SÉANCE DU 1er JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (MERCREDI 17 SEPTEMBRE 1794) - N° 31 237 fédéralistes, de détenus mis en liberté, etc. ont réveillé quelques membres. Le silence a été réclamé et le lecteur prenant un ton plus élevé, a recommencé la lecture de l’adresse (49). [La société populaire de Rennes, à la Convention nationale, s.d.] (50) Représentans, Robespierre et ses complices ne sont plus; ils ont été engloutis dans l’abîme qu’ils creu-soient à la chose publique. Mais, citoyens-représentans, sur les ruines de cette horrible conspiration s’élève, dans tous les points de la France, une faction non moins dangereuse, non moins funeste à la liberté : cette faction est celle des fédéralistes, des royalistes, des modérés et des indulgens; c’est la faction de toutes les aristocraties conjurées pour la perte de la République. Déjà elle lève la tête, ose insulter aux patriotes pour leur imposer silence, en imprimant sur leur front le sceau de l’oppobre et du mépris, par la comparaison injurieuse et atroce qu’elle en fait avec les scélérats que vous avez frappés du glaive de la loi. Représentans, cet abominable système est l’effet de la mise en liberté de tous les détenus indistinctement ; comme si le fédéralisme n’eût jamais été qu’une chimère, le royalisme un fantôme, l’aristocratie un vain mot ; comme si tous les complots dont la patrie s’est vue menacée n’eussent jamais existé ; comme si tous les détenus n’eussent été que des innocens opprimés et vexés par Robespierre et ses complices. Et dans quelles circonstances se font ces mises en liberté ? dans celles où éclatent journellement de nouvelles conspirations entre les ennemis du dehors et du dedans. Il faut que l’innocence et la vertu triomphent : l’oppression d’un seul patriote est un crime ; il n’y a plus de liberté là où elle se trouve tolérée ; mais aussi il faut que les coupables soient punis. L’oppression ne sauroit exister envers les conspirateurs; souffrir que les patriotes soient opprimés ou que les ennemis de la chose publique jouissent de la liberté, sont deux extrêmes qui mènent également à une contre-révolution certaine. Les extrêmes sont, citoyens-représentans, l’écueil fatal des révolutions ; la justice, et rien que la justice, tel est le grand principe que des législateurs doivent maintenir constamment en vigueur. Cette justice doit être terrible envers les conspirateurs, en même temps qu’elle est douce et consolante pour les amis de la liberté et de l’égalité. Montagne, prouve que tu existes encore; lève-toi, il en est temps, la patrie est en péril ; (49) Mess. Soir, n° 760. (50) Bull., 1er jour s.-c. ; Partiellement reproduite dans Moniteur, XXI, 783. Mentionnée dans Débats, n° 727, 512 ; Rép., n° 269 indique que cette adresse est suivie d’un grand nombre de signatures. reprends ta foudre, promène-là indistinctement sur toutes les têtes coupables ; tonne, frappe, pulvérise toutes les factions, restitue au gouvernement révolutionnaire toute la force, toute la sévérité qu’exigent la justice et les circonstances, et la République est sauvée. (On applaudit). DU ROY [observe que les sociétés populaires ont été le flambeau du peuple, c’est par elles que le peuple connoît les vrais principes et ses ennemis] (51) ; je demande que cette adresse, qui contient les véritables principes que la Convention doit adopter, soit insérée au Bulletin, afin de servir de point de ralliement aux patriotes. Cette proposition est adoptée. BERNARD (des Sablons) : Cette adresse porte qu’on a mis des aristocrates en liberté; je demande qu’elle soit renvoyée au comité de Sûreté générale, pour y faire droit. [DU ROY appuie cette proposition ; la masse des adresses est dit-il, le vrai thermomètre de l’esprit de la République] (52). GOUPILLEAU (de Fontenay) : J’appuie le renvoi demandé, mais je demande qu’on précise les faits, afin que le comité de Sûreté générale [embarrassé par le vague de ces dénonciations] (53) voie à quels abus il aura à remédier. Je dois dire, par rapport aux élargissements des aristocrates dont on se plaint, et dont je me plains moi-même, qu’ils ne sont point l’ouvrage du comité de Sûreté générale. Nous avons des collègues dans les départements, et notamment Maure, qui, du même coup, a mis en liberté vingt-six prêtres et onze femmes d’émigrés. [Il se manifeste un mouvement d’indignation dans l’assemblée] (54). [Un membre cite un autre fait : c’est la mise en liberté d’un individu qu’il nomme, et qui avoit fourni des munitions aux rebelles de la Vendée] (55). REYNAUD : Le comité de Sûreté générale est trompé par les personnes qui le sollicitent. On lui a surpris un arrêté qui mêt en liberté [trois aristocrates grangrenés dont] (56) un nommé Mulot, du département de la Lozère ; cet homme avait fourni des munitions à l’infâme Charrier lorqu’il se mit à la tête des révoltés qui ravagèrent ce département. [BARROT déclare que c’est la députation du département de la Lozère qui a sollicité l’élargissement de Mulot ; il demande à Reynaud les preuves des délits dont il l’accuse. [Il soutient que c’est un patriote et reproche à Reynaud d’avoir empêché la mise en liberté des (51) J. Paris, n° 626. (52) J. Mont., n° 141. (53) Débats, n° 727, 512. (54) J. Fr., n° 723. (55) Débats, n° 727, 512. (56) Gazette Fr., n° 991.