SÉNÉCHAUSSÉE DE DAMIERS. CAHIER Des doléances du clergé de la sénéchaussée de Pamiers (1). On a prodigieusement écrit sur l’éducation, et rien n’est, plus rare en France qu’un collège où elle soit fondée sur des principes fixes et raisonnes. iNous en trouvons les causes dans le régime qui dirige aujourd'hui la plupart des collèges. RÉFORMES NÉCESSAIRES DANS LES COLLÈGES ROYAUX. Les collèges royaux sont soumis à la vigilance d’iin corps d’administrateurs nommés par le Roi. ' La constitution même de ces bureaux est très-abusive. Pourquoi les réduire au nombre insuffisant de sept vocaux? Pourquoi sont-ils inamovibles ? Pourquoi soumettre ces bureaux à des présidents-nés qui, presque toujours absents, et tout occupés dévastés plans d’administration, dédaignent une partie obscure et peu faite pour leur donner la célébrité? N’est-il pas évident que leur influence détruit pu énerve J’actiou d’autres vocaux, et que leur crédit détermine presque toujours le choix de cinq membres, c’est-à-dire du principal, des deux consuls et des deux notables? De cette constitution découlent plusieurs vices. 1° Les places se donnent à l’intrigue, et même souvent à l’incapacité. 2° On ne veille pas sur les professeurs et sur les régents; et au mépris de l’édit de 1763, on ne voit ni assemblées, ni surveillants. 3° De faux exposés des véritables revenus des collèges ont fait attribuer aux régents et aux professeurs des honoraires trop peu relatifs à leur trayaux et à leurs besoins. 4P Dans beaucoup de collèges, on a détruit les exercices publics, tant des écoliers que des professeurs ; et, par un esprit d’économie déplacé, on a déduit sur le prix des élèves. On pourrait détruire ces abus en ordonnant : Art. 1er. Que le bureau fût désormais composé de seize pères de famille, éligibles par la communauté en corps, et amovibles après trois ans d’administration, et après une exacte reddition de comptes. Art. 2. Qu’ils fusssent forcés, sous telles peines qu’on arbitrerait, de s’assembler tous les quinze jours. Art. 3. Qu’un surveillant qui aurait, sans cesse, les yeux sur les classes, fît un rapport aux mêmes époques; et qu’on autorisât les régents et professeurs à dénoncer eux-mêmes les abus ou la négligence des surveillants, Art. 4. Que le bureau soit obligé d’assister en corps à tous exercices publics soit des régents, soit de leurs élèves. Art. 5. Quant aux régents et professeurs, qu’on (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. leur donnât de quoi s’affectionner à des emploi auxquels ils devraient une bonnête aisance, et une retraite assurée après vingt ans de service. Art. 6. Que toutes les places fussent mises au concours, avec affiches préalables. Art. 7. Qu’on anime sans cesse le zèle des régents etleur activité, soit par des exercices littéraires, soit par des prix uniquement destinés pour le plus affectionné aux progrès de la jeunesse. ABUS A RÉFORMER DANS LES COLLÈGES CONFIÉS A DES CORPS ENSEIGNANTS. La plupart des corps enseignants sont libres, c’est-à-dire non soumis à des vœux. Delà : 1° Nul esprit de corps. Quel en serait le principe dans des jeunes gens toujours disposés à reprendre leur liberté ? 2° De cette facilité de se soustraire à leurs supérieurs, naissent plusieurs autres abus. 3° Point de nerf intérieur pour forcer ces jeunes gens à l’application. Poussés à bout, ils quitteraient. Le corps en a besoin, et pourtant les supporte tels qu’ils sont. 4° Les vides que font les désertions se réparent par des choix qui souvent font rougir la délicatesse. Qu’attendre de semblables sujets ? 5° La délicatesse, ou la nécessité de passer d’un collège à l’autre, les rend aussi insensibles à 1’ho.nneur d’avoir bien fait, qu’à la honte d’avoir méconnu leurs obligations. 6° Les émigrations annuelles nuisent beaucoup à l’éducation dont le succès dépend d’un système suivi. 7° Les corps ne se piquent de briller que dans les grands établissements. 8° Us font desservir leurs petits collèges par des gagistes. Il paraît difficile de remédier à tant d’abus. On pourrait néanmoins en détruire quelques-uns : Art. 1er. Parla réforme de leur constitution qui renferme des viGes dont le détail serait trop long. Art. 2. En réduisant leur ambition au nombre précis des colleges qu’ils peuvent régir par eux-mêmes. Art. 3. En établissant , dans chaque ville ayant collège, un bureau sur le modèle ci-dessus. Art. 4. En forçant les nouveaux venus à comparaître devant le bureau qui jugerait de leur capacité. Art. 5. En ne permettant aux supérieurs les émigrations des sujets qu’avec l’agrément des bureaux d’administration. Art. 6. Enfin, en établissant quelques prix en faveur du régent ou professeur qui aurait lé mieux mérité dans sa partie. OBSERVATION ESSENTIELLE. Toutes ces réformes ne produiront encore que peu de fruit, si l’on n’assujettit pas les études à un plan, et si l’on néglige de multiplier les moyens d'encouragement pour les élèves. Art. l«r. Ce plan devrait consister dans l’esprit de méthode et de suite, dans l’unité de principes, 280 {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Sénéchaussée de Pamiers.] dans l’accord et la liaison nécessaires au système d’une éducation progressive. Art. 2. Il serait à désirer que le gouvernement proposât un prix et des accessits pour ceux qui auraient le mieux exécuté ce plan, où l’histoire, la géographie, les langues et la littérature fussent progressivement traitées suivant la force des classes, et dont chaque professeur montrerait une partie fixe et déterminée. Art. 3. Il faudrait encore que chaque régent possédât assez bien ce plan pour pouvoir suivre ses élèves jusqu’en troisième inclusivement, et que les professeurs des humanités et de rhétorique suivissent le même ordre. Art. 4. L’exécution de ce plan suppose qu’un collège est complet , c’est-à-dire composé de quatre régents, de deux professeurs de seconde, et de rhétorique, et de deux professeurs de philosophie. Art. 5. Quant aux moyens d’encouragement pour les élèves, ils devraient être suffisants pour flatter leur petite ambition et leur amour-propre. Art. 6. On devrait donc leur donner des prix tous les trois mois. Signé Goüsy. AUTRES PLAINTES A INSÉRER DANS LE MÊME CAHIER. Art. 1er. La résidence de tous les bénéficiers, selon les caaons. Art. 2. L’exécution de la Pragmatique-Sanc-tion, quant à la distribution des bénéfices. Art. 3. L’exécution des règlements faits dans les' conciles , soit généraux, soit provinciaux quant à la pluralité des bénéfices. Art. 4. Qu’aucun évêque ou patron, soit ecclésiastique, soit laïque, ne pourra conférer aucun bénéfice simple ou à charge d’âmes , qu’aux enfants du diocèse, ou à des étrangers qui, par un long exercice dans les fonctions du ministère, s’en seront rendus dignes. Art. 5. Que les portions congrues seront portées à 1,200 livres pour les curés, et à 800 livres pour les vicaires. Art. 6. Que toute espèce de casuel sera supprimée par le moyen de cette augmentation. Art. 7. Que le clergé sera tenu de faire une pension suffisante à tout prêtre qui, à raison de son grand âge ou de ses infirmités, ne pourra plus vaquer aux fonctions du ministère. Ces derniers articles sont de M. Qangeiroux, vicaire de la cathédrale, comme on peut le voir dans l’original dont nous avons chargé notre député. CAHIER D'instructions que la noblesse du pays de Foix , sénéchaussée cle Pamiers, donne à son député (1).’ Pénétrés d’amour pour le sang du dernier de nos souverains, du Roi que le prince qui nous gouverne a choisi pour modèle, nous voulons que notre député soit animé de ce sentiment. Nous lui enjoignons de faire tous ses efforts pour que les points suivants soient érigés en lois fondamentales : Art. 1er. Opiner par ordre et non par tête, si ce n’est en certains cas très-rares, et lorsque la pluralité des trois quarts des voix ’de chaque ordre décidera qu’il convient de se réunir. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 2. Assurer la liberté individuelle des citoyens, abolir les ordres arbitraires, contraires à cette liberté ; toutefois avec les exceptions que les Etats généraux jugeront convenables. (Nota. — L’article 3 manque dans l’original.) Art. 4. Etablir la liberté de la presse, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom et de répondre personnellement, ainsi que l’auteur, de ce que les ouvrages imprimés pourraient contenir de contraire aux lois, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens. Art. 5. A la nation seule appartient le droit de s’imposer, d’asseoir l’impôt et de le répartir, d’en fixer la durée et l’emploi, ainsi que d’ouvrir des emprunts. Art. 6. Les impôts ne pourront être accordés que pour un temps limité, et le terme ne pourra être reculé au delà de l’époque fixée pour le retour des Etats généraux. Art. 7. On fixera des époques certaines pour le retour périodique des Etats généraux. Art. 8. Les ministres rendront compte aux Etats suivants du produit des impôts accordés aux Etats précédents et ces comptes seront rendus publics. Art. 9. Toutes les lois, établies au sein des Etats généraux, seront, aussitôt après qu’elles auront reçu la sanction du Roi, envoyées au parlement, les Etats tenant, pour y être enregistrées sans délai -, et les parlements,' qui en seront dépositaires, les feront exécuter, ou en réclameront l’exécution. Art. 10. Les ministres du Roi seront déclarés ' responsables des déprédations dans les finances, ainsi que des atteintes qu’ils pourraient porter aux lois établies. Art. il. Les capitulations et traités, qui unissent les provinces, seront confirmés, et l’on pourvoira à la conservation du rang et prérogatives de la noblesse, ainsi qu’au maintien de toutes les propriétés particulières. Art. 12. Toutes commissions ou attributions pour jugements de procès civils ou criminels demeureront abolies, ainsi que les évocations au conseil, autres que celles qui seront réglées par les ordonnances. Notre intention est que notre député ne s’occupe de l’impôt et ne vote sur cet objet qu’après que les délibérations sur les objets précédents auront été consommées. Il proposera et demandera ce qui suit : Art. 1er. Que l’on prenne des mesures pour assurer la plus complète liberté des opinions, ainsi que la sûreté des membres de l’assemblée des ■ Etats généraux. Art. 2. Que l’on fixe la forme des convocations et des élections pour les Etats généraux à venir. Art. 3. Que ceux qui sont détenus dans les prisons sans ordonnance des juges compétents soient élargis, ou remis à la justice ordinaire, et que tous les citoyens exilés par lettres de cachet soient rappelés. Art. 4. Qu’il soit établi une commission pour s’occuper des réformes qu’il convient de faire dans la jurisprudence civile et criminelle, ainsi que celle des abus qui peuvent s’être glissés dans l’administration de la justice ; et que cette commission soit composée de membres dignes d’être chargés d’un objet aussi important. Art. 5. Que toutes les contestations, dont l’objet n’excédera pas 25 livres dans les villes et 12 livres dans les villages, soient jugées, sommairement et sans frais, par sept jurés pairs des par-