment distingué dans les bénéfices de patronage laïque ceux qui donnent tout à la fois à l’Eglise la propriété et l’usufruit des immeubles qui forment le bénéfice de ceux dont on a offert le simple hommage, accepté par l’évêque, mais dont l’usufruit éventuel est conservé aux familles. Votre sagesse, Messieurs, est sans doute bien éloignée de les céder à l’Etat au détriment des droits des particuliers. Que l’on distingue donc ces deux sortes de patronage; ils méritent toute votre attention. Plus de cent mille familles dans le royaume, et surtout ma province entière, sont attentives à votre décision, et sont rassurées par votre justice. Les bénéfices de patronage laïque qui confèrent tout à la fois à l’Eglise la propriété, l’usufruit et l’usage, qui ne conservent aux collateurs que l’honorifique droit de collation, acceptés par l’évêque et spiritualisés par son autorité, sont devenus dès lors d’un usage général, public et libre. Ceux qui en sont pourvus doivent d’ordinaire être clercs. Les patrons n’ont que le droit de faire agréer le prêtre de leur choix au supérieur ecclésiastique. Ces bénéfices furent évidemment destinés par la bienfaisance religieuse au culte national et à l’entretien de ses ministres ; aussi, dès que la nation se charge des dépenses de ce culte sacré, de l’entretien des ministres dont elle a jugé la conservation utile, ces biens, ces patronages tombent nécessairement dans sa disposition. Tels sont les canonicats de beaucoup ne collégiales ; tels sont en particulier tous ceux du chapitre de Montbrison, capitale de la province que je représente : une foule d’abbayes, de prieurés, de chapellennies perpétuelles se classent dans cette division ; c’est à ces bénéfices que le principe sur lequel est fondé le rapport, res uni - versitati , resnullius , est applicable : les immeubles consacrés au bien général n’appartiennent plus à personne, ils n’appartiennent qu’à la grande famille; ils ne peuvent servir que de liens a cette charité fraternelle entre tous les citoyens, et qui est le plus digne hommage à celui qui régit invisiblement les empires et leurs nombreux habitants; ils servent, pour ainsi dire, de pacte d’union entre la terre et le ciel, entre l’homme et Dieu. Ce principe ne peut plus s’appliquer à une autre espèce de patronage laï iue, à celle qui n’a pas consacré à la religion une propriété entière, c’est-à-dire un domaine direct, utile et complet, par la confusion de cette propriété avec l’usufruit et l’usage. Par le titre de fondation de ces bénéfices, le patron primitif, en faisant don à l’Eglise d’un immeuble, en a réservé aux siens l’usufruit et la jouissant e éventuelle. Telles sont les prébendes familières en commissions de messes, et quelques chapellenies particulières. Gesootplutôtde simples rentes foncières établies par les fondateurs sur quelqu’une de leurs propriétés, que de véritables bénéfices. Ces prébendes, ces chapelles doivent être possédées préférablement par les clercs de la famille. Ce sont des ressources utiles que des hommes pieux et opulents ont trouvées dans leurs fortune immobilière, pour aider à la fois le culte public, sans priver ieurs descendants d’une jouissance légitime. Ces bénéfices reposent donc privativement sur les clercs de leur descendance, sur leurs arrière-petits-neveux, sur leurs enfants ou sur les fils de leurs enfants, filiation précieuse qui attache l’homme bienfaisant d’un côté à son créateur, de l’autreaux soins desa postérité; fondation généreuse, qui apprend à des fils à bénir, au pied des autels, et le Dieu qu’ils servent, et l’ancêtre respectable qui a pris soin de leur état, de leur bonheur. Gomment, Messieurs, pourriez-vous confondre avec les autres bénéfices une propriété dont on s’est réservé cet usufruit, un don auquel le fondateur attacha une condition, sans laquelle il n’eût pas été généreux? Gomment arracher une jouissance qui est la ressource des familles nombreuses, des familles pauvres, des familles de toutes les classes, une jouissance enfin d’autant plus chère, d’autant plus sacrée, qu’elle est héréditaire, et qu’elle fut transmissible comme le gage de la piété et de la sollicitude paternelle ? Voyons enfin, Messieurs, quels sont les patronages laïques qui, outre l’usufruit éventuel conservé aux familles, leur en accordentencorel’usage fréquent et presque habituel? Ici paraît une institution utile, multipliée dans ma province, et qui y a produit, dans les rangs les plus obscurs, des hommes éclairés, et par conséquent de véritables citoyens. Le fondateur, en faisant hommage à l’Eglise de l’objet de sa fondation, en le consacrant à des messesou à d’autres religieuses attributions, n’a pas oublié que du moins il devait, avant tout, à ses enfants, à ses petits-enfants, les bienfaits de l’éducation. Il a prévu les cas où ses fils en auraient d’autres, où ils pourraient consacrer les revenus de la prébende, de la chapelle à cette juste destination ; où il serait prudent de détourner ces revenus des objets pieux pour satisfaire à un autre plus légitime. Plusieurs prébendes dans le Forez, et sans doute dans plusieurs autres provinces, laissent, par leur titre d’élection, la faculté aux collateurs, qui ont des enfants en bas âge, d’en appliquer le produit à les faire élever, sauf à la majorité de ces derniers, s’ils ne veulent pas être prêtres, de les concéder à un autre. Ces fondations eurent ainsi le but le plus touchant. Des hommes favorisés de la fortune, voyant de toutes parts les biens s'amonceler et disparaître dans les maisous, une alternative continuelle de richesses et de pauvreté dans les familles, cherchèrent à mettre leurs descendants à l’abri de ces affligeants revers ; ils voulurent du moins leur ouvrir un port dans le naufrage, et ce port fut une bonne éducation : ils pensèrent avec raison que si les biens ne donnent pas à l’homme plus de patriotisme, de couiage et de grandeur dame, cVst l’éducation seule qui lui apprend à sacrifier son intérêt propre à l’intérêt public, qui le reud citoyen, juste, ami éclairé de l’ordre, et utile à ses semblables; que c’est l’éducation qui constitue le bonheur de ceux qui l’environnent et le sien propre. En appliquant avec transport des champs fertiles à ces fondations respectables, ils offrirent l’image que, si leurs travaux constants avaient pu les feitiliser, léducation à son tour devait cultiver l’homme et lui faire produire de généreux fruits; fondations heureuses qui devinrent de nobles apanages des biens moraux, des vertus et de tous les bienfaits dont l’instruction nous fait jouir; substitutions plus respectables qu’aucune autre, qui s’étendeut sur les besoins de l’esprit, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er juillet 1790.J et que les fondateurs ont rendu inattaquables par Ja bienfaisance qui les a déterminées; et en les plaçant sous la garde de leur propre utilité, elles m’ont rappelé souvent ces établissements orientaux qui, au milieu d’une plage aride et sablo-neusis ont fixé un hospice consolant pour les voyageurs. Sur leur seuil est écrit d’ordinaire : Passant, souviens-toi que la vie elle-même n’est qu’un passage. Ainsi, au milieu de l’ignorance et d’incultes esprits, des patrons bienfaisants établirent des hospices de lumières et d’instruction dans leurs propres foyers ; et si la vie n’est qu’un passage, ils en rendirent du moins à leurs descendants le court trajet et plus doux et plus tranquille. Oui, Messieurs, ces intentions généreuses ont été remplies; les familles sont devenues pauvres; elles restent du moins éclairées. Souvent le père dénué de biens sourit aux progrès de ses fils; ces progrès sont pour lui des garants d’un retour à la fortune et d’un soulagement certain dans ses vieux jours. Pourrait-on lui ôter cet espoir consolateur, en mettant sa prébende dans la disposition de l’Etat; il faudrait donc lui enlever ses enfants; il faudrait plus: en lui ôtant lesmoyensde les enlever, il faudraitdonc,eommeàLacédémone, que l’Etat se chargeât de l’éducation des en fants des citoyens. Non, Messieurs, si ces fondations ne peuvent être conservées dans le régime futur de l’organisation du clergé, vous saurez les rendre à leur institution primitive : elles doivent être restituées aux familles après la mort de leurs titulaires. Ces familles payeront à la municipalité du lieu les frais du service dont ces prébendes se trouvent chargées. Ces frais, ces rentes foncières acquitteront d’autant les dépenses nécessaires à l’entretien des utiles pasteurs des campagnes, En rendant ainsi les simples prébendes familières aux collaleurs, vous procurerez à l’Etat deux grands avantages: le premier, c’est que ces biens, vendus à des cultivateurs qui travailleront pour eux-mêmes, deviendront plus féconds, et que l’agriculture générale s’enrichira de cette prospérité; le second, c’est qu’en obligeant plus le patron à faire ses enfants prêtres pour en jouir, vous ne donnerez à la religion que des ministres dont la vocation sera pure, et par conséquent digne d’elle. D’un autre côté, en restituant aux pères les fonds mis sous la garde de l’Eglise, et sur lesquels repose l’éducation de leur famille, ils en emploieront les fruits à apprendre à leurs enfants a maintenir la Gonstituiion, à bénir vos décrets et à les défendre jusqu’à la mort. M. Karrère ( ci-devant de Vieuzac) (1). Messieurs, c’est en rendant hommage aux grands principes politiquesque vous avez établis en cette matière que je viens attaquer l’opinion trop vague et trop générale de votre comité ecclésiastique. Vous avez posé une grande base, le jour où vous avez dit à la nation et à l’Eglise : il n'y aura plus de bénéfices. Ce genre d’institutions, soumise à une immensité litigieuse de lois et de règlements, devait disparaître devant cette grande vérité : il n'y aura plus en France que des ministres utiles et des fonctionnaires publics. Cette conception législative est grande, Messieurs, elle honore ce siècle, mais c’est aux bénéfices ecc é-siastiques appartenant à l’Eglise que vous devez (1) Nous empruntons le discours de M. Barrère au journal le Point du Jour, tome II, page 338. Ce discours a été omis au Moniteur. 597 vous arrêter. Car la propriété individuelle est un obstacle invincible pour le véritable législateur. Dans un moment où les hommes connaissent leurs droits, ils ne peuvent être conduitsque par des lois justes; ils ne peuvent obéir qu’à la justice des naiions, qui ne doit jamais être différente de celle des particuliers. Plusieurs objets se présentent à votre discussion : les patronages laïques embrassent les bénéfices-cures, des bénéfices simples, des chapelles et des preslimonies : les collations laïcaies attes-tent les mêmes genres de titres et d’établissements. Je commence par les patrons. Quant aux cures, soit qu’elles appartiennent à des patrons ou à des collateurs laïques, ce patronage et cette collation doivent disparaître devant le grand intérêt national. Il n’est plus possible qu’un particulier donne des fonctions politiques. Ces magistrats religieux, dénommés curés, ne peuvent être donnés à l’Église par des individus. Aussi je pense, avec vous, qu’un particulier n’a pu acquérir ni prescrire contre la nation le droit de conférer des pouvoirs publics. Il est temps que la nation retire des mains des patrons un pouvoir politique et moral, aussi important que celui des pasteurs. Il n’appartient qu’au peuple; et c’est un droit inaliénable, dont la nation reprend l’exercice. Je me plais d’autant plus, Messieurs, à publier ce principe, que je suis moi-même patron de plusieurs cures dans les Pyrénées, et j’ose croire qu’aucun possesseur de ce même droit, dans le royaume, ne démentira ni mes principes, ni mon opinion sur ce point. Je pense que la nation peut disposer de tout ce qui a reçu l’empreinte de l’autorité ecclésiastique, soit dans le patronage laïque, soit dans la collation laïcaie ; mais quant aux chapelles et presti-monies, à ces bénéfices simples, qui ont eu pour objet un service particulier, une famille individuelle, une éducation, une commission de messe, c’est autre chose. Je vois la grande, loi de la propriété entre l’Assemblée nationale et les patrons laïques; je vois la grande autorité des fondations particulières des établissements de famille, qui se soutient par la plus sacrée des lois, la propriété. Ici se présente la collation laïcaie qu’il ne faut pas confondre avec le patronage, car ils n’ont autre chose de commun, si ce n’est que le choix du titulaire ecclésiastique est également confié à des laïques. Mais il y a une grande différence, c’est que le patron laïque présente au collateur ecclésiastique gui confère, et que le collateur choisit et confère seul. Le patron donne une disposition à être pourvu, le collateur laïquedonne le titre et les provisions. En un mot, le pourvu, par le collateur, ne tient rien à l’Eglise. La collation laïque ne se défère dans aucun ordre qui approche de la hiérarchie, ou qui tient aux dernières règle canoniques. La possession de la terre suffit pour conférer. D’ailleurs les coutumes de Lorraine et de Nivernais disposent du droit de collation comme d’un droit patrimonial. La collation laïque n’a jamais reconnu la juridiction ecclésiastique, concernant le titre de cette espèce particulière de bénéfices. Les juges royaux connaissent du possessoire et du pétitoire de ce genre. Voilà donc des propriétés particulières auxquelles vous ne pouvez attenter, ou du moins sans indemnité; car votre déclaration des droits est l’arme que vous avez remise aux citoyens pour se prémunir contre les injustices du légis- 598 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lateur lui-même, s’il pouvait jamais en commettre. Mais il n’en est pas de même pour la collation immense du roi. Cette collation laïque est à la disposition de la nation, soit celle qu’il a Jure coronœ, soit celle comme étant aux droits des fondateurs particuliers. Ainsi je me borne à demander une exception pour ce qui n’est pas bénélice ecclésiatique dans le patronage laïque et à ce qui est de la collation laïque dans les mains des particuliers. Je finirai par invoquer votre humanité et votre justice pour les 'patrons indigents , à qui la loi canonique et la jurisprudence des cours adjugeaient la jouissance du tiers des biens et revenu des biens auxquels ils nommaient. Il est digne de vous de consacrer cette jurisprudence bienfaisante, et je l’invoque plus particulièrement pour quelques patrons pauvres, que je sais jouir, dans ce moment, de ce modique secours. M. Camus. J'ai demandé la parole, parce que l’article 1er me paraît renfermer des choses infiniment distinctes : le patronage laïque et le titre de pleine collation laïcale. Dans la pleine collation laïcale, le propriétaire ne donne point ses biens ; ils ne sortent pas de la main de ses représentants ; on n’a pas besoin de la provision de l’Église, au lieu que, dans le patronage laïque, un sujet ne peut être nommé sans l’intervention de l’évêque. Beaucoup de titulaires ont, par ignorance, laissé dénaturer leurs titres. Votre décret ne peut s’étendre qu’aux bénéfices à patronages laïcaux ; le reste est toujours dans la possession de la famille du donataire. On a dit ensuite que le décret s’étendait à tous les biens qui seraient devenus d’usage général : celte disposition est une matière à procès. Un propriétaire a une chapelle dans l’enceinte de son château ; si c’est un homme dur, elle ne servira qu’à sa propre commodité, et elle sera interdite à tout le monde. Si au contraire il veut procurer l’aisance des habitants du lieu, il aura ouvert sa chapelle à tout le monde, et l’on viendra lui dire : elle est d’un usage public, elle nous appartient comme à vous. Il est donc indispensable de retrancher de l’article cette disposition. Je demande qu’il soit fait des articles relatifs au patronage familier et à l’éducation des enfants. M. l’abbé Charrier, député de Lyon. En demandant la conservation des patronages laïques, je ne consulte point mon intérêt personnel, parce que quoique titulaire d’un bénéfice de ce genre, je l’abandonnerai volontiers, si l’intérêt de la patrie l’exige. Je désirerais que l’Assemblée nationale décrétât que son décret du 2 novembre ne s’étend pas jusqu’aux fondations spiritualisées. M. Rcgnaud, député de Saint-Jean-d’ Angely. D’après les réflexions des préopmants, il me reste peu de vœux à former, et je me borne à demander que les dispositions concernant les collations laïcales et le patronage familier, ainsi que les biens particuliers de l’ordre de Malte soient ajournées. M. Cegrand, député du Berry. Toute dotation faite à l’Eglise dépouille nécessarement le fondateur, et dans tous les cas oùil est dépouillé, la nation est propriétaire des biens. Le donataire a tellement perdu ses droits à la propriété, que si au bout de six mois il n’a pas fait sa nomination, un autre peut nommer à sa place. Je demande donc que le premier article soit décrété. [l«p juillet 1790.] M. Martineau. Je me bornerai à quelques observations infiniment simples. Votre comité a distingué les biens possédés à titre de bénéfices formant des biens ecclésiastiques, et par conséquent des biens nationaux, et les fondations qui n’ont point été érigées en titre de bénéfice. Je ferai une distinction plus simple : celle de l’objet du fondateur. 11 a eu en vue l’utilité publique ou son utilité privée. Dans le premier cas, il est clair que ce sont des biens nationaux : dans le second, c’est la propriété du particulier. Un propriétaire a établi dans son château (actuellement son habitation) une chapelle ; que cette chapelle ait été érigée en titre de bénéfice ou non, la fondation n’a pas changé; il l’a fait pour l’intérêt unique de sa famille. En Normandie, il y a des cures de collation laïcale. N’est-il pas de l’intérêt général que les sujets y soient nommés parla voie d’élection comme pour les autres cures ? Si les titulaires ont un traitement, n’est-il pas juste que leurs biens soient déclarés nationaux? l’intérêt public en fait une loi. En conséquence, je crois qu’il faut déclarer que les chapelles et chapitres claustraux seront retranchés des dispositions du 2 novembre. M. Durand de Maülane. G’est pour la première fois que j’entends dire que les collateurs ou patrons soient propriétaires des biens de la dotation. Il y a des lois expresses qui leur défendent d’y toucher. Dans tous les cas, votre comité vous a proposé ses vues ; il s’en rapportera à votre sagesse. (On demande à aller aux voix.) Plusieurs membres demandent que MM. Camus et Martineau présentent des articles qui répondent aux vues qu’ils ont développées. L’Assemblée décide qu’en attendant cette rédaction, l’ordre du jour sera interrompu. M. de Pardieu, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes : Lettre de M . Lapierre , chevalier de Saint-Louis. Monsieur le Président, Je vous supplie de vouloir bien mettresousles yeux de l’Assemblée nationale la déclaration ci-jointe, contenant ma rétractation de la délibération prise le 20 avril, dans l’église des pénitents, par les citoyens catholiques de Nîmes, que j'ai eu le malheur de présider ; de laquelle rétractation l’acte a été passé chez un notaire. Je suis avec le plus profond respect, etc. A Nîmes, le 20 juin 1790. Signé : Lapierre. L’acte de rétractation est daté du 19 juin 1790, passé devant M6 d’Arthac, notaire. Lettre des citoyens d'Uxès. Monsieur le Président, Les papiers publics nous font craindre un décret qui nous condamne à rendre compte de notre conduite, comme président et commissaires chargés de l’envoi de la délibération prise par les catholiques de cette ville le 2 du mois dernier. Entièrement soumis aux décrets de l’Assemblée nationale, nous sommes prêts à obéir à tout