[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Raüliage de Caen.] 497 tages, soient considérablement diminués, changement favorable aux finances publiques par la multiplicité des actes qui seront présentés. Art. 10. Qu’il soit avisé au moyen de mettre les particuliers à l’abri des recherches et poursuites des vérificateurs, sous prétexte de fausse déclaration des successions collatérales. Art. 11. Que les offices de priseurs-vendeurs soient supprimés comme absolument inutiles et très-onéreux aux mineurs et aux débiteurs. Art. 12. L’assemblée charge aussi ses députés de supplier Sa Majesté d’empêcher tout transport d’argent hors du royaume sous prétetxe d’annates et de dispenses, et de rendre aux évêques leurs droits primitifs d’accorder des dispenses dans les cas permis par les ordonnances du royaume, à condition qu’elles soient gratuites; que les droits de dépôt qui ne sont fondés sur aucune loi connue soient supprimés, comme nuisibles aux paroisses; qu’en conséquence elles peuvent être déchargées des reconstructions des presbytères. Art. 13. De demander que la liberté individuelle soit assurée par une loi invariable; qu’en conséquence l’usage des lettres de cachet soit pour jamais proscrit, mais que pour mettre l’honneur des familles en sûreté, le juge des lieux soit autorisé d’ordonner la détention limitée d’un particulier sur la demande unanime de sa famille assemblée et de l’avis de la municipalité du lieu. Qu’il ne soit plus permis à aucun gouverneur ou commandant dans les provinces de faire arrêter un citoyen domicilié sans une ordonnance préalable du juge royal. Art. 14. Queles milices soient supprimées comme un fardeau pesant sur une classe, nuisible à l’agriculture et inutile dans un Etat où le Roi trouvera toujours autant de soldats que de citoyens. Art. 15. Qüé Sat Majesté soit suppliée de retirer cette décision si décourageante t pour la plus grande partie de ses sujets, qui exige quatre degrés de noblesse pour être admis comme officiers dans ses troupes de terre et de mer, et de faire réformer cés décisions abusives et contradictoires des cours supérieures qui veulent exiger des preuves de noblesse pour remplir des charges qui la donnent. Art. 16. Que la liberté de la presse soit établie, sans autre exception que pour les libelles contre les particuliers oh contre la conduite privée des gens en place. Art. 17. Quant à l'administration de la justice, le désir de l’assemblée serait qu’elle fût gratuite, et que la vénalité des charges fût supprimée ; mais elle s’en rapporte à la prudence des Etats généraux pour aviser le moyen de les rembourser ; elle se borne à solliciter une réforme dans la justice civile, et surtout dans le Code criminel; elle propose avec confiance pour modèle dans cette dernière partie, la législation anglaise, justement célèbre dans l’Ëüropé ; elle demande aussi que les degrés de juridiction soient supprimés, que nul citoyen ne puisse être traduit devant autre juge que son juge naturel sous prétexte de corn-mittinms , prévôté de l’hôtel, privilège du Châtelet et autres, n’acceptant que ceux des pairs de France dans les matières personnelles. Art. 18. Que nulle commission ou évocation ûe puisse déranger le cours de là justice ou la suspendre; et que les crimes soient toujours punis par la peine que la loi détermine, sans distinction des coupables. Art. 19. Qu’il soit fait une loi positive qui au-lre Série, T. IL torise le prêt d’argent sans aliéner de capital, seul moyen d’opérer la circulation de sommes considérables, qui feraient fleurir l’agriculture et le commerce. Art. 20. Que les lettres de répit et de surséance soient supprimées, et que les juges consuls se réunissent aux juges royaux dans les affaires de commerce qui sont de la compétence de ces derniers. Art. 21. L’assemblée supplie instamment Sa Majesté d’établir au plus tôt dans sa province de Normandie des Etats dans la forme de ceux de Dauphiné, d’en fixer le siège à Caen comme le centre de la province, et que les Etats aient la libre perception et répartition de tous les impôts dont la quotité aurait été déterminée dans rassemblée des Etats généraux. Art. 22. D’ordonner que l’édit de 1766 pour les municipalités des villes, soit exécuté, et de rendre à leurs habitants le droit qu’elle vient d’accorder aux habitants des campagnes, de nommer leurs officiers municipaux. Art. 23. Elle demanderait aussi que Sa Majpstê voulût bien n’accorder aucune conservation exclusive dans les forêtsde cette province, trop éloignées de ses châteaux pour faire partie de ses plaisirs, et de permettre à toutes personnes d’y poursuivre les bêtes malfaisantes qui dévastent les récoltes. Art. 24. L’assemblée observe enfin qu’il serait à désirer que les poids et mesures fussent les mêmes par tout le royaume ; que l’on eût la liberté de prendre tous les engrais dé mer indistinctement ; que, pour l’intérêt particulier des laboureurs de ce bailliage, les curés décimateurs fussent tenus de rendre aux paroissiens les pailles à un prix modique et fixé par le juge. • Que la connaissance des contestations relatives à la voirie fût attribuée au juge du lieu, et que les ateliers de charité ne puissent être employés que Sur les routes de bourg à ville. Le présent cahier clos et arrêté dans ladite assemblée lesdits jour et an que dessus, et signé après lecture. La présente copie, conforme à la minute, demeurée au greffe du bailliage de Vire, laquelle est signée des députés en le plus grand nombre, a été faite et délivrée par nous, greffier en chef du bailliage de Vire, et secrétaire du tiers-état. A Vire, le 8 mars 1789. . Signe JBàUSE. CAHIER De la corporation des marchands drapiers , merciers et quincailliers de la ville de Caen (1). La corporation des marchands drapiers, merciers et quincailliers delà ville de Caen, réunis, aux ternies des lettres de convocation données à Versailles le 24 janvier dernier, pour conférer tant des remontrances, plaintes et doléances que des moyens et avis qu’elle a à donner à l’assemblée générale de là nation et pour élire, choisir et nommer ses représentants, donne par le présent acte, aux personnes qui seront choisies par la voie du scrutin, ses pouvoirs généraux pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, Rétablissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité gé-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 498 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Caen. nérale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. Le désir de ladite corporation est que les délibérations soient prises aux Etats pour les trois ordres réunis et les voix comptées par têtes ; elle charge ses députés de solliciter cette forme et de faire voir tous les avantages qui doivent en résulter, justice, raison et patriotisme, tous motifs puissants qui doivent animer le zèle de tous bons Français. Si cette demande faisait quelque difficulté, les députés pourraient adhérer aux tempéraments qui seraient proposés par les autres ordres, s’ils les jugeaient raisonnables; mais avant tout ils feraient proposer aux députés des trois ordres de déclarer s’ils ratifient et accordent l’abolition des privilèges pécuniaires et des impôts distinctifs d’ordres et de peines. Les malheurs passés éclairant ladite corporation sur ceux qui pourraient arrivera l’avenir, et voulant les prévenir, s’il est possible, se porte à recommander à ses députés : 1° De ne s’occuper de l’octroi des subsides qu’après‘que le règlement de la constitution aura préalablement été délibéré, accordé et sanctionné ; il ne faut point se départir de l’entretien, sur lequel il faut fortement appuyer. 2° Demander que tous les impôts quelconques soient répartis sur tous les sujets du royaume, nobles, ecclésiastiques et roturiers, suivant leurs possessions et revenus, l’impôt devant être payé par ceux qui sont détenteurs des fonds, et déclarer que nous ne réclamons rien sur les droits honorifiques des seigneurs séculiers et ecclésiastiques. 3° Que le sel, le tabac, les aides et les droits réunis spient anéantis ; ces impôts sont très à charge au peuple, attentatoires à sa liberté et à sa propriété et de plus et tous les jours exposé aux tracasseries et aux infidélités des employés. 4° La restitution au tiers-état de ses anciennes maîtrises. C’est une propriété qui leur a été indûment enlevée par le fisc, avide de tout absorber; comme ce serait une injustice de vouloir priver les acquéreurs des nouvelles maîtrises d’un Etat qu’ils ont acquis de bonne foi et avec confiance sous l’autorité du souverain, demander qu’ils soient conservés .dans leurs Etats comme ceux de l’ancienne corporation. 5° Qu’il soit permis aux nobles de faire le commerce en gros et en détail, comme ils le jugeront à propos, sans qu’il puisse en rien les préjudicier dans leurs titres et droits honorifiques et qu’on ne puisse leur faire aucun reproche d’avoir dérogé à leur noblesse. 6° Solliciter fortement l’anéantissement du traité de commerce avec l’Angleterre, qui porte un préjudice notable au commerce et aux manufactures du royaume et enlève tout son numéraire. 7° . Gomme les mécaniques préjudicient considérablement le pauvre peuple, qu’elles réduisent la filature à rien , en demander la suppression ; cette suppression est d’autant plus juste que la filature de ces instruments est très-vicieuse et que les étoffes qui en sont fabriquées sont toutes creuses et de très-mauvaise qualité. 8° Solliciter fortement et avec instance le rétablissement de nos Etats provinciaux à l’instar du Dauphiné et la perpétuité des Etats généraux, les membres amovibles et tribunaux. 9° Demander le reculement des barrières aux frontières du royaume pour l’acquit des droits, le commerce devant être libre et dégagé d’entraves. 10° Solliciter la suppression des inspecteurs des manufactures connus sous la dénomination d’ambulants. Ces hommes sont très à charge à l’Etat et au commerce : ils ne font rien. Demander qu’on leur substitue les gardes des corporations des drapiers, merciers, et quincailliers et ceux des fabricants toiliers , étant les seuls qui les inspectent journellement sans aucun émolument; ces inspecteurs sont tout à fait inutiles, ne se trouvant jamais aux inspections. 11° Enfin, solliciter l’abolition de la commission établie dans le royaume par la ferme générale ; ce tribunal inique est une inquisition cruelle dans un Etat monarchique tel que la France, où doit régner la plus grande liberté ; on l’a vu, ce tribunal sanguinaire faire pendre à Caen un misérable étranger sur un véhément soupçon ; on le voit tous les jours détenir dans ses prisons des misérables auxquels on refuse toute communication au dehors, pour les empêcher de se justifier et avoir le cruel plaisir de flétrir ces malheureux et de déshonorer leur famille. O tempora ! O mores ! Ont signé Duperré, Philippe et François Jen-taigne, député. CAHIER d’observations et doléances du tiers-état de LA VILLE DE CAEN (1). Articles préliminaires à arrêter aux Etats généraux. Art. 1er. Le rétablissement des Etats généraux dans les provinces qui en avaient; l’établissement de ces mêmes Etats dans celles qui n’en ont point encore, et la tenue de ces Etats dans les villes qui sont au centre de chaque province. Art. 2. Le retour périodique des Etats généraux de cinq ans en cinq ans, même plus tôt pour la seconde tenue, et par la suite, dans le cas de guerre ou de nécessité urgente, sur la demande des Etats provinciaux. Art. 3. Qu’il soit établi, par chaque tenue des Etats généraux, une commission intermédiaire, choisie parmi les membres des différentes provinces, qui ait l’autorité, dans le cas de déclaration de guerre, ou de toute autre calamité imprévue, de voter pour le gouvernement les secours indispensables de la manière qu’elle regardera comme plus avantageuse ; parce que ces secours ne seront considérés que comme provisoires, et qu’il dépendra des Etats généraux, qui seront de suite convoqués, de faire les changements qu’ils jugeront nécessaires et d’accorder de moindres ou de plus considérables subventions, relativement aux besoins et à l’honneur de la nation et du prince. Art. 4. Les Français, se considérant comme une même famille, dont le Roi est le chef et le père, s’il survenait une calamité générale dans l’une des provinces, la commission intermédiaire, de concert avec le gouvernement, réglerait les secours provisoires que les autres provinces accorderaient respectivement, pour que la perception de l’impôt ne puisse souffrir aucun retardement, et que l’alliance et la bonne union, qui doit se former entre des citoyens et des frères, soit équitablement maintenue, et que le père commun jouisse à toujours de l’heureuse harmonie de ses (1) Nous devons la communication de ce cahier à l’entremise obligeante de M. Bertrand, maire de la ville de Caen et député au Corps législatif.