56 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 novembre 1789.] tal, et non à 60 livres, selon la proposition faite par l'Anjou. Il pense qu’il serait convenable d’étendre - l’abonnement à toutes les provinces où la gabelle est établie. Vous arriveriez, ajoute-t-il, sans doute à la réforme, par le moyen très-dur de ramener le cordon terrible d’employés sur les provinces qui ne seraient pas abonnées, et qui dans leur effroi demanderaient bientôt à imiter l’Anjou; mais faut-il faire cette réforme les armes à la main, et par la voie trop sûrement victorieuse de l’irruption de l’armée fiscale? L’orateur fait la motion suivante : Que la proposition de la province d’Anjou soft adoptée à la charge que l’abonnement qu’elle offre ne sera réglé que sur le pied de sa consommation actuelle, évaluée à 51 livres le minot; Que la même opération sera étendue à toutes les provinces de grandes et petites gabelles et aux provinces de salines, en faisant à celles qui sont sur les frontières la remise d’un sixième sur leur contribution et à celles de l’intérieur la remise d’un tiers; Que les provinces rédimées soient tenues en même temps d’abandonner les droits de convoi sur le transport des sels, auxquels elles sont actuellement soumises; Que les commis actuellement employés au service des gabelles soient portés sur les frontières pour perfectionner la perception des droits de traite et réprimer l’exportation des grains. M. Defermon. Dans le décret qui contient les dispositions relatives au remplacement de la gabelle en Anjou, le comité des finances propose de faire juger les contestations par les juges des élections. Je crois cette clause contraire à l’esprit de l’Assemblée. En matière d’impôt, les juges compétents doivent être élus librement. Je propose en conséquence de renvoyer aux assemblées de district ou de département toutes les contestations relatives au remplacement de la gabelle en Anjou. M. Chassebæuf deVoIney, député d'Anjou , adhère à celte observation, au nom de sa province. M. Jouye des Roches. L’offre excessive de l’Anjou est une offre patriotique qui ne peut tourner au détriment d’un tiers; cependant, en reculant les barrières de l’Anjou, vous les rejetez sur le Maine. Cette dernière province ne peut se soumettre à l’évaluation excessive de 60 livres, par minot. Je propose en son nom un abonnement à raison de 30 livres. M. le duc de la Rochefoucauld. Le décret que vous avez rendu sur la gabelle n’existera provisoirement que jusqu’au moment où, après un examen approfondi, vous prononcerez la suppression totale d’un impôt désastreux, déjà jugé depuis plusieurs années. L’Anjou a mieux aimé payer une somme considérable que de s’y soumettre : je ne vois pas qu’en acceptant cette offre, qui rejette les barrières sur les provinces voisines, vous commettiez une injustice. Ces provinces peuvent imiter cet exemple. Le préopinant vous propose pour le Maine un remplacement à raison de 30 livres par minot. Cette faveur deviendrait une charge pour d’autres provinces. Si la gabelle, qui est décrétée à 60 millions, n’en produit que 40, il se trouvera un déficit de 20 millions qui portera sur les provinces non assujetties à cet impôt : ne croyez pas que ces dernières, dans le mauvais gouvernement où nous avons vécu , fussent réellement soulagées. Le fisc, pour établir un équilibre parfait, les forçait sur des impositions d’une autre nature; plusieurs étaient même surchargées évidemment ; et si la méthode des sous pour livres a servi à aggraver la gabelle, elle a été employée d’une manière aussi aggravante sur la taille des provinces rédimées. Je pense donc que vous devez vous borner à accepter l’offre de la province d’Anjou, sans approuver la manière dont elle a été faite, et en invitant toutefois les provinces également soumises à la gabelle à vous présenter, dans le plus court délai, leurs propositions. On demande à aller aux voix. M. le Président. Je dois prévenir l’Assemblée que M. le ministre des finances demande à être reçu. Le ministre est introduit et l’Assemblée témoigne par de vifs applaudissements du plaisir qu’elle a de le voir dans son sein. Il prend séance dans l’enceinte au-devant de la barre où l’on place un fauteuil pour lui. M. Heeker apporte un mémoire ayant pour objet la conversion de la Caisse d’escompte en une Banque nationale (1). Le ministre, étant très-fatigué, ne lit que le commencement de son discours; la lecture, qui dure une heure et demie, est ensuite continuée, de l’agrément de l’Assemblée, par un de ses secrétaires. Yoici le texte du mémoire : Messieurs, c’est une pénible situation pour moi que d’avoir si souvent à vous entretenir des embarras et des difficultés des linancqg. Je n’ai eu que des inquiétudes et des déplaisirs dans cette administration, depuis l’instant où je l’ai reprise au mois d’août de l’année dernière. Le discrédit général à cette époque, l’existence d’un déficit immense, et l’extrême pénurie du Trésor royal ont déployé devant moi les premiers obstacles. Cependant les revenus de l’Etat étaient au moins dans leur entier, et les recouvrements s’exécutaient avec la ponctualité usitée. On ne prévoyait pas encore l’affreuse disette des subsistances dont nous étions menacés, et l’on ne soupçonnait pas les malheureux événements qui ont contrarié la perception des droits et des impôts, et qui, en jetant l’alarme dans les esprits, ont détourné le cours de toutes les affaires et ont fait disparaître, à la fois, l’argent et la confiance. Un avenir favorable se présente à nos regards, mais il n’est embrassé que par l’espérance, et les affaires de finances n’en éprouvent point encore la salutaire influence. L’Assemblée nationale, de concert avec le Roi, a cependant déterminé deux grandes dispositions pour l’encouragement du crédit, et pour le rétablissement de l’ordre dans les finances. Par l’une elle assure, à commencer du 1er janvier prochain, un parfait équilibre entre les revenus et les dépenses fixes, et par l’autre, elle autorise une contribution patriotique, dont elle a présumé que le produit pourrait être équivalent aux besoins extraordinaires de cette année et de l’année prochaine. Une immense difficulté reste à vaincre encore. Cette contribution patriotique ne fournira que des ressources graduelles, puisque le dernier (I) Le Moniteur ne donne qu’une courte analyse du mémoire de M. Necker.