[27 septembre 1791.] 421 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 27 SEPTEMBRE 1791, AU SOIR. PROJET DE décret concernant les SOURCES D’EAU, les RUISSEAUX et PETITES RIVIÈRES, les FLEUVES et RIVIÈRES navigables, et atterrissements en dépendant , les eaux stagnantes et les EAUX PLUVIALES et d'écoulement (1). Nota. — La suppression des maîtrises laissant les fleuves et rivières navigables sans police, et l’Assemblée nationale ne pouvant pas laisser ainsi cette partie de la chose publique, ses comités des domaines, d’agriculture et de commerce ont rédigé ce projet de décret, en profitant de l’ancien travail du comité féodal, et eu y jo gnant les dispositions relatives aux sources d’eau et aux ruisseaux et petites rivières dont elle leur a renvoyé l’examen. § 1er. Sources d'eau. Art. 1er. Les sources d’eau appartiennent au propriétaire du sol où elles naissent. Art. 2. La propriété des sources d’eau ne donne aucun droit actif ni prohibitif, sur le sol voisin ou supérieur d’où les eaux peuvent survenir. Art. 3. Le sol inférieur doit supporter l’écoulement du supérieur. Art. 4. La propriété des sources d’eau s’entend à la charge de n’en faire aucune disposition nuisible, ou qui rende l’écoulement des eaux plus dommageable que dans l’état naturel. Art. 5. Il n’est aucunement préjudicié par la disposition des articles précédents aux conventions, jugements ou droits d’usage légitimement établis. §2. Des ruisseaux et petites rivières. Art. 1". Ruisseaux et petites rivières s’entendent des cours d’eau non navigables de leur propre fond qui se forment par l’affluence des sources d’eau particulière, et dont l’écoulement se fait dans le territoire d’une ou plusieurs communes. Art. 2. Nul n’a le droit de changer le lit naturel ou accoutumé des ruisseaux et petites rivières. Art. 3. Tonte personne a le droit de garantir ses possessions de l’invasion des torrents, ruisseaux et petites rivières, à la charge de ne pas resserrer leur lit, ni de changer ou contrarier la direction de leur cours. Art. 4. Tout propriétaire des deux bords d’un ruisseau ou petite rivière a la faculté d’en renfermer le cours dans l’enceinte de sa propriété, en ne nuisant point à l’écoulement des eaux. Art. 5. Tout propriétaire riverain a le droit de dériver de l’eau des ruisseaux ou petites rivières, le long de ses possessions, pour leur arrosage, peur rouir les chanvres, ou pour tout autre usage équivalent, en ne causant aucun dommage, et à la charge de rétablir les eaux dans leur lit aussitôt la cessation de l’usage. Art. 6. Tout propriétaire non riverain a le même droit, en obtenant le consentement des personnes sur la propriété desquelles il a à passer et à prendre, ou à conduire les eaux. Art. 7. En cas d’abus résultant de la dérivation des eaux, au préjudice de l’abreuvage , ainsi qu’en cas de concours pour l’arrosage, les municipalités, chacune dans leur territoire, régleront en conseil général le temps, la durée et la forme des prises d’eau, sauf le recours aux corps administratifs. Art. 8. En cas de concours entre plusieurs communautés d’habitants, elles s’adresseront de même aux corps administratifs. Art. 9. La préférence sera donnée aux canaux d’irrigation qui auront pour objet d’arroser une plus grande étendue de territoire. Art. 10. Aucun canal d’irrigation ne pourra être ouvert sur des propriétés particulières, sans le consentement des propriétaires, si ce n’est en vertu d’un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi, et à la charge d’une préalable indemnité. Art. 11. Aucune nouvelle prise d’eau ne pourra être faite, ni autorisée au préjudice des irrigations existantes, à la charge aux possesseurs de fournir la preuve de l’affectation des eaux pendant le temps par eux réclamé. Art. 12. La disposition de l’article précédent aura également lieu à l’égard des irrigations possédées par les ci-devant seigneurs ou leurs concessionnaires. Art. 13. Les moulins et usines, actuellement existant sur les ruisseaux et petites rivières, seront maintenus sans préjudice aux besoins de l’arrosage; mais il ne pourra en être construit à l’avenir qu’en vertu d’une délibération de la municipalité du lieu, visée et approuvée par le directoire du département, qui prendra préalablement l’avis de celui du district. (1) Voir ci-dessus, même séance, page 394. 422 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 septembre 1791.] Art. 14. Tout possesseur de moulins et autres usines établis ou à établir, est tenu de construire et maintenir ses retenues et autres ouvrages, en tel état qu’il n’en résulte ni reflux ni stagnation, ni autre dommage. Art. 15. Les municipalités ne pourront mettre à prix les prises d’eau ni les établissements d’usine dans les ruisseaux et petites rivières, la distribution de leurs eaux devant être uniquement dirigée pour le plus grand avantage de l’agriculture, et par des considérations d’utilité publique. Art. 16. Les municipalités régleront l’établissement des bacs de traverse avec trailles ou cordages traînants sur les torrents et petites rivières, dans l’étendue de leur territoire ; et si les torrents et petites rivières séparent deux communautés, les municipalités respectives se concerteront ou s’adresseront aux corps administratifs. g 3. Des fleuves et rivières navigables, et des atterrissements en dépendant. Art. l8r. Le lit et le cours des fleuves et rivières navigables de leur propre fonds, ou par des travaux faits aux dépens du Trésor public, appartiennent à la nation, à partir du point où ils deviennent navigables. Art. 2. La navigation sur les fleuves et rivières est libre à toute personne, en se conformant aux lois de police. Art. 3. Les propriétaires riverains sont tenus de laisser, pour l’abord des fleuves et rivières, et le service de la navigation, un marchepied de 4 toises de largeur le long de leurs possessions, du côté où se fait le tirage habituel et de 2 toises de largeur de l’autre côté, sans pouvoir faire dans cet espace aucune construction, plantation, fossé, ni culture qui y mette obstacle. Art. 4. Les possesseurs riverains ont le droit de garantir leurs héritages contre les fleuves et rivières, pourvu qu’ils ne nuisent pas à la navigation, et à la charge de ne point resserrer le lit des eaux ni d’en changer ou contrarier le cours ; sauf les digues d’utilité commune ou générale, dont la direction et la construction seront autorisées en la forme prescrite pour les travaux publics. Art. 5. Aucuns canaux, aucun bacs à trailles ni à cordages traînants, aucuns moulins ni autres usines, ne pourront être établis à l’avenir sur les fleuves et rivières navigables sans un décret du Corps législatif. Art. 6. Ne sont pas comprises dans la disppsition de l’article précédent, les simples prises d’eau pour l’arrosage des propriétés riveraines, en ne nuisant point à la navigation ni aux marchepieds des rivières. Art. 7. Les atterrissements qui se formeront à l’avenir par accroissement naturel et insensible le long des héritages riverains des fleuves et rivières, appartiendront aux propriétaires desdits Jiéfifages dans fa longueur de leurs possessions. Art. 8. Les îles et îlots qui se formeront dans le lit desdits fleuves et rivières continueront d’appartenir à la nation, sans dérogation aux traités relatifs aux fleuves limitrophes avec les Etats étrangers. Art. 9. Toute personne aura la faculté d’enlever des sables et graviers dans les atterrissements formés par les fleuves et rivières, jusqu’à ce qu’ils soient enfermés par des clôtures, ou couverts de bois ou foins de marais, ou qu’ils soient ipis en culture. Art. 10. Si un fleuve ou une rivière navigable changeait subitement de lit, le lit délaissé appartiendra aux possesseurs du sul nouvellement envahi, par proportion avec le terrain occupé sur chacun d’eux. Art. 11. Les propriétaires dont les héritages auront été entourés par les eaux, sans être successivement détruits ou dénaturés, en conserveront la propriété. Art. 12. Il n’est rien innové par la disposition de l’article 3 à l’égard des bâtiments et autres constructions actuellement établis sur le bord des fleuves et rivières, mais il est défendu d’en construire à l’avenir. Art. 13. Tous possesseurs d’îles et îlots, de canaux, bacs à trailles ou à cordages traînants, et de moulins et usines actuellement établis sur les fleuves et rivières, continueront d’en jouir conformément aux lois qui ont eu lieu jusqu’à présent. Art. 14. La nation et tous autres possesseurs légitimes continueront pareillement de jouir conformément aux mêmes lois des atterrissements formés jusqu’à ce jour. §4. Des eaux stagnantes. Art. 1er. Les lacs qui, par leur étendue et les moyens de communication qu’ils établissent d’un lieu public à un autre, ne formeraient pas des propriétés publiques, sont susceptibles de former des propriétés particulières ou communales. Art. 2. Il est fibre à toute personne de former des mares, fossés où étangs dans ses possessions avec les eaux dont elle a la disposition, à ]a charge [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |27 septembre 1791.] 123 de ne point nuire à la salubrité, et en demeurant responsable du dommage qui peut en résulter. g 5. Des eaux pluviales et d'écoulement. Art. 1er. Toute personne a le droit de disposer de l’eau pluviale et des eaux qui s’écoulent dans sa propriété, ainsi que de celles qui s’écoulent dans les rues, places et chemins publics, le loDg de sa propriété, à la charge de ne dégrader ni intercepter la voie publique. Art. 2. Nul n’a le droit de changer le cours naturel des eaux pluviales ou d’écoulement, au dommage d’un autre. § 6. Police et juridiction des eaux. Art. 1er. Les corps administratifs et [les municipalités, chacun dans leur territoire et selon l’ordre de leur institution, sont chargés de veillera la police et à l’exécution des lois concernant les fleuves et rivières navigables, et les ruisseaux et petites rivières. Art. 2. Les municipalités, chacune dans leur territoire, et après avoir ouï les parties intéressées, prdon-nerônt la démolition des ouvrages et constructions faits en contravention des lois; elles pourvoiront pareillement à la liberté des marchepieds des rivières, le tout, sauf le recours aux corps administratifs et leur intervention, selon l’ordre prescrit par la Constitution, en cas de négligence de la part des municipalités; les démolitions et autres travaux seront faits aux frais des contrevenants. Art. 3. Tout possesseur actuel de moulins ou autres usines sur les ruisseaux et petites rivières, même dans les parties encloses dans des propriétés particulières, sera tenu d’en faire la déclaration au secrétariat de la municipalité, et de faire enregistrer ladite déclaration au directoire du district, le tout dans le délai de 6 mois, à compter de la publication du présent décret; à défaut de quoi lesdits moulins et usines seront réputés de nouvelle construction, et pourront être démolis conformément à la disposition de l’article précédent. Art. 4. Les possesseurs de bâtiments et autres constructions, actuellement établis sur les fleuves et rivières navigables, seront tenus d’en faire leur déclaration au secrétariat du directoire du département, et de faire enregistrer ladite déclaration au secrétariat du district, et en celui de la municipalité, dans le même délai de 6 mois, à défaut de qudi lesdites constructions seront pareillement réputées de nouvel établissement, et sujettes à démolition. Art. 5 . Les possesseurs de canaux, bacs à, trailles et à cordages traînants, moulins et autres usines suf les fleuves et rivières navigables sont assujettis à la même déclaration, dans laquelle les possesseurs seront tenus d’énoncer en outre le titre en vertu duquel ils jouissent; et à défaut de titre l’époque a laquelle remonte leur possession perr sonnelle ou celle de leurs auteurs. Cette déclaration devra être visée par la régie des domaines et enregistrement avant d’être faite au directoire du département; et à défaut de ladite déclaration, dûment visée et enregistrée dans le délai prescrit, les possesseurs demeureront déchus de tous droits et prétentions. Art. 6. Les possesseurs d’atterrissements, îles et îlots actuellement existant dans les fleuves et rivières navigables, seront tenus à la même déclaration, sous la même peine de déchéance de tous droits et prétentions. Art. 7. En cas d’insalubrité résultant de l’étendue, de la multiplication ou du défaut de fonds des mares ou étangs, les corps administratifs pourront en ordonuer la réduction, même la destruction et le dessèchement : l'insalubrité devra être préalablement constatée par les plaintes des communautés voisines, appuyées sur des faits constants et par un rapport de gens de l’art. Art. 8. Les municipalités, sous l’autorité des directoires de département, qui prendront préalablemeq| l’avis du district, régleront la distance à laquelle les rutoirs devront être des habitations dans l’étendue de leur territoire. Art. 9. En cas de contravention à l’article précédent, comme aussi en cas de rouissage de chanvres, ou de tout autre dépôt nuisible à. la salubrité dans les fleuves et rivières navigables et autres, les délinquants seront condamnés pour là première fois a une amende de 50 livres, qu double pour la seconde, à 6 mois de prison pour lq troisième, outre la peine pécuniaire. Les contraventions seront poursuivies ainsi que les aufres délits de police correctionnelle, et [es aiqpndes auront la même destination. Art. 10. Lq disposition des artiplpq précédents aura lieu, sans préjudice aux actions’ èt indemnités des particuliers, dans le cas où iis auraient à souffrir des cqntraveotiqqs ci-devant énoncées, ou en cas de' péril imminent résultant d’unq nouvelle disposition qès eaux ; léqpftes actioqq seront poursuivies en la fonqp et paf-devant feq tribunaux ordinaires. §7, Dispositions générales. Art. l?r. Tous droits ci-devant seigneuriaux ou féodaux, sur les sources d’eau, les ruisseaux et petites rivières, les fleuves et rivières navigables, et les eaux fluviales et d’écoulement sont abolis. Art. 2. Les redevances, ayant poqr cause lq flispqqi- 424 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 septembre 1791.] tion ou l’usage des eaux ci-dessus énoncés, sont supprimées sans indemnité. Art. 3. Néanmoins, si lesdites redevances étaient établies conjointement et confusément sur des concessions d’eau et des terrains, bâtiments ou usines, elles subsisteront dans leur entier jusqu’au rachat. Art. 4. Toutes autres lois ou coutumes, dans toute l’étendue du royaume, sont entièrement abrogées. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Sèancedumercredi2�septembre\l%\,aumatin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. de Phélines, au nom du comité militaire, annonce qu’il s’est glissé plusieurs erreurs dans la rédaction du décret sur la composition de l’armée rendu le 18 août 1790 (2) ; il donne lecture des articles à substituer aux articles erronés insérés dans le procès-verbal : ces articles sont l’article 1er, l’article 9, une partie de l’article 11 et les derniers mots de l’article 14. (Ces différents changements sont mis aux voix et adoptés.) En conséquence, le décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1er. « L’armée sera composée, à dater du 1er janvier 1791, tant en officiers qu’en soldats, de 110,590 hommes d’infanterie, et de 30,040 hommes de troupes à cheval, non compris l’artillerie et le génie, sur lesquels l’Assemblée nationale se réserve de statuer. « Le nombre des officiers généraux employés ne pourra pas excéder 94 : l’Assemblée nationale se réserve de statuer sur le nombre des adjudants, sur celui des aides de camp, et sur le nombre des commissaires des guerres qui doivent être mis en activité pendant l’année 1791. Art. 2. « Les troupes étrangères qui feront partie du nombre ci-dessus, et qui seront à la solde de la nation, ne pourront pas, sans un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi, excéder celui de 26,000 hommes. Art. 3. « Le nombre d’individus de chaque grade, et dans chaque arme, sera déterminé ainsi qu’il est expliqué par l’état ci-annexé, sauf les changements que les circonstances pourraient exiger dans les différents corps de l’armée. Art. 4. « Le ministre proposera les changements qui (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Voir Archives parlementaires , tome XVIII, séance du 18 aoôt 1791, page 142. pourront avoir lieu dans l’armée, dans les notes particulières, qu’il adressera au Corps législatif. Art. 5. « Les appointements et solde seront fixés pour chaque grade, à compter du 1er janvier 1791, ainsi qu’il est dit à l’état ci-annexé. Art. 6. « Les régiments suisses et grisons conserveront jusqu’au renouvellement de leurs capitulations, les appointements et solde dont ils jouissent en vertu d’icelles. Art. 7. « Les officiers, sous-officiers et soldats qui, par l’effet de la nouvelle formation, éprouveraient une réduction sur leur traitement actuel, le conserveront jusqu’à ce qu’ils en obtiennent un équivalent; en attendant, ils seront payés du supplément sur des états particuliers, dans la forme prescrite par les ordonnances. Art. 8. « Les carabiniers seront rendus à leur institution primitive de grenadiers delà cavalerie*, en conséquence, ils se recruteront dans les troupes à cheval, ou des sujets ayant fait au moins un congé dans lesdites troupes, et ils jouiront d’un sol de haute paye, comme les grenadiers en jouissent dans l’infanterie. Art. 9. « Les appointements et solde réglés par l’article 5, seront payés, par le Trésor public, sur des revues, savoir : les appointements à raison de trente jours par mois, et la solde à raison du nombre de jours dont chaque mois est composé. Art. 10. « Indépendamment de la solde réglée par l’article 5 , il sera fourni à chaque soldat présent sous les drapeaux, ou détaché pour le service, conformément au décret du 24 juin, une ration de pain de munition du poids de 24 onces, laquelle ration fera partie de la solde de l’homme présent, sans que l’homme absent des drapeaux puisse y prétendre. Art. 11. « 11 sera fourni des rations de fourrage aux chevaux des officiers, suivant le détail ci-après, savoir : Infanterie. A chaque colonel de régiment, ou lieutenant-colonel commandant les bataillons d’infanterie légère ........ 2 rations. A chaque lieutenant-colonel ...... 1 — Cavalerie. A chaque colonel ................. 3 rations. A chaque lieutenant-colonel ou capitaine.... ........................ 2 — A chacun des autres officiers ..... 1 — Art. 12. « Les payemenls qui seront faits en vertu des articles précédents, ne devant avoir lieu qu’à