660 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l»r février 1791.] Je succès de vos procédés, la paix et la satisfaction des habitants. Nous venons aujourd’hui, après l’avoir annoncé deux fois à l’Assemblée, vous proposer définitivement les mesures à prendre. Saint-Domingue, à raison de la distance, de la différence des lieux, demande des commissaires particuliers ; et Cayenne également, en raison de la difficulté de la communication et de la distance, demande aussi un commissaire par-ticulier ; les colonies d’Amériquesedivisentd’elles-mêmes en trois portions ; il a donc fallu que des commissaires exprès fussent revêtus de la meme mission. Arrivés là avec les instructions faites en présence des députés des colonies, des députés des partis opposés nous avons lieu d’espérer qu’ils y porteront d’autant plus facilement l’accord et l’union que nous avons déjà la consolation de pouvoir dire qu’il n’a fallu que la force de la raison, quand d’ailleurs leurs intentions étaient bonnes, pour ramener les députés opposés d’abord aux principes qui doivent convenir à tous, c’est-à-dire au développement de ceux que vous leur aviez envoyés. Nous vous présentons un projet de décret très court, mais précédé d’uu préambule que nous croyons nécessaire pour des pays éloignés où les intentions de l’Assemblée ne sont pas aussi bien connues qu’en France. Nous avons ajouté pour Saint-Domingue la faculté de suspendre les jugements des affaires criminelles qui pourraient avoir été intentées à raison des troubles qui ont eu lieu dans les colonies, parce qu’au moment où l’on veut parvenir à la fin de toute division, il est important d’apporter de la douceur dans la disposition des pouvoirs publics. Ce n’est donc qu’autaut que la continuation des troubles ou de mauvaises intentions évidentes exigeraient la continuation des voies judiciaires, qu’ils les emploieraient, mais ils au-rout le pouvoir de les suspendre toutes les fois que le bien public et la tranquillité pourront l'exiger. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le comité des colonies : « Voulant réunir tous les moyens propres à assurer la tranquillité des colonies, et presser l’établissement des lois qui doivent les faire participer à la régénératiou de l’Empire; « Considérant que, pour parveuir à ce but, elle a annoncé qu’il leur serait incessamment adressé des instructions, et qu’en faisant précéder cette mesure d’uu développement de puissance capable défaire cesser les troubles et de rassurer les bons citoyens, elle en a confié la disposition, dans les îles du Vent, à des commissaires nationaux, pour que l’influence de la persuasion pût accompagner toujours l’usage de l’autorite ; « Qu’il entre également dans ses vues de faire concourir les mêmes mesures daQS les autres colonies, et notamment dans celle de Saint-Domingue, où, après avoir anéanti des actes illégaux et employé des moyens de sévérité pour maintenir l’autorité des lois, il est conforme à ses principes de vouloir calmer les esprits, faire cesser les divisions, et conduire paisiblement à un vœu commun tous ceux qui désirent Je bien public; « Décrète ce qui suit : « 1° Le roi sera prié d’envoyer dans la colonie de Saint-Domingue trois commissaires civils, chargés d'y maintenir l’ordre et la tranquillité publique ; à l’effet de quoi il leur sera donné tous pouvoirs à ce nécessaires, même celui de suspendre, s’ils l’estiment convenable, les jugements des affaires criminelles qui auraient été intentées à raison des troubles qui ont eu lieu dans cette colonie, ainsi que l’exécution de ceux desdits jugements qui auraient pu être rendus. « 2° L’assemblée coloniale, qui a dû être formée en exécution du décret du 12 octobre dernier, ne pourra mettre à exécution aucun de ses arrêtés sur l’organisation de la colonie, avant l’arrivée des instructions quilui seront incessamment adressées. * 3° Le roi sera également prié d’envoyer dans la colonie de Cayenne et la Guyane française deux commissaires civils, pour y exercer les fonctions et b s pouvoirs délégués par le décret du 29 novembre aux commissaires destinés pour les îles du Vent. » M. Malouet. J’ai l’intention de vous soumettre quelques observations sur les colonies, si toutefois elles sont encore à nous ; mais les désordres ..... (Murmures.) M.Dillon. Je demande que l’opinant s’explique. Tous les colons sont prêts à répandre leur sang pour la patrie. M. Malouet. Je suis bien loin de vouloir calomnier ou dénaturer les sentiments des colons; mais personne n’ignore les insurrections de Saint-Domingue, personne n’ignore combien ces insurrections sont dangereuses ni quels en sont les auteurs. C’est sous ce rapport que je soutiens que nos colonies sont en danger. Si l’Assemblée avait voulu s’occuper promptement des colonies, de leurs relations avec la métropole, nous n’aurions pas vu l’esprit d’inquiétude et d’exagération y exciter des désordres. Il est bien étonnant qu’un préopinant, habitant et administrateur des colonies, ait osé m’interrompre ..... Je ne m’oppose pas à i’envoides commissaires; mais je demande si, dans la position critique où sont les colonies, il est convenable que des commissaires du roi ou de l’Assemblée, car je n’en sais rien ..... M. Barnave, rapporteur. Les commissaires de l’Assemblée Dommés parie roi. M. le Président. Monsieur l’opinant, vous devez savoir que les commissaires, dont l’envoi est décrété par l’Assemblée nationale, ne peuvent jamais être que des commissaires de la nation nommés par le roi. M. Malouet. Je demande ce que les commissaires feront dans les colonies, s’ils y arrivent sans instructions. S’ils en ont, pourquoi ne les connaissons-nous pas? Il ne peut y avoir d’instructions publiques que nous ne connaissions pas. Je reviens donc à la question : que feront-ils sans instructions ? La chose la plus importante, pour l’intérêt du commerce, est que l’Assemblée s’occupe des questions relatives aux colonies, sur la conservation des propriétés, et leurs relations avec la métropole. Jamais nous n’aurons de colonies, si ces principes fondamentaux, dont l’oubli cause tant de résistances, ne sont pas établis ..... On envoie un commissaire jà Cayenne. Je suis peut-élre le seul membre de l’Assemblée qui soit allé à Cayenne. Un membre : Vous n’avez qu a y retourner. (Rires.) 667 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1791,] M. Malouet. Je demande si M. le rapporteur est instruit de ce qui se passe dans cette île, ou si l’on envoie un commissaire, sans savoir pourquoi, dans une petite colonie où l’on n’entend pas vos décrets, où l’on a regardé le gouverneur comme un despote, parce qu’il voulait exercer le droit d’approuver ou d’improuver les décrets de l’assemblée coloniale. Elle ne produit que 60,000 livres d’impositions, et elle coûte à la métropole 105,000 livres. Il me semble que de tels détails valaient bien la peine d’être communiqués à l’Assemblée ..... Il faut donner aux commissaires de véritables pouvoirs. Pourquoi les instructions ne sont-elles pas faites? ..... M. Dillon. Je voudrais soulager la mémoire de M. Malouet; il a cru que j’ignorais que les colonies ont beaucoup à se plaindre d’une certaine classe de personnes. C’est pour arrêter au contraire les désordres qui pourraient en résulter, que nous proposons d’envoyer des commissaires. ..M. Malouet s’est étonné de ce qu’un administrateur des colonies 1’mterrompait; mais lui, qui estadministrateur aussi, et très fort sur les principes de la Constitution..., il doit savoir que c’est au pouvoir exécutif responsable qu’il appartient de donner aux commissaires, qu’il nomme, des instructions conformes aux décrets. Le ministre de la marine a rédigé des instructions qu’il a même communiquées à plusieurs personnes ; et je ne doute pas que M. Ma-lou et lui-même n’en ait connaissance ..... Ce que M. Barnave propose a été convenu entre tous les députés ordinaires et extraordinaires des colonies, et avec tous les colons instruits de l’état actuel des colonies. Les commissaires sont envoyés pour préparer les colonies à recevoir les instructions que l’Assemblée va incessamment décréter, pour empêcher les habitants de s’entre-déchirer, en attendant que l’organisaiion définitive y soit parvenue. Quant à l’histoire de Cayenne, à l’histoire du gouverneur, à l’histoire de la petite assemblée coloniale, si tons ces désordres existent, si les décrets de l’Assemblée nationale y sont mal enteudus, c’est un motif de plus pour y envoyer des commissaires. Un membre : Il faut envoyer M. Malouet, commissaire de l'Assemblée, à Cayenne. M. Malouet. Si les commissaires ont d’autres instructions des ministres, qui aient été concertées avec le comité colonial, au moins fallait-il que M. le rapporteur voulût bien en instruire �Assemblée; et mon doute et mes interpellations étaient au moins fondées. M. Barnave, rapporteur. Il y a en effet deux natures d’instructions ; les instructions ministérielles qui sont les commentaires des décrets rendus par l’Assemblée et qui, naturellement, ne doiventêtre connues que du ministre et de l’agent du pouvoir exécutif qui les reçoit; l’un et l’autre en sont responsables ; les autres instructions sont relatives ou à l’interprétation des lois ou à des règles générales qui ne peuvent être statuées que par l’Assemblée nationale. Telles sont précisément les instructions annoncées par le comité colonial et destinées à présenter un mode d’organisation pour les colonies. Ce travail a été incontestablement très étendu, puisqu’il est trè3 long de constituer un pays quelconque; cependant il est à présumer que le comité colonial, en deux séances de travail. pourra parachever son ouvrage. Du moment qu’il sera fait, nous ne le proposerons pas immédiatement à l’Assemblée ; mais nous la prierons de vouloir bien nous adjoindre les membres des comités de Constitution, d’agriculture, de commerce et de marine, pour examiner la nature du travail : car nous sommes aussi fà< hés, aussi embarrassés que qui que ce soit, que des objets qui ont été traités dans les décrets sur les colonies aient quelquefois paru à l’Assemblée de nature à éloigner toutes les difficultés. Quoique les instructions du 28 mars dernier, qui sont éminemment le décret le plus imnortant qui soit sorti de cette Assemblée, aient été très longuement, très clairement discutées dans le comité, nous n’en déclarons pas moins, au moins moi personnellement, que nous désirons qu’à l’avenir aucun décret quelconque proposé par le comité colonial ne soit adopté sans que tous ceux qui voudront bien en dire leur opinion ne l’aient proposé à l’Assemblée. Nous pensons que les commissaires de la Martinique et des îles du Vent ont dû précéder les instructions, parce qu’il y avait des troubles imminents à faire cesser, qu’il y avait un désordre extrême à réparer avant que nos instructions constituantes pussent avoir du succès et être de quelque utilité. Mais comme à Saint-Domingue, au contraire, le calme paraît rétabli et que, malgré les très fâcheuses divisions dont M. Malouet a parlé, il paraît enfin que ce germe de division a cessé, nous avons cru, comme M-Malouet même, que les commissaires ne devaient vous être proposés qu’au moment où les instructions destinées à être envoyées dans les colonies seraient prêtes à partir. Par la marche que nous avons suivie, ils arriveront en même temps; c’est là, ce me semble, le vœu du préopinant. Quant à ce qu’il a dit de Cayenne et de la Guyane, il est vrai que les principes et les décrets de l’Assemblée générale qui y sont parvenus y ont introduit un esprit contraire, à certains égards, aux décrets rendus par l’Assemblée naiionale ; comme il est vrai, et je ne dois pas hésiter de le dire, qu’une lettre d’un député de Saint-Domingue, étant arrivée deux mois plus tôt dans la colonie de la Guadeloupe, a mis un moment la tranquillité de cette colonie en péril, y a formé un parti puissant en faveur de l’assemblée générale de Saint-Domingue, qui heureusement est devenu inférieur et, par là, a laissé la colonie tranquille. Mais ces faits sont une raison de plus pour que les commissaires soient porteurs ou précèdent de quelques moments les forces que vous y enverrez, puisque les faits mêmes prouvent qu’à une grande distance les lois ne sont jamais assez claires pour qu’il ne soit pas utile d’avoir un homme qui, avec le caractère national, lève les doutes et les difficultés. Quelle que puisse être la cause des troubles, soit qu’on les doive à une classe d’hommes qui ont voulu y appliquer des principes de philosophie et des principes généraux admis dans la Constitution française, soit que des troubles aient été le fait de quelques personnes turbulentes dont les motifs sont inconnus, mais dont souvent les instigations sont parties de France, toujours est-il vrai que, et les instructions prêtes à partir, et les commissaires qui les précèdent, sont utiles dans toutes les propositions. Ils sont en ce moment les vœux des colons et du commerce dont M. Malouet a très à propos stipulé les intérêts et de tous ceux qui ont intérêt à la chose. Nous ne vous présentons qu’un vœu una- 668 il°r février 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ni me ; après cela, Messieurs, vous êtes maîtres de l’adopter. M. de Folleville. Je crois que l’Assemblée peut être eotièrement rassurée, puisque M. Bar-nave vient de dire que les instructions arriveront en même temps que les commissaires. M. Barnave, rapporteur . Je ne vois pas que l’arrivée des commissaires avant les instructions puisse présenter un inconvénient réel. Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée. (L’Assemblée décrète que la discussion est fermée.) M. le Président. M. Malouet propos�1, par amendement, de faire retarder l’envoi des commissaires jusqu’au moment où les instructions sur les colonies auront été décrétées. M. Malouet. Ce n’est pas cela. M. le Président. Ce que M. Malouet a demandé, c’est que les commissaires fussent porteurs des instructions. M. Malouet. Le président n’a pas le droit de faire dire à un opinant ce qu’il n’a pas dit. M. le Président. Vous avez dit qu’ils devaient être porteurs d’iustructions, ce qui signifie que leur départ doit être retardé jusqu’à ce que les instructions soient faites. M. Malouet. J’ai dit qu’il serait fâcheux que les commissaires partissent sans instructions. M. le Président. Oserai -je demander à M. Malouet si son amendement est qu’il est fâcheux ? Je le prie d’écrire son amendement. M. Malouet. Je n’ai pas d’amendement à proposer. (Le projet de décret est adopté.) L’ordre du jour est un projet de décret du comité des pensions sur les pensions des septuagénaires (1). M. Camus, rapporteur , donne lecture du projet de décret du comité. M. Martineau. L’Assemblée, par un décret général, a déterminé la somme qui serait annuellement appliquée aux pensions ; par un autre décret général, elle a établi les règles d’après lesquelles les pensions doivent être accordées. L’application à faire de ces règles pour chaque pension est une affaire d’exécution. Je demande si c’est une loi que vous allez prononcer, si c’est l’ouvrage de l’Assemblée nationale, ou si c’est au contraire celui du comité. Vous décrétez de confiance, au lieu que si cette distribution de pensions était faite par le pouvoir exécutif, il en serait responsable ; le ministre pourrait être dénoncé comme prévaricateur. Si vous adoptez le travail de votre comité, le pensionnaire n’aura pas la voie du recours, et vous n’aurez pas la (1) Yoy. ci-dessus le rapport de M. l’abbé Julien, séance du 30 janvier 1791, p-587 et suiv. responsabilité; chacun doit se mêler de ses affaires, et non pas de celles des autres; c’est au pouvoir exécutif à distribuer les pensions. Je demande que si, attendu l’urgence des circonstances, et vu le besoin des personnes, vous adoptez l’état, il ne le soit que provisoirement. M. Camus, rapporteur. Toutes les observations du préopinant ont déjà été faites. Il est certain que ce n’est pas au comité à fixer les pensions ; vous avez vous-mêmes décrété que c’était au commissaire de la liquidation à faire ce travail; mais comme il avait été commencé par le comité, vous avez voulu qu’il fût continué en ce qui concerne les pensions des septuagénaires, pour ne pas en retarder le payement. Le projet de décret est mis aux voix et adopté en ces termes : L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le Trésor public payera provisoirement, à titre de secours, pour chacune des années 1790 et 1791, la somme de 919,712 1. 10 d., laquelle sera répartie entre les personnes comprises en l’état annexé au présent décret, et suivant la proportion portée audit état. Art. 2. « Le payement desdites sommes se fera d’après ledit état lorsque le présent décret aura été sanctionné par le roi, sur les quittances et certificats de vie des personnes qui y sont employées. Art. 3. « Sur le secours accordé pour l’année 1790, il sera fait déduction, à chacune des personnes employées dans l’état, de la somme de 600 livres ou autre somme qu’elles auraient touchée à titre d’acompte de pension, gratification ou secours pour Tannée 1790, et le surplus desdites sommes leur sera payé à bureau ouvert, au Trésor public, à commencer huit jours après la sanction du présent décret. Art. 4. « Les secours accordés pour Tannée 1791 aux personnes comprises en l’état annexé au présent décret seront payés par moitié : la première au lor juillet prochain, la seconde au 1er janvier 1792. Art. 5. « Au moyen du payement des secours portés en l’état annexé au présent décret, les personnes comprises audit état ne pourront, aux termes des décrets de l’Assemblée nationale, du 3 août dernier, recevoir aucune autre gratification, pension ni traitement; à l’effet de quoi le présent décret sera notifié aux trésoriers des différentes caisses. Art. 6. « La détermination des secours portés au présent décret ne tirera point à conséquence pour la détermination du montant plus ou moins fort des pensions qui doivent être rétablies aux termes du décret du 3 août dernier. Art. 7. « L’Assemblée nationale se réserve de statuer incessamment, conformément au décret du 16 décembre dernier, sur le surplus des états des pensions des septuagénaires, à joindre au rapport du comité.