52 [Assemblée nationale.] ville de Saint-Remi, ont prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre. M. Charles de Lameth. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée qu’il y a à la porte de la barre une députation du rhôpitatclesQuinze-Vingts et aveugles du royaume ; ils demandent à être introduits. (Rires). M. le Président. Je ne pense pas que ces rires aient pour objet une des plus cruelles infirmités qui affligent l’espèce humaine. M. Charles de Lameth. Je demande, et je crois que cela n’a pas besoin d’être motivé, que la grande et très importante affaire des Quinze-Yingts, qui, depuis dix ans, intéresse et scandalise le royaume, son enfin soumise à la délibération de l’Assemblée nationale. M. Merle. Cette affaire a déjà été soumise an comité des rapports et j’en ai été nommé moi-même le rapporteur. Je ne croyaispas être inculpé dans cette affaire ; j’ai eu le” courage de faire le rapport au comité : je l’ai fait avec la plus grande exactitude et j’ose croire qu’il serait bien difficile.... (j interpelle ici M. de Lameth de vouloir bien être juste à mon égard)... je crois, dis-je, qu’il se ait difficile de pouvoir m’inculper en rien d’après le détail que j’ai donné de celte affaire au comité. M. Charles de Lameth. Je suis loin de vouloir inculper ni monsieur, ni le comité des rapports, dont je chéris le patriotisme ; mais il ne s’agit pas ici de rapport, mais bien d’une pétition que vient vous faire une classe intéressante de c toyens, puisqu’ils sont malheureux. Ce qui s’est passé au comité des rapports ne doit pas nuire au droit sacré de pétition, droit plus sacré encore quand des infortunés le réclament. (L’Assemblée décidé que la députation des Quinze-Vingts sera introduite.) Une députation de la municipalité de Paris est introduite à la barre. M. l’abbé Mulot, orateur de la députation. Messieurs, la municipalité de Paris vient vous exposer la situation de cette ville, ses réclamations et ses d'oits. Sous l’ancien régime la capitale était le centre de toutes les opérations financières du roya me. C’était le point où tous les canaux des richesses venaient aboutir. Le despotisme, qui n’avait favorisé cet ordre de choses que pour rapprocher sous sa main toutes les facultés de l’Etat, faisait supportera cette ville des impôts qui égalaient pr sque ceux de toutes les autres villes réunies. Elle était la ressource d’un gouvernement dissipateur; mais, pour en tirer parti, il avait fallu lui en faire partager les abus, et ces anus contribuaient àalimenter des impôts de beaucoup au-dessus de ses forces réelles. La Révolution, fruit de votre sagesse et de votre courage, la Révolution a tout changé. Les abus ont été détruits, les privilèges anéantis, et les principes rétablis. Vous avez nivelé tous les hommes et tous les droits. La ville de Paris a applaudi à vos illustres travaux; elle a oublié ses pertes pour ne s’occuper que de la liberté et du bonheur général. Privée de tous ses privilèges par le plus généreux dévouement, réduite comme toute autre ville à ses propres moyens, il ne lui reste sur [8 février 1791.] les autres que le triste avantage de réunir daDS son sein une multitude d’honnêtes artisans sans ouvrage, et d’attirer, par une suite de l’ancienne opinion, une foule d’aventuriers et de nécessiteux qui viennent y chercher d s ressources qui n’existent plus. Cependant, au milieu de tant de pertes et de sacri lices, la capitale seule n’a encore recueilli aucun fruit de l’ordre que vous avez établi, elle a continué de supporter les charges. Depuis la Révolution les droits sur les consommations ont excédé de beaucoup ceux perçus dans les autres villes du royaume. Des citoyens, égaux en droit, ont payé ies charges publiques d’une manière inégale et contraire aux décrets; mais leurs facultés sont épuisées. Le moment est venu de rompre le silence, et ils ne s’a tressent à vous pour demander, non des faveurs, mais justice, que lorsqu’ils y sont forcés par l’impéri ùse nécessité. Dans cette situation, la ville de Paris vous supplie de décréter que les droits sur les consommations soient exactement les mêmes que ceux des antres villes du royaume. Elle le demande, parce que le contraire serait une violation des principes éternels de la justice, des principes que votre sagesse a décrétés. On parle d’une masse à imposer sur les 83 départements. Votre comité d’imposition se dispose a vous soumettre son travail ; mais votre justice vous rappellera que Paris ne peut être assimilé à ce qu’il fut, et que les anciennes hases de répartition ne peuvent [dus être employées. Paris a perdu ce que les autres départements ont gagné, et comme ses moyens n’étaient que des ressources factices, les proportions anciennes ne lui sont point applicables. Il faut connaître les détails de ce qui lut reste pour être juste envers cette ville. Vous accueillerez sans doute la demande que fait la municipalité, d’être entendue sur la portion contributive qu’elle devra verser dans le Trésor public co -o me sur la somme qui devra lui être assignée sur les consommations pour les dépenses annuelles. Entin l’embarras des finances de la commune, force la municipalité à vous demander un acompte sur ses justes réclamations, pour subvenir aux frais du service public. La ville de Paris a plus de 15 millions de créances sur le Trésor national, suivant l’état remis au commissaire général de la liquidation. La commune a épuisé toutes ses ressources. La nécessité que vous avez imposée à la commune de pourvoir aux subsistances l’effraye, puisqu’elle doit désormais y suffire par ses propres ressources ; elle y destine une partie de la somme qu’elle demande. Ses nombreux créanciers se plaignent, et ce qui reste à acquitter pour les dépenses de la Révolution s’élève à près de 4 millions. Les travaux mêmes du Lhamp-de-Mars, pour la fédération, laissent encore 1,200,001) livres à payer. Des entrepreneurs et des ouvriers, déjà malheureux par la suspension des travaux, le deviennent davantage par les retards qu’ils éprouvent. Enfin, nous devons vous le dire, pour vou-faire sentir toute l’urgence de nos besoins, 100,000 écus que les malheurs des temps, le dessèchement de toutes les sources de bienfaisance et les sollicitations répétées des sections, nous demandent, pour venir au secours des pauvres hors d état de travailler, n’ont encore pu être répartis aux sections, malgré le désir de Ja municipalité, parce que cette somme ne se trouve point disponible dans le trésor municipal. Nous supplions eu conséquence l’Assemblée nationale de décréter que 6 millions seront payés à la municipalité de ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 février 1791.! 53 Paris par le Trésor public, à imputer sur les ! 15 millions qui sont dus à la commune. Vous avez entendu, Messieurs, nos justes réclamations et l’urgence de nos besoins; nous nous sommes adressés avec confiance aux pères de la patrie, bien sûrs d’obtenir protection et justice pour un peuple qui a tout sacrifié à la Révolution et à la liberté. M. le Président. Messieurs, il est des pertes immenses que la ville de Pari? a regardées comme des bienfaits ; elle avait un privilège, celui de participer à des professions qui l’enrichissaient en la corrompant, et elle tient à honneur de n’avoir désormais d’autres richesses que celle de son industrie. L’égalité qu’elle réclame dans ses impôts n’est donc qu’une preuve de plus de son patriotisme; elle ne veut pas payer davantage, parce qu’elle a renoncé à tous les abus qui lui en avaient fourni les moyens. Ne soyez pas effrayés du poids de vos dettes, c’cst une avance faite à la liberté, vous avez semé sur une terre féconde, elle vous resti uera tous les trésors que vous lui avez confiés; une seule source de prospérité manque encore à cette capitale, c’est l’union de ses citoyens, c’est la tranquillité publique que de fausses alarmes y troublent sans cesse, et qu’une foule d’intrigants et d’ambitieux vomiraient compromettre, pour en être ensuite les modérateurs ; ce sont surtout les bonnes mœurs, sans lesquelles les meilleures lois ne seraient qu’un frein impuissant. Il est un despotisme du vice; celui-là serait-il le seul que la ville de Paris ne saurait pas renverser? Des jeux scandaleusement multipliés infectent partout cette capitale. ( Applaudissements réitérés.) On a dénoncé d’autres assemblées; celles-là ne présentent-elles donc aucun péril, même pour la liberté, lorsqu’on sait que la corruption des mœurs fut toujours le premier instrument de la tyrannie? L’Assemblée nationale examinera votre pétition avec le plus grand soin. Elle vous invite à assister à sa séance. M. Oufraisse-fiôucfoey. Je suis parfaitement d’avis que la ville de Paris doit être distinguée de toutes les autres villes du royaume. {Murmures.) Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. Treilhard. La ville de Paris ne demande pas de distinction; elle la tiendrait pour une humiliation. Je demande l’ordre du jour. (L'Assemblée renvoie la pétition de la municipalité de Paris aux comités des finances et des impositions et i asse à l’ordre du jour.) La députation des Quinze-Vingts est introduite à la barre. M. l