SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS* CAHIER Des plaintes et doléances de V Assemblée du tiers-état de la sénéchaussée de Bazas (1). Le tiers-état de la sénéchaussée de Bazas régulièrement assemblé, conformément aux ordres du Roi, charge ses représentants de porter aux pieds du trône les sentiments de la plus vive reconnaissance pour la bonté paternelle du souverain qui, entièrement oécupé du bonheur de ses peuples, les invite à concourir au salut de l’Etat et à la plus grande perfection de toutes les parties de l’administration, [les exhorte à se pénétrer dans l’assemblée des Etats-Généraux de cet esprit de sagesse et de douceur qu’inspire l’amour de la patrie, et qui, ne faisant de toute la nation qu’une seule famille, calmera les sollicitudes du souverain, en opérant le bonheur de ses sujets. Les députés de la sénéchaussée proposeront : Art. 1er. La réunion de tous les impôts établis sur les propriétés foncières en un seul et même impôt, à un prix déterminé par journal ou arpent, suivant la nature et la~ qualité des fonds de chaque canton. Art. 2. Qu’il soit fait un cadastre ou arpentement dans tout le royaume, et que la mesure du journal soit la même partout. Art. 3. Que dans ce cadastre ou arpentefnent soient compris généralement tous les fonds sans distinction des" privilèges personnels, réels et locaux, de manière que tous les sujets du Roi, sans exception quelconque, supportent également ledit impôt. Art. 4. Que si, contre l’attente générale, les privilèges personnels et locaux n’étaient point abolis relativement à la taxe sur propriétés foncières, les députés de la sénéchaussée sont chargés de réclamer, avec la plus grande insistance, en faveur des habitants de ladite sénéchaussée, les privilèges et exemptions qui leur furent accordés par la capitulation faite avec Charles YII, en l’année 1451 . Art. 5. Que la perception de cet impôt, dont la forme actuelle est si onéreuse, principalement à la classe la plus indigente du peuple, soit simplifiée pour réformer les abus que commettent les inspecteurs, les huissiers aux tailles et leurs assistants. Art. 6. Que l’on recherchera la meilleure manière d’assujettir aux impôts les richesses mobilières et industrielles , sans aucune exception, même pour les rentiers de l’Etat. Art. 7. Que l’entretien et la confection des grands chemins et autres travaux publics seront supportés également par les trois ordres de l’Etat. Art. 8. Soumettre aux lumières et à la sagesse de l’assemblée la discussion des droits féodaux les plus onéreux, comme la multiplicité des reconnaissances, les retraits, etc. Art. 9. La suppression des droits de franc-fief. Art. 10. La liberté la plus absolue dans la vente (1) Le cahier da tiers -état rie Bazas nous a été communiqué par AI. le comte de Bouvüle, préfet de la Gironde : nous lui exprimons ici notre gratitude. des bestiaux et autres denrées, sans qu’elle puisse jamais être arrêtée, ni suspendue. Art. 11. De rétablir l’édit de 1776 qui permet la libre circulation des vins, sans aucune exception ni modification, et de supprimer le privilège exclusif de la ville de Bordeaux qui anéantit la culture des vignes dans tout le reste de la province. Art. 12. La suppression des péages quelconques et les bureaux de perception dans l’intérieur du royaume. Art. 13. La liberté de la navigation et de la pêche sur les rivières du domaine du Roi, nonobstant tous privilèges exclusifs. Art. 14. Changer la forme de la perception des droits établis sur les cuirs et sur les octrois des villes. Art. 15. Que les droits de contrôle soient fixés par un tarif clair et précis, pour éviter les vexations et l’arbitraire dans leur perception, et que ce nouveau tarif soit commun dans tous les cas au clergé comme aux deux autres ordres. Que Sa Majesté veuille aussi prendre en considération les actes les plus communs dans la société , tels que les contrats de mariage et les testaments, dont les droits actuels sont une véritable surcharge et un sujet perpétuel de vexations. Art. 16. Qu'il soit ajouté à l’édit concernant les hypothèques que les oppositions dureront pendant trente ans. Art. 17. Que les 10 sols pour livre établis sur les étaux des boucheries des villes de la sénéchaussée soient supprimés. Art. 18. Rétablir les communautés des villes dans Je privilège de nommer et d’élire elles-mêmes leurs officiers municipaux ; les rétablir aussi dans la possession des murs de ville, fossés et glacis. Art. 19. Que les réparations et reconstructions des presbytères soient uniquement à la charge des gros décimateurs. Art. 20. Que les états provinciaux déterminent la manière la moins onéreuse de percevoir les sommes destinées aux réparations et reconstructions des églises, et que le nombre des églises paroissiales soit fixé relativement à leur étendue, à leurs besoins, à leur population, et qu’il n’y ait pas d’église paroissiale sans pasteur. Art. 21. Que le Roi veuille bien rentrer dans ses domaines, aliénés ou engagés qui seront vendus pour le prix être employé au payement des dettes de l’Etat. Art. 22. Que Sa Majesté veuille mettre des bornes à sa générosité, en réduisant dans ce moment les pensions au taux où elles étaient en 1755. Art. 23. Qu’il soit fait une loi qui autorise à prêter à terme,fixe,avec stipulation d’intérêts au taux de l’ordonnance. Art. 24. Que Sa Majesté daigne s’occuper des règlements qu’elle a promis pour rendre l’éducation publique plus florissante. Art. 25. Que la naissance, dans pas un cas, ne puisse être un titre d’exclusion pour les emplois civils et militaires. Art. 26. Sa Majesté sera suppliée de nommer [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bazas.] 495 incessamment une commission composée de ma-' gistrats et des jurisconsultes célèbres pour la» ïéformation des lois civiles et criminelles, dont les abus multipliés excitent les réclamations générales de la nation et qu’on fixe d’une manière invariable l’attribution et la compétence des différents tribunaux du royaume. Art. 27. Que tous les tribunaux d’exception soient supprimés. > Art. 28. D’accorder à la province de Guyenne des Etats constitués sur le plan et d’après l’organisation de ceux du Dauphiné, et de rendre pé-, riodique l’assemblée de la nation au renouvellement des bans. Art. 29. Que les ministres rendent compte de leur administration à la fin de chaque année, que ce compte devienne public par la voix de l’impression, et qu’à chaque tenue des Etats généraux, tous les comptes rendus dans 'l’intervalle soient mis sous les yeux de la nation. Art.. 30. Qu’il soit fait une loi solennelle pour prévenir de là manière la plus efficace les désordres que l’inconduite ou l’incapacité des ministres pourraient introduire dans leursdépartements. Art. 31. Qu’il soit pareillement fait une loi por-' tant qué le Roi et ses successeurs à la couronne ne pourront, pour quelque cause que ce puisse être, mettre aucun impôt, ni l’augmenter après qu’il aura été été établi légalement, ni en proroger la durée, sans le consentement de la nation. , Art. 32. Les-députés proposeront que la loi contenant cette disposition sera considérée comme faisant partie de la constitution française, et que dans le cas où Sa Majesté et ses successeurs à la couronne mettraient, de leur autorité, un nouvel impôt ou augmenteraient celuijqui aurait été établi légalement, ou en prorogerait la durée, la nation ne pourra dans aucun cas être Contrainte de payer, même dans celui où les cours de parlement, cours des aides et autres cours quelconques auraient vérifié et enregistré librement l’édit qui établirait l’impôt, son augmentation ou sa prorogation. Art. 33. Lès députés proposeront, comme une suite de cette disposition, que si le Roi et ses ministres font des emprunts sans le consentement de la nation, elle n’en demeurera chargée d’aucune manière, quoique les édits, autorisant les-dits emprunts, ayant été vérifiés et enregistrés librement dans les cours de parlement, cours des aides ou autres cours quelconques qu’on aurait établies dans cet objet. Art. 34. Que Sa Majesté sera suppliée d’ordonner qu’il soit procédé avec les Etats généraux à la liquidation des emprunts de l’Etat faits depuis 1614,. et que la somme en soit fixée, non sur le taux actuel et l’intérêt, mais sur le versement de l’argent effectif au trésor royal, et que, pour les emprunts qui ne pourront être remboursés actuellement, l’intérêt en soit fait, à raison.de 5 p. 0/0 de l’argent effectif yersé au Trésor royal, à l’effet de quoi il sera nommé des commissaires pour procéder à ladite liquidation. Art. 35. Il sera fait une distinction des exemptions, acquises par la libéralité des rois, les traités de capitulation ou autres causes gratuites et de celles acquises par un rachat ou acquisition à prix d’argent; au' premier cas, toutes les immunités des villes, provinces, corps ou communautés seront supprimées; au second cas, lorsqu’il sera justifié qu’il y a eu anciennement un rachat en argent, les Etats généraux porteront les sommes employées au rachat dans le rang des dettes de l’Etat et en assigneront le remboursement ou l’intérêt. Art. 36. Qué les députés ne seront autorisés à consentir à l’augmentation des impôts qu’après avoir scrupuleusement constaté l’étendue du déficit, et avoir épuisé tous les moyens de réduction, dont la dépense des différents départements est susceptible. Art. 37. Que l’ordre du clergé et celui de la noblesse supporteront de la manière la plus égale non-seulement les impôts déjà établis, mais encore ceux qu’il sera jugé nécessaire d’établir pour les besoins de l’Etat. Art. 38. Les Etats provinciaux auront la direction des travaux publics de toute espèce, de la levée dep milices et l’administration de l’argent : destiné à ces objets. Sa Majesté sera suppliée de prendre en considération les . observations qui seront proposées relativement à l’exemption des milices. Art. 39. Sa Majesté sera suppliée de ne point envoyer, pendant la vacance des Etats généraux, aucune loi à vérifier et enregistrer à aucune cour, et si elle croit devoir donner des lois particulières pendant la vacance des Etats généraux, elle sera suppliée de les faire vérifier et enregistrer par les Etats provinciaux. Art. 40. Si pendant la vacance,' il survient quelque besoin imprévu, pour cause de guerre ou autre, Sa Majesté voudra bien assembler extraordinairement les Etats généraux, à moins qu’elle ne préfère d’adresser les édits particuliers aux Etats provinciaux, pour consentir tel impôt partiel ou momentané que les Etats provinciaux jugeraient nécessaire ou possible. * Art. 41. Que les députés proposeront à l’assemblée qu’il soit fait une constitution pour la régence. Art. 42. Que le Roi voudra bien donner une loi qui porte que la personne des députés aux Etats généraux sera.inviolabie, depuis leur nomination jusqu’au rapport qu’ils [feront à leurs commettants de leur mission; qu’ils ne pourront être pendant ce temps nommés à aucune charge publique, ni poursuivis en justice; qu’ils ne pourront confier à aucun autre corps ou tribunal l’exercice de leurs pouvoirs et mandats, mais qu’ils seront tenus de les remettre à leurs mandants. - ’ * Art. 43. Le .tiers-état de la sénéchaussée voit avec le plus grand regret que depuis longtemps il règne des troubles et des agitations entre le monarque et ses sujets; recherchant les causes de ces troubles, il a cru les voir dans ce que les droits du souverain et ceux de la nation pont méconnus; les députés sont donc chargés de proposer que, pour assurer à jamais la tranquillité publique et le bon ordre dans toutes les parties de l’administration, il soit fait' une loi qui fixe, d’une manière claire et précisé, les droits du monarque et ceux de ses sujets. Art. 44. Que les députés exprimeront le vœü général de leur ordre qui est d’opiner par tête. Ainsi Signé : Ezemar, chevalier de Saint-Louis ; Rertonneau; Aubert; Dumola ; Plaisance; Roucho-- reau; Lavenuef; Polhe; Saige ; Graullau; Lestelle et Dubourg, tous, les douze commissaires députés pour la rédaction des présentes plaintes et doléances. ' Ainsi Signé : de même les députés de l’assemblée : JDestrilhes; de Labarrière; Arman; Partar-rieu; Pierron; Basterot; J. Dufau; Desclaux; Mongie; Fumât; G. Latapy; Detau; Saint-Marc; 496 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Razas.J ûarquey ; Benquey; Duchams; Besiade; Bayle; Saige; Depons; Labrouche; Ferrand ; Garbai ; Ben-quet, Ferraud; Darroman; Amat; Dupouy; Ducos; Goumet; Laborde; Saint-Marc; Lacoste; Lahé; Garlai; Dufau ; Labrouche; Saubouis ; Rouma-seilles; Flamoret ; Bime ; Lescousères; Martin; Moussillac; Bignolle; Roumaseilles; Mothes; La-prie; Duballen fils; Detons; Bouilhon de Lafeuil-lard; Laboual; Sacriste; Grillon; Duballen ; Bouil-bac; Faugère; Dupin ; Maubourguet ; Hommeau ; Mellon ;Labardin ; Catherineau ; Raraont ; Blanchet ; Laporterie ; Sevin ; Petiteau ; Forestier ; Dupuis ; Ma-lardeau; Boutin et de Bignon, lieutenant particulier, président de l’assemblée. Collationné : Signé Miremont, greffier en chef du sénéchal et présidial de Bazas.