[Bailliage de Rouen.] [États gén. 1789. Cahiers.] CAHIER Des doléances , remontrances, instructions et demandes de Rassemblée du tiers-état de la paroisse de Sain t-Vaas t, bailliage de Pont-V Evêque (1). Aujourd’hui dimanche, vingt-neuvième jour de mars 1789, à l’issue des vêpres, au son de la cloche, en la manière accoutumée, les habitants de la paroisse de Saint-Vaast, bailliage d’Auge, citoyens du tiers-état, assemblés, aux termes des lettres de convocation données par Sa Majesté, à Versailles, le 24 janvier 1789, pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, et de l’ordonnance de M. le lieutenant général du bailliage d’Auge, à Pont-l’Evêque, date du 16 de ce mois, le tout publié au prône de cette paroisse le dimanche 22 du présent mois et affiché à la principale porte de l’église le même jour, à l’effet de conférer entre eux et de procéder à la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et remontrances, moyens et avis qu’ils ont à proposer à l’assemblée générale de la nation : Commencent par assurer le Roi qu’ils sont prêts à sacrifier pour lui et l’Etat leurs fortunes et leurs personnes ; Et votent unanimement pour que les représentants de cette province, dans l’assemblée des Etats généraux, avant de consentir aucuns nouveaux subsides pour l’acquittement des dettes du gouvernement, emploient leur zèle et leurs efforts pour qu’il soit rédigé entre le Roi, chef de la nation et seul dépositaire de la puissance exécutoire des lois, et la nation une charte intitulée : Déclaration des droits de la nation française, dans laquelle il sera dit : CONSTITUTION NATIONALE. 1° Que le Roi consent à une loi de Yhabeas corpus qui garantisse à jamais, pour quelque cause que ce soit, la liberté du moindre des citoyens, sain d’esprit, de l’abus des lettres de cachet et lettres d’exil, comme aussi des entreprises et du pouvoir arbitraire des ministres, des gouverneurs et intendants des provinces, par le moyen des lettres closes; 2° Que la nation seule a le droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou de refuser les subsides, d’en régler l’étendue, l’emploi, l’assiette, la répartition ; d’en demander le compte, et d’ouvrir des emprunts, toutes autres manières d’imposer ou d’emprunter étant déclarées inconstitutionnelles, illégales et de nul effet ; 3° Que le retour périodique et régulier des Etats généraux se réalisera tous les quatre ans, à une époque fixe et déterminée, pour que la nation y prenne en considération l’état du royaume, l’emploi des subsides accordés pendant la tenue des précédents; en décider la continuation ou la suppression, pour proposer en outre des réformes et des améliorations dans toutes les branches de l’économie politique; 4° Que dans le cas, malheureusement trop fréquent, où, par les intrigues d’un ministre ambitieux, jaloux d’administrer tout à son caprice et d’empêcher, par conséquent, les liaisons et les réclamations de la nation avec son Roi, la convocation et la tenue des Etats généraux ne se réaliseraient pas à l’époque fixée par la charte nationale , les Etats particuliers de cette province (dont il sera ci-après parlé) seront autorises à (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau. lre Série, T. V. 609 s’opposer à la levée de tous impôts, et les parlements à publier leur opposition par un arrêt qui sera envoyé dans tous les tribunaux de leur ressort, et à poursuivre comme concussionnaires tous ceux qui voudraient en continuer la perception ; 5° Que la répartition de tous impôts réels et personnels sera égale sur tous les biens et individus ecclésiastiques, nobles et roturiers, sur les rentes perpétuelles et viagères de nouvelle création, qui n’ont point été réduites, et que tout privilège, en fait de subside, soit anéanti; 6° Que le tiers-état, supérieur de beaucoup en nombre aux deux autres ordres pour être jugé au moins par une partie de ses pairs, comme il l’était dans l’ancien échiquier, aura dans le parlement de cette province non divisé et non divisible, quarante magistrats membres de son ordre; la raison seule et de plus l’expérience faisant connaître que les lois qui garantissent les propriétés, la liberté et les droits du tiers-état des atteintes et des prétentions du clergé et de la noblesse, sont illusoires, inutiles et mal observées, tant que le maintien et l’exécution de la justice distributive reposent dans les mains des deux premiers ordres, à l’exclusion du tiers. Ces représentants'du tiers-état, présentés par la province au Roi qui leur donnerait des provisions, seraient choisis parmi les sujets qui auraient fait preuve authentique de capacité dans l’étude des lois et dans l’exercice du barreau pendant dix années, soit près le parlement, soit près des tribunaux subalternes ; mais ils cesseraient d’être les représentants du tiers-état, et leurs commissions seraient vacantes dès qu’ils acquerraient la noblesse par quelque voie que ce fût. La connaissance des lois n’étant point infuse dans la noblesse et le clergé, il serait à désirer que nul, soit ecclésiastique, soit noble, soit roturier, ne pût, même avec des dispenses d’âge, être admis et avoir voix délibérative qu’à trente ans révolus dans le parlement de cette province, réduit au nombre de cent vingt magistrats, comme il est maintenant, toutefois après le décès des titulaires actuels. La modicité de la fortune d’un roturier ne serait point un motif d’exclusion du parlement, la magistrature ne devant pas tirer la considération de l’éclat de tous les attributs qui manifestent l’opulence, mais de l’éclat de ses lumières et surtout de sa justice, que rien ne peut ternir. Combien est respectable' l’homme toujours juste ! 7° Qu’aucune loi bursale, générale et permanente, ne sera établie à l’avenir qu’au sein des Etats généraux et par concours mutuel de l’autorité du Roi et du consentement de la nation, c’est-à-dire des trois ordres ; que ces lois portent dans le préambule , entre autres ces mots : De Ravis et consentement des trois Etats du royaume , soient pendant le temps môme des États généraux envoyés au parlement des provinces, pour être enregistrés et placés sous la garde des cours souveraines, et notamment du parlement, composé du nombre susdit de gens du tiers-état, lesquelles cours continueront d’être chargées de l’exécution des ordonnances du royaume et du maintien de la constitution, d’en rappeler les principes reçus aux Etats par des remontrances au Roi et des dénonciations à la nation, toutes les fois que ces droits seront violés. 8° Que les lois autres que les lois générales et permanentes, c’est-à-dire les simples lois d’administration et de police, seront, pendant l’absence des Etats généraux, provisoirement adressées à 39 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. @{0 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] l’enregistrement libre et à la vérification des cours souveraines comme par le passé ; mais qu’elles n’auront de force que jusqu’à la tenue de l’assemblée nationale, où elles auront besoin de ratification pour continuer d’être obligatoires. 9° Que les capitulations, traités et chartes normandes qui unissent cette province à la couronne soient maintenus. 10° Que tous les ministres du Roi seront déclarés responsables de toutes les déprédations ou déficit qui auront lieu dans les finances, ainsi que de toutes les atteintes portées par le gouvernement aux droits tant nationaux que particuliers, et que les auteurs de ces infractions, dénoncés par les Etats particuliers de cette province, seront poursuivis par les parlements (organisés comme dessus) dans le ressort desquels les abus et malversations se manifesteront. ] 1° Que la charte qui aura statué sur tous ces points sera enregistrée dans toutes les cours souveraines du royaume et dans tous les tribunaux de leur ressort. Les soussignés votent également pour que les représentants de cette province aux Etats généraux y insistent à l’effet d’obtenir de Sa Majesté, avant le consentement d’aucuns nouveaux subsides : ÉTATS PROVINCIAUX. 1° Le rétablissement des Etats particuliers de cette province, qui se tiendraient à Caen, centre de la Normandie, ou ailleurs, ’.chaquea nnée, composés d’un nombre des membres du tiers-état égal à celui des deux ordres du clergé et de la noblesse réunis, éligibles par chaque bailliage royal proportionnellement à son arrondissement ; ils auraient une commission intermédiaire toujours subsistante pendant le temps qu’ils ne seront pas assemblés, et des procureurs-syndics chargés spécialement de veiller aux intérêts de leurs concitoyens et de mettre opposition par-devant les cours à l’enregistrement des lois locales et momentanées, promulguées dans les intervalles de la convocation des Etats généraux, lorsqu’elles pourront contenir des clauses contraires aux privilèges de la province ; 2° La liberté indéfinie de la presse, à la charge par l’imprimeur ou l’auteur d’apposer son nom au bas de l’imprimé et d’y répondre de tout ce qu’il contiendrait de contraire à la religion dominante, au respect dû au souverain, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens ; 3° L’anéantissement detoutes commissions particulières d’attribution et d’évocation, pour quelque cause et en faveur de qui que ce soit, afin qu’un citoyen ne puisse jamais être traduit hors de sa juridiction, excepté en cas de parenté avec les juges du tribunal récusé, auquel cas les évocations ne pourraient être adressées qu’à des tribunaux du ressort du parlement dans lequel se trouve le tribunal d’où il y a lieu d’évoquer ; 4° De grandes modifications dans l’ordonnance de 1 6 (49 , dit le Code des chasses , la plupart de ses dispositions assimilant dans un pays libre les roturiers à de véritables serfs, étant contraire au droit des gens qu’un propriétaire cultivateur de son domaine ne puisse tenter de détruire la bête fauve qui dévaste sa récol te, çncore plus dévastée par ceux qui la courent à grand bruit et avec appareil, La trop grande quantité de gibier (jusqu’ici plus privilégié que le cultivateur) étant une véritable destruction de la propriété, étant contraire à la raison comme à la liberté qu’un paisible habitant des champs isolé, et enfin tout roturier, puisse être enlevé du sein de sa famille, entraîné dans les prisons en vertu des ordres d’un gouverneur de province, par cela seul qu’il aura une arme pour sa sûreté, qu’il sera soupçonné ou même coupable d’avoir tué un lièvre de son seigneur en crédit. Etant contraire à l’équité et à la tranquillité des citoyens, qu’un garde-chasse, homme toujours vil et abject, parce qu’il est fainéant, soit cru sur son seul rapprochement jusqu’à une inscription de faux presque toujours d’un succès douteux, lorsqu’elle est invoquée par l’innocent accusé contre un garde-chasse faussaire, toujours soutenu contre le faible accusateur en faux par les richesses et le crédit de son commettant et jamais jugé à la rigueur par ceux qui possèdent des fiefs et ont des gardes eux-mêmes. Quoiqu’en Angleterre, où les lois sur la chasse étaient encore plus dures qu’en France contre le tiers-état, néanmoins les modifications sur cette partie de la législation y sont aujourd’hui telles, qu’une loi promulguée en 1785 a permis à tout roturier, propriétaire de terre produisant 100 livres sterling de revenu (100 louis) d’y chasser en payant pour une licence une certaine, somme au roi d’Angleterre, lorsqu’il veut chasser. Une pareille faculté détournerait peut-être trop de l’agriculture et du commerce, entraînerait peut-être trop d’infractions à la police, pour être désirée par le tiers-état, en France; mais pour concilier l’intérêt des possesseurs de fiefs avec les égards et la sûreté dus au vassal roturier (qui, pourtant, est un homme), sa tranquillité exige que les représentants du tiers-ordre sollicitent et obtiennent du souverain une loi sur les chasses, telle que : 1° Nul garde-chasse ne puisse être cru sur simple procès-verbal, s’il ne produit en outre deux témoins qui déposent affirmativement du jour, de l’heure fixe du délit et de la personne du délinquant ; 2° Que nul citoyen, pour un délit de chasse simple, ne puisse être, dans aucun cas, ni dans un autre temps que celui où, aux termes de l’ordonnance de 1669, les terres sont en deffend, poursuivi par la voie criminelle, et surtout par la voie scandaleuse des moniloires, dont on a vu récemment abuser en pareil cas (1) ; 3° Que la voie criminelle pour fait de chasse et de pêche soit réservée pour les délits de cette espèce qui seront accompagnés et caractérisés d’attroupements, de révoltes et d’assassinats tentés par les délinquants contre les gardes-chasses ; 4° Que les gardes-chasses qui auront commis des assassinats sur les roturiers trouvés armés ou chassant, ou commettant quelques délits dans les bois, ne jouissent plus publiquement de l’impunité, comme on l’a vu en cette province, entre autres dans quatre exemples récents d’assassiuats commis par les gardes de madame d’A ..... , de madame N ..... , d’un prélat, d’un maréchal de France et autres, tous résidants en cette province ; 5° Que le cultivateur soit autorisé à fusiller, sans les enlever, les pigeons qui dévastent les récoltes, depuis le 15 juillet jusqnau 20 août, et pendant les semences, seul moyen de forcer les seigneurs à fermer les colombiers dans ce court intervalle, puisque les lois promulguées sur ce point sont restées sans exécution, étant confiées aux mains des deux ordres qui ont intérêt de perpétuer l’abus. (I) Procès du lièvre entre l’abbé de Poudens, abbé de Bernay, et l’avocat Féral, jugé àRouen le 10 avril 1783. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] gy Tels sont les points préliminaires dont les soussignés enjoignent à leurs députés de donner connaissance à l’assemblée du bailliage de Pont-l’Evêque, et sur lesquels ils croient qu’il est essentiel de recommander aux représentants du tiers-ordre aux Etats généraux, de faire statuer avant de voter aucuns subsides pour le payement des dettes de l’Etat. Après l’obtention des articles ci-dessus, les soussignés désirent que les représentants du tiers-ordre puissent, dans l’assemblée des Etats généraux, consentir les subsides nécessaires à l’acquit des dettes du gouvernement, qui deviendront alors celles de la nation, et réunissent tous leurs efforts pour obtenir et se procurer : 1° Le tableau exact et détaillé de la situation actuelle des tinances : 2° La connaissance approfondie des véritables causes et du montant du déficit; 3° Une économie et une réduction sur les traitements des préposés à toutes les branches de l’administration ; un commis de bureau peut très-bien aller à pied ; 4° La réduction des pensions exorbitantes ou accordées à des personnes déjà riches, ou qui ne les ont pas méritées, telles que des comédiens, etc.; 5° La publication annuelle pour l’avenir des états de recette et de dépense, à laquelle seront joints la liste et le montant des pensions, le nom de chaque pensionné avec la courte énonciation des motifs qui auront fait accorder la pension ; 6° La reddition publique des comptes par pièces justificatives à chaque tenue d’Etats ; 7° La fixation motivée des dépenses des divers départements ; 8° L’établissement d’une caisse nationale tenue et dirigée par des préposés, choisis par les Etats généraux, dans laquelle seront versés les subsides consentis par la nation pour acquitter les dettes de l’Etat, si mieux on n’aime, pour éviter de nouveaux frais de recette et de transport de deniers, que chaque province acquitte par elle-même son contingent de la masse des dettes, moyen qui, en éloignant les deniers des tentations et des besoins ministériels, assurerait davantage leur destination à l’acquittement des dettes réelles de l’Etat et des rentes viagères et perpétuelles, qui seraient aussi plus tôt payées, puisque les payeurs seraient plus tôt munis de deniers ; 9» Des améliorations dans le régime des forêts dévastées et dépeuplées. Les soussignés votent également pour que les représentants du tiers-ordre aux Etats généraux sollicitent de Sa Majesté : 1° Le reculement des douanes jusqu’aux frontières et l’anéantissement des entraves qui gênent le commerçant, en retardant le transport dans l’intérieur du royaume ; 2° L’anéantissement et le refus à l’avenir de tous privilèges exclusifs, destructeurs du commerce et de l’industrie ; 3° Des modifications sur le contrôle et l’insinuation, dont les droits aussi excessifs qu’embrouillés mettent des entraves aux contrats de toute espèce et induisent les contractants à la fraude et à la mauvaise foi pour se soustraire à la cupidité de ce grimoire arbitraire, dont les traitants, qui en sont les seuls interprètes, ne donnent jamais la clef aux contractants, qui payent sans comprendre comment et pourquoi ils doivent. Il serait surtout nécessaire d’abolir le centième denier pour les successions collatérales ainsi que le double treizième des échanges. 4° La suppression de banalité de moulins, tant pour le repos des seigneurs que des vassaux, le meunier qui craindra d’être abandonné par ses pratiques, sera peut-être tenté ou plutôt forcé de devenir plus honnête homme que le meunier voisin. 5° L’anéantissement des droits d’aides, gabelles et du trop bu, que l’on pourrait remplacer par un accroissement d’impôt sur les propriétés territoriales ; le libre commerce du tabac et du sel, ou au moins de grandes modifications sur cette partie de la législation, qui fussent telles que la confiscation des marchandises fût la seule punition du fraudeur spéculateur ; mais que, dans aucun cas, il ne puisse être flétri ni perdre sa liberté. 6° La suppression de tous les droits sur les bouchers et la marque des cuirs remplacés par un accroissement d’impôt sur les terres, maisons de villes et immeubles ficlifs. 7° La liberté à tous les riverains de la mer d’y pêcher, d’y puiser de l’eau et d’en faire tel usage qu’ils jugeront à propos, la prohibition de prendre de l’eau de mer étant si opposée au droit naturel des gens et des nations les moins policées, que, pour croire qu’elle existe en France, il faut l’y avoir vu maintenir sous ses yeux par les agents du fisc, qui, de plus, maltraitent les malheureux contrevenants avec une dureté qui navre le cœur de l’homme le plus insensible et révolte l’humanité. Gloire immortelle au règne et à la mémoire du prince bienfaisant qui, par amour pour ses sujets, anéantira pour jamais ce monument, aussi hideux qu’étrange, du génie des traitants, élevé dans le royaume des Francs! Si les propriétés territoriales des riverains de la mer sont exposées au caprice et à la fureur de ses flots, si les digues qu’ils leur opposent sans cesse à grands frais ne servent qu’à montrer l’impuissance de la main de l’homme pour combattre et arrêter ce terrible élément, n’est-il pas juste que ses riverains soient indemnisés de leurs pertes par les avantages et les douceurs qu’il leur offre dans ses moments de calme? 8° L’extinction ou le recrutement des enrôlements forcés des riverains de la mer, pour la marine royale et l’artillerie, à quinze lieues de ses bords, le long de ses côtes, parce que cette milice n’ayant lieu que dans les paroisses qui en sont à deux lieues inclusivement, elles se trouvent trop dépeuplées, tant par le départ des sujets sur qui le sort tombe que par l’émigration de ceux qui le préviennent en s’éloignant de leurs foyers et de leurs familles ; d’où il arrive que ceux-ci, refluant vers les villes, l’agriculture manque de bras et souffre dans ces contrées. 9° Des modifications et changements dans les lois criminelles, la publicité ou communication des plaintes, informations et autres procédures à l’accusé, afin qu’il puisse se défendre par lui et son conseil. 10° Une loi assez claire, assez impérative pour opérer une expédition plus prompte dans l’instruction et le jugement des procès, surtout de ceux. qui sont en rapport ; prévenir la multitude des ruineux appointements; diminuer les frais des greffiers et autres suppôts de la chicane, et prévenir le grappillage de ceux qui font des lignes composées à trois syllabes, etc. Il0 L’anéantissement et le refus à l’avenir de tous arrêts appelés de surséance ou sauf-conduits , qui s’obtiennent dans les bureaux des ministres, et qui sont vraiment destructeurs de la propriété ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen. J 612 [États gén. 1789. Cahiers.] d’un créancier, à qui son gage est enlevé par un débiteur de mauvaise foi. 11 est injuste qu’un intrigant, qui, par un sacrifice d’argent, aura accès auprès d’un premier commis du ministre le plus intègre , échappe aux poursuites d’un honnête négociant qui a contracté de bonne foi ; les précautions apparentes qu’on exige pour accorder ces sortes d’arrêts, tels que le consentement des créanciers, des deux tiers en somme, recueilli par un exempt de police, choisi et payé par le débiteur, sont absolument illusoires ; un fripon ne manque jamais de créanciers simulés dans cette circonstance. S’il est quelquefois juste de subvenir d’un délai à un débiteur et à un négociant honnête, qui essuie un revers, c’est au juge des lieux de juger du mérite, des circonstances et des personnes, et de prendre des précautions pour que le créancier ne perde jamais son gage. 12° La confection plus prompte des grandes routes, pour lesquelles ils payent depuis nombre d’années, sans qu’elles se finissent, et, comme les habitants de Saint-Vaast et ceux de douze paroisses voisines qui payent comme eux ne jouissent et ne jouiront jamais de ces grandes routes, ils désireraient que, cessant de payer pour ces routes, il en fut ouvert, à leurs frais, une qui facilitât aux habitants de cette contrée le transport de leurs denrées et du bois destiné à la marine, à l’embarcadère de la rivière de Touques. 13° L’abolition de toutes les portions congrues, et la restitution aux prêtres séculiers, curés, de toutes les grosses dîmes usurpées aux paroisses par les moines blancs et noirs, chanoines réguliers et autres ; la dîme, suivant l’ancien usage de l’Eglise et la raison, ne pouvant appartenir qu’aux pasteurs pour raison de leurs fonctions pastorales et pour secourir les pauvres de leurs paroisses, et non à des religieux étrangers aux paroisses dont ils enlèvent la substance la plus pure sans en rien donner aux pauvres ; le pain qui leur est destiné ne doit point être changé en pierre pour construire de magnifiques palais qui insultent à la misère publique. 14° La restitution au clergé séculier de toutes les cures improprement appelées régulières, Toutes les cures étant régulières d’origine ; Parce qu’elles ont toutes été usurpées dans les onzième, douzième et treizième siècles sur le clergé séculier, par les moines et chanoines réguliers ; Parce que les religieux qui, tous, font vœu de pauvreté, étant destinés à vivre dans la solitude et la contemplation, ne peuvent se mêler des affaires séculières, et, étant morts au monde, ne peuvent y rentrer sans violer leur règle et en-feindre leurs vœux pour faire la desserte des cures, patrimoine qui, ne faisant pas partie de la dotation des religieux, doit être conservé exclusivement aux membres du clergé séculier. Remettre la nomination des prétendues cures régulières, suivant le régime primitif de l’Eglise, aux évêques qui souffrent de ne pouvoir récompenser de dignes sujets qui ont longtemps vicarié. 15° La réduction de tous les impôts à deux seuls : le premier sur les propriétés territoriales et immeubles fictifs ; le second, sur les personnes proportionnellement à leur aisance et leur industrie dans le commerce. Les habitants de Saint-Vaast, encore agités des troubles occasionnés en France depuis deux ans par le refus que les parlements ont fait d’enregistrer quelques impôts désastreux, et par les innovations que deux ministres ont tenté d’introduire pour anéantir la constitution, en détruisant indirectement les parlements et y substituant une cour plénière pour les enregistrements des lois, sont convaincus que le plan de diviser le parlement de cette province, sous le titre de grand bailliage , ne tendrait qu’à diviser et, par conséquent, à anéantir l’uniou d’intérêt, de coutume et de jurisprudence, et opérerait de grands maux sans produire aucun bien sensible; que celui qu’on voudrait faire résulter du rapprochement des tribunaux souverains des justiciables faciliterait encore l’accroissement des procès et des appels. Ils votent donc en dernier lieu pour que les représentants du tiers-ordre aux Etats généraux s’opposent de toutes leurs forces à ce que : 1° Jamais les enregistrements des lois bursales, générales et autres, soient enlevés au parlement do cette province, composé comme ci-dessus ; 2° A ce qu’il soit formé, pour faire ces enregistrements, une cour plénière , ou, ce qui serait la même chose sous un autre nom, une commission intermédiaire des Etats généraux, résidente à Paris, la trop grande proximité de ce nouveau tribunal du trône et du ministère indiquant suffisamment le motif du danger d’une pareille innovation, quand, d’ailleurs, l’exemple d’un tribunal à peu près semblable en Angleterre ne suffirait pas pour engager les Français à s’en garantir. Arrêté par les habitants soussignés, sur neuf rôles écrits, celui-ci compris, qui vont être cotés par lesdits sieurs : Lemoine, syndic ; J.-L Epeq ; 0. Le Chevalier ; J. Jourdain ; L. Amaury ; G. Thollemer ; Green ; G. Thorel ; J. Ëoui ; (L Thollemer ; J. Pierre ; P. Requey ; F. Baudry ; J. Ameline ; J. Amaury; F. Bouffard ; C. Le Perchel ; Alexandre ; Le Normand. CAHIER Des pouvoirs, instructions et doléances des citoyens formant le tiers-état du bailliage de Hon-fleur (1). I. — L’assemblée donne par le présent acte, aux personnes qui seront choisies par la voie du scrutin, ses pouvoirs généraux pour la représenter aux Etats, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. IL — L’opinion et le désir de l’Assemblée est que les députés aux Etats généraux commencent par demander aux deux premiers ordres la renonciation précise à tous privilèges pécuniaires, parce qu’alors toutes difficultés devront cesser pour que les délibérations soient prises aux Etats par les trois ordres réunis, et les suffrages comptés par tête, comme c’est le vœu de l’assemblée. 111. — L’assemblée recommande à ses députés de demander que les Etats généraux s’occupent avant tout des moyens d’assurer les droits du monarque, qui, comme chef de la nation , doit jouir de l’autorité souveraine sans partage ; mais d’assurér en même temps les droits de la nation, qui, étant libre et franche sous un roi, ne peut, (1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé; Le Gouvernement de Normandie , par M. Hippeau.