660 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lcr févriei’ 1791.] blir un conseil pour un accusé contumax. En effet, lorsqu’un homme refuse de se présenter à la justice, ses amis peuvent bien plaider la cause de son absence; mais pour plaider le fond de l’affaire, je demande s’il est possible que des jurés qui entendent le débat de l’accusateur, des témoins, et qui, d’un autre côté, entendraient un conseil qui nierait les faits, qui alléguerait des motifs faux, je demande si les jurés peuvent avoir aucune espèce de confiance dans un pareil homme qui viendrait rapporter des faits qui ne lui sont pas personnels? Il s’établirait en France la plus abominable procédure, qui est que les gens riches plaideraient par procureur. M. Dnquesnoy appuie l’amendement de M. Ghabroud. Plusieurs membres demandent la question préalable sur l’amendement. (L’Assemblée décrète qu'il n’y a pas lieu à délibérer.) M. Tronchet. Messieurs,... ((Bruit.) M. le Président. Je réclame le silence; M. Tronchet n’a pas autant de voix que de lumières. (Applaudissements.) M. Tronchet. On croirait, par la seconde partie de votre article, que les amis ou les parents de l’accusé ne pourraient présenter son excuse qu’autant qu’elle serait d’abord proposée par l’accusé lui-même, aux fins d’une procuration spéciale. J’ai l’honneur de vous observer qu’il peut se faire qu’un homme soit en voyage dans un pays éloigné; que pendant ce temps, par méchanceté, ou autrement, on intente contre lui une accusation criminelle. Les délais qui sont accordés, jusqu’à ce que l’affaire soit portée devant les jurés, ne sont au plus que de cinq semaines; il est très possible qu’il n’ait pas pu être instruit assez à temps pour pouvoir envoyer, de l’endroit où il est, une procuration spéciale pour justifier de son absence légitime. En conséquence, je demande qu’il soit permis aux amis de l’accusé de proposer et de plaider l’excuse légitime. On pourrait donc rédiger l’article en ces termes : « Aucun conseil ne pourra se présenter pour défendre l’accusé contumax sur le fond de son affaire; seulement, s’il est dans l’impossibilité absolue de se rendre, la légitimité de son excuse pourra être plaidée par ses amis et décidée par le tribunal. » M. Duport, rapporteur. Cet amendement est susceptible de quelques inconvénients ; mais ses avantages paraissent l’emporter. (La rédaction proposée par M. Tronchet est adoptée.) Art. 7. « Dans le cas où le tribunal trouverait l’excuse légitime, il ordonnera qu’il sera sursis à l’examen et au jugement pendant un temps qu’il fixera, eu égard à la nature de l’excuse et à la distance des lieux. » (Adopté.) Art. 8. « Les condamnations qui interviendront contre un accusé contumax! seront exécutées, en les inscrivant dans un tableau qui sera suspendu au milieu de la place publique. » (Adopté.) Art. 9. « L’accusé contumax pourra, en tout temps, se représenter, en se constituant prisonnier, et donnant connaissance au président de sa comparution; de ce jour, tous jugements et procédures faites contre lui seront anéantis, sans qu’il soit besoin d’aucun jugement nouveau: il en sera de même s’il est repris et arrêté. » (Adopté.) Art. 10. <« Il rentrera également dans tous ses droits civils, à compter de ce jour; ses biens lui seront rendus, ainsi que les fruits de ceux qui auront été saisis, à la déduction des frais de régie et de ceux du procès. » (Adopté.) Art. 11. « Il sera de nouveau procédé à l’examen et au jugement de l’accusé contumax qui se sera représente ; néanmoins, les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence seront lues au juré, pour y avoir tel égard que de raison. » (Adopté.) Art. 12. « Dans le cas même d’absolution, l’accusé qui a été contumax n’obtiendra aucune indemnité; et le juge pourra lui faire en public une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens ; il sera de plus condamné, par forme de correction seulement, à garder prison pendant un temps qui ne pourra excéder un mois. » M. de Lachèze. Je demande la question préalable sur cet article ; on ne peut faire un crime à un citoyen pusillanime, accusé d’un délit grave, de redouter le jugement des hommes et les terribles effets de leur erreur. M. de Folleville. Dans un état d’accusation, la fuite est le premier mouvement; il serait barbare de refuser toute indemnité à un citoyen calomnié. M. Mongins (ci-devant de Roquefort). Dans l’ancien régime, si le contumax était absous, il n’éprouvait aucune peine; ici, au contraire, vous lui faiter subir des condamnations de prison. M. Robespierre. Je me demande comment le comité a pu nous proposer un article qui porte que, dans le cas d’absolution, l’accusé contumax n’obtiendra aucune indemnité et que le juge le condamnera, par forme de correction seulement, à garder prison pendant un temps qui ne pourra excéder un mois. Le rapporteur méconnaît ici les premiers principes du droit naturel et du bon sens. Gomment peut-il substituer des sophismes politiques si frivoles à cette loi écrite dans le cœur de tous les hommes, qui justifie les craintes de l’innocence même, qui se dérobe au pouvoir d’un petit nombre d’hommes qui peuvent le condamner à cette loi sacrée qui veut que, dans tous les cas, l’innocence soit indemnisée lorsqu’elle est reconnue. Il est déjà assez fâcheux pour un innocent d’avoir été l’objet d’une poursuite criminelle, sans être encore puni, dans ses biens et par la