[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1789.] 483 la corvée et autres de cette nature, dont la masse totale ne peut être connue avant la confection des rôles, les privilégiés seront compris dans les mêmes rôles que les contribuables. Art. 7- Il n’y aura aucune distinction de rôle, à commencer depuis le 1er janvier 1790 , pour les vingtièmes ; les abonnements sont défendus, sous quelque prétexte que ce soit, Art. 8. L’Assemblée nationale fera connaître, dans le courant de 179Q, la foripe qu’elle aura définitivement adoptée ; en sorte qu’il n’y aura plug à l’avenir qu’un seul rôle de perception pour tous les contribuables. Après la lecture de ces articles, M. Anson développe les principes qui l’ont porté à le rédiger ainsi, M. le baron 4e ÏHontboissier. J’ai quelques qbjections à faire sur ce projet d’arrêté-Le premier article va répandre les craintes et les alarmes ; il porte que tout sera payé dans le plus court délai. Il me semble qu’il faudrait mettre les délais qrdinaires ; sans cela, on craindra sans cesse les garnisons, les saisies, etc. Sur l’article second, lorsque M, de Saint-Far-geau a fait l'hommage de six mois d’imposition d’avance, il n’entendait pas partir du mois d’ayril, mais du mois de juillet ; d’ailleurs, il importe que le peuple soit soulagé ; c’est toujours là le point où je reviendrai. L’article 4 renferme un sens équivoque qui peut donner lieu à des expressions alarmantes. Entend-on par là toute la fortune du privilégié ? Est-ce à dire, par exemple, qu’un commandant de province qui aura 100,000 livres, pu un gouverneur qui en aura autant, sera soumis, dans sa paroisse, à une contribution relative à ce revenu ?Si cela est, il faut l’expliquer. Si, en outre, les privilégiés payent la taille et la capitation, il faut annoncer que la capitation noble est cessée; car il pourrait se faire que les nobles en payassent deux. M. l’abbé Grégoire fait une observation. Il demande que les curés à portion congrue ne soient pas mis sur le rôle; cette proposition est approuvée . M. l’abbé Goulard observe qu’il reste dû 80 millions ; que les contribuables laissent arrérager l’impôt pour obtenir ensuite des remises ; qu’il convient de faire payer ces 80 millions nécessaires dans le moment présent. Sur l’article second, l’orateur observe encore qu’il n’y a pas d’inconvénient à remonter à trois mois au-dessus de la dernière année; que le clergé se portera avec gèle à ce sacrifice. Sans finances, ajoute-t-il, il n’y a pas de Constitution ; cette Constitution si désirée, qui doit nous tirer du chaos, dès qu’elle paraîtra, on fera des sacrifices. Ce que l’on dit d’un particulier, quN'Z s’enrichit quand il paye ses dettes, peut se dire de ia nation, et cette Constitution doit être faite sous le héros qui nous préside. La Constitution se fera, ou nous périrons. Mon avis serait donc de ne pas quitter la salle qu’elle ne fût achevée. 11 vaut mieux que douze cents hommes se fatiguent et épuisent leurs forces, que d’en précipiter 24 millions dans l’abîme qui se creuse sous leurs pas. M. Goulard se résume à dire qu’il adopte l’arrêté, pourvu que les pauvres contribuables soient déchargés. Il offre ensuite un capital de 2,500 livres qui fait son titre clérical, placé sur l’hôpital de Lyon, sacrifice d’autant plus flatteur à l’auteur qu’il trouve dans cet abandon l’intérêt des pauvres et celui de la nation. Ici s’est fait sentir encore, mais faiblement cependant, l’opposition dans les intérêts des provinces. M. le comte de Virieu. Je vais porter la parole au nom de tout le Dauphiné. Plus les circonstances sont difficiles, plus elles doivent avoir pour base la justice. La justice veut que les privilégiés payent ; tel est le principe ; mais il ne faut pas que l’application en devienne dangereuse. Un des préopinants (M. Anson) a dit que lorsque des privilégiés s’établissaient dans un canton, le rejet des impositions se faisait sur l’élection ou la province. Jamais on ne s’est inquiété si un privilégié était venu ou était sorti de la province, et la masse des impôts est restée toujours la même. En adoptant l’arrêté du comité des finances, vous commettrez deux injustices ’ celle de ne pas décharger les peuples trop chargés, et celle de charger du double les privilégiés. Pour remédier à cela, il faudrait un nivellement général. Dans la province que je représente, il y a eu des débats ; on a-encadastré tous les biens ; on les a estimés, et on a, sans diminuer l’impôt, soustrait les biens nobles et ecclésiastiques. Aussi le Dauphiné payerait-il à lui seul pour l’augmentation 900,000 livres, c’est-à-dire un quinzième de l’augmentation demandée par M. Neeker sur la perception rigoureuse des vingtièmes. Je demande donc que les rôles soient faits sur tous les biens sans distinction ; qu’on en fasse l’estimation et qu’on en ordonne la reversion sur toutes les provinces. C’est le moyen de parvenir à une juste proportion, et d’éviter les frais énormes d’un second rôle. M. de llacaye, membre de la noblesse du Labour x organe des députés de sa province, réclame contre l’imposition qui est réglée au huitième; il demande qu’elle soit réduite au vingtième ; ensuite que le syndic de la province, qui est un député des communes, soit autorisé à faire connaître la somme qui proviendra de cette imposition sur les privilégiés. M. de Biauzat. Notre intention n’est pas d’accorder une augmentation d'impôt ; cependant, si l’on fait un rôle additionnel, cette augmentation sera très-forte. Que faudrait-il donc faire ? 11 faudrait refondre dans le rôle tout ce que doivent payer les privilégiés; de cette manière il y aurait au moins quelque motif de consolation pour les pauvres contribuables ; de cette manière vous auriez un rôle unique, supporté par la noblesse et le clergé, avec messieurs des communes, ou plutôt les pauvres des communes. 11 n’y a pas d’intérêt à faire deux rôles, et je dis qu’il y a du danger ; pour un petit rôle, il en coûte autant que pour en faire un considérable. Je soutiens qu’il ne faut pas deux rôles; je soutiens qu’il n’eri faut qu’un, afin que nos commettants soient instruits que les privilégiés payent comme eux. Il est une difficulté que l’on objectera, c’est celle de savoir dans quelle proportion les privilégiés doivent être imposés ; cela s’éclaircira dans le travail, mais le brevet doit être le même. Vous savez qu’une déclaration de 1780 a réuni 484 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1789.] la taille à tout ce qui forme l’accessoire. Il a été fait une injustice criante dans ma province, c’est qu’on a rendu la capitation terrière ; ainsi le paysan paye 300 livres de taille, 300 livres de capitation, et le noble paye 50 livres de capitation. S’il ne doit pas y avoir de différence dans la manière de payer l’impôt, confondons taille, capitation, accessoire, corvée et autres, et on fera au total une répartition sur tous. On supprimera ces termes, et la masse seule subsistera. Vous savez ce que nous avons décrété sur les gabelles, mes cahiers me chargeaient d’en demander la suppression. Cependant, Messieurs, en déchargeant des provinces, ne chargeons pas trop les autres. Ma province est surchargée, et elle ne demande pas de diminution ; mais ne craignez-vous pas qu’elle devienne moins généreuse, et qu’un jour elle ne demande cette diminution? Ajoutez au moins quelques termes consolants qui nous apprennent qu’il y aura désormais la plus grande égalité ; car les héritages sont si grevés, que moi, qui vous parle, j’ai été obligé de faire l’abandon d’un de mes domaines* M. de Rochebrune, député d’Auvergne , appuielesentimentde M. de Biauzat. Si les privilégiés payent par augmentation, dit-il, l'Auvergne sera surchargée de plus de 2 millions, lorsque d’autres provinces, par la suite d’une insurrection, ont été diminuées de 25 millions. Je demande que l’on fasse la répartition ; car, sans cela, tel gentilhomme qui n’a que 40,000 livres de rente payera 42,000 livres de taille. Si la justice n’était pas dans cette Assemblée, où irait-on la chercher? Renonçons à tout intérêt personnel, et n’écoutons que le sentiment de l’équité. M. Figuier. La première question qui est à décider est celle de savoir si la contribution des privilégiés doit être payée à la décharge des pauvres contribuables, ou doit être versée dans le Trésor royal en augmentation d’impôt; en décidant celte difficulté, c’est abréger la décision. M. Simon de Maibelle, député de la Flandre. Vous avez promis, Messieurs, de faire des Français une famille, et de les rendre tous frères ; je vous prie de ne pas faire des frères favorisés, des frères aînés ; il ne faut pas sacrifier les uns au profit des autres. Nous autres, en Flandre, nous ne connaissons pas les privilégiés ; nous n’avons qu’un rôle ; et si vous nous traitez comme les provinces méridionales, vous faites avec nous une société léonine. L’abandon fait par les nobles et le clergé doit profiter à tous ; mais nous l’avons fait, disent-ils, à telle condition ; et auriez-vous le droit d’imposer des conditions en acquittant une obligation à laquelle vous n’avez pu vous soustraire? 1° Je demande que les impositions des nobles et du clergé soient versées par supplément dans le Trésor royal. 2° Que si, malgré la détresse du Trésor royal, l’imposition des nobles et du clergé était payée à la décharge des contribuables, les provinces des Pays-Bas jouissent des mômes privilèges. M. Fréteau propose la division de la question pour solliciter la décision. L’augmentation offerte par les privilégiés tournera-t-elle au profit du fisc ou à la décharge des contribuables ? Il rappelle ensuite ce qu’il a dit hier, et s’appuie fortement sur les arrêtés du 4 août, qui préjugent la question en faveur des contribuables. Plusieurs membres appuient la motion de M. Fréteau. On demande à aller aux voix ; mais des provinces veulent être entendues. M. Gillet de Fa Jacqueminière pose la question différemment : juger ce que Fou doit faire sur les derniers six mois de l’année 1789, et H l’on décidera ensuite sur les six premiers mois de 1790. M. Anson reprend encore la parole ; il cherche à justifier la rédaction de son arrêté ; il insiste sur les sommes données aux moins imposés par forme de charité ; il dit que ces sommes suppléent à la décharge des contribuables, mais que l’année 1790 entière appartient au Trésor pu-’’ blic. D’après quelques observations faites sur l’offre de la dédicace d’une nouvelle édition des œuvres de Voltaire, par M. Palissot, après une courte ' discussion, l’Assemblé a décrété qu’elle ne recevrait aucune dédicace. Un membre du comité des finances a fait lecture d’un projet de décret relatif aux impositions et * l’a appuyé par des observations. La discussion a été ouverte. M. Fréteau. Il ne s’agit pas d’augmenter l’im-j pôt dans ce moment; M. Necker a demandé une augmentation de 15 millions ; demain nous délibérerons sur cet objet, aujourd’hui il ne s’agit que d’exécuter ce qui est dit dans le procès-* verbal Rien de plus juste que de soulager l’Etat; mais sans rien délibérer, sans savoir si la Constitution est commencée, si elle est même entamée, je demande si, sans délibérer sur la proposition du premier ministre des finances, on peut la juger sur-le-champ ; si, en un mot, on peut augmenter les impôts sans même discuter cette question ? Un membre reproduit la demande de la division, consistant à ne décider la question que relative-ment aux six derniers mois de l’année 1789, et à ne rien juger quant à l’année 1790. La division est acceptée. .4 M. le Président pose sur-le-champ la question principale, quant aux six derniers mois. Voici le décret que l’Assemblée a prononcé : 1° La contribution que les privilégiés ont de-� mandé à payer proportionnellement, et à la décharge des contribuables pour les six derniers mois de 1789, a été acceptée et votée au profit-et soulagement des contribuables dans chaque province. * 2° Le brevet des impositions ordinaires de 1790 ne sera point augmenté de la somme à répartir 4 sur lesdits ci-devant privilégiés. On avait commencé une' seconde lecture du <- décret proposé, lorsque l’heure a engagé M. le président à lever la séance, qu’il a remise au soir, à sept heures, renvoyant fa question du décret au commencement de cette séance.