[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1790.] 677 brisent enfin pour toujours le joug de la servitude et du pouvoir arbitraire dont ils étaient les déplorables victimes. Ils n’ont plus rien à demander quant à leur état civil , confondu désormais avec celui de tous les individus de la nation. Vos lois ont prévenu leurs demandes, redressé leurs griefs et comblé leurs vœux. Mais leur état religieux, cet objet principal de leurs sollicitudes, est toujours en souffrance. Si les persécutions ont cessé depuis le nouveau régime, les privations durent. Vous avez vu, Messieurs, combien elles se sont multipliées, et avec quelle injustice. Elles les néces-itent, malgré leur profond respect pour les principes de l’Assemblée, à désobéir à ces décisions en reconnaissant la juridiction d'inspecteurs ecclésiastiques et de pasteurs étrangers : elles les placent encore loin de cette égalité , base du concours universel de tous les citoyens au bonheur public; et aussi longtemps qu’elles dureront, ils ne tiendront à la nouvelle organisation que par un fil, puisque le défaut de connaissances résultant nécessairement do déni d’instruction les exclura par le fait ilu droit prononcé d’être admis aux emplois et à tous les degrés d’administration : c’est une source inépuisable de jalousies, de débats, de défiances, d'inimitiés, un obstacle invincible au rapprochement sincère des deux communions, qui ne deviendront amies que par l'abolition de tout privilège, sans autre principe de distinction que le plus ou moins de vertu et d’utilité publiques. Ce sont enfin les plus insupportables des chaînes dont le despotisme de Louis XIV et le pouvoir arbitraire subséquent les ont flétris. Législateurs philosophes! vous avez déclaré que vous ne vomiez plus de chaînes : vous vous occupez à en anéantir jusques aux traces; vous ne souffrez pas-que des objets insensibles en présentent même l’image : vous avez porté la délicatesse jusqu'à pourvoir à ce qu’au moment du concours de la nation à une confédération générale, les yeux des Francs-Comtois et des Alsaciens ne fussent point frappes de celles qui pesaient sur les bronzes, représentant leurs provinces, aux pieds de la_ statue du monarque superbe. Les luthériens des quatre seigneuries sont une portion considérable des Francs-Comtois. Ils tiennent aux Alsaciens par le voisinage, la conformité du culte et la parité des droits : plusieurs d'entre eux figureront à la fête parmi les députés des districts et départements : seraient-ils les seuls dont la joie ne fût point complète? Non, sans doute, et la confiance entière qu’ils ont en l’équité conséquente de l’auguste Assemblée les fait jouir d’avance de cette plénitude de booheur dont le rétablissement dans leurs droits religieux sera le dernier gage. Ils demandent donc, avec autant de respect que d’espoir, la déclaration des droits de l’homme à la main : 1° D’être rétablis non plus à titre de tolérance , mais de droit, dans toute la plénitude de l’exercice public de leur culte, tel qu’ils en jouissaient sous le régime souverain de l’empire germanique ; 2° D’être, en conséquence, remis incessamment en possession de toutes les églises, écoles, sépultures, presbytères et dépendances dont ils étaient en droit, et dont ils ont été successivement privés, pour en jouir désormais sans i rouble quelconque; bien entendu que partout où il y a des curés catholiques avec le nombre de paroissiens réglé par la loi, ces églises seront indivises, et que les maisons d’école et presbytères à suppléer y seront bâtis à frais communs; 3° D’être autorisés à établir des ministres-pasteurs partout où il y en avait, nommément à Montecheroux, Glai, Sëloncourt, Chagey, Longue-velle et Saint-Maurice; comme aussi les régents d'école dans tous les villages où la population est assez forte pour les occuper, afin d’accélérer l’instruction et de mettre les citoyens à même de remplir dignement les emplois qui leur sont et seront confiés; 4° Qu’il soit formé un consistoire composé de tous les ministres des quatre terres et de quelques laïques, à l’instar de ceux d’Alsace, qui s assemblera deux fois par an ou plus si le cas l’exige, dans 1e lieu le plus commode, pour régler le culte extérieur et le rendre uniforme dans toutes les paroisses; rétablir la discipline presque anéantie, pourvoir efficacement au retour des mœurs, statuer sur les dispenses et autres affaires matrimoniales en conformité du droit ecclésiastique des protestants. Le tout sous la direction d’un doyen ou surintendant, choisi dans le nombre des pasteurs, et autorisé à visiter chaque année toutes les paroisses et les écoles pour prendre connaissance du régime de chacune, veiller sur la décence et la paix, et avancer d’autant mieux la chose publique ; Et comme toutes les dîmes et autres revenus ecclésiastiques sécularisés, que ia maison de Wurtemberg avait abandonnés pour fournir aux pensions des pasteurs et aux frais du culte protestant, sont supprimés par les décrets de l’auguste Assemblée, ils demandent également comme citoyens de participer à toutes les charges de l’Etat saus exception ; 5° Que les pensions de leurs pasteurs et tous les frais quelconques de leur culte soient assignés sur le même fonds que ceux des catholiques ; 6° Enfin, que le Corps législatif donne un décret solennel, sanctionné par le roi, qui consacre tous ces objets comme loi de l’Etat, et les mette à l'abri de toute vicissitude et entreprise ultérieure. Par là, Messieurs, vous assurerez à jamais le repos de tout un peuple, qui bénira vos travaux, et se consacrera tout emier au bonheur de ia patrie et à l’accomplissement parfait du serment civique qu’ils ont prêté. Kilg, ministre , pasteur de Blamont, représentant extraordinaire des quatre terres de Blamont, Clémont , Héricourt et Châtelot. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du vendredi 10 septembre 1790(1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Bouche. Je désirerais soumettre à l’Assem blée un plan d’impositions qui ne tombe ni sur les biens-fonds, ni sur l’industrie. Je demande si on veut bien m'accorder un quart d’heure, ou un quart d’heure et demi pour le développer, ou (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 678 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. si l’Assemblée veut bien faire imprimer ce plan pour que chacun puisse le méditer. M. Gillet de La Jacqucminière. Je crois qu'il faut renvoyer le plan de M. Boucbe au comité d’imposition. M. Bouche . J'ai déjà soumis mon plan au comité qui Ta trouvé très brillant, très séduisant; mais comme il a ses idées particulières, il a jugé qu’il était mauvais. M . de La Rochefoucauld, Le plan est inexécutable. Un membre propose d’entendre M. Bouche en attendant que l’Assemblée soit plus nombreuse. Un autre membre propose d’ordonner l’impression. M. Malouet. Je consens à l’impression à condition que M. Bouche changera son titre, car un plan qui ne porte ni sur l’industrie, ni sur les propriétés, ne porte sur rien. M. Goupilleau. Je m’oppose à l’impression, attendu que tous les faiseurs de plans pourraient prétendre à la faveur que vous accorderiez à M. Bouche : l’Assemblée ne peut voter l’imprps-sion d’un ouvrage particulier sans le connaître. Tout ce qu’on peut décider en ce moment c’est que M. Bouche aura la parole lorsque la question sera mise à l’ordre du jour. (La proposition de M. Goupilleau est adoptée.) M. Buzot, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Ce procès-verbal est adopté, M. d’André offre au nom du sieur et de la demoiselle Charmat, un don patriotique de 600 liv. faisant partie des réclamations liquidées qu’ils disent leur appartenir dans l’entreprise de toutes les voitures et messageries des environs de Paris. M. Robert, député du département de la Nièvre, obtient un congé de dix jours. M. le Président. L’ordre du jour est la suite des rapports du comité des finances sur toutes les parties des dépenses publiques. M. Lebrun, rapporteur , propose deux projets de décrets : l’un, concernant les communautés et maisons religieuses, secours, subsistances, rentes et indemnités de terrains, ou autres indemnités particulières ; l’autre, relatif à des dépenses diverses dans les forêts et domaines du roi, les secours donnés aux Acadiens, et les approvisionnements de farines à la halle de Paris. Le premier projet est mis en discussion. Les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont adoptés sans discussion ainsi qu’il suit : « Art. l°r. Les rentes et indemnités de terrains et droits réels qui étaient ci-devant payées à divers évêchés, abbayes et communautés religieuses, sont supprimées. » « Art. 2. Il sera sursis à statuer sur la rente de 250,000 livres qui se payait aux Quinze-Vmgîs, jusqu’à ce que le-comité ecclésiastique ait rendu compte de la situation de cet hôpital. » « Art. 3. Les rentes représentatives des dîmes réelles ou prétendues seront supprimées. » [10 septembre 1790.] « Art. 4. Lès indemnités accordées à quelques curés de Paris et autres, pour réduction des rentes, seront supprimées. » « Art. 5. Les indemnités, soit de franc-salé, soit de droits d’entrées, soit de droits de pareille nature, soit de droits de péage, accordées à quelques établissements publics, cesseront d’avoir lieu, savoir : les indemnités de franc-salé à compter du jour de la suppression de la gabelle ; celles de droits d’entrées, à compter du 1er janvier 1791 ; celles de droits de péage, à compter du jour de la publication du décret qui supprime les péages. » « Art. 6. Il sera statué sur l’indemnité ou supplément qui pourrait être nécessaire à l’hôtel royal des In valides, après le rapport qui sera fait incessamment sur cet établissement. * « Art. 7. Les secours accordés à des paroisses particulières, hôpitaux, hospices, hôtels-Dieu, hôpitaux d’enfants trouvés, ne seront plus fournis par le Trésor public, à compter du 1er janvier 1791 : il sera pourvu à leurs besoins par les municipalités et les départements respectifs. » M. Lebrun, rapporteur, lit l’article 8 en ces termes : « Art. 8. À compter de la même époque les secours accordés àquelques maisonset communautés religieuses ne seront plus pareillement pavés par le Trésor public, au moyen des dispositions arrêtées par l’Assemblée nationale, pour assurer à tous les membres desdites communautés et maisons une honnête subsistance. » Un membre : Cet article doit être renvoyé au comité ecclésiastique comme faisant partie de son travail actuel. Je propose ce renvoi. (Le renvoi est prononcé.) M. Lebrun, rapporteur , lit l’article 9 ainsi qu’il suit : « Art. 9. Il sera statué sur le traitement accorde aux anciens jésuites et à quelques veuves et enfants de personnes attachées à l’administration, sur le rapport du comité des pensions et du comité ecclésiastique. » M. Martineau. Je demande la suppression de l’article 9, attendu qu’il est devenu inutile par les dispositions des décrets ultérieurs qui ont assuré les traitements des ci-devant jésuites. M. le Président met aux voix la suppression de l’article. La suppression est prononcée. « Art. 10. Les traitements accordés à l’inspecteur général des hôpitaux, à quelques médecins attachés à des hôpitaux et maisons de charité particulières, cesseront d’avoir lieu à dater du 1er juillet de la présente année. » (Adopté.) « Art. 11. 11 ne sera plus accordé sur le Trésor public de fonds pour l’enfretien, réparation, construction d’églises, presbytères, hôpitaux appartenant à des municipalités. « Et cependant l’Assemblée nationale se réserve de statuer sur les églises et autres édifices sacrés commencés, après le rapport qui lui en sera lait par le comité ecclésiastique. » (Adopté.) M. Lebrun, rapporteur. Vous avez déjà renvoyé au coimté ecclésiastique l’article 8; il semble, comme conséquence, que l’article 12 doit également être renvoyé an même comité. Je vais en donner lecture : « Art. 12. Les fiefs etapmônes, donations, cens