298 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE « La Convention nationale, voulant plus que jamais déployer toute l’énergie des mesures révolutionnaires contre les ennemis naturels du peuple et en faire une prompte justice, décrète ce qui suit : ARTICLE Ier. Les agents nationaux des districts feront dresser et parvenir au comité de sûreté générale, dans le délai de 3 décades après la publication du présent décret, un tableau énonciatif des noms, âge, demeure et qualités de tous les individus appartenant aux castes ci-devant privilégiées qui se trouvent domiciliés dans leurs arrondissements respectifs, qui sont en état de porter les armes, et non détenus. ARTICLE IL Tous les ci-devant nobles, tous les pères et mères d’émigrés, élargis en vertu d’une fausse interprétation de la loi du 21 messidor, seront, à la diligence des agents nationaux de leurs districts, sur-le-champ réintégrés dans les maisons d’arrêt. ARTICLE III. Les membres des comités révolutionnaires qui n’auront pas décerné des mandats d’arrêt contre ceux des ci-devant nobles et prêtres qui, depuis 1789, n’ont pas constamment donné des preuves authentiques de leur attachement à la révolution, seront destitués et traités eux-mêmes comme suspects. ARTICLE IV. Les comités de sûreté générale et de législation présenteront, dans le délai de 3 jours, un projet de lois sur les peines à infliger aux individus notoirement suspects d’aristocratie et d’incivisme qui auraient fait incarcérer des patriotes. ARTICLE V. L’insertion du présent décret dans le bulletin de la Convention nationale tiendra lieu de publication ». CHARLIER : La motion d’ordre dont on vient d’occuper la Convention est à l’ordre du jour, et j’en demande le renvoi à l’examen des comités de sûreté générale et de salut public. Mais il y a dans ce discours un mot qui m’a frappé, dont mon âme a été pénétrée; je veux parler de ce que notre collègue a dit relativement aux dilapidateurs de la fortune publique. Oui, c’est la majeure partie des administrations que vous payez chèrement que l’on peut accuser de ce délit, auxquelles on peut reprocher de calculer sur la sueur du peuple pour s’engraisser ( Applaudissements ). Je demande donc, car tous les bons citoyens désirent qu’on ait l’œil ouvert sur tous ces fripons, je demande qu’on reprenne bien vite la discussion sur la nouvelle organisation des comités. Lorsqu’ils seront en exercice, nos collègues qui les composeront ne manqueront pas de prendre par les oreilles ces vampires, et de leur faire regorger tout ce qu’ils auront pillé dans le trésor public. {On applaudit). Je demande donc l’ordre du jour et l’impression du discours de Louchet. TALLIEN : Je ne discuterai ni la motion d’ordre, ni le projet de décret que vous venez d’entendre, puisqu’on en a demandé le renvoi au comité de salut public. Je me contenterai d’observer que la Convention n’a pas approuvé la totalité des principes contenus dans ce discours, qu’elle n’a pas approuvé ce qu’on a dit : qu’il fallait mettre la terreur à l’ordre du jour. Je m’explique avec cette franchise dont j’ai déjà fait preuve; je répète ce que j’ai dit ici : la terreur est l’arme de la tyrannie ( Applaudissements ). Il faut exercer la justice la plus sévère contre tous les ennemis de la patrie ( Applaudissements ). Robespierre aussi disait sans cesse qu’il fallait mettre la terreur à l’ordre du jour, et tandis qu’à l’aide de ce langage il faisait incarcérer les patriotes et les conduisait à l’échafaud, il protégeait les fripons qui le servaient. Oui, la Convention doit les frapper; c’est à ces voleurs publics qu’elle doit faire une guerre éternelle. Je ne reconnais plus de castes dans la République; je n’y vois que de bons et de mauvais citoyens {Applaudissements). Que m’importe qu’un homme soit né noble, s’il se conduit bien ? Que me fait la qualité de ce plébéien, s’il est un fripon ? Si l’un trouble l’ordre social, il faut l’incarcérer; si l’autre vole la République, il faut que le glaive de la loi l’atteigne; il faut aller chercher les ennemis du peuple dans les places, dans les administrations, partout où ils sont; car, je le répète, il n’y a en France que des républicains, ou des anti-républicains, qui sont des fripons. On a demandé l’impression du discours que vous avez entendu; je suis aussi de cet avis. Il faut que toutes les idées soient publiées; il faut qu’on puisse tout savoir, tout connaître. Il faut que la Convention s’occupe incessamment d’une discussion, qui j’espère, ne sera pas longue, sur la liberté de la presse {Applaudissements). Il ne faut pas que le droit de parler soit réservé à quelques individus; il faut qu’à cette tribune, dans les société populaires, sur les théâtres, on puisse tout dire, excepté ce qui est contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs et à la morale; il faut la liberté de la presse ou la mort {Vifs applaudissements). C’est la liberté de la presse qui épouvantera, qui pulvérisera les fripons; c’est à l’aide de la liberté de la presse qu’on arrachera le masque à ces hommes qui feignent encore le patriotisme, qui ne déclament contre Robespierre que parce qu’il est abattu, et qui, deux jours avant sa chute, étaient encore lâchement prosternés à ses genoux {Applaudissements). Je le pense aussi, l’union doit régner dans cette enceinte; mais c’est entre les hommes qui veulent le bien, entre ceux qui veulent la révolution. Elle y régnera constamment lorsque nous aurons consacré la liberté de la presse. Justice sévère contre les ennemis du peuple; justice sévère pour les innocents; répression des manœuvres de l’aristocratie, surveillance des faux patriotes et des intrigants, voilà quelles sont nos obligations. Je demande donc l’impression du discours, le renvoi au comité de salut public, et qu’on passe à la discussion sur l’organisation des comités. ISORE : Je ne crois pas au proverbe qu’on vient de vous citer : qu’il n’y a que de bons et de mauvais citoyens dans la République : car il y en a qui ne sauront jamais ce qu’ils sont, et qui ne se détermineront jamais en faveur de la révolution {Rumeurs). Ces hommes ont cependant le talent de se glisser partout; et voici ce que je pense sur l’élargissement de tous les gens