211 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1789.] été proposé pour la première fois au monarque. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi. C’est en son nom que s’exerce le pouvoir judiciaire ; mais jl ne peut être exercé ni par le Corps législatif ni par le Roi. La justice doit être administrée par les tribunaux que la loi aura établis suivant les principes de la Constitution-Les ordres du Roi ne seront exécutés qu’autant qu’ils seront signés de Sa Majesté et contresignés par un secrétaire d’Etat ou par l’ordonnateur du département. Tous les ministres et agents de l’autorité sont responsables et de Remploi des fonds et de toute infraction aux lois, Voilà la carrière que vous avez parcourue en deux mois; car plus de deux autres mois avaient été consumés à créer votre auguste Assemblée, en obtenant enfin la réunion des suffrages de tous les membres qui la composent (et il fallait bien exister avant d’agir). Ceux qui se rappelleront cependant, et cette célèbre nuit et tous les décrets qui l’ont suivie et tant de délibérations sur les subsistances et tant de délibérations sur l’impôt, et tant de travaux préparés par vos comités, relativement aux finances, à l’ordre judiciaire, aux matières ecclésiastiques et féodales , à la Constitution, et ce nombre prodigieux d’objets de détail, sur lesquels vous avez été forcés de diviser votre pensée ; et les complots du despotisme ministériel, qui ont suivi l’instant de votre réunion, et le courage, les efforts et le temps qu’ii a fallu employer pour les vaincre, èt les troubles sans nombre qui ont affligé le royaume, qui ont retardé voire marche , qui ont distrait votre attention : ceux-là, certes, loin de se permettre de' calomnier votre zèle, s’étonneront de la rapidité de votre course et de l'immensité de vos travaux. Le comité de Constitution a pensé qu’après avoir mis sous vos yeux le plan qu’il s’est tracé pour l’établissement des assemblées représentatives et des assemblées d’administration, obligé d’enchaîner à ce plan toutes les questions qui en dépendent essentiellement, il devait vous présenter les autres questions qui restent à résoudre, sur les fonctions et les droits du Corps législatif , et du pouvoir exécutif. * Ra proposition des lois peut-elle appartenir au Roi? Le Roi peut-il faire des règlements provisoires dans l’intervalle des sessions? La création et la suppression des offices, commissions, places et emplois appartiennent-elles exclusivement au pouvoir législatif? Quelle sera la forme invariable pour exprimer k le consentement du le refus royal? .Quelle sera la forme de la sanction ou de la promulgation des lois ? Pour combien de temps l’impôt peut-il être accordé et dans quelle forme ? Quelle sera l’époque et la durée des sessions annuelles du Corps législatif? Le Roi peut-il la proroger ou la dissoudre? Quelle sera la constitution du tribunal cjiargé * de la punition des crimes de lèse-nation ? Quelles sont les fonctions du Roi ou du pouvoir exécutif ? A quel âge les Rois sont-ijs majeurs et peuvent-ils gouverner par eux-mêmes ? Comment et par qui se déférera la régence ? Voilà, Messieurs, les questions sur lesquelles votre comité vous propose de délibérer dans les • intervalles que pourra vous laisser la discussion du projet relatif aux assemblées représentatives et à celles d’administration ; la plupart de ces pestions sont simples, et plusieurs sont décides d’ayanee par les principes de rassemblée. premier projet d’ arrêté, Art. 1er. Re Roi peut inviter l’Assemblée nationale â prendre un objet en considération; mais la proposition des décrets appartient exclusivement au Corps législatif. Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l’observation. Art. 3. La création ou suppression des offices, commissions et emplois appartient exclusivement au Corps législatif. Art. 4. Aucun impôt ou contribution, en nature ou en argent, ne peut être levé ; aucun emprunt manifeste ou déguisé ne peut être fait sans le consentement exprès des représentants de la nation. Art. 5. Toute contribution sera supportée également par tous les citoyens et tous les biens sans distinction. Art; 6. Aucun impôt ne sera accordé que pour le temps qui s’écoulera jusqu’au dernier jour de la session suivante. Toute contribution cessera, de droit, à cette époque, si elle n’est pas renouvelée. Art. 7. Le Corps législatif présentera ses décrets au Rpi, ou séparément à mesure qu’ils seront rendus, ou ensemble, à la fin de chaque session. Art. 8. Le consentement royal sera exprimé sur chaque décret, par cette formule signée du Roi, te Roi fera exécuter; le refus suspensif sera exprimé par celle-ci, le Roi examinera. Art. 9. Après avoir consenti au décret, le Roi le fera sceller, et ordonnera qu’il soit adressé aux tribunaux, aux assemblées administratives et aux municipalités, pour être lu, publié, inscrit dans les registres, et exécuté sans délibération, difficulté ni retard. M. Fréteau. Avant de prendre l’ordre du travail de M. Target, je propose fie statuer sur quelques articles du chapitre 1er de la Constitution sur les-r quels noirs n’avons pas délibéré et en particulier sur la responsabilité des ministres, Cette proposition est adoptée. L’articfe mis ep discussion est ainsi conçu : « Les ministres et les autres agents de l’autorité soqt responsables de toutes les infractions qu’ils commettent envers les lois,quelsque soient les ordres qu’ils aient reçus. » M. Démeumer. Deux objets doivent être compris dans cet article, le compte rendu des fonds et la violation des lois. Je demande donc que les ministres soient rendus responsables de leurs dépenses et de leurs prévarications. Un membre de la noblesse veut que cette responsabilité n’ait d’autres effets que de demander compte des dépenses ; car si un ministre, dit-il, fait un traité avec une nation voisine, il n’est pas juste de lqi en attribuer les suites. M. Fréteau. Je propose d’autoriser M. le président à se retirer devers le Roi, pour le prier de sanctionner désormais les décrets de l’Assemblée en forme de déclarations. En effet, ce n’est pas sans étonnement que l’on a vu des -décrets* le l’Assemblée nationale sanctionnés par le Roi et 212 [Assemblée nationale.] promulgués dans de simples arrêts du conseil, arrêts qui sont tombés dans le mépris, puisqu’ils ne sont pas même signés du Roi. Certes les décrets du pouvoir législatif méritent au moins l’honneur ae la signature de celui qui n’est délégué simplement que pour les exécuter. J’insiste donc pour que les décrets soient sanctionnés dans une déclaration, afin d’inspirer de la confiance au public. M.le comte de Mirabeau. Il n’est pas douteux qu’un ministre doit savoir son métier ; il n’est pas douteux aussi que si vous avez décrété une peine afflictive, il sera puni sévèrement; s’il ne fait qu’une erreur notoire, il sera jugé entièrement incapable du ministère. Comme le métier de ministre ne peut être sans candidats, il me semble que nous devrions les entendre. En effet, dans le nombre des articles proposés, il est une question qui me semble avoir été oubliée: c’est celle de savoir si un ministre peut être membre de l’Assemblée nationale. Cette question s’est déjà présentée. Plusieurs membres ont été portés au ministère, ils ont jugé à propos d’abdiquer le titre de représentants de la nation; ils ont cru bien faire : mais il est permis d’avoir deux avis à cet égard. Les ministres du Roi sont-ils éligibles dans cette Assemblée? dans mon opinion ce sentiment est soutenable. Nous éprouvons tous les jours le besoin d’information ; il est très-possible d’en obtenir, surtout en finance. Pour moi, qui ne crains pas l’influence ministérielle, tant qu’elle n’agit pas dans l’obscurité du cabinet; pour moi, qui suis persuadé qu’un ministre désormais ici ne sera qu’un simple individu au milieu de ses égaux, je pense que nous avons besoin du concours des lumières ministérielles ; j’en ai l’exemple réel dans un peuple voisin. Je conclus donc à ce que l’Assemblée décide si la qualité de ministre exclut de l’Assemblée, et si tous ceux qui sont promus au ministère pendant qu’ils sont députés ont besoin d’une seconde élection pour rentrer dans l’Assemblée. La motion de M. de Mirabeau est applaudie; mais M. le président observe qu’il y en a déjà deux sur le bureau ; ce qui fait renvoyer cette motion-ci à l’époque où l’on s’occupera de la qualité de ceux qui sont éligibles. La motion de M. de Mirabeau étant ajournée, M. Démeunier donne lecture de la rédaction d’un arrêté sur la responsabilité. Le voici en sub-stance î « Les ministres et les autres agents de l’autorité seront responsables de l’emploi des fonds de leur département, ainsi que de toutes les infractions qu’ils pourraient commettre contre les lois, quels que soient les ordres qu’ils aient reçus. » M. Guillaume fait un amendement tendant à décréter qu’aucun ordre donné par le Roi ne sera obligatoire, s’il n’est signé par le Roi, et contresigné par un secrétaire d’Etat. M. Fréteaa propose d’ajouter même en finance; et pour prouver la nécessité de cette addition, il rapporte que les comptes de la guerre d’Amérique n’ont jamais été arrêtés et signés, et qu’on les a fait passer par cet usage si fréquent à la cour : l’usage facile des bons. ! M. le Berthon rapporte qu’en 1787 il y a eu S [29 septembre 1789.] pour près de 180 millions de bons. On s’étonnera peut-être du grand travail du Roi à signer tous les bons. M. Inson fait quelques observations sur l’amendement de M. Guillaume. M. le Président met aux voix la motion principale réunie à l’amendement. L’Assemblée les adopte en ces termes : « Les ministres et les autres agents du pouvoir exécutif, sont responsables de l’emploi des fonds de leur département, ainsi que de toutes les infractions qu’ils pourront commettre envers les lois, quels que soient les ordres qu’ils aient reçus. « Aucun ordre donné par le Roi ne pourra être exécuté, s’il n’a été signé par Sa Majesté, et contresigné par un secrétaire d’Etat, ou par l’ordonnateur chargé du département. » M. le Président. Il y aura bureaux à cinq heures et demie et séance à six heures et demie du soir pour discuter la motion relative à l’argenterie des églises. M. Vauden Bavière, curé de Terdeghem, député du clergé du bailliage de Bailleul, qui remplace M. l’évêque d’Ypres, Charles-Alexandre d’Arberg de Yalencin, et, dont les pouvoirs ont été vérifiés sans contestation, est admis à prendre séance. M. de Lameth renouvelle la proposition de nommer un comité militaire pour se concerter avec le ministre de la guerre sur les divers objets relatifs à l’armée. Attendu l’heure avancée, la motion est ajournée. M. le président lève la séance. Séance du mardi 29 septembre 1789, au soir. On a d’abord fait l’annonce des offres patriotiques. On a ensuite fait lecture de diverses adresses, une de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de Clamart-sous-Meudon ; elle présente deux de ses premiers actes municipaux : l’un a pour objet l’exercice de la chasse sur son territoire, l’autre les moyens d’assurer la perception des impôts ; elle demande l’approbation de l’Assemblée. Une délibération des huissiers à cheval et à verge au Châtelet de Paris, qui fout l’abandon volontaire et patriotique de toutes leurs dépenses et vacations qui leur sont dues, pour les assignations relatives à la convocation de l’Assemblée des Etats généraux, et leur assistance aux assemblées élémentaires tenues à l’archevêché. Des adresses de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Gensac, sénéchaussée d’Albret; du bourg de Gucuron en Provence, de la ville de Saumur et du comité permanent de cette ville, de la ville et commune de Maringues, des officiers municipaux de la ville de Corbigny-les-Saint-Léonard , de la ville de Lourdes en Bi-gorre, qui demande la supression du régime actuel des haras, de Bedües en Quercy, de Solliès en Provence. Une adresse du régiment national de la ville de Saintes, qui prie l’Assemblée d’adopter sa formation et composition, et d’obtenir pour lui la sanction du Roi. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.