[Assemblée nationale*} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1791.} 9l tenant à leur bonheur? Nous n’avons jusqu’ici goûté tes prémisses de la liberté qu’au milieu des alarmes; nous n’avions entrevu ses bienfaits qü’à travèrs un nuage; mais l’ouvrage de notre félicité se consomme et Louis XVI s’immortalise en y mettant le comble. •'Achevez, Messieurs, une carrière dans laquelle vous avez acquis tant de droit à notre reconnaissance. Ceux qui vous remplaceront vont bien recevoir de vos mains un pouvoir que nous ne rëprëfmris qü’à regrèt des vôtres. Nous n’aürons, ëfi les envoyant, qtt’une seule parole à leur adrèSsèf’ : Voyez vos prédécesseurs, leur dirons-UëiiS, et marchez fermement sur leurs traces. « Ils n’aüront ni le soin ni la, gloiré d’établir sür sës bases l’édifice dü bonheur public que voüs avez élevé avec tant de courage ; ils en consolideront les parties; ils là défendront des atteintes que ses ennemis voudraient lui porter; ils en maintiendront la splendeur; mais ils sentiront qüe votre sagesse a fait poür le temps tout ce que là raison vous permettait d'oser et là jüstice vous prescrivait d’entreprendre. « NoUs sommes, etc. « Signé : Les électeurs du département de la Seine-Inférieufêi * (L’Assemblée applaudit à cèitê adresse et ordonne qu’il en sëra fait mëüfion dafls le procès-verbal.) M. d’André. Messieurs, vous avez décrété des récompenses pdür ceux des eitoyèüS qui duraient bien mérité dë la patrie; dàiis lë nombre des persondes qui ont droit à cës récompehses, je distingue principalement les sieurs Jauge ët COt-tin, citoyens de Paris et banquiers. Âü mois d’août 1789, la lamine faisait sentir ses premières atteintes ; Paris ri’avàit ni blé, ni farine ; son Trésor était épüisé, son Crédit ânéaiiti ; leS toàrchands étrangers dédaignaient les engagements de la municipalité ; le moment était critique : MM. Jauge et Gottin ouvrirent à la ville un crédit de 600,000 livres sur leur maison, sans intérêt ni commission ; ils réalisèrent ce prêt en donnant à M. Veylard* greffier municipal, des autorisations sur leur caisse pour 600,000 livres d'achat de farine et de blé et cettë opération ramena l’abondance dans la capitale� Au mois de septembre suivant, la ville fut obligée de traiter avec les ci-devant gardes françaises pour l’acquisition des casernes et autres objets appartenant à cette troupe : le prix fixé s’élevait, à une somme immense, à plus de 900,000 livres; Faute d’argent, la municipalité fit à chaque soldat un billet de la somme qui lui revenait dans le partage, soit 318 livres. Le crédit municipal devenant chaque jour plus chancelant* ces billets ne tardèrent pas à perdre 30, 40 et jusqu’à 50 0/d, de sorte que le soldat ne touchait que ia moitié de la somme, souscrite. La situation des esprits n’est pas difficile à supposer : on vit un moment la capitale en danger par une émeute militaire et la fortune publique compromise. C’est alors que MM. Jauge et Gottin donnèrent une nouvelle preuve de zèle et de patriotisme : ils tentèrent sur-le-champ une opération hasardeuse pour eux seuls et qui fut couronnée du plus prompt et du plus heureux succès. Ils annoncèrent qu’ils prendraient les billets faits par la municipalité à 5 0/0 pour toute l’année ; c’était les préférer au papier des meilleures maisons qui s’escomptait alors à 8 et 10 0/0 et les prendre à un change bien favorable ; ils en escomptèrent dans l’espace de 3 jours pour 297,000 livres. Le plus petit marchand* rassuré par cette confiance éclatante, ne balança plus è le prendre au même taux; le soldat fut content ët tout rentra dans l’ordre. Au mois d’octobrë suivant, les cargaisons de farine achetées en Angleterre, et notre seule espérance, étaient retenues dans les ports britanniques, faute d’argent pour acquitter le prix convenu; il fallait compter en Angleterre 10,000 livres sterling; le Trésor public était vide; M. Ne-cker avait épuisé toutes ses ressources ; un moment de fetafd pouvait enchaîner pour toujours les farines sur la rive anglaise, parce que la menace de l'embargo était très prochaine. MM. Jauge et Gottin eurent le bonheur de pouvoir rendre encore ce nouveau service au ministre des finances et, dès le lendemain* les 10,000 livres sterling partirent pour Londres, encore exemptes d’intérêt et de commission. Ils ont sans doute été payés de leur bonne volonté et de leur zèle par les témoignages consignés dans les lettres de M. Necker et de M. Dufresne ; heureux de la satisfaction de n’avoir pas laissé échapper une seule occasion de prouver leur dévoûment patriotique, ces généreux citoyens, que leur fortune met au-dessus du besoin* ne demandent pas les récompenses décrétées par l’Assemblée nationale; ils bornent leurs désirs au plaisir d’avoir été utiles à leurs concitoyens : leur silence à cet égard est un titre de plus. J’ajouterai, Messieurs, que 16 sieur Jauge, eü qualité de premier aide de camp et d’aide major général de la garde nationale parisienne, a Servi avec le plus grand zèle dans toutes les circonstances difficiles depuis le mois de juillet 1789; Enfin, Messieurs, les sieurs Jauge et Gottin donnent chaque jour de nouvelles preuves dë leur dévouement à ia chose publique en continuant des relations sociales extrêmement importantes et dont Futilité dans ce moment doit être sentie; qu’il leur soit donc permis au moins d’espérer un titre d’estime publique que l’Assemblée nationale a bien voulu accorder aux citoyens qui s’en sont rendus dignes; et ils attacheront à cette marque distinctive un prix qui leur sera aussi précieux que leur existence même. ( Applaudissements .) Le plus grand moyen de multiplier les vertus et les actes civiques est de témoigner la reconnaissance publique aux citoyens qui ont bien mérité de la patrie. Aussi je demande qu’il soit fait dans le proeèë-verbal une mention honorable des services rendus par les sieurs Jauge et Gottin et que M. le Président soit chargé d’écrire au sieur Jauge, uiié lettre poür lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur la manière dont lui et le sieur Gottin se sont comportés depuis le commencement de la Révolution. (. Applaudissements .) Voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait une mention honorable dans son procès-verbal, des services rendus par les sieurs Jauge et Gottin dans le cours de la Révolution, et que le Président écrira au sieur Jauge pour lui témoigner que l’Assemblée nationale est satisfaite des services que lui et le sieur Gottin ont rendus à la chose publique, depuis le commencement de la Révolution. » (Ce décret est mis aux voix et adopté).