[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 janvier 1791.J 561 lettre, et demande qu’il soit remis, avec les cinq premiers, dans les archives. (L’Assemblée agrée cet hommage.) Lettre de M. Bailly, maire de Paris, par laquelle il fait part à l’Assemblée du résultat de la vente de neuf maisons nationales, adjugées les 26, 27 et 28 de ce mois. Adresse de M. Cock, serrurier de profession, par laquelle il fait hommage à l’Assemblée du modèle d’une boîte mécanique propre à la guérison des fractures, et annonce qu’il eu est l’inventeur; qu'il lui doit la conservation d’une jambe cassée déjà condamnée à l’amputation, et que des expériences réitérées et attestées par plusieurs personnes de l’art, et notamment par le premier chirurgien de l’Hôtel-Dieu de Paris, constatent l’avantage de cette découverte; il ajoute qu’elle lui sera encore plus précieuse si elle lui mérite l’approbation de l’Assemblée nationale, et que le souvenir de ses douleurs se changera pour lui en un sentiment délicieux, en pensant qu’elles sont devenues utiles à ses concitoyens. (L’Assemblée témoigne sa satisfaction des sentiments généreux et patriotiques de ce citoyen, et lui permet d’assister à sa séance.) Un membre demande qu’avant que cette machine soit déposée dans les archives, elle soit envoyée au comité de salubrité, pour examiner s’il ne serait pas à propos de faire distribuer un certain nombre de ces machines dans les différents hôpitaux. (Cette proposition est accueillie par l’Assemblée.) Adresse de la municipalité de Ghaumont-en-Bassigny, qui annonce que le curé de la paroisse et ses vicaires ont prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier, ainsi que dix pères de la Doctrine chrétienne, professeurs au collège de cette même ville, qui se sont réunis au curé et à ses vicaires pour donner conjointement cet exemple de leur soumission et de leur déférence à la loi. Adresse du directoire du département du Doubs aux municipalités de son arrondissement. Cette adresse est ainsi conçue (1) : « Très chers concitoyens, « Voici le moment de prouver que nous sommes dignes de la liberté. Nos ennemis, c’est-à-dire ces lâches Français qui, courbés ci-devant sous le despotisme, se croyaient honorés quand ils pouvaient appesantir encore davantage sur d’autres leur joug de fer, se préparent à nous attaquer. Des avis certains, adressés à la municipalité de Besançon, ainsi qu’au directoire, nous apprennent que les contre-révolutionnaires se rassemblent à Yverdun et dans d’autres villes du canton de Berne ; qu’ils y font des enrôlements de déserteurs, de vagabonds, de brigands; qu’ils en font pasaer différentes troupes du côté de l’Allemagne et de la Savoie, et qu’ils n’attendent que l’occasion favorable (2) pour faire irruption dans nos campagnes, et y porter le fer et le feu. Ils comptent sur les secours de leurs infâmes adhérents, et que leur armée se grossira de celte foule de mécontents qui soupirent après le retour des abus supprimés. L’inutilité des tentatives qu’ils ont faites jusqu’à présent, la honte qui en (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Ils se flattent que la coalition d’une partie du clergé excitera quelque trouble, quelque sédition lors de la prestation du serment, et ils saisiraient cet instant de désordre pour frapper. lre Série. T. XXII. est rejaillie sur eux, ne peuvent enchaîner leur aveugle rage. Ferons-nous, pour conserver les droits sacrés que notre Constitution nous assure, moins d’efforts que n’en font ces forcenés pour nous les ravir? Non, citoyens, nous sommes libres; nous devons vivre tels, et mourir plutôt que de supporter les horribles maux qu’ils nous destinent. Pour nous soustraire à leur fureur, il ne faut, citoyens, que ne pas nous laisser surprendre. Veillons sur leurs démarches; gardons soigneusement nos frontières; soyons prêts, au moindre signal, à voler où le danger pourra nous appeler; n’oublions pas que nous sommes un peuple de frères; que nous avons à combattre pour nous-mêmes, et qu’il s’agit de sauver nos femmes, nos enfants, nos propriétés, de cette horde de brigands et d’assassins. « Déjà nous nous sommes ménagé, sur les lieux où ils trament leurs odieux complots, des correspondances certaines : l’œil du patriotisme est ouvert sur toutes leurs démarches, et nous aurions à leur opposer des forces suffisantes s’ils osaient nous attaquer ouvertement. « Ce que nous avons le plus à craindre, c’est l’art perfide qu’ils emploient pour nous désunir et jeter parmi nous les semences de la division et de la discorde. Ils nous voient toucher au terme de nos espérances; ils voient se consolider cette majestueuse Constitution qui vient de régénérer la première nation du monde, et ils sentent bien que si nous restons unis, aucune puissance humaine ne pourra nous ébranler. Aussi quels efforts ne font-ils pas pour altérer notre bonne intelligence! Comme ils saisissent tous les prétextes! « Le serment exigé des ecclésiastiques fonctionnaires publics était une suite indispensable du respect et de l’obéissance que tout citoyen, surtout quand il est en place, doit à la loi, et ils le représentent comme une atteinte portée à la religion ; ils crient que le décret sur la constitution civile du clergé conduit au schisme, à l’hérésie, à l’impiété ; ils voudraient exciter le fanatisme et aiguiser ses poignards. « N’écoulez pas, citoyens, ces propos empoisonnés. En réglant la constitution civile du clergé, l’Assemblée nationale a respecté tout ce qui était vraiment spirituel, tout ce qui tenait au dogme et à la foi. Elle ne s’est permis de changement que sur le temporel, ou sur des points de discipline extérieure que l’autorité civile avait elle-même établis, et que par conséquent elle pouvait réformer, ou enfin sur de3 droits que le ctergé avait usurpés, et qui étaient des abus, dont l’intérêt même de la religion exigeait L’entière abolition. « Plaignons les ecclésiastiques assez aveugles pour croire que leur conscience ne leur permet pas de se montrer bous citoyens; mais défions-nous de ceux qui, non contents de suivre leur opinion, sur laquelle tout citoyen doit être parfaitement libre, osent accuser leurs confrères plus instruits et plus raisonnables, qui savent obéir à la loi. Défions-nous surtout de ceux qui, confondant l’intérêt de la religion avec l’intérêt temporel des prêtres, cherchent à alarmer les consciences et à les soulever contre un des plus sages décrets qui soient émanés de l’Assemblée nationale. ■ C’est sur l’effet des coupables intrigues de ces prêtres ambitieux et dissidents que nos ennemis fondent leurs espérances; c’est pour favoriser leurs perfides manœuvres, qu’ils ont fait imprimer et répandent avec profusion un faux 36 562 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 janvier 1791.] extrait d’un bref qu'ils supposent adressé par le pape à notre roi. ■< Nous ne doutons point que, comme prince temporel, et peut-être comme homme, le pape ne regrette les sommes immenses que la France lui fournissait chaque année, et qui alimentaient le luxe de sa cour; mais, comme chrétien comme successeur des apôtres, comme chef de l’Eglise, il ne peut qu’applaudir à la pureté des règles que l’Assemblée nationale a rétablies, et qui ont été celles de la primitive Eglise, celles des premiers conciles, celles des Saints Pères, et dont on ne s'était écarté que par des abus dont les vrais fidèles, les plus grands saints avaient toujours gémi. « Ces abus ne tenaient point à la foi, qui s’est conservée pure parce qu’elle est l’ouvrage de Dieu; ils ont donc pu être retranchés sans nuire à cette foi divine à laquelle nous sommes tous invariablement attachés, et que nous soutiendrons au péril même de notre vie. « Sachons donc, chers concitoyens, nous conduire tout à la fois en bons chrétiens et en Français fidèles. Imitons un de nos plus grands rois, saint Louis, qui, aussi distingué par sa piété que par ses vertus héroïques, sut opposer une bar ri ère insurmontable aux entreprises et à l’ambition delà cour de Rome, C’est des ordonnances de ce grand prince qu’ont été tirés les principaux articles de ce décret, que des prêtres osent actuellement taxer d’impiété. « Après vous avoir avertis des préparatifs que l’on fait contre vous au dehors* et qui ne peuvent être à craindre qu’autant qu’ils seraieüt secondés au dedans par ceux que l’on cherche à séduire, voici quel est, pour y parer, le devoir de tout citoyen : « D’abord , les municipalités doivent veiller avec attention sur toutes les manœuvres qui pourraient se pratiquer dans leur ressort, et avertir aussitôt le directoire de tous les objets importants qui seraient venus à leur connaissance; elles doivent, surtout, veiller à ce qu’il ne se glisse dans leurs communes aucun embaucher, et les faire arrêter s’il s’en trouve. « Celles qui sent plus rapprochées des frontières doivent observer plus particulièrement les démarches hostiles, se faire représenter les passeports des personnes suspectes, et envoyer au directoire les noms de ceux de leur commune, s’il en existe, connus pour être passés en pays étranger, et avoir pris des engagements avec les ennemis de la Révolution; Elles doivent avertir ceux de leurs citoyens qui ont des armes, de les tenir en état. « Si, par les dispositions qu’elles verront régner parmi leurs habitants, elles avaient lieu de soupçonner que la prestation du serment pût être accompagnée de quelque trouble, il serait prudent qu'elles fissent tenir sous les armes un certain nombre de citoyens qui, par leur fermeté et leur modération, maintiendraient l’ordre et la tranquillité. Il est aussi de leur devoir de ne recevoir aucun serment que dans la forme et les termes prescrits par le décret du 27 novembre dernier, sanctionné le 26 décembre, sans permettre que l’on y ajoute ni condition ni restriction. « Enfin, tous les citoyens doivent se réunir pour le soutien de la loi, se distinguer par leur obéissance à ceux qui en sont les organes, et éviter tout excès envers ceux des ecclésiastiques qui pourraient se refuser à la prestation du serment. La moindre violence envers eux rendrait cvs rebelles à la volonté nationale intéressants aux yeux de la superstition ; les perturbateurs du repos public les décoreraient du beau nom de martyrs de la religion, tandis qu’ils n’auraient été que les victimes de leur orgueil et de leur opiniâtreté. La persécution anime et soutient le fanatisme ; la tolérance le détruit. « Voilà, citoyens, les sentiments qui doivent tous nous animer, et qui nous garantiront des dangers que la discorde amènerait sur ses pas. Tant que nos ennemis nous verront réunis par l’amour de la patrie et l’obéissance à la loi, ils n'oseront jamais attaquer une nation qui a toujours été distinguée par sa valeur, et que la défense d’une cause commune et aussi juste rendra toujours invincible. « Vu la présente, le directoire a arrêté qu’eile serait envoyée et publiée aux communes assemblées, à la diligence des municipalités ; que copies en seront envoyées à l’Assemblée nationale et aux autres départements du royaume. » i Signé : SEGUIN, président ; « Couthaud, secrétaire. « Besançon, le 19 janvier 1791. » Un membre demande que l’Assemblée veuille bien témoigner d’une manière toute particulière sa satisfaction des sentiments exprimés dans cette adresse; il observe que cela est d’autant plus nécessaire qu’une foule de libelles ont été distribués dans ce département pour détourner les ecclésiastiques de prêter le serment que leur conscience et leur honneur leur prescrivaient. M. de Mailly de Château-Renaud appuie cette demande de faits particuliers ; il annonce que l’évêque de ce département a été dénoncé à l’accusateur public de la manière la plus précise et que le tribunal est saisi de la connaissance de cette affaire. (L’Assemblée décrète que cette lettre sera imprimée, insérée dans le procès-verbal et distribuée à chacun de ses membres.) M. Thibault, curé de Souppes , annonce à l’Assemblée que tous les curés du diocèse de Valence ont prêté Je serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier. M. Camus. Messieurs, quelques difficultés se présentent pour le remplacement de M. Poignot, député de Paris, décédé depuis quelques jours. Le premier suppléant est M. Vauvilliers; le second, M. Delavigne, l’un des juges des tribunaux de Paris. Non seulement, M. Vauvilliers ne s’est pas présenté, mais M. Delavigne a été lui demander réponse et né l’a pas eue. Il est question de savoir ce qu’on doit faire en pareil cas. Je ne vois pas nécessaire, dès que M. Poignot est mort à Paris, d’employer les formes judiciaires pour le notifier à M. Vauvilliers. Gependaut la place ne doit pas demeurer vacante et, puisqu’il ne se présente pas, il me sqmble que c’est à M. Delavigne à prendre la place. M. Thibault, curé de Souppes. G’est sur la réquisition d’un très grand nombre de députés de Paris que M. Delavigne s’est présenté au comité de vérification ; il y a exposé ses demandes vis-à-vis de M. Vauvilliers. Cependant le comité, n’en ayant point de connaissance légale et officielle, croit devoir, au préalable, consulter l’Assemblée sur le moyen de constituer en demeure les suppléants qui ne se présentent pas.