731 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 septembre 1191.] des dommages-intérêts s’il a été mis en prison indûment. ( Applaudissements .) Il n’en est pas de même de ce qu’a fait le corps électoral ; vous ne pouvez pas vou3 dispenser de vous prononcer là-dessus. Il faut donc examiner deux points : le premier si l’huissier est en faute et a manqué à la dignité du corps électoral pour écrire au président qu’il avait un décret de prise de corps à exécuter ; et je soutiens la négative. Ce qui prouve que l’huissier ne voulait point exécuter son mandat de prise de corps dans l’assemblée, c’est qu’il a écrit pour savoir comment il pourrait l’exécuter. Que de-vait faire alors l’assemblée électorale? Deux choses très simples : faire sortir par une porte le citoyen décrété de prise de corps et l’huissier par une autre: ils se seraient peut-être rencontrés {Rires), et vous n’auriez pas à vous occuper du fait que l’on vous a dénoncé. Quant au corps électoral, et c’est là le second fait, je pense que le comité de Constitution doit nous apporter un décret, après avoir examiné attentivement les pièces. Si le corps électoral mérite uûe improbation, il faut qu’il soit im-prouvé, parce qu’il est essentiel qu’au moment ou votre Constitution est établie, elle ne soit pas violée. Si le corps électoral ne mérite pas d’improbation, il sera écrit une lettre au président, pour lui dire qu’il s’est très bien conduit, qu’il a agi conformément à la loi. Je demande donc que l’on renvoie les pièces au comité de Constitution pour qu’il nous apporte demain un projet de décret relatif à la conduite de l’assemblée électorale, et point du tout relatif à l’huissier qui a tous les moyens de droit pour se pourvoir. M. Delà vigne. Rien n’est plus régulier que ce que propose M. d’André; mais cependant, puisque tout le rapport résulte des faits constatés parles pièces, je demande que l’Assemblée, qui connaît l’affaire, décide et finisse l’affaire à présent. Je demande, en conséquence, qu’on lise les pièces. (L’Assemblée ordonne la lecture des pièces.) M. Duport. Voici le procès-verbal extrait des registres de l’assemblée électorale du département de Paris : « Pendant que MM. les scrutateurs généraux s’occupaient du recensement général, un membre a demandé la parole pour faire une dénonciation importante à l’assemblée ; la parole lui a été accordée et le recensement suspendu. « Ce membre a dit qu’il s’était introduit, dans l’un des bureaux de l’assemblée, un huissier qui y verbalisait, que cet huissier était même avec sa chaîne, qu’il annonçait qu’il était dans l’exercice de ses fonctions, qu’une pareille couduite était l’attentat le plus formel contre la liberté et la dignité des fonctions de l’assemblée qui exerce les fonctions des représentants du peuple. En conséquence, il a fait la motion de requérir à l’instant la garde pour faire arrêter cet huissier, qu’il était nécessaire de s’informer de l’huissier à Rassemblée, et de le demander à la barre. « Cette motion a été mise aux voix; il a été pris un arrêté en conséquence. M. le président au troisième bureau a ensuite demandé la parole ; il a observé, sur ce qui venait de se passer dans son bureau, un fait sur lequel il désirait que l’assemblée fût instruite pour qu’on ne puisse élever aucun doute; il a ajouté qu’un des huissiers de l’assemblée était venu lui demander une feuille de papier pour un particulier qui voulait écrire une lettre à M. le président, qu’il ignorait alors l’objet de cette lettre et avait en conséquence remis la feuille de papier, que ce particulier après avoir écrit sa lettre la lui avait communiquée ; que sur cette communication, il lui avait déclaré que rien n’était moins convenable que sa démarche et sa lettre, que M. le président et l’assemblée les trouveraient également mauvais, qu’il se conformerait au surplus aux ordres de l’assemblée. « L’électeur indiqué par le sieur Ozanne, un membre a fait la motion de faire interroger l’huissier arrêté, en présence de 4 membres de l’assemblée, par le commissaire de police de la section dans l’arrondissement duquel se trouve l’assemblée électorale. Un autre a demandé que M. le président écrivît à M. le ministre de la justice pour avoir justice d’un pareil attentat. Un autre a demandé que l’huissier fût détenu en prison, et d’inférer au ministre delà justice pour faire remettre l’affaire entre les mains de l’accusateur public de l’arrondissement. D’après les diverses motions, l’assemblée a arrêté : « 1° De tenir en état d’arrestation l’huissier qui avait osé la troubler dans ses fonctions; « 2° D’entendre à l’instant cet huissier à la barre, de faire dresser le procès-verbal des réponses qu’il ferait et de l’interrogatoire que M. le président sera chargé de lui faire au milieu de l’assemblée; 3° De charger M. le président d’écrire au commissaire de police de la section de Notre-Dame, pour l’inviter de se rendre sur-le-champ à l’assemblée électorale. Sur la motion d’un membre, de donner lecture de la lettre écrite à M. le président par l’huissier arrêté, il a été arrêté de lire cette lettre et de l’insérer dans le procès-verbal. « M. le secrétaire en a fait la lecture. « Un membre a fait la motion de dénoncer cet attentat à l’accusateur public, d’instruire l’Assemblée nationale par une adresse et d’envoyer une députation pour la lui présenter. Cette motion a été appuyée et mise aux voix article par article; et l’assemblée a arrêté de dénoncer à l’accusateur public et au procureur général syndic du département; instruire l’Assemblée nationale de tous les faits et de lui présenter une adresse. « A quatre heures de relevée, le sieur Damiens a été amené à la barre, il a été interrogé par M. le Président; il a été dressé de tout un procès-verbal particulier, que l’assemblée a ordonné d’être annexé à la minute du présent. Après cet interrogatoire, M. le président a ordonné, au nom de l’assemblée, de faire retirer le sieur Damiens. « Un membre a représenté qu’il y avait, dans la cour de l’évêché, le clerc du sieur Damiens, et il a fait la motion de donner des ordres pour l’arrêter et l’entendre également à labarre. (Rires.) Cette motion a été appuyée, mise aux voix et adoptée. « Un membre est monté à la tribune et a dit qu’il ne croyait pas que les juges du tribunal aient donné hier soir aucun ordre au sieur Damiens pour mettre à exécution ce décret de prise de corps contre M. Danton. Cette observation a donné lieu à un membre de faire la motion d’interroger de nouveau l’huissier. La motion appuyée et mise aux voix, l’assemblée a arrêté de faire rentrer de nouveau le sieur Damiens. « Le sieur Damiens, arrivé de nouveau à la barre, a subi, à 3 heures du soir, un second interrogatoire à la suite du premier. « M. le président a observé qu’un membre a 732 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] fait la motion de mander encore l’huissier, pour savoir de lui s’il avait connaissance que le département ou quelques-uns de ses membres aient écrit, hier au soir, au tribunal du VIe arrondissement, pour lui faire demander pourquoi il n’avait pas encore fait mettre à exécution le décret de prise de corps contre M. Danton. « M. le Président a demandé ensuite à l’assemblée d’assurer, en sa qualité de procureur général syndic du département, qu’hier à l’assemblée du directoire il n’avait été question ni directement, ni indirectement, pas même par forme de conversation, du décret de prise de corps de M-Danton. < Un membre a fait la motion que la question fût faite au sieur Damiens; cette demande, appuyée par M. Pastoret, en sa qualité de procureur général syndic, a été mise aux voix et adoptée. « Le sieur Damiens, aussitôt amené et conduit à la barre, a été interrogé par M. le président, sur la question nouvelle. « M. le président a annoncé que le sieur Bon-valet, commissaire de police, section Notre-Dame, auquel il avait écrit de se repdre à l’assemblée, d’après son ordre, était arrivé et demandait s’il pouvait être introduit et placé à la barre. « L’assemblée, délibérant sur les reproches faits par le sieur Damiens, contenus dans un interrogatoire, a arrêté que les sieurs Damiens et son clerc Thomas, seraient remis sous bonne et sûre garde, pour être par lui interrogés et ensuite ordonné ce qu’il appartiendra, et que l’expédition dudit interrogatoire serait délivrée à l’instant par les secrétaires et M. Bonvalet. La minute signée Pastoret, président, et Gou-vion, secrétaire. Voici l’interrogatoire : « L’an 1791, le mardi 13 septembre, quatre heures de relevée, en rassemblée électorale du département de Paris, séant à l’évêché métropolitain ; en exécution de l’arrêté de l’assemblée de ce jour, le sieur Damiens a été demandé à la barre. «M. le président, au nom de l’assemblée, lui a demandé ses nom, âge, qualités et demeure (Rires.) — A déclaré se nommer François-René Damiens, huissier à cheval au ci-devant Châtelet de Paris, et audiencier au dixième tribunal criminel établi au Palais à Paris, âgé de 46 ans, demeurant rue de la Ferronnerie. « A lui demandé en vertu de quels ordres il s’était présenté à rassemblée? — A dit s’être présenté dans un des bureaux de l’assemblée, non pas à l’effet de mettre aucun ordre à exécution, mais seulement à l’effet de prévenir M. le président qu’il était chargé de mettre un décret de prise de corps à exécution. « M. le président ensuite lui a dit : Si votre intention était seulement de me prévenir, pourquoi la lettre que vous m’avez écrite n’était-elle pas préparée, et pourquoi l’avez-vous écrite dans un des bureaux de l’assemblée électorale? — ■ A répondu être venu autour de l’assemblée électorale pour tenter de voir le particulier qu’il cherchait, que ce n’est qu’à l’iustigation de l’un de messieurs les électeurs qui lui a donné le conseil d’écrire une lettre à M. le président, et pour cet effet a dit à l’un des huissiers de le conduire dans un des bureaux pour rédiger sa lettre, en lui observant que, s’il mettait le décret à exécution, il pourrait en résulter quelques désagréments. « A lui demandé dans quelle cour de l’évêché il a trouvé l’électeur? — A répondu : que c’est dans la première cour. « A lui observé que, s’il était dans la première, il n’était plus autour de l’assemblée ? — A répondu qu’il avait suivi l’électeur jusqu’au parvis Notre-Dame. « A lui demandé pourquoi il avait une chaîne ? — A répondu que, sortant de l’audiénce, il avait gardé sa chaîne, qu’étant porteur de plusieurs décrets à mettre à exécution il la portait avec lui. « A lui demandé si la chaîne était sur son habit ou cachée sous sa veste? — A répondu qu’elle était cachée sous sa veste comme il la porte ordinairement. « A lui demandé s’il avait quelqu’un avec lui ? — A répondu qu’il avait avec lui son premier commis. « A lui demandé si le premier commis était entré avec lui? — A répondu qu’il était resté à se promener du parvis à la cour, et de la cour au parvis Notre-Dame. « A lui demandé pourquoi ce commis est entré, a traversé les deux cours et est allé s’asseoir sur un banc de pierre auprès du grand escalier? (Rires.) — A répondu ne savoir pourquoi. « A lui demandé s’il avait des armes dans sa poche ? — A répondu n’en pas avoir, mais seulement avoir à sa main une canne à sabre. « A lui demandé s’il avait des menottes dans sa poche? — A répondu ne point en avoir et ne jamais s’en servir. « A lui demandé s’il était porteur d’un décret et sommé de le représenter? — A répondu en être porteur et l’a représenté. « A lui demandé si son commis avait des armes? — A répondu qu’il n’en avait point, que c’était son commis aux écritures. «•A lui demandé s’il n’avait point avec lui d’autres personnes avec des bâtons ? — A répondu que non. « A lui demandé pourquoi, le décret étant du 4 août, il n’avait cherché, que dès ce jour, les moyens de le mettre à exécution? — A dit que ce décret ne lui avait été remis, qu’il y avait 8 jours, et qu’hier soir il a été mandé au comité des magistrats, qui lui ont donné des ordres de s’en occuper, et de le mettre à exécution le plus promptement possible. « A lui demandé pourquoi ce décret, conformément à la loi, n’a-t-il pas été signifié à domicile et à partie? — A répondu que jamais un décret de prise de corps ne se séquestre (Rires.) et n’est notifié qu’à l’instant de son exécution. « A lui observé qu’il éludait la difficulté sans y répondre. (Rires.) — A lui demandé pourquoi, au lieu de mettre ce décret à exécution dans la propre demeure de celui qu’il cherchait, il était venu à l’assemblée électorale pour l’exécuter? — A répondu que connaissant M. Danton fort vif, il n’a pas osé se présenter chez lui, mais n’a jamais pareillement cherché à l’exécuter dans l’assemblée, qu’il respecte trop pour cela, suppliant rassemblée, pour preuve de ce qu’il avance et pour sa justification, de vouloir bien annoncer au procès-verbal la lettre par lui adressée à M. le président. « A lui observé qu’il était venu pour prévenir M. le Président et qu’il avait dit qu’un membre de l’assemblée l’avait engagé au contraire à prévenir M. le président. —A répondu, en se résumant pour rendre hommage à la vérité, et ne laisser aucun doute sur l’esprit que quiconque peut don- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] 783 ner à ses réponses, qu’en sortant de l’audience, il s’est rendu dans le parvis Notre-Dame, où il est resté environ une demi-heure, à l’effet de notifier au sieur Danton son décret, s’il le voyait passer; que ne l’ayant pas vu il est entré dans la première cour de l’évéché : que, le pied sur le seuil de la porte, il a alors renoncé à exécuter ledit décret et que c’est en se promenant dans ladite cour, qu’un de MM. les électeurs, comme il l’a ci-devant dit, l’a invité d’entrer, ayant encore moios l’intention d’exécuter ledit décret. « A lui demandé ce qu’était devenue la canne dont il était porteur? — A répondu l’avoir donnée à garder avec son chapeau à une femme en bas. « A lui demandé de quelle forme est cette canne? — A répondu que la pomme est à clous dorés, couverte en drap vert, et que la canne renferme une petite lame à dos, et fourreau cassé, et la canne sans bout. « A lui demandé si, pour aller dans le bureau où il a écrit la lettre, il a traversé la salle de l’assemblée? — A répondu que non. ( A lui demandé s’il n’avait pas dit à un membre de l’assemblée que, s’il rencontrait M. Danton sur l’escalier, il lui signifierait le décret? — A répondu que non ; qu’il en était incapable. « A lui demandé si, en causant avec un membre qui lui a demandé quels étaient les motifs pour lesquels il ne s’était pas transporté chez M. Danton, pour lui signifier le décret; et il ne lui a pas signifié? — A répondu qu’il y avait une chose qu’il ne dirait jamais parce qu’en la disant, il perdrait sa place : a répondu avoir entendu, par ce propos, dire qu’il n’avait pas mis un grand zèle à exécuter le décret. « A lui demandé s’il avait prévenu l’officier de garde pour lui prêter secours en cas de résistance pour l’exécution du décret? — A répondu que non. « A lui demandé ce qu’il entend par le comité des magistrats qui lui a donné l’ordre? — A répondu les magistrats qui s’assemblent dans la chambre du conseil. « A lui demandé si l’ordre lui avait été donné par tous les magistrats ou par les commissaires du roi ? — A répondu que l'ordre lui avait été donné, le matin, tant par M. l’accusateur public que par le commissaire du roi, et réitéré à cinq heures et demie du soir, ledit jour d’hier, par les magistrats assemblés à la chambre du conseil. « A lui demandé si l’ordre a été verbal ou non ? — A répondu que l’ordre était verbal, puisqu’il était porteur du décret. « A lui demandé si le tribunal était judiciairement assemblé, ou si c’était seulement la réunion de quelques membres dans une salle? — A répondu qu’ils étaient judiciairement assemblés, puisqu’on venait d’y faire le rapport des affaires et qu’ensuite on a recommencé un deuxième rapport. « A lui demandé depuis quelle heure lui et son commis étaient autour de l’assemblée électorale? — A répondu être sorti du palais à une heure et être venu de suite au parvis. « A lui demandé si le commissaire du roi, l’accusateur public et les autres juges, qu’il avait vus hier, lui avaient donné ordre de venir jusque dans les environs de l’assemblée électorale? — A répondu que non. « A lui demandé pourquoi il avait traversé la salle du second bureau pour aller y écrire, dans le troisième, la lettre qu’il aurait pu écrire dans le second? — A répondu qu’il ignorait pourquoi l’huissier qui l’a conduit l’a mené plutôt dans un bureau que dans un autre; mais qu’au tant qu’il peut se rappeler, le premier bureau paraissait occupé. « A lui observé qu’il avait dit n’être entré ici qu’à une heure. — A lui demandé s’il n’avait pas avant envoyé son commis à l’assemblée électorale?— A répondu n’en avoir point envoyé et que son commis était parti avec lui du palais. « A lui demandé, si, au sortir du palais, il était venu directement ici? — A répondu que oui. « A lui demandé s’il avait changé d’habit? — À répondu : au palais, dans son armoire, avant de partir, suivant son usage. A lui demandé s’il n’avait pas placé 6 hommes dans le parvis Notre-Dame et pourquoi? — A répondu n’avoir placé personne. « A lui demandé ce qu’il attendait de la lettre écrite, ayant annoncé n’avoir pas l’intention d’exécuter son décret dans l’assemblée? — A ré-rondu qu’il attendait les ordres de l’assemblée pour diriger sa conduite. « Lecture faite du présent procès-verbal, a répondu ses réponses contenir vérité et persiste, et a signé avec M. le président: Damiens; Pas-touret, président*, Gouvion, secrétaire. « Et ledit jour, 13 septembre 1791, huit heures de relevée, par suite de l’arrêté qui vient d’être pris par l’assemblée électorale du département de Paris, le sieur Damiens, huissier, a été de nouveau amené à l’assemblée pour y être interrogé d’après l’observation de M. Mulet, électeur et juge au tribunal du sixième arrondissement, qu’il ne voyait ças que les juges eussent donné nier des ordres à l’huissier Damiens de mettre le décret en question à exécution. M. le président lui a demandé le nombre et le nom des juges. — A répondu qu’ils étaient au moins cinq, dont entre autres M. Recolène, président; M. Isnard, M. Mardan de Launoy, adjoints aux juges; qu’il croit, sans pouvoir l’assurer, que M. Glément était du nombre. Lecture à lui faite du second interrogatoire, a dit ses réponses contenir vérité, etc. « Et ledit jour à neuf heures un quart du soir, le sieur Damiens de nouveau amené, M. le prési-sident lui a demandé s’il est à sa connaissanceque le département ou aucun de ses membres ait écrit, hier soir ou tout autre jour, au tribunal du sixième arrondissement, pourquoi il n’avait pas encore fait mettre à exécution le décret de prise de corps contre M. Danton, et pour l’inviter à le faire exécuter dès demain? — Il a répondu n’en avoir aucune connaissance. Il a même ajouté qu’il ne connaissait aucun membre du département, suppliant l’assemblée de vouloir bien croire qu’il est trop plein de respect pour elle pour avoir voulu mettre le décret à exécution dans la cour de l’évêché, et à plus forte raison dans rassemblée même. « A lui demandé si, lorsqu’on le charge de l’exécution d’un décret, il s’en charge sur un registre, et si la copie du décret ne devait pas être remise par lui à celui qu’il est chargé d’arrêter? — A répondu qu’il ne se charge sur aucun registre des ordres qui lui sont remis; qu’on lui délivre seulement une expédition dont la minute reste déposée au greffe du tribunal et qu’il ne copie des décrets aux prisonniers que lorsqu’ils sont entre les deux guichets. « A lui demandé où il aurait pris la copie pour signifier à M. Danton s’il eût pu l’arrêter en sortant de l’assemblée électorale ? — A répondu 734 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791. qu'arrivé entre les deux guichets, s’il n’avait pas eu de papier marqué sur lui, il en aurait envoyé chercher, aurait copié l’expédition du décret dont il est porieur,et aurait ensuite rédigé son procès-verbal d’arrestation, à la suite de laquelle copie il lui aurait également laissé copie de son procès-verbal. « Lecture faite du troisième interrogatoire, a dit ses réponses contenir vérité, etc. « Et ledit jour, 13 septembre 1791, à dix heures du soir, a été le clerc arrêté. M. le président l’a interrogé sur ses noms âge, qualités et . demeure. — Il a dit se nommer Ursule Thomas, être âgé de 34 ans, demeurer rue de la Jouaillerie, maison de Mme Boulet, être clerc de M. Damiens, huissier, depuis trois mois environ. « A lui demandé depuis combien de temps il était instruit du décret à mettre en exécution contre le sieur Danton ? — - A répondu qu’il a appris vulgairement que M. Danton était décrété. « A lui demandé à quelle heure il est arrivé ce malin à l’évêché? — A répondu que, vers deux heures et demie, il est venu du palais à l’évêché avec M. Damiens. « A lui demandé quel habit avait alors M. Damiens.— • A répondu qu’il avait un habit de drap de coton mélangé. « A lui demandé s’il était instruit que M. Damiens fût porteur de plusieurs décrets contre des membres de l’assemblée électorale. A répondu n’en être point instruit, à l’exception d’un décret qu’il a prétendu avoir contre M. Danton; qu’alors il a demandé à M. Damiens si ce décret était contre M. Danton, électeur ; que M. Damiens lui a répondu que oui et a tiré un papier de sa poche en lui disant : le voilà.Que lui répondant, lui a demandé s’il allait lui signifier; que M. Damiens lui a répondu : je lui donnerai tout bonnement en original et je lui confierai entre les mains, il me répondra ce qu’il voudra et j’en dresserai procès-verbal. « A lui demandé à quel titre et pourquoi M. Damiens l’a amené à i’évêché? A répondu que M. Damiens lui a dit seulement de l’accompagner, sans lui dire pourquoi. « A lui demandé s’il sait si M. Damiens a amené avec lui des recors ou toute autre personne pour l’aider à mettre le décret à exécution? — A répondu n’avoir aucune connaissance de ce que peut avoir fait M. Damiens, attendu que lui répondant a travaillé une partie de la matinée au bureau de M. Damiens, qu’ensuite il a été au tribunal des Minimes. « A lui demandé s’il était le seul clerc du sieur Damiens? — A répondu être le seul clerc au bureau, qu’il se fait assister de deux personnes lorsqu’il a des décrets à mettre à exécution. « A lui demandé s’il sait si ces deux personnes sont venues ce matin à l’assemblée électorale avant ou depuis lui? — A répondu n’avoir de cela aucune connaissance. « A lui demandé où M. Damiens l’a fait placer ce matin en arrivant? — A répondu qu’il ne lui a donné aucune place fixe lorsqu’il est arrivé avec lui; que seulement, en le quittant pour aller dans la seconde cour gagner le grand escalier avec deux messieurs dont l’un est M. Ozanne, il lui a dit d’attendre et ne l’a plus revu depuis. « A lui demandé s’il sait si M. Damiens dut exécuter le décret contre M. Danton partout où il se trouverait, même dans l’assemblée électorale? — A répondu que non. « A lui demandé où il a trouvé en arrivant M. Ozanne le jeune? — A répondu que M. Damiens l’a chargé de demander l’huissier; qu’il l’a demandé à la sentinelle au pied du grand escalier. « A lui demandé ce dont M. Damiens l’avait chargé envers l’huissier? — A répondu qu’il l’avait chargé de lui dire de venir lui parler, et que c’est M. Ozanne le jeune auquel il a parlé. « A lui demandé si le sieur Damiens et lui s’étaient entretenus avec M. Ozanne l’aîné? — A répondu que M. Damiens avait parlé avec Ozanne l’aîné; qu’à son égard il lui a souhaité le bonjour. « A lui demandé si, vers une heure ou une heure et demie, le matin, il ne s’était pas promené dans la première cour avec M. Damiens et le sieur Ozanne l’aîné? — A répondu s’être promené pendant deux minutes, mais ne peut dire précisément à quelle heure. « A lui demandé si, au sortir du Palais, il était venu à l’évêché avec M. Damiens ? — A répondu que oui. « A lui demandé s’il avait des armes sur lui lorsqu’il est venu le matin à l’évêché? — A répondu qu’il n’avait point d’armes. « Lecture ainsi faite de son interrogatoire, a déclaré et signé, etc. « Et à l’instant le sieur Ozanne a été interrogé par M. le Président ; il lui a demandé si le sieur Damiens ne s’est pas promené avec lui vers une heure et demie, s’il ne lui a pas fait quelques propositions, et ce qu’il a répondu audit sieur Damiens ? — A répondu que le clerc du sieur Damiens était venu lui demander s’il pouvait aller parler au sieur Damiens; qu’il lui a répondu qu’il ne pouvait quitter son poste, attendu qu’il était obligé de reconnaître messieurs les électeurs, ou les particuliers qui se présentaient comme électeurs, à l’effet de reconnaître leurs cartes ; qu’il a répondu à ce clerc que, si le sieur Damiens avait quelque chose à lui communiquer, il pouvait vmir le trouver; que le clerc du sieur Damiens lui a répondu s’il pouvait lui indiquer où était le frère de lui Ozanne; qu’il lui a dit qu’il était absent pour l’instant; que le clerc s’étant retiré un quart d’heure, ayant aperçu le sieur Damiens et son élève dans la première cour à côté de la maison du suisse, il avait été rejoindre le sieur Damiens, et que lui ayant demandé ce qu’il avait à lui dire, il lui avait demandé si M. Danton était dans l’assemblée; qu’il lui a répondu que oui, et que s’étant aperçu de la mauvaise intention du sieur Damiens, il l’a sommé verbalement de déclarer s’il n’avait pas un décret de prise de corps à mettre à exécution contre M. Danton ; il lui avait répondu que non, qu’il voulait seulement lui parler ; mais que, connaissant les ruses usitées du sieur Damiens, il s’était bien gardé de déclarer dans quel bureau était M. Danton, et que depuis cela il n’a parlé en manière quelconque au sieur Damiens ainsi qu’à son clerc; que de là il a cru devoir remplir sa mission envers tous les membres de rassemblée électorale, observantseu-lementque, s’il eût imaginé que le sieur Damiens eût été assez hardi de vouloir mettre à exécution le décret de prise de corps contre M. Danton, il aurait demandé la permission à M. le président de l’assemblée électorale de le chasser, comme étant perturbateur du repos public, et ne lui convenant pas de troubler les travaux des représentants du peuple. « A lui demandé quelles sont les personnes avec lesquelles il s’est promené dans la première cour? — A répondu qu’il n’avait vu que le sieur Damiens et son clerc. « Lecture faite, etc. »