[Convention nationale.] A RCH1 V ES'P AB LEMENT AIR E S. 1793 45 Les sans-culottes composant la Société des Amis de la Constitution, séant à Moyaux, dis¬ trict de Lisieux, département du Calvados, ren¬ dent grâces à la Convention d’avoir préservé la chose publique de la chute dans laquelle vou¬ laient l’entraîner les députés traîtres, dont plu¬ sieurs sont déjà tombés sous le glaive de la loi; ils espèrent gué bientôt les autres subiront le sort que méritent leurs crimes. Ils informent la Convention que le nommé Durand, suppléant du département de l’Eure, a été destitué de sa place d’administrateur du dis¬ trict de Pont-Audemer, pour cause d’incivisme, par les représentants du peuple près l’armée des côtes de Cherbourg. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre des sans-culottes de la Société des Amis de la Constitution de Moyaux (2) : Les sans-culottes composant la Société des Amis de la Constitution séant à Moyaux, district de Lisieux département du Calvados, à la Convention nationale. « Moyaux, 24 brumaire l’an II de la République une et indivisible. ' « Citoyens représentants, « Nous frémissons d’horreur à la vue de l’abîme dans lequel les députés traîtres auraient. précipité la République sans votre vigilance à déjouer leurs trames liberticides. Déjà plu¬ sieurs de ces parricides ont subi le châtiment dû à leurs crimes, et nous espérons que bientôt le glaive de la loi frappera les autres. « Nous demandons que leurs noms infâmes soient rayés des procès-verbaux des assem¬ blées électorales déposés dans les archives de la Convention; de tels noms ne doivent pas souiller les monuments de la République. » Nous vous informons que le nommé Du¬ rand, suppléant des députés du département de l’Eure, a été cassé de sa place d’adminis¬ trateur du district de Pont-Audemer pour cause d’incivisme, par les représentants du peuple près l’armée des côtes de Cherbourg. « Les membres composant le comité de corres¬ pondance; « Berthaux; Bouchard; A. -H. Avrouin; Guettier; N. Ollivier. » Le conseil général de la commune de Roche-fort adresse à la Convention nationale le procès-verbal de la fête civique qui a été célébrée le 10 du mois dernier dans cette commune : il proteste de la persévérance et de l’entier dévouement à la République, de tous les habitants de cette com-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 134. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 828. mune, et engage la Convention à rester inébran¬ lablement à son poste. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi du procès-verbal de la fête civique (2). Le conseil général permanent de la commune de Rochefort, à la Convention nationale. « Rochefort, le 24 brumaire, l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyens représentants, « Nous vous adressons le procès-verbal de la fête civique que nous avons célébrée le dix de ce mois, vous y verrez le triomphe de la raison et notre empressement à pro'pager les vertus républicaines. « Nous n’avons d’autre temple que celui de la vérité dépouillé de tout signe de superstition, nous l’avons décoré des droits de l’homme et de sentences républicaines propres à nourrir l’esprit public. « Comptez, citoyens représentants, sur notre persévérance' et notre entier dévouement à la République, mais n’oubliez pas que tous les républicains vous font un devoir de rester inébranlables à votre poste jusqu’à l’entière extinction des ennemis de la liberté; nous réi¬ térons de nouveau notre adhésion à' tous vos décrets et nous jurons de les faire exécuter par . tous les moyens qui sont en notre pouvoir. (Suivent 8 signatures.) « P. -S. Nous voyons dans les papiers pu¬ blics que les prêtres de la commune de Paris ont aussi renoncé aux longues erreurs qu’ils ont prêchées jusqu’à présent, et que cette commune se porte comme la première qui ait donné un pareil exemple. Cependant vous vous assurerez par la date des pièces imprimées que nous vous envoyons que c’est celle de Rochefort qui a cet avantage. » Procès-verbal de la fête civique qui a eu lieu à Rochefort le dernier jour de la première décade du second mois de Van deuxième de la Répu¬ blique française, une et indivisible (3). Le principal objet de cette fête était de rendre hommage à la mémoire des citoyens Mulon et Tartu, tous deux capitaines de vaisseau, morts dans le combat, en défendant la liberté républicaine. Mulon, qui commandait la fré¬ gate La Cléopâtre, fut attaqué par deux frégates anglaises; il en prit une, mais un boulet de la seconde vint trancher le fil de ses jours, et sa mort occasionna la prise de sa propre frégate par celle qu’il combattait encore après avoir fait amener la première. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 134. (2) Archives nationales, carton C 284, dossier 819. (3) Ibid. 46 [Coimntio» nationale.] ARCHIVES -PARLEMENTAIRES, j Tarit» commandait la frégate F Uranie; dans l’espace d’un mois, il venait de faire qdurieurs prises intéressantes, et particulièrement une corvette espagnole, dont l’équipage était com¬ posé de deux cent cinquante hommes : Tartu, suivi de sa prise, attaqua une frégate anglaise, et déjà le sang ruisselait de toutes parts des sabords de cette dernière ; elle était sur le point d’amarrer lorsqu’un boulet vint emporter la cuisse de Tartu; il survécut quelques quarts d’heure à sa blessure, -et n’employa ces der¬ niers moments qu’à encourager son équipage et à donner à son fils, mousse à son bord, dés leçons de patriotisme et de vertu : « Je meurs content, mon fils, j’ai -combattu pour la liberté de mon pays : apprends à la défendre et à savoir mourir pour ta patrie. » Telles furent les dernières paroles de ce héros répu¬ blicain. Ces deux braves marins étaient tous les deux néa plébéiens ; ils ont tons les deux com¬ mencé par être mousses, et sont montés, par leur civisme et leurs talents, au grade de capi¬ taine de vaisseau, qu’ils n’auraient jamais atteint sons le règne des despotes, et dans lequel ils ont si glorieusement terminé leur carrière. Les citoyens de R o chef or t, justement épris de reconnaissance envers ees deux sans-culottes, dont ils avaient si souvent admiré les vertus, ont voulu élever un monument à leur mémoire. Toutes les autorités constituées, tous les corps civils et militaires, la société républicaine, et de nombreuses députations cir-convoisines, composaient cette fête mémorable, à laquelle s’étaient réunis les représentants du peuple entourés des enfants de Mulen et "Me Tartu. L’urne funéraire, simplement semée de fleurs et ombragée d’une couronne de chêne et de laurier était posée sur un brancard porté par huit officiers de la marine, et négligemment soutenue par des rubans tricolores, à un support en forme de dôme, surmonté d’une pique et du bonnet de la liberté. Le cortège parti à une heure après midi de la maison commune, an bruit d’une musique guerrière, se rendit sur la place de la liberté oh 1 ’nrne fut déposée sur l’autel 4© la patrie. Le président de la société, placé sur les marches de l’autel, au milieu des représentants du peuple, prononça un discours animé de toute l’énergie républicaine. La haine des tyrans de toute espèce, le mépris des grands et de leurs titres fastueux, s’imprimèrent dans tous les cœurs. Les citoyens qui portaient les noms proscrits de roy, gentilhomme, etc., sollici¬ tèrent de ne plus eu être flétris et de leur substi¬ tuer ceux que nous chérissons tous. Les repré¬ sentants du peuple et la municipalité arrêtent cette demande et donnent, par le baptême civique, une existence nouvelle, en quelque sorte, à ees citoyens indignes de leur ancienne dénomination. Les cris répétés de Vive la Mon¬ tagne! Vive la République ! firent parler les airs, et cette scène attendrissante fut suivie d’un autodafé de différents titres et monu¬ ments du fanatisme et de la féodalité. Le cortège dirigea ensuite sa marche vers le Temple de la Vérité, un peuple immense s’y porta en foule : jamais les mômeries évangé¬ liques, jamais les fêtes des tyrans mitrés ou couronnés n’attirèrent une telle affluence. Un citoyen prononce l’oraison funèbre de Mulon et Tartu. Un profond silence, et quelques soupirs mêlés de larmes, annoncent les regrets et font entendre Fexpressîoa de la douteur. Un des représentants mont© à la chaire de tel vérité, jette quelques Sears sur la tombe de ees deux victimes de la liberté, et bientôt sa voix consolante fait taire la douleur, électrise toutes les âmes, et chacun n’éprouve plus que te double sentiment de la vengeanee et de la haine des tyrans ; il finit, en prononçant l’arrêté pris par son collègue et lui, de faire porter à fa frégate F Uranie le nom de Tartu. L’autre repré¬ sentant le remplace à la tribune; la supersti¬ tion, le fanatisme sont vivement attaqués, vivement combattus; la morale éternelle Fera-porte, la superstition et te fanatisme sont terrassés, la lumière pénètre davantage, cinq prêtres, entraînés par la force de la vérité, se dépouillent de leurs trop vieilles erreurs, les protestants imitent leur exempte, et tous, à F envi, jurent de ne faire qu’une même famille, et de ne reconnaître qu’une religion : celle de la liberté et de la fraternité. Aussitôt, les repré¬ sentants du peuple, aussi attendris que l’assem¬ blée entière, de cette salutaire conversion, et pour montrer que la nation française est toujours grande et généreuse, arrêtèrent, au bruit des plus vives acclamations, que ces cinq prêtres philosophes jouiraient de leur pension leur vie durant, et contractèrent l’enga¬ gement solennel de faire ratifier cet arrêté par la Convention nationale. Des cris prolongés de : Vive la Montagne! Vive la République ! se firent entendre dans toutes les parties du Temple, qui ne contient plus qu’un peuple de frères réunis sous l’étendard de la liberté,: on y brûle les lettres de prêtrise; le peuple impatient de¬ mande à grands cris que te tabernacle soit remplacé par le tableau des droits de l’homme et l’acte constitutionnel, et eette belle journée, qu’on pourra appeler le triomphe de la morale sur la superstition, a fixé dans tous les coeurs le sentiment inextricable de la haine pour tons les tyrans de l’univers. Signé : Lequinio, Laigneeot, représentants du peuple; Legrand, président du district; Gruee, premier juge du tribimal du district; Hugues, président du comité de surveil¬ lance révolutionnaire; Sert ou y, président de la Société républicaine; Faurès, juge du tribunal de commerce; Charegt, prin¬ cipal chef de l’Administration civile de la marine; Ledale Keon, commandant des armes; Delisle, maire; Texier-Perraïn fils; Jossand aîné; Leloup aîné; Bour-rassand; PEELÉpère; Savigny aîné; Con-foulant, officiers municipaux; Aunay ; Goueard; Dumas; Prueat aîné; Rangé; Gaget; Vrigneaux; trésorier; Cochon; Bonneau; Gond aîné; Gqduc;. Minguet; Turpeau; Deschamps; Braud; Garin ; Vivez aîné, notables; André, procureur de la commune; Barraud, substitut; Joyeux fils, secrétaire-greffier. Profession de foi de plusieurs prêtres de la eommune de Rochefort et eireonvmsines. Nous, prêtres assermentés sur la constitu¬ tion républicaine de France, et attachés de cœur et d’affection à toutes les lois de la Répu¬ blique, reconnaissant l’évidence des vérités philosophiques qui ont donné lieu à ce régime