[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { � SSSÏbre“iTO3 531 Dumere, pour lui faire rendre les lettres de prê¬ trise; il a répondu qu’il avait toujours été esclave de la loi, puisqu’elle lui ordonnait;, il les déposait entre les mains du citoyen Privât, qui fait toujours les fonctions de président. « Il s’est ensuite répandu un bruit dans la ville qu’on devait aller piller la paroisse; la municipalité s’y est transportée à l’instant pour y apposer les scellés et fermer les portes. « La masse des citoyens vinrent avec grande partie de la garnison et pressèrent la munici¬ palité de les faire jouir de l’article 7 de l’Acte constitutionnel, dont ils avaient beaucoup d’exemplaires en mains, principalement les canonniers qui déclaraient avoir la Constitution pour la règle de leur conduite jusqu’à la mort. La commune répondit qu’elle n’entendait pas y contrevenir, qu’au contraire ils avaient cru devoir mettre les effets de l’église paroissiale en sûreté. On manda le citoyen Privât pour rendre compte de sa conduite, il déclara devant toute l’assemblée qu’il avait renvoyé les lettres au curé et que partout il n’avait fait qu’exécuter la volonté de la Société; qu’il reconnaissait la liberté des opinions et qu’il n’avait jamais pensé autrement. Palinodie. « Sur quoi l’assemblée pressa la commune de lever les scellés et d’inviter le curé à continuer ses fonctions, en célébrant les décadi, à la place des anciens dimanches, ce qui s’était exécuté depuis la loi. « Hier 19, le citoyen Privât fit faire abjuration de la religion à tous les membres de la Société en déclarant que ceux qui ne s’y soumettraient pas en seraient exclus, plusieurs s’en sont retirés; on exclut aussi les femmes, qui n’entraient plus sans cartes d’un membre qui en répondait. « Il s’explique en ces termes interroga¬ toires (sic) .* quand tu as renoncé à la royauté et au despotisme as-tu aussi abjuré le fana¬ tisme et les cultes? Les uns disaient: Oui; les autres disaient qu’ils voulaient être libres : ils étaient hués. Enfin, cela avait lieu de créer un parti, et pendant ce temps il s’était rassemblé une multitude de citoyens à la commune pour l’inviter à les garantir des vexations et prendre des moyens de sûreté accordés par la loi. « Je m’empresse de te faire part de ces cir¬ constances pour nous délivrer de ces persécu¬ tions inutiles, parce que les choses s’en allaient d’elles-mêmes, et c’est en les persécutant qu’on les fait revivre. Tu sais combien on a blâmé la révocation de l’Édit de Nantes et les maux qu’elle a causés; la Constitution est bonne et très sage; nul ne souffrirait pas que personne n’y porte atteinte. Nous sommes ici tous inclinés à la paix et à la tranquillité, les troubles qui peuvent nous agiter ne seront toujours que l’ouvrage des étrangers, nous avons toute notre confiance en toi qui a toujours aussi été notre patron et notre protecteur. « Je suis, en attendant le moment de te rap¬ peler le tableau de nos maux, « Ton fidèle concitoyen, « P. Dondeine. « Nous avons arrêté à notre comité de sur¬ veillance une quittance de 500 livres de contri¬ bution que ce Privât a signée et perçue à Guen-trange; on nous a dit qu’il y en avait encore d’autres, nous en faisons les recherches. » Compte rendu du Moniteur universel (I). Bourdon (de l’Oise). Je demande à dénoncer un journal intitulé : la Sentinelle du Nord. Le rédacteur de cette feuille, sous une apparence de bonhomie flamande, est extrêmement malin. Voici le fait qu’il publie : « Il y a huit jours qu’il est arrivé dans le port du Havre un bâti¬ ment du roi de Danetnarck, qui nous envoie 20,000 fusils. Il était muni de deux passeports, l’un jusqu’à la flotte anglaise, annonçant que ces armes sont pour l’Espagne, et l’autre pour la France. Il a parfaitement exécuté cette dou¬ ble manœuvre. » Vous voyez que le but de ce monsieur est de nous brouiller avec les gouver¬ nements neutres. Isoré m’écrit aussi que les agents du conseil exécutif continuent leur sys¬ tème de diffamation contre les représentants du peuple. Il est temps que le comité de Salut public rende compte à la Convention de la con¬ duite et des pouvoirs de ces agents. Merlin ( de Thionville ). Assez d’autres jour¬ naux ont répété ce qui a été dit par celai que Bourdon vient de dénoncer; presque tous ont publié que la Bépublique a reçu 20,000 fusils du roi de Danemarck. Ce fait demande à être examiné. On apprendra peut-être que cette annonce est illusoire, et n’a d’autre but que de rompre la bonne intelligence qui règne entre deux gouver¬ nements neutres; ou que si les 20,000 fusils sont en France, ce sont les ennemis de la Répu¬ blique qui les ont fait venir, et qu’ils n’ont pu les faire passer plus avant. A l’égard des vexations commises par les agents du conseil exécutif, il est impossible de fermer plus longtemps les yeux sur cet objet. Thionville, cette place qui a soutenu un siège si meurtrier, qui a résisté à toutes les forces des puissances étrangères et aux perfidies de Félix Wimpfen, Thionville est sous l’oppression de ces agents; c’est là qu’ils exercent les vexations les plus tyranniques. Ils ont décerné contre un des meilleurs patriotes de cette ville un mandat pour le forcer à payer, dans trois heures, une somme de 1,000 livres. Je demande, comme Bourdon, que le comité de Salut public dénonce ces manœuvres abomi¬ nables d’hommes aristocrates hier, et qui se di¬ sent aujourd’hui patriotes. Je demande l’exécu¬ tion la plus rigoureuse de la loi salutaire sur le gouvernement révolutionnaire. Clauzel. Je dénonce un nommé Monté, garçon apothicaire, qui s’est fait envoyé à l’armée des Pyrénées, et qui en cajolant les représentants du peuple, s’est fait nommer ensuite à l’armée de l’Ouest. Un membre. Un autre délégué du ministre de la guerre envoyé auprès de l’armée de la Moselle pour dénoncer les aristocrates, a dénoncé et fait arrêter tous les meilleurs patriotes. Les repré-tants du peuple ont ouvert les yeux sur les ma-(1) Moniteur universel tn° 87 du 27 frimaire an II (mardi 17uiéceml>re 1793), p. 352, col. 1], D’autre part, voy. ci-après, annexe n° 2, p. 553 le compte¬ rendu dë la même discussion d’après divers jour¬ naux. 532 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j îéœmbre 179? nœuvres de cet individu, et l’ont fait arrêter lui-même. Cambon. Vous avez pris une grande mesure en décrétant un emprunt forcé d’un milliard; elle s’est exécutée à Paris, parce que votre pré¬ sence a empêché les taxes révolutionnaires ; mais dans les départements, où il n’y a pas eu de taxes révolutionnaires, l’emprunt forcé est nul. Au moins faudrait -il que ces taxes révolution¬ naires vinssent au Trésor public, puisque vous en paraissez dépositaires; eh bien, pas un avis, pas un sou n’est encore parvenu à la trésorerie nationale. (On murmure ) On veut être au-dessus de la Convention qui fait la révolution. Les ri¬ chesses provenant des dépouilles du culte de¬ vaient produire beaucoup d’argent; mais on est venu jeter dans la Convention ces objets, sans ordre, sans inventaire, et on publie qu’ils pro¬ duiront deux, trois milliards. En dernière ana¬ lyse, on verra que le gaspillage s’est encore em¬ paré de cette partie. Allouons tous les secours qui doivent être donnés aux pères de famille dont les enfants sont sur les frontières, c’est là qu’il ne faut point être avares. Mais il faut que toutes les taxes parviennent au Trésor public : car, at¬ taquer les richesses pour devenir riches, c’est se mettre à la place des tyrans. Je demande que les directoires de district nous envoyent la note de toutes les taxes révolutionnaires imposées dans lenr arrondissement, afin que ceux qui au¬ ront été taxés au-dessus de leurs moyens, trou¬ vent une ressource auprès des comités de Salut public et des finances, pour obtenir des réduc¬ tions, s’ils ne sont pas aristocrates. La proposition de Cambon est décrétée. La Convention charge les comités de Salut public et de sûreté générale de lui faire un rap¬ port sur la conduite des agents du conseil exé¬ cutif. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la lecture du projet du numéro 1 des « Annales du civisme et de la vertu », présenté par Léonard Bourdon, au nom du comité d’ins¬ truction publique, sur la motion d’un de ses membres, décrète que ce projet sera imprimé et distribué à tous ses membres. « Elle ajourne la discussion trois jours après la distribution (1). » Suit le texte du premier numéro des Annales du civisme et de la vertu, d'après le document im¬ primé (2). Annales du civisme et de la vertu, n° 1er, PRÉSENTÉ A LA CONVENTION NATIONALE, AU NOM DE LA SECTION DU COMITÉ D’INSTRUCTION PUBLIQUE CHARGÉE DE LEUR RÉDACTION, PAR Léonard Bourdon, député par le dépar¬ tement du Loiret. (Imprimé par ordre de la Convention nationale.) Citoyens, chargé par votre comité d’instruc¬ tion publique de la rédaction des Annales du ci-[5 (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 239. • (2) Bibliothèque nationale : 22 pages in-8° L* n° 38. Bibliothèque de la Chambre des députés : Col¬ lection Portiez (de l’Oise), t. 82, n° 3. Musée pédago¬ gique, n° 18893. visme et de la vertu, je ne me suis déguisé ni la difficulté d’un pareil travail, ni l’étendue des obligations qu’il m’imposait, ni les talents qu’il aurait fallu pour être à sa hauteur. Cet ouvrage destiné, d’après vos décrets, à être lu dans les assemblées populaires, les jours de décade, dans les écoles publiques, doit avoir le mérite que l’on désire dans les livres élémen¬ taires, vulgairement appelés classiques; il doit présenter un bon modèle de narration; le rédac¬ teur doit entièrement disparaître, l’auteur seul doit être vu. Toutes réflexions doivent être ban¬ nies : les traits cités doivent être assez bien choisis pour se louer eux-mêmes. Aucun terme hyperbolique, aucune expression triviale ni am¬ poulée ne doivent défigurer un style dont la pureté, la simplicité et le choix des mots propres sont les qualités principales. Nous aurions pu remplir ce numéro, et beau¬ coup d’autres ensuite, de récits plus saillants; nous aurions pu y réunir un ensemble de traits tous plus héroïques les uns que les autres; de ces traits qui provoquent d’autant plus l’admi¬ ration, qu’ils paraissent surpasser les forces or¬ dinaires de la nature. (L’énergie des républicains français, le sublime enthousiasme de la liberté, qui élève l’homme au-dessus de lui-même, nous garantissaient que les matériaux ne nous man¬ queraient pas.) Mais nous avons voulu ménager les jouissances de nos lecteurs; nous avons pensé que des traits de probité, de désintéressement dont la Conven¬ tion nationale avait entendu le récit avec intérêt, figureraient sans désavantage à côté de traits d’héroïsme dans des annales, dont l’objet est de présenter à la jeunesse française le tableau des vertus de leurs pères, de leurs contemporains; d’exciter et d’entretenir la sensibilité si naturelle à cet âge. Voici la marche que nous avons suivie. Chaque numéro contiendra d’abord un récit des premiers événements de la révolution ; les différents traits de civisme et de vertu seront variés de manière à éviter l’uniformité : tantôt ce sera un trait de désintéressement; une action héroïque lui suc¬ cédera et sera suivie d’un sentiment de piété fi¬ liale. Les actions vertueuses des corps, des indivi¬ dus, des vieillards, des femmes, des enfants, tra¬ cées successivement, nous fourniront un nouveau moyen de varier nos récits. Nous ne regrettons qu’une chose, c’est que, parmi la multitude de traits que nous avons déjà recueillis, il y en ait un grand nombre dont le nom des héros ne nous soit pas encore parvenu. Nous avons remarqué avec peine que, lorsqu’il s’agit d’un trait de vertu commun à plusieurs défenseurs de la patrie, on a eu soin de nous transmettre le nom de l’officier, et que souvent on a laissé dans l’oubli celui des soldats; nous prendrons les mesures nécessaires pour réparer cet oubli qui semble tenir aux injustices de l’an¬ cien régime, et qui est si opposé aux principes de la Bévolution. Chaque quartier nous donne¬ rons une table alphabétique des noms des ci¬ toyens dont les belles actions auront été citées précédemment, et cette table renverra au numéro sous lequel chaque trait aura été cité. En atten¬ dant, nous ne nommerons point l’officier, à moins que l’action ne lui soit personnelle, lorsque le nom des soldats ne nous sera point parvenu.