518 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de Marine (125). 35 Un membre [RAFFRON] a demandé que la Convention enjoigne à la commission des vingt-un de faire demain son rapport sur le représentant du peuple Carrier. La Convention a passé à l’ordre du jour (126). RAFFRON : Les revers trop multipliés que les troupes de la République ont éprouvés dans la Vendée, la perfidie, la cruauté, l’atrocité de toutes les espèces d’ennemis que nous avaient suscités dans ce malheureux pays l’aristocratie, le fanatisme, le fédéralisme, le royalisme coalisés avec l’étranger, l’avaient couvert de dévastations, et menaçaient les départements environnants, et même la République entière, d’un embrasement funeste. Alors la Convention ne crut pas devoir se tenir renfermée dans les règles de la modération qu’elle avait suivies jusque-là; les grands dangers de la patrie lui ont paru commander une rigueur excessive. Vous ordonnâtes donc de poursuivre à outrance ces êtres féroces et dénaturés, et de ne point faire de quartier à l’ennemi armé qui n’avait pas respecté et ne respectait pas les droits sacrés de l’humanité : tels sont les ordres que portent vos décrets. Mais vous n’avez jamais ordonné de manquer de foi à celui à qui on avait promis amnistie ; vous n’avez jamais ordonné d’égorger celui qui tendait les bras désarmés pour demander grâce ; vous n’avez jamais ordonné de noyer, de massacrer des enfants à la mamelle ni d’éven-trer les femmes enceintes ; voilà les crimes horribles qu’on impute à Carrier. C’est cela seul que la commission des Vingt-et-Un est chargée d’examiner, ce sur quoi elle doit vous faire un rapport. C’est aujourd’hui le neuvième jour depuis qu’elle a été nommée. Y a-t-il des preuves de ces faits, ou n’y en a-t-il pas? Tout le travail de la commission se réduit à cet examen. Faut-il donc tant de temps? Il n’y a point ici de fil de conjuration à découvrir, à suivre; pourquoi cette lenteur? Je demande que la Convention nationale enjoigne à la commission des Vingt-et-Un d’ac-célerer ses opérations et de faire son rapport demain au plus tard, dût-elle passer la nuit ; le temps est précieux. Il faut enfin faire cesser les inquiétudes du public et éclaircir tous les soupçons [Applaudissemens des tribunes .] (127). BOURDON (de l’Oise) : C’est un spectacle bien touchant sans doute de voir un homme dont la carrière est presque achevée s’indigner (125) P.-V., XLIX, 38. (126) P.-V., XLIX, 39. (127) M. U., XLV, 285. contre le crime et réclamer son châtiment. Mais aussi, pourquoi les sociétés ont-elles droit de vie et de mort sur leurs membres? Ce n’est pas pas pour donner à des milliers d’individus l’horrible droit d’en tuer un; c’est pour prévenir le crime, en rendant son supplice plus solennel, et en effrayant les méchants par un exemple salutaire. Tout en louant le zèle de mon estimable collègue, [je demande si pour l’homme criminel, sa vie même n’est point un tourment] (128), je demande que la Convention reste calme. Le comité de Sûreté générale a déjà détruit tous les doutes que l’on pouvait avoir sur lui par la conduite qu’il a tenue dans cette malheureuse affaire. La commission fera incessamment son rapport (129); elle y travaille comme le demandait Raffron, jour et nuit, avec le même zèle, avec la même indignation qu’il vient d’exprimer. Ne pressons rien; un jour de plus sera pour elle encore un jour d’examen. Il faut que ce jugement passe sans tache à la postérité ;dl faut que nulle passion humaine n’en souille, n’en altère la pureté (On applaudit.) Si Carrier est coupable, qu’il boive l’ignominie à longs traits ; chaque jour de sa vie n’est-il pas déjà un supplice pour lui? Il est là, ne craignez pas qu’il s’échappe ; la loi saura bien l’atteindre. Que la Convention prouve, par son calme et sa dignité, qu’elle ne croit pas légèrement au crime, mais qu’elle garde toute son énergie pour l’écraser quand il est connu. ( Nouveaux applaudissements.) Je rends justice au zèle de mon estimable collègue, c’est l’amour même de l’humanité qui l’a égaré. Je vous demande l’ordre du jour. La Convention passe à l’ordre du jour (130). 36 Un membre du comité de Sûreté générale a fait lecture des deux lettres suivantes : L’une du représentant du peuple Goupilleau, envoyé dans les départemens de Vaucluse, du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron, porte qu’il a trouvé, à son retour dans le département de Vaucluse, les esprits assez tranquilles et que tous se rallient de plus en plus à la Convention nationale, depuis que ce pays est délivré d’une poignée de scélérats qui l’agitoient. L’autre lettre du représentant du peuple Calés, envoyé dans le département de la Côte-d’Or, annonce l’état de Dijon; il y dit que la société populaire et la municipalité de cette commune faisoient tout (128) J. Paris, n° 48. (129) Les Débats, n° 775, 674, indiquent que le rapport de la commission doit être fait le 19. (130) Moniteur, XXII, 455. Débats, n° 775, 673-675; Ann. R. F., n° 47; Ann. Patr., n° 676; C. Eg., n° 811; Mess. Soir, n° 811; J. Fr., n° 773 ; J. Perlet, n° 775 ; M. U., XLV, 284; J. Univ., n° 1807 ; F. de la Républ., n° 48; Gazette Fr., n° 1040; J. Mont., n° 25 ; Rép., n° 48 ; J. Paris, n° 48.