[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juillet 1791.] à franchir sans commotion ce moment de crise pour les rois. Le ministre anglais, contenu par l’esprit public et le vœu national, rie fient tenter une entreprise contre nous sans compr une tre son existence, et sans exposer à des secousses la Constitution qu'il défen i avec tant de sollici rude. Tous doivent savoir qu’il n’est plus possible d’opprimer la liberté française; tous doivent calculer les hasards d’une lutie imprudente contre nous; la réaction de leurs efforts serait trop dangereuse au sein de 1- urs propres Etats; trop de moyens sont offerts à un grand peuple dont od veut détruire la liberté, et qui dès lors acquiert le droit de tout tenter pour la défendre. Parmi les puissances de l’Europe, il en est d’ailleurs à qui notre alliance est précieuse et nécessaire. Dans le système politique, le parti qu'adopte la France met un grand poids dans la balance, et le moment où notre gouvernement va recevoir sa forme et sa vigueur, où la terminaison de nos mouvements intérieurs va nous rétablir dans notre influence naturelle, n’est pas celui où, par des querelles imprudentes, ceux qui ont si grand intérêt à nous rester unis chercheraient à nous aliéner. Messieurs, si noos le voulons fortement au dehors comme au dedans, la Révolution est terminée. D puis la grande crise du départ dn roi, votre conduite a fait disparaître bien des erreurs et des illusions; vous avez prouvé que, là où tant de passions et d’intérêt voulaient n’auerce-voir qu’une faction, il y avait une véritable et légitime puissance; que là où l’on ne voulait voir que troubles et anarchie, il y avait, au moment même des plus grandes crises de l’ordre, des mesures suivies et un gouvernement vigoureux ; que là où l’on n’avait prévu que de l’exaliatinn et des fureurs, il y avait de la sagesse, des principes con tantset du calme dans les résolutions ; que là, enlin, où l’on n’avait vu que les passions privées et l’agitation d’on petit nombre d’hommes, il y avait la volonté générale et la résolution invariable d’une grande nation. Continuez, Messieurs, à suivre cette marche grande et imposante, en achevant vos glorieux travaux; en établissant solidement, dans l’intérieur du royaume, la tranquillité et l’exécution des lo s, oppo-ez aux tentatives extérieures une redoutai) e défense, et bientôt, j’ose le dire, vous verrez s’évanouir à la fuis des inquiétudes et des espérances qui ne sont fondues que sur de fausses notions de votre situation et de vos moyens. Voici, Messieurs, le projet De décret que vos comités m’ont chargé d’avoir l’honneur de vous présent* r : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport des comités militaire et diplomatique, sur les moyens de pourvoir à la défense extérieure de l’Etat, décrète ce qui suit : « 1° Il sera mis sur-le-champ 97,000 hommes de gardes nationales en activité, y compris les26,00Ü qui, par un décret précédent, ont été destiné-à la défense des frontières du Nord ; ces gardes nationales seront soldées et organisées conformément aux précédents décrets et seront distribuées ainsi qu’il suit : PREMIÈRE DIVISION. De Dunkerque à Givet. « 8,000 hommes fournis par les départements de 519 la Somme, de l’Oise, de l’Aisne, du Pas-de-Calais et du Nord. DEUXIÈME DIVISION. De Givet à Bitche. << 10,000 hommes fournis par les départements de la Marne, les Ardennes, ta Meuse, la Meurthe et la Moselle. TROISIÈME DIVISION. De Bitche à Huningue et Belfort. « 8,000 hommes fournis par les départements du Haut et du Bas-Rhin. QUATRIÈME DIVISION. De Belfort à Belley. « 10,000 hommes fournis par les départements des Vosges, de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura et de l’Ain. CINQUIÈME DIVISION. De Belley à En treveaux sur -le-Var. « 8,000 hommes fournis par les départements de l’I-ère, les Hautes-Alpes, les Basses-Alpes et la Drôme. SIXIÈME DIVISION. Côtes de la Méditerranée depuis l’embouchure du Var jusqu'à celle du Rhône, « 4,000 hommes fournis par les départements du Var et des Bouches-du-Rhône. SEPTIÈME DIVISION. De l’ embouchure du Rhône , jusqu'à l'étang de l’Eucate. « 3,000 hommes fournis par les départements du Gard, de l’Hérault et de l’Aude. HUITIÈME DIVISION. De Perpignan à Bayonne. « 10,000 hommes fournis par les départements des Pyrénées-Orumtales, de l’Ariège, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Basses-Pyrénées. NEUVIÈME DIVISION. Côtes de l'Océan depuis Bayonne jusqu'à V embouchure de la Gironde. « 4,000 hommes fournis par les départements des Landes et de la Gironde. DIXIÈME DIVISION. De l'embouchure de la Gironde à celle de la Loire. « 3,000 hommes fournis par les départements de la Charente-Inférieure, de la Vendée, de la Loire-Inférieure, des Deux-Sèvres et Mayenne-et-Loire. 520 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ONZIÈME DIVISION. De l'embouchure de la Loire à Saint-Malo. « 5,000 hommes fournis par les départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord. DOUZIÈME DIVISION. De Saint-Malo au Grand-Vay. « 3,000 hommes fournis par les départements de l’Ille-et-Vilaine, la Manche et la Mayenne. TREIZIÈME DIVISION. Du Grand-Vay à V embouchure de la Somme. « 4,000 hommes fournis par les départements du Calvados, de la Seine-Inférieure et de l’Eure. QUATORZIÈME DIVISION. L'île de Corse. « 2,000 hommes fournis par le département de l’île de Corse. QUINZIÈME DIVISION. « Il sera formé une réserve de 15,000 hommes placée sur Senlis, Compïègne, Soissons et lieux circonvoisins. Elle sera fournie par les départements ci-après dénommés, savoir : Paris. — Seino-et-Oise. — Seine-et-Marne. — L’Aube. — L’Yonne. — Loiret. — L’Eure-et-Loir. — L’Orne. — La Sarthe. — Loir-et-Cher. — La Nièvre. — Le Cher. — La Côte-d’Or. — La Haute-Marne. — L’Indre-et-Loire. — L’Lidre. « 2° Le ministre de la guerre nommera snr-le-champ une commission composée d’officiers d’artillerie et de génie, lesquels seront chargés de parcourir ensemble ou séparément les principales frontières du royaume, de prendre connaissance de l’état des places, des travaux qui ont été commencés et de ceux qui sont nécessaires pour compléter leur défense, de donner provisoirement des ordres pour les travaux qu’ils jugeront les plus pressants, d’en rendre compte aux commandants et chefs des divisions et au ministre de la guerre, qui communiquera à l’Assemblée les informations qu’ils lui auront fait parvenir. « Il sera fait un fonds de 4 millions pour pourvoir aux dépenses les plus instantes qu’exigent la continuation des travaux commencés et la réparation des places. Le ministre rendra comp’e de leur emploi et présentera l’état des dépenses ultérieures qui pourraient être nécessaires. « 3° Le nombre des chevaux d’équipage? d’artillerie sera porté à 3,000. « 4° 11 sera nommé, par l’Assemblée nationale, des commissaires pris dans son sein, pour aller dans les départements qui leur seront désignés, surveiller et presser l’exécution, tant du présent dé met, que de ceux qui ont été précédemment rendus pour la défen-e de l’Etat, pour le rétablissement ae l’ordre et de ta discipline dans l’armée, et rendre compte sur tous ces objets à l’Assemblée nationale. » 122 juillet 1791.] (L’Assemblée donne les plus vifs applaudissements à M. Alexandre de Lameth et décrète l’impression de son rapport.) La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité. M. Prieur. Je demande que les commissaires qui sont désignés par l’Assemblée pour aller dans les départements soient également chargés de surveiller l’exécution des décrets rendus pour le payement des contributions publiques. M. Alexandre de Lameth, rapporteur. J’adopte. Un membre : Je demande qu’il soit remis aux commissaires désignés une instruction relative à l’objet de leur mission. (Cette motion est adoptée.) M. de Montesquiou. Permettez, Messieurs; je crois qu’il est extrêmement important d'ajouter aussi une autre disposition : ce serait d’élendre le commanden ent de M. Rochambeau ju-qu’aux frontières de l’Alsace. La raison me semble aisée à expliquer : les frontières de toute cetleétendue là correspondent aux frontières de la même puissance; il est aisé d’en conclure que, lorsque le même général occupera tout le pays qui répond aux Etats de l’empereur sur toute cette frontière, on aura la confiance que le même homme, pouvant parer à tous les mouvements intérieurs qui se feraient dans le pays étranger, sera beaucoup plus en état de mettre partout le nombre de forces dont on pourrait avoir besoin. {C’est juste! c’est juste!) D’aiileurs, vous avez vu, par le compte qui vous a été rendu par vos commissaires dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord, que. les places y sont dans un excellent état de défense, et que M. de Rochambeau y a mis une activité à laquelle on ne peut trop donner d’éloges. 11 est aisé d’en conclure que celte même activité, qui peut actuellement se reposer sur ce qui est fait dans les départements du Pas-de-Ga!ais et du Nord, doit s’étendre dans les départements de la Manche, de la Moselle et des Ardennes, où nous ne pouvons pas trop vous répéter qu’il y a presque tout à faire. Voilà, Messieurs, l’amendement que je propose. M. Alexandre de Lameth, rapporteur. J’adopte très volontiers cet amendement. Le comité militaire ne s’y oppose pas. Si nous ne l’avons pas piésenté aujourd’hui, c’est que, lorsque M. de Rochambeau était ici, il avait lui-même refusé une plus grande latitude; mais je suis persuadé que la confiance que lui témoigne l’Assemblée, et qu’il a déjà inspirée à la partie des frontières qui lui est confiée, l’empêchera de refuser celte étendue de pouvoirs. ( Applaudissements .)_ (L’amendement de M. de Montesquiou est adopté.) En conséquence, le projet de décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport des comités militaire et diplomatique, sur les moyens de pourvoir à la défense extérieure de l’Etat, décrète ce qui suit : « 1° Il sera rnis, sur-le-champ, en activité, 97,000 hommes de gardes nationales, y compris les 26,000 qui, par un décret précédent, ont été destinés à la défense des frontières du iNord; ces gardes nationales seront soldées et organisées conformément aux précédents décrets, et seront distribuées ainsi qu’il suit :