94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE homme a la cuisse emportée d’un boulet de canon et est renversé; son frère, employé à la même pièce d’artillerie, vient pour l’embrasser; il lui répond : « Mon frère, retire-toi; retourne à ton poste, tu y es nécessaire; pour moi, je suis trop heureux de mourir pour ma patrie; que chacun en fasse autant ». « On remarque aussi celui de deux chasseurs du 1er régiment, qui, quoique blessés assez sérieusement, continuaient à se battre, et qui, forcés par leurs camarades de se retirer pour aller se faire panser, revinrent à leur poste aussitôt après l’avoir été (1) . Gillet. ( V ifs applaudissements ) . 39 Le député Javogues (2) monte à la tribune, et donne le détail des matières d’or et d’argent qu’il a recueillies pendant sa mission dans les départemens de Rhône et Loire. Ensuite il déclare que, trompé par de faux rapports des ennemis de la République, il a outragé son collègue Couthon dans une proclamation; mais qu’il a reconnu son erreur, qu’il la désavoue et rétracte, et qu’il ne cessera d’estimer et d’ho-norer ses collègues Couthon et Maignet. Il demande que sa rétraction soit insérée au bulletin; ce qui est décrété (3). JAVOGUES : Dans la mission dont j’ai été chargé dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire et de l’Ain, j’ai recueilli une foule d’objets d’or et d’argenterie, débris de la fortune des rebelles et des fédéralistes, et tribut du zèle des bons citoyens. Au moment de mon rappel, je n’ai pu apporter avec moi que mes registres, qui ont été déposés jusqu’à ce jour au comité de salut public. J’ai laissé à Commune-Affranchie vingt et une caisses qui contiennent six mille trente marcs, argenterie et or; en espèces d’or et d’argent monnayées, 678,067 1. 6 s.; en assignats, 117,236 liv. 9 sous. Dix montres et deux boîtes en or, avec plusieurs croix de Saint-Louis et croix d’église, dont quelques unes sont garnies de diamants. Je demande que les états de tous ces articles soient insérés au Bulletin, et qu’il soit donné ordre aux représentants du peuple d’envoyer les vingt et une caisses à la trésorerie nationale. Après avoir annoncé les effets que j’ai recueillis dans ma mission pour être déposés sur l’au-(1) Mon., XX, p. 273; Débats, n° 578, p. 4; J. Mont., n° 159; C. Eg., n° 611, p. 163, 612, p. 169; J. Sablier, n° 1270; C. TJniv., 2 flor.; J. Matin, n° 611; Audit, nat., n° 575; Ann. pair., n° 475, 476; J. Fr., n° 574; J. Lois, n°B 570, 571; J. Perlet, n° 576; J. Paris, n° 476 et 477; Ann. Rép. Fr., n° 142, 143; Batave, n° 430; M.U., XXXIX, 29; Feuille Rép., n° 292; Rép., n° 122; Mess. Soir, n° 611. (2) Et non Javogue. (3) P.V., XXXVI, 19. C. Univ., 3 flor.; Débats, n° 578; Ann. patr., n° 475; Rép., n° 122. J. Fr., n° 574; J. Mont., n° 159; J. Matin, n° 611; J. Paris, n° 677; J. Lois, n° 570; M.U., XXXIX, 30; C. Eg., n° 611, p. 164; J. Perlet, n° 576; Ann. Rép. Fr., n° 143; J. Sablier, n° 1271; Audit, nat., n° 575; Batave, n° 430; Feuille Rép., n° 292. tel de la patrie, je m’empresse de donner à un collègue dont je révère autant les vertus que j’estime son patriotisme brûlant une réparation qu’il a droit d’exiger. Des scélérats qui avaient surpris ma confiance, abusant de mon exaltation républicaine, m’avaient égaré sur le compte de notre estimable collègue Couthon; j’ai eu le malheur de céder aux insinuations perfides de ces hommes pervers; j’ai outragé notre collègue dans une proclamation que je désavoue, que je rétracte (vifs applaudissements), que je voue solennellement au blâme de l’opinion publique. (Nouveaux applaudissements). Mon cœur n’a jamais cessé d’aimer, d’honorer le citoyen Couthon, ainsi que le citoyen Maignet. Voilà la profession de foi dont je ne me serais jamais écarté si j’eusse toujours été moi. Je prie la Convention de la recevoir et de permettre qu’elle soit insérée au Bulletin. Je sais que Couthon n’en a pas besoin; mais c’est pour moi que je demande. Un homme pur doit reconnaître avec franchise ses erreurs, et les réparer autant qu’il est en lui. (Les applaudissements recommencent et se prolongent) (1). Couthon déclare, à son tour, qu’il sait que Javogues a été trompé, et qu’il n’a jamais cessé de l’estimer (2). COUTHON : Citoyens, jamais je n’ai haï les hommes; je n’ai fait que détester leurs mauvaises actions. Javogues a eu des torts avec moi; il les répare aujourd’hui d’une manière authentique. Depuis longtemps je les avais oubliés; il ne me reste qu’à dire à mon collègue qu’il doit à l’avenir se prémunir contre les tentatives et les insinuations des hommes perfides qui ne cherchent qu’à nous désunir. Citoyens, demeurons unis; marchons tous d’un pas égal vers le bonheur du peuple qui nous a confié ses intérêts, et montrons-nous dignes par notre sagesse et notre énergie de représenter le peuple français. Je le répète, j’oublie, ou plutôt j’avais depuis longtemps oublié les légers torts que Ja-voques avait eus envers moi; sa démarche prouve qu’il avait été trompé, je déclare en présence de mes collègues que je lui voue aujourd’hui autant d’estime que d’amitié. Javogues et Couthon s’embrassent. (On applaudit) (3). 40 Un autre membre [BILLAUD-VARENNE] du comité de salut public fait un rapport sur la guerre et les moyens de la soutenir (4). BILLAUD-VARENNE : Citoyens, à l’ouverture d’une campagne qui sera terrible, car il est temps de terminer cette lutte révoltante de la royauté contre la république, le comité de salut public a senti la nécessité de fixer enfin les bases du système qui doit régler notre politique. S’il ne faut que du courage ou un excès de désespoir pour entreprendre une révolution, (1) Mon., XX, 273. Bin, 1er flor. Le Mon. écrit Javoques. (2) P.V., XXXVI, 19. (3) Mon., XX, 273. v4) P.V., XXXVI, 20. Bin, 1er flor. 94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE homme a la cuisse emportée d’un boulet de canon et est renversé; son frère, employé à la même pièce d’artillerie, vient pour l’embrasser; il lui répond : « Mon frère, retire-toi; retourne à ton poste, tu y es nécessaire; pour moi, je suis trop heureux de mourir pour ma patrie; que chacun en fasse autant ». « On remarque aussi celui de deux chasseurs du 1er régiment, qui, quoique blessés assez sérieusement, continuaient à se battre, et qui, forcés par leurs camarades de se retirer pour aller se faire panser, revinrent à leur poste aussitôt après l’avoir été (1) . Gillet. ( V ifs applaudissements ) . 39 Le député Javogues (2) monte à la tribune, et donne le détail des matières d’or et d’argent qu’il a recueillies pendant sa mission dans les départemens de Rhône et Loire. Ensuite il déclare que, trompé par de faux rapports des ennemis de la République, il a outragé son collègue Couthon dans une proclamation; mais qu’il a reconnu son erreur, qu’il la désavoue et rétracte, et qu’il ne cessera d’estimer et d’ho-norer ses collègues Couthon et Maignet. Il demande que sa rétraction soit insérée au bulletin; ce qui est décrété (3). JAVOGUES : Dans la mission dont j’ai été chargé dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire et de l’Ain, j’ai recueilli une foule d’objets d’or et d’argenterie, débris de la fortune des rebelles et des fédéralistes, et tribut du zèle des bons citoyens. Au moment de mon rappel, je n’ai pu apporter avec moi que mes registres, qui ont été déposés jusqu’à ce jour au comité de salut public. J’ai laissé à Commune-Affranchie vingt et une caisses qui contiennent six mille trente marcs, argenterie et or; en espèces d’or et d’argent monnayées, 678,067 1. 6 s.; en assignats, 117,236 liv. 9 sous. Dix montres et deux boîtes en or, avec plusieurs croix de Saint-Louis et croix d’église, dont quelques unes sont garnies de diamants. Je demande que les états de tous ces articles soient insérés au Bulletin, et qu’il soit donné ordre aux représentants du peuple d’envoyer les vingt et une caisses à la trésorerie nationale. Après avoir annoncé les effets que j’ai recueillis dans ma mission pour être déposés sur l’au-(1) Mon., XX, p. 273; Débats, n° 578, p. 4; J. Mont., n° 159; C. Eg., n° 611, p. 163, 612, p. 169; J. Sablier, n° 1270; C. TJniv., 2 flor.; J. Matin, n° 611; Audit, nat., n° 575; Ann. pair., n° 475, 476; J. Fr., n° 574; J. Lois, n°B 570, 571; J. Perlet, n° 576; J. Paris, n° 476 et 477; Ann. Rép. Fr., n° 142, 143; Batave, n° 430; M.U., XXXIX, 29; Feuille Rép., n° 292; Rép., n° 122; Mess. Soir, n° 611. (2) Et non Javogue. (3) P.V., XXXVI, 19. C. Univ., 3 flor.; Débats, n° 578; Ann. patr., n° 475; Rép., n° 122. J. Fr., n° 574; J. Mont., n° 159; J. Matin, n° 611; J. Paris, n° 677; J. Lois, n° 570; M.U., XXXIX, 30; C. Eg., n° 611, p. 164; J. Perlet, n° 576; Ann. Rép. Fr., n° 143; J. Sablier, n° 1271; Audit, nat., n° 575; Batave, n° 430; Feuille Rép., n° 292. tel de la patrie, je m’empresse de donner à un collègue dont je révère autant les vertus que j’estime son patriotisme brûlant une réparation qu’il a droit d’exiger. Des scélérats qui avaient surpris ma confiance, abusant de mon exaltation républicaine, m’avaient égaré sur le compte de notre estimable collègue Couthon; j’ai eu le malheur de céder aux insinuations perfides de ces hommes pervers; j’ai outragé notre collègue dans une proclamation que je désavoue, que je rétracte (vifs applaudissements), que je voue solennellement au blâme de l’opinion publique. (Nouveaux applaudissements). Mon cœur n’a jamais cessé d’aimer, d’honorer le citoyen Couthon, ainsi que le citoyen Maignet. Voilà la profession de foi dont je ne me serais jamais écarté si j’eusse toujours été moi. Je prie la Convention de la recevoir et de permettre qu’elle soit insérée au Bulletin. Je sais que Couthon n’en a pas besoin; mais c’est pour moi que je demande. Un homme pur doit reconnaître avec franchise ses erreurs, et les réparer autant qu’il est en lui. (Les applaudissements recommencent et se prolongent) (1). Couthon déclare, à son tour, qu’il sait que Javogues a été trompé, et qu’il n’a jamais cessé de l’estimer (2). COUTHON : Citoyens, jamais je n’ai haï les hommes; je n’ai fait que détester leurs mauvaises actions. Javogues a eu des torts avec moi; il les répare aujourd’hui d’une manière authentique. Depuis longtemps je les avais oubliés; il ne me reste qu’à dire à mon collègue qu’il doit à l’avenir se prémunir contre les tentatives et les insinuations des hommes perfides qui ne cherchent qu’à nous désunir. Citoyens, demeurons unis; marchons tous d’un pas égal vers le bonheur du peuple qui nous a confié ses intérêts, et montrons-nous dignes par notre sagesse et notre énergie de représenter le peuple français. Je le répète, j’oublie, ou plutôt j’avais depuis longtemps oublié les légers torts que Ja-voques avait eus envers moi; sa démarche prouve qu’il avait été trompé, je déclare en présence de mes collègues que je lui voue aujourd’hui autant d’estime que d’amitié. Javogues et Couthon s’embrassent. (On applaudit) (3). 40 Un autre membre [BILLAUD-VARENNE] du comité de salut public fait un rapport sur la guerre et les moyens de la soutenir (4). BILLAUD-VARENNE : Citoyens, à l’ouverture d’une campagne qui sera terrible, car il est temps de terminer cette lutte révoltante de la royauté contre la république, le comité de salut public a senti la nécessité de fixer enfin les bases du système qui doit régler notre politique. S’il ne faut que du courage ou un excès de désespoir pour entreprendre une révolution, (1) Mon., XX, 273. Bin, 1er flor. Le Mon. écrit Javoques. (2) P.V., XXXVI, 19. (3) Mon., XX, 273. v4) P.V., XXXVI, 20. Bin, 1er flor.