SÉANCE DU 11 VENDÉMIAIRE AN III (2 OCTOBRE 1794) - N° 39 221 supprimées; que le décret qui supprime les assemblées des quintidis soit rapporté. Elle invite la Convention à ne pas s’effrayer des menaces des conspirateurs; le nombre de vos amis, dit-elle, est plus grand que le leur : bravez la mort pour défendre les principes des droits des peuples ; il est là pour vous aider à les soutenir. Mention honorable, renvoyé aux trois comités de Salut public, Législation et Sûreté générale (54). Des buveurs de sang humain, dit l’orateur, forment un parti contre vous. Nous venons vous protester de notre entier dévouement à vos principes. La patrie est plus en danger que jamais; l’ombre de Robespierre plane encore sur vos têtes et sur les nôtres. Mais ne vous effrayez pas des menaces des conspirateurs : le nombre de vos amis est plus grand que celui de leurs partisans. La patrie n’a de salut que dans la propagation des lumières et la réunion des bons citoyens : l’intérêt général et particulier souffrent de la réduction des assemblées de section : rendez-nous nos assemblées des quintidis. Nous avons adhéré à la pétition de la société populaire séante à la salle électorale qui vous a demandé de restreindre les réquisitions à ce qui concerne l’approvisionnement des armées. Nous avons adhéré à l’arrêté de la section du Panthéon qui déclare infâme la pétition mendiée par l’intrigue à la société populaire de Dijon, et envoyée aux 48 sections de Paris, par la société des Jacobins. Nous avons déclaré que cette pétition ten-doit à l’avilissement de la représentation nationale ; qu’elle attaquoit directement le tribunal révolutionnaire, qui ne condamne plus les accusés sans les entendre, et l’institution sublime des jurés, qui ne prononcent que d’après l’impulsion de leur conscience; qu’on avoit voulu diviser la Convention par des dénominations de Montagne et de Marais, et qu’on vouloit substituer le règne de la terreur à celui de la justice. Nous résisterons à toute tyrannie, sous quelque forme qu’elle se présente. Nous ne croyons pas que : pour comprimer l’aristocratie, il faille égorger les hommes sans savoir s’ils sont coupables. Mettez les droits de l’homme à l’ordre du jour. Bravez la mort pour soutenir les principes : le peuple vous soutiendra (55). [Mettez les droits de l’homme à l’ordre du jour ; il est assez humiliant pour le peuple d’être obligé de vous faire cette demande. Rendez-nous nos assemblées des quintidis. Ne vous effrayez pas du nombre des ennemis de la justice; le nombre de vos amis est plus considérable que celui de leurs partisans : le peuple est là pour (54) P.-V., XLVI, 227-228. Ann. Patr., n” 640; Ann. R. F., n° 11; C. Eg., n° 775; Gazette Fr., n° 1006; J. Fr., n 737 ; J. Mont., n° 157; J. Paris, n° 12; J. Perlet, n“ 739. (55) J. Perlet, n 739. vous aider à le soutenir. Vive la Convention, vive la République!] (56) LE PRÉSIDENT : Rassurez-vous, citoyens, la Convention a juré d’anéantir les factions et les partis ; c’est en vain que les malveillans veulent rétablir la terreur; la Convention veut la justice ; elle saura la maintenir (57). La section Révolutionnaire présente son adhésion aux principes de la section du Muséum (58). 39 La section des Piques [Paris], invite les législateurs à donner au gouvernement révolutionnaire toute l’énergie que commandent les dangers de la liberté, à faire respecter les lois qui protègent les sociétés populaires, à jeter un regard sur les patriotes victimes de leur dévouement ou de l’erreur; à faire tarir les sources de l’agiotage, à favoriser le commerce, l’industrie, les arts, la morale et l’héroïsme, à surveiller les administrations des subsistances, à tranquilliser le peuple sur les comestibles et objets de première nécessité, à mettre un frein à la cupidité des marchands, à organiser les fêtes décadaires et l’instruction publique, à établir des arènes d’émulation à l’instar des jeux olympiques, à rendre aux sections leurs assemblées du quintidi. Toutes les sections, dit-elle, forment le rempart de la Convention nationale ; elles veulent le bonheur de la République démocratique, etc. Renvoyé aux trois comités de Salut public, Sûreté générale et de Législation (59). [. Adresse prononcée à la barre de la Convention, par la section des Piques, en masse ] (60) Législateurs, l’atmosphère politique est couverte de nuages, le tourbillon des vents annonce la tempête, et l’éclair, avant d’éclater, semble attendre le voeu du peuple, du peuple français, défenseur et proclamateur du droit des nations. Le danger commun est la pierre de touche du patriotisme et l’électricité des grands caractères. La section des Piques, étrangère à la flatterie, aux hommes de circonstances, comme aux (56) Ann. Patr., n° 640. (57) Ann. Patr., n 640 ; Ann. R. F., n° 11; C. Eg., n' 775; J. Perlet, n 739; Rép., n° 12. (58) Moniteur, XXII, 134; Débats, n 741, 151; J. Fr., n' 737; J. Mont., n° 157; J. Perlet, n" 739; Mess. Soir, n 775; Rép., n° 12.. (59) P.-V., XLVI, 228. Moniteur, XXII, 134; Débats, n 741, 151; Ann. Patr., n° 640; C. Eg., n° 775; Gazette Fr., n° 1006; J. Fr., n° 738; J. Mont., n’ 157; J. Paris, n” 12; J. Perlet, n° 739; J. Univ., n“ 1773 ; Mess. Soir, n° 775 ; M. U., XLIV, 184; Rép., n” 12. (60) J. Univ., n" 1781. 222 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE factions, qui est debout depuis le 14 juillet, et qui ne sera muette dans aucun événement, vient ouvrir son âme aux mandataires de vingt-cinq millions d’hommes. Législateurs, le peuple est dans une assiette tranquille, mais pointant scandalisé de l’orgueil des passions humaines, qui pourraient produire des déchiremens funestes à la république. Des pamphlets séditieux, qui ne respirent que le fiel et la vengeance, ou plutôt des vociférations, des hérésies criminelles, des blasphèmes politiques, des hurlemens royalistes inondent les départe-mens comme les rues de Paris, et sonnent le tocsin de la contre-révolution. Le crime a plus d’audace qu’il n’en eut jamais ; il appelle toutes les passions viles, il invoque toutes les calomnies, il inocule toutes les défiances, il jette le gant à toutes les vertus, il donne l’essor à la malveillance, il prêche l’impunité, il égare le peuple sur ses vrais amis comme sur ses vrais intérêts. Oui, législateurs, on suggère au peuple que sa persévérance, que ses sacrifices, n’ont aucun prix; on lui rappelle ironiquement et insidieusement ses fatigues ; on dénature tout ce qui peut encourager et soutenir son énergie. La rage voudrait armer les sections contre les sections, les frères contre les frères, établir une Vendée dans chaque commune, et sur-tout porter dans l’âme des patriotes la stupeur et le découragement. La hideuse aristocratie répand que bientôt la royauté va reparaître au sein de la famine, des proscriptions, des horreurs de la guerre civile et du carnage, de la servitude et des calamités que le désespoir enfante. On veut diriger tous les crimes contre les sociétés populaires, le plus pur, le plus fidèle rempart de la démocratie. Mais en vain la tyrannie agite ses phalanges ; ce n’est qu’un triomphe de plus qu’elle prépare aux républicains. Non les sociétés populaires ne seront point atteintes ; non le peuple magnanime, qui a fait la révolution, qui en supporte toutes les amertumes, ne tombera pas dans les pièges qui lui sont ouverts; il sera paisible au milieu des privations, vertueux à l’aspect du danger; il écoutera la voix du législateur, il n’idolâtrera que ses devoirs, que ses droits, que la fraternité ; il ne tournera pas ses armes contre lui-même, il ne déchirera pas ses propres entrailles, il ne sera la proie d’aucune tyrannie, il sera grand, terrible par son calme, et d’un seul regard de mépris il fera -justice de tous les charlatans politiques. Le plus généreux des peuples, loin d’être cruel, tend les bras au repentir de ses ennemis, de ses détracteurs parricides. Il sera toujours fier de son ensemble, de cette heureuse harmonie que les tyrans ligués veulent en vain détruire, de cette unité précieuse que la sagesse contemple, et que les générations futures chériront dans le repos et la reconnaissance. L’artisan et l’agriculteur, l’homme de lettres et le bûcheron seront sous le même niveau devant la loi, et vingt-quatre millions d’ouvriers utiles seront à côté d’un million de riches fainéans ce que doit être un géant majestueux à côté d’un pygmée nuisible et qu’un souffle terrasse. Le vaisseau de la république ne sera le jouet d’aucune faction ; il n’est pas au gré des flots sans boussole : les pilotes courageux qui tiennent le gouvernail l’éloigneront de la côte et des pirates antropo-phages. Oui, nos guides vertueux braveront les injures d’un ouragan passager. Nous vous invitons, législateurs, à donner au gouvernement révolutionnaire, mais contre le crime seul, toute l’énergie que recommandent encore les dangers de la liberté. A faire respecter les lois qui protègent les sociétés populaires. Marat et Lepeletier s’honoraient du titre de Jacobin. Nous aimons à donner ce titre immortel aux patriotes purs et vertueux du monde entier. Jetez vos regards sur les patriotes qui sont dans les fers, victimes de leur dévouement à la cause des principes, qui ne sont poursuivis que par des haines particulières, ou pour des erreurs inséparables des révolutions et du civisme. L’humanité adoucit les moeurs, l’humanité agrandit les âmes, l’humanité honore ses défenseurs. Faites tarir les sources de l’agiotage, qui n’est calculé que sur la misère du peuple : favorisez celles du commerce, de l’industrie, des arts, de la saine morale, de l’héroisme; surveillez toutes les administrations de subsistances, tranquillisez le peuple sur les comestibles et sur tous les objets de première nécessité. Mettez, s’il «est possible, un frein à la cupidité des gros marchands. Organisez les fêtes décadaires et toutes les branches de l’instruction publique. Etablissez des arènes, ouvrez des champs d’émulation à l’instar des jeux olympiques. Enfin, législateurs, nous vous invitons à rendre aux sections de Paris leur assemblée générale du quintidi : une seule séance ne peut suffire; les objets sectionnaires et de bienfaisance sont accumulés. L’auteur du Contrat social, l’immortel Rousseau, dont les principes et le génie planent sur les gouvernemens et le monde politique, nous apprend que le peuple en assemblée acquiert de l’énergie. Eh! l’énergie n’est-elle pas nécessaire, quand il faut que l’opinion républicaine domine, quand il faut éteindre une nouvelle Vendée qui menace une seconde fois les hommes libres? Le traître ne peut rien quand la liberté veille. C’est lorsque le peuple est en garde que les intrigants disparaissent, ce n’est que dans l’ombre qu’ils égarent, qu’ils surprennent la confiance. Ce seroit faire injure aux sections de Paris que de croire qu’elles ne sont pas assez à la hauteur pour étouffer les Malveillans. Toutes les sections, toutes les communes du sol français forment le rempart, le bouclier de la Convention nationale. La section des Piques, jalouse de marcher sur la ligne brûlante des principes et avec caractère, proclamera toujours sa confiance et son attachement pour l’aréopage. Législateurs, comme tout ce qui respire pour le bien, nous voulons le bonheur, la république démocratique : nous l’attendons de vous. Que votre union, que votre courage soient sublimes comme le peuple que vous représentez, l’observateur rigide sera forcé de vous chérir. L’Europe, qui vous écoute, publiera votre ca- SÉANCE DU 11 VENDÉMIAIRE AN III (2 OCTOBRE 1794) - Nos 40-44 223 ractère; la patrie, dont vous êtes l’espérance, s’applaudira de son choix; l’historien, le philosophe, qui d’un oeil sévère suivent toutes vos actions, vont les graver en traits indélébiles sur les annales de l’immortalité. Vos contemporains les siècles à venir vous jugeront. [Cette adresse a été couverte d’applaudissements.] (61) ROMME : Vous venez d’entendre les principes qui dirigent les vrais amis de la liberté. Je demande qu’outre la mention honorable et l’insertion au bulletin, cette adresse soit renvoyée aux comités chargés de la rédaction de l’adresse décrétée ce matin, afin qu’elle leur serve de modèle ( On murmure). BENTABOLE : Je m’oppose au renvoi ; sans doute cette adresse contient d’excellents principes, mais elle renferme des assertions qui méritent au moins vérification. A l’égard des pamphlets dont s’est plaint le pétitionnaire, j’observe que ces écrits sont un des inconvénients de la liberté de la presse. Mais la Convention s’est-elle prononcée contre la liberté de la presse? Dans le rapport de Lin-det sur l’état politique actuel de la France, dans ce rapport qui, je pense, contient aussi les vrais principes de la Convention, vous a-t-on présenté des mesures contre la liberté de la presse? Non. Je demande donc le renvoi pur et simple de l’adresse aux trois comités. DU ROY : Et moi aussi je demande le renvoi pur et simple. Citoyens, il ne faut pas alimenter les passions, ce n’est pas le moment. Nous sommes peut-être à l’une des époques les plus marquantes de la révolution. Longtemps l’opinion publique a flotté incertaine au milieu des passions et des orages politiques inséparables d’une grande révolution. Jusqu’ici nous n’avons pas eu de plan fixe. Nous nous sommes exclusivement occupés des moyens de faire la révolution. Il faut penser à la finir. Jusqu’ici quelques intrigants, conspirant dans l’ombre, ont égaré les patriotes de bonne foi; il est temps de les démasquer (On applaudit). Moi-même, absent depuis dix-huit mois, j’ai besoin de fixer mes idées sur tout ce qui m’environne. Citoyens, vous avez ce matin rendu un décret sage ; j’espère que l’adresse que vous avez décrétée sera la ligne que suivront désormais les amis de la patrie : attendons-la, ne préjugeons de rien ; c’est ainsi que doivent se conduire des représentants du peuple, des législateurs sages (On applaudit). Ce renvoi est décrété (62). (61) J. Paris, n° 12. (62) Moniteur, XXII, 134-135; Débats, n° 741, 151-153; Ann. Patr. , n 640; C. Eg., n° 775; Gazette Fr., n° 1006; J. Fr., n° 738; J. Mont., n' 157; J. Paris, n° 12; J. Perlet, n° 739; J. Univ., n 1773 ; Mess. Soir, n 775; M. U., XLIV, 184; Rép., n” 12. 40 La section des Gardes-Françaises [Paris], demande les assemblées du quintidi et du décadi; elle applaudit au zèle, au courage et aux travaux de la Convention nationale. Renvoyé aux comités de Salut public, Sûreté générale et Législation (63). 41 La section de l’Indivisibilité [Paris], demande le rapport du décret qui fixe les assemblées de section aux décadis ; elle désire que celles des quintidis soient rétablies. Renvoyé aux trois comités de Salut public, Législation et Sûreté générale (64). 42 La section du Bonnet-Rouge [Paris], réclame la liberté de trois citoyens arrêtés à la suite des événemens du 9 thermidor. Renvoyé au comité de Sûreté générale (65). 43 La section de la Cité [Paris], se plaint de ce que l’on a précipité la démolition de la salle où elle tient ses séances. Elle en demande le rétablissement. Renvoyé au comité des Finances, section des domaines, pour faire un rapport dans trois jours (66). 44 La section du Contrat-Social [Paris], demande le jugement et la liberté provisoire de huit de ses membres arrêtés à la suite des événemens des 9 et 10 thermidor. Renvoyé au comité de Sûreté générale (67). (63) P.-V., XLVI, 229. Ann. Patr., n” 640; C. Eg., n" 775; F. de la Républ., n" 12; Gazette Fr., n‘ 1006; J. Fr., n° 738; J. Mont., n" 157; M. U., XLIV, 184. (64) P.-V., XLVI, 229. Ann. Patr., n' 640; F. de la Républ., n° 12; Gazette Fr., n” 1006; J. Fr., n 738; J. Mont., n’ 157; M. U., XLIV, 184. (65) P.-V., XLVI, 229. Rép., n 12. (66) P.-V., XLVI, 229. Voir plus bas, n° 50. Ann. Patr., n 640; Ann. R. F., n” 12; C. Eg., n° 775; F. de la Républ., n" 12; Gazette Fr., n' 1005; J. Fr., n° 737; J. Mont., n° 156; J. Paris, n° 12; J. Perlet, n 739; J. Univ., n°1773. (67) P.-V., XLVI, 229.