728 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEiMEA’TAIRES. [13 septembre 1796.] d’établir pour la conservation de ses chasses seront reçus et assermentés par devant les juges du district, auxquels la connaissance des délits de chasse commis dans lesdits parcs, forêts et domaines qui seront réservés, appartiendra, conformément au décret du 22 juillet dernier, « Art. 9. Les peines ci-dessus ne pourront être prononcées que sur la réquisition du commissaire du roi, par les tribunaux du district du lieu du délit, et ce, d’après les rapports des gardes-chasse, ou la déposition de deux témoins. » M. Dauchy. Vous avez aboli les capitaineries et on vient encore vous proposer des lois particulières pour les chasses du roi. On vous propose de suspendre les droits de propriété. Je demande la question préalable sur tous les articles et voici ceux que je propose d’y substituer : « Art. 1er. Le roi, dans les parcs, forêts et autres biens domaniaux qui lui seront réservés, exercera pour la chasse le droit appartenant à chaque propriétaire. « Art. 2. Les possesseurs de biens enclavés dans ces domaines réservés jouiront de tous leurs droits, sans que la chasse du roi y puisse apporter aucune modification. » M. Tanjuinais. Je demande la question préalable sur les cinq derniers articles seulement. Mais en cas qu’ils soient tous rejetés, voici les questions que je propose de discuter : « Y aura-t-il diversité de peines pour les délits commis dans les chasses du roi? Y aura-t-il diversité de compétence pour les mêmes délits? » M. d’André. Je m’oppose à la question préalable et je demande qu’on aille aux voix article par article. M. Barrère fait lecture de l’article 1er. M. Tanjulnals. Je demande que les parcs soient clos de murs. M. Despatys, ci-devant de Courteilles. Il faut également que la hauteur des murs soit déterminée et que l’Assemblée statue en même temps sur le point de savoir si les frais de clôture seront à la charge du roi ou de la nation. Divers membres. Il n’est pas convenable d’imposer au roi une telle charge. M. Tellier. Cette mesure n’est pas contraire au vœu du roi, puisque, dans une de ses lettres à l’Assemblée, il a lui-même annoncé formellement qu’il était dan§ l’intention de faire clore. Après le zèle et l’abandon avec lesquels l’Assemblée a déjà fixé la liste du roi et lorsqu’elle se dispose encore à réserver pour ses plaisirs une étendue immense de terres et bois dont l’usufruit lui appartiendra exclusivement, je regarde comme infiniment juste de mettre la dépense de la clôture à la charge de l’usufruit, ou ce qui revient au même, de la liste civile, afin d’éviter encore les dettes de la nation. M. Brlllat-Savarin. La dépense de la clôture sera énorme et par suite la liste civile ne pourra faire face aux besoins du roi. M. Tellier. Je mets en fait que la dépense de clôture de la forêt de Fontainebleau ne dépassera pas 600,000 livres : le capitaine des chasses de cette forêt en a lui-même faille calcul. J’insiste donc sur mon amendement. (L’amendement est adopté.) Les articles 1, 2 et 3 sont ensuite décrétés en ces termes : « Art. 1er. Il sera formé dans les domaines et biens nationaux, qui seront réservés au roi par un décret particulier, des parcs destinés à la chasse de Sa Majesté, et ces parcs seront clos de murs, aux frais de la liste civile, dans le délai de deux années, à compter du 1er novembre prochain. « Art.. 2. Le roi pourra, pour la formation ou arrondissement de l’intérieur desdits parcs, y réunir, par voie d’échanges faits de gré à gré, les propriétés particulières qui y sont enclavées, en cédant des fonds faisant partie des domaines qui lui sont réservés. « Art. 3. Les échanges seront irrévocables après qu’ils auront été décrétés par l’Assemblée nationale et sanctionnés par le roi. M. Barrère, rapporteur, lit l’article 4. M. Lanjulnais. Je demande la division. (La division mise aux voix n’est pas adoptéé.) M. Tellier. Dans le second paragraphe, après les mots « faire détruire le gibier », je propose d’ajouter ceux-ci : avec des armes à feu. Cet amendement est adopté. En conséquence, l’article 4 est décrété en ces termes : « Art. 4. Il est libre à tous propriétaires ou possesseurs de fonds enclavés dans lesdits parcs, autres que ceux qui en tiennent du roi, à titre de ferme, de détruire ou faire détruire le gibier sur leurs propriétés seulement, et de la même manière qui a été réglée pour les propriétaires ou possesseurs de fonds dans les autres parties du royaume, par le décret du 21 avril dernier. « Et néanmoins, en attendant que les échanges soient consommés ou les clôtures faites, le droit de détruire ou faire détruire le gibier avec des armes à feu sera suspendu pendant le cours de deux années déjà prescrites pour tous propriétaires ou possesseurs des fonds enclavés, les jours seulement où le roi prendra en personne l’exercice de la chasse ; à l’effet de quoi le roi fera avertir la veille les municipalités, avant midi. * M. Barrère fait lecture de l’article 5. M. de Ta BeveiHère. Je demande la division de cet article et la question préalable sur la dernière partie. Il est impossible de reconnaître en France deux espèces de propriétés. M. Charles de Lainetli. J’appuie la question préalable; il ne peut y avoir deux caractères de propriété. La propriété de celui qui n’a qu’un arpent de terre est aussi sacrée que s’il avait 25 millions : ce serait aller contre les droits naturels que de vouloir faire une exception pour les domaines réservés au roi : il est facile de se montrer ami de la royauté quand il n’en coûte rien ; le meilleur gardien du roi c’est l’amour de son peuple ; te meilleur gardien de ses plaisirs c’est encore l’amour de son peuple. Quand tous les gens en sous-ordre auront fait oublier leurs vexations par une conduite plus humaine, vous verrez les citoyens aller au delà de votre décret et faire des sacrifices pour augmenter les plaisirs du roi. M. Brillat-Savarln. L’Assemblée nationale a préjugé qu’elle voulait prendre des précautions particulières pour les plaisirs du roi ; nous pro- 729 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [13 septembre 1790.] nonçons sur la seule jouissance qu’il se soit réservée* M. Cotti n. Je demande, sur cet article, un appel nominal, afin qu’on reconnaisse les amis de la liberté. M. Prieur. Tout le monde est d’accord que les clôtures sont sacrées; déjà une loi a été rendue à ce sujet. Si celte loi est insuffisante, il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article; si elle ne l’est pas, c’est le cas d’ajourner. (L’ajournement de l’article 5 et des articles suivants est mis aux voix et prononcé.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de plusieurs lettres dont voici des extraits : Lettre de M. de Rathsamhausen. « Ce député expose qu’ayant reçu ses pouvoirs de la noblesse d’Alsace, que la noblesse ayant été abolie par le décret du 19 juin, il regarde ses fonctions comme supprimées ; en conséquence, il donne sa démission. » Lettre de M. Guignard , en date du 13 septembre. « Les commissaires du roi m’ont instruit d’une scission qui a eu lieu parmi les électeurs du département des Landes. Les électeurs du district de Mont-de-Marsan et de Tartas protestent contre la nomination des administrateurs du département. La formation des autres administrations de l’intérieur du royaume est heureusement terminée. » Lettre du même, même date. « Les commissaires du roi au département du Gard, auxquels vous avez attribué des fonctions relatives aux troubles de Nîmes, demandent que cette attribution leur soit ôtée. » (Ges deux lettres sont renvoyées au comité de Constitution.) Lettre de M. de La Luzerne , en date du 13 septembre. « Le 1er de ce mois il y a eu des attroupements à Brest; l’elfervescence a été calmée par la conduite louable et ferme qu’ont tenue les officiers municipaux. Le 6, M. Albert ordonna de faire à bord des vaisseaux qui composent l’escadre la lecture du code pénal, décrété par l’Assemblée. Aussitôt les équipages se soulevèrent ; ils mirent les chaloupes en mer, et furent porter leurs réclamations à la municipalité. M. Albert a promis de faire parvenir à l’Assemblée nationale ces réclamations qui portent sur deux articles, et d’obtenir la suspension de l’exécution de ce code. Il est un autre article sur lequel il paraît prudent de prévenir les réclamations. Un décret a accordé aux gens de mer une augmentation de paye; mais plusieurs classes ont été oubliées. Les chefs de pièces, les timoniers, les premiers maîtres de vaisseaux à trois ponts, éprouvent d’après ce décret une diminution au lieu d’une augmentation ; il est important que l’Assemblée prenne cet objet en considération, pour ne pas fournir de nouvelles causes de mécontentement. » Du même , même date. « J’ai reçu de Saint-Domingue une lettre de M. Peignet, en date du 4 août. Les plus grands troubles régnent dans la colonie. M. Peignet se plaint de la défection d’un vaisseau de guerre qui faisait partie de la station : il demande, ainsi que M. Damas, des troupes de terre et de mer. Je reçois également des nouvelles de l’intendant des lies du Vent, que l’assemblée coloniale oblige de revenir en France, ainsi que plusieurs autres officiers de l’administration. » (Ges deux lettres sont renvoyées au comité de marine.) M. de llurinais. Je demande que l’Assemblée décrète que nulles municipalités et nuis corps administratifs ne pourront s’immiscer en rien de ce qui concerne l’armée navale. En rendant ce décret vous détruirez la cause des insurrections. M. GowpHIeau. Le préopinant n’a pas bien entendu la lettre de M. de La Luzerne; les premiers mots lui auraient fait sentir d’avance le peu de justesse de son observation. Le ministre dit : Et cette effervescence fut calmée par la conduite louable et ferme que tinrent les officiers municipaux. M. de Montcalni. U n’y a rien de mieux à faire que de passer à l’ordre du jour, en maintenant le décret que vous venez de rendre pour le renvoi de ces deux lettres au comité de marine. CL’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président. Le comité d’imposition est prêt à faire son rapport sur le revenu public provenant de la vente exclusive du tabac (1). M. Rœderer, rapporteur. Messieurs, votre comité de l’imposition s’est proposé les questions suivantes relativement à la partie du revenu public établi sur la consommation du tabac : 1° Quel est le régime établi pour la perception de ce revenu ? 2» Quels sont les effets de ce régime et de l’impôt lui-même sur la liberté et la propriété? 3° Est-il possible de remettre maintenant en vigueur le régime établi? 4° Serait-il à la suite aussi profitable au Trésor public qu’il était avant la Révolution ? 5° Entre les moyens proposés pour retirer un produit de la consommation du tabac, en est-il qui promette un revenu égal à celui des années passées, sans offenser la liberté et la propriété? 6° Enfin, si ce moyen n’existe pas, à quelles idées paraît-il convenable de s’attacher pour conserver un revenu quelconque sur la consommation du tabac ? PREMIÈRE QUESTION. Quel est le régime de l'impôt établi sur la consommation du tabac? L’idée de tirer une partie du revenu public d’une consommation que la fantaisie seule rend générale, et dont l’habitude seule fait une nécessité, paraît au premier aspect' fort simple, fort amie de la justice et de la liberté. G’est ce qui la fait défendre encore. Cependant cette idée, qui paraît si simple et si juste, n’a été exécutée que par des moyens très injustes, très vexatoires. Au fond, elle n’ëtait peut-être pas juste elle-même. (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur.