BAILLIAGE DE BEAUVAIS CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du clergé du bailliage de Beauvais (1). SECTION PREMIÈRE. De la Religion , de l’Église et de ses ministres. Le vœu unanime du clergé du bailliage de Beauvais, en commençant la rédaction de son cahier, est d’exprimer à Sa Majesté les sentiments d’amour de fidélité et de respect dont il est pénétré. La plus belle de ses prérogatives est de porter librement au pied du trône les vérités qui doivent éclairer la justice d’un monarque qui ne veut que le bonheur de ses sujets. Plein de confiance dans la personne sacrée de Sa Majesté et dans les plans de bienfaisance qu’elle a conçus, il réclame la convocation des conciles provinciaux de trois ans en trois ans, selon la forme des saints décrets adoptés dans le royaume, assemblées si utiles pour arrêter le relâchement de la discipline ecclésiastique, pour maintenir Puniformité du culte et pour remédier efficacement à cette diversité de livres liturgiques qui jettent une ombre sur l’Eglise de France. 11 réclame aussi la convocation des synodes diocésains, comme un moyen puissant de réformer les abus que la faiblesse humaine qui se met à tout, introduit insensiblement; de soutenir et de ranimer le zèle des ecclésiastiques et de resserrer les liens de concorde qui doivent unir les premiers pasteurs et les coopérateurs que la Providence leur a associés. L’Eglise a des jours spécialement consacrés à un saint repos et au culte divin ; elle ne voit qu’en gémissant combien ses lois à cet égard sont méprisées. La profanation est à son comble. Cependant ses lois, sanctionnées par celles de l’Etat, méritent le plus grand respect aux yeux de la religion et même de tonte saine politique. Le clergé demande que les anciennes déclarations et ordonnances concernant cet article soient remises en vigueur et que les boutiques soient fermées, tous travaux suspendus, toutes fréquentations de cabarets et autres lieux prohibés, surtout pendant le temps des offices, et qu’il soit enjoint aux officiers de police d’y tenir la main avec la plus grande exactitude. 11 serait peut-être convenable de rendre au travail certains jours de fêtes peu respectées par le peuple et dont les besoins semblent provoquer la suppression. Le clergé demande en même temps l’observance des anciens règlements de discipline relatifs au jeûne et à l’abstinence du Carême, règlements consacrés par les lois de l’Eglise et par celles de l’Etat. Il se fait dans la plupart des églises de la ville et de la campagne des quêtes qui paraissent contraires au bon ordre ; elles sont d’une faible ressource pour les fabriques, interrompent les fidèles, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . nuisent au recueillement et à la majesté du culte. Le vœu général du clergé est qu’elles soient supprimées. Nous rendons hommaoe aux vues d’ordre et de justice exprimées dans le préambule de l’édit du mois de novembre 1787, concernant les non catholiques; nous sommes bien loin de méconnaître les droits imprescriptibles de la nature dans la personne de nos frères errants ; il ne nous vient pas en pensée d’élever la voix contre les formes nécessaires dans toute institution sociale pour assurer l’état des familles; mais il y a dans la nouvelle loi concernant les non catholiques des dispositions qui n’ont pas été combinées avec assez d’attention. Le clergé de France a fait à ce sujet des remontrances sages et respectueuses; le clergé du bailliage les a adoptées dans toute leur étendue. Il appartient au clergé de donner l’exemple, d’ouvrir toutes les portes au mérite, qui lui sont malheureusement trop fermées en France. 11 serait du bien de l’Etat, de la bonté du Roi et conforme à la Pragmatique-Sanction, de rendre aux églises la liberté des élections pour la nomination aux évêchés et autres prélatures qui donnent quelque autorité et juridiction, élections qui ne pourraient cependant être valides qu’autant qu’elles seraient confirmées par Sa Majesté. 11 est de bon ordre que les collateurs ne puissent être prévenus qu’un mois après la vacance des bénéfices ; cette loi ne laisserait pas les églises sans titulaires, et cependant elle détruirait une avidité qui, n’offrant d’autres titres aux choses saintes qu’une course plus ou moins rapide, dégénère souvent en procès, et ruine par avance un grand nombre de bénéficiers. Le clergé est touché de la situation des curés et vicaires à portion congrue, et, pénétré de la nécessité de venir à leur secours, et surtout au secours des curés des villes qui n’ont pas même la ressource des portions congrues, ainsi qu’à celui des prêtres et habitués des paroisses des villes. Mais comme le sort des curés à portion congrue ne peut être amélioré d’une manière sensible qu’il n’en résulte une surcharge qu’il est impossible défaire supporter par les décimateurs, il est indispensable de rejeter cette surcharge sur d’autres revenus ecclésiastiques ; il est essentiel de connaître les différentes sources où un supplément si nécessaire peut être trouvé. C’est, dans cette vue qu’on demande qu’il soit suppléé par voie d’union de bénéfices simples à l’amélioration convenable du sort des curés et des vicaires à portion congrue ; même dans le cas où les dîmes d’une paroisse seraient insuffisantes pour l’acquit de la portion congrue, les évêques seront invités d’adresser un état des cures à portion congrue qui ont besoin de supplément, ainsi qu’un état des bénéfices simples et moins importants où l’on pourra trouver ce supplément. Les bénéfices à nomination royale ne doivent pas être exceptés , le Roi jouit plus qu’aucun de ses sujets de toutes les opérations utiles et l’on ne saurait croire que des commendes sans fonctions puis- 288 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] sent mériter une préférence qu’on n’accorderait pas aux autres bénéfices. 11 faut demander tout ce qui paraîtra juste, et ne pas oublier que les besoins des curés, ministres si utiles, sont plus impérieux que les faveurs accordées aux différentes nominations. Mais le projet de doter les cures par la voie d’union de bénéfices simples ne présente malheureusement qu’uu secours trop éloigné. Les Etats généraux seront priés de considérer que les besoins des curés sont urgents et d’aviser à quelques moyens justes et faciles de les soulager promptement. La dotation des vicaires et habitués devra être (fixée et augmentée en proportion de l’accroissement justement demandé pour les curés. La dotation des curés doit être telle que les titulaires jouissent d’une aisance honnête qui leur permette la représentation décente qu’exige leur état, qui leur donne la facilité de soulager l’indigence spécialement confiée à leur sollicitude, de joindre aux consolations de la religion les utiles secours de la charité. Ces besoins n’ont pas la même étendue dans tous les lieux ; nous croyons pouvoir assurer que la somme de 1,500 livres serait à peine suffisante dans ces provinces, laquelle somme serait augmentée tous les vingt ans si la progression du prix des denrées était devenue notable pendant ledit intervalle. L’amélioration des cures amène avec elle la suppression du casuel forcé. L’ordre du clergé la demande avec empressement, comme ta réforme d’un abus qui blesse le désintéressement qui doit caractériser le saint ministère. Il est juste qu’il soit érigé des vicariats dans toutes les paroisses trop nombreuses, à la desserte desquelles ne peuvent suffire les soins d’une seule personne, par exemple, à celles qui ont quatre cents communiants avec des hameaux ou cinq cents communiants sans hameau. Il paraît juste que des curés qui n’ont qu’une partie de dîmes dans leurs paroisses et qui ont des vicaires, ne soient tenus de payer la portion congrue des vicaires qu’au prorata de la part et portion qu’ils ont dans la dîme, quels que soient à ce sujet les transactions, arrêts et déclarations. Par suite des mêmes motifs, en cas d’option de la portion congrue de la part des curés, lesdits curés demandent à n’être obligés de renoncer aux biens-fonds et terres affectés à la cure que lorsque les gros décimateurs auront fait preuve que lesdits biens-fonds ont été donnés par eux autrefois. Imposer aux curés l’obligation de prouver que lesdits biens sont chargés d’obits ou fondations, c’est leur imposer une obligation presque impossible à remplir. Un autre objet intéressant est l’assurance des secours pour les ecclésiastiques que leur âge et leurs infirmités empêchent de remplir leurs fonctions. Ce projet est une suite nécessaire de l’amélioration des cures, puisqu’il est également convenable de pourvoir au sort des curés dans le temps de leur santé et dans celui où elle leur échappe par la vieillesse ou par la maladie. Il serait à désirer qu’un certain nombre de prébendes des églises cathédrales et collégiales fût uniquement affecté aux curés et autres ecclésiastiques qui auraient travaillé dans le ministère pendant un espace de temps déterminé. Ils trouveraient dans ces retraites un asile honorable, la récompense de leurs travaux, l’occasion d’être toujours utiles, et ils ajouteraient un nouveau degré de considération aux chapitres qui les recevraient dans leur sein. Les évêques trouve-, raient ainsi sous leurs mains des hommes respectables, propres à rendre aux diocèses des services importants, principalement dans les places de supérieurs de maisons religieuses , officiaux , promoteurs, et vicaires généraux, tous emplois qui demandent, ouire des talents et des connaissances, un esprit formé par quelques années d’expérience. Le ministère des curés est un ministère de charité ; il semble appelé d’une manière particulière à surveiller l’éducation chrétienne, à secourir le pauvre, à consoler le malade. Ces motifs portent à désirer qu’ils soient admis dans l’administration des collèges, Hôtels-Dieu et bureaux de bienfaisance. On ne saurait donner trop de considération au corps des pasteurs. Plus ils paraîtrontestimés, plus ils deviendront estimables, et ce motif fait désirer qu’il leur soit donné dans les cérémonies publiques un rang convenable à l’importance et à la dignité de leur état. Il existe une déclaration obtenue en 1698 qui autorise nosseigneurs les évêques, dans leur visite, à envoyer un curé au séminaire pour trois mois, sur un simple procès-verbal. Cette déclaration est contraire aux vrais principes. La liberté d’un curé doit, ainsi que celle d’un citoyen, être sous la sauvegarde de la loi, et les mêmes motifs qui doivent faire réprouver les lettres de cachet, les décrets prononcés par un seul juge contre un domicilié, militent pour que la liberté d’un curé. sa réputation ne soient plus livrées à la volonté arbitraire d’une seule personne. Tous les corps qui composent l’ordre du clergé ont la faculté de se réunir quand la défense de leurs droits et intérêts exige une délibération commune; les curés forment dans l’Église un� classe nombreuse ; ils ont des intérêts et droits particuliers. Ils demandent donc à jouir de Ja même faculté que les autres corps et à s’assembler suivant les arrondissements adoptés dans chaque diocèse pour l’ordre ecclésiastique, et Sa Majesté sera suppliée de retirer la déclaration, rendue en 1782, qui leur défend toute association sans lettres patentes. Dans un siècle de bienfaisance où on ne s’occupe que des moyens de supprimer la mendicité, le clergé croit devoir solliciter en faveur des religieux mendiants une pension par tète qui puisse soustraire un prêtre à la dure nécessité de mendier et accroître par là le fardeau des peuples. SECTION II. Du temporel et des dettes du cierge. Le clergé ne peut se dispenser de représenter que le plus grand nombre et le plus précieux des biens temporels de l’Eglise est la jouissance des dîmes ; que ce revenu a par lui-même des charges très-considérables , telles que sont les portions congrues des curés et vicaires, l’entretien des chœurs et casuel des églises ; que cependant, dans la plupart des provinces, le produit des dîmes est diminué presque insensiblement ; il s’introduit dans les cours de judicature des principes nouveaux sur la nature delà dîme qui tendent presque à l’anéantir ; que depuis quelques années et d’après un règlement du parlement de Normandie, tout à coup et sans qu’on s’y attendît, toutes les paroisses ont refusé de payer aux décimateurs la dîme verte ou des prairies artificielles, contre l’usage général et constant; ce refus a donné lie» à Une multitude innombrable de procès qui n’ont pas été suivis parce que les décimateurs comptaient [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais. 1 sur la promulgation d’une loi qui devait fixer toutes les incertitudes et les maintenir dans leurs droits. Il est de toute justice de ne pas les en priver, dans un moment surtout où le clergé annonce les plus grands sacrifices à l’amour du bien de la patrie. Peut-être que la seule manière de terminer ces débats désastreux à la religion par la division qu’ils portent entre les fidèles et ses ministres serait de combiner dans les trois ordres une loi qui posât de nouvelles bases et dans laquelle le clergé ne regretterait pas des sacrifices qui lui rendraient la paix si précieuse à son ministère. En attendant, les décimateurs demandent que, pour parer à une infinité de contestations et aux pertes énormes qu’ils éprouvent, il soit ordonné que lorque les propriétaires jugeront à propos de changer la culture de leurs terres et de substituer des fruits non décimables, les bois même compris, à des fruits sujets à la dîme selon l’usage des lieux, la dîme continuera d’y être payée quel que soit le genre de ces productions. L’aliénation des biens ecclésiastiques est un des abus qui, dans ces derniers temps, ont le plus excité les plaintes du clergé dans tous les diocèses ; la dotation des églises diminue, tous se plaignent des moyens sans cesse imaginés d’échapper à la surveillance du clergé et aux lois qui veillent à la conservation de ces biens; les baux emphytéotiques , les baux à cens, les échanges, les ventes mêmes semblent pour ainsi dire tolérées. Les titulaires savent l’art de les faire adopter, et, toujours colorées des avantages apparents des bénéfices , elles reçoivent partout la sanction des tribunaux. Il faut demander une loi générale qui soumette à un examen toutes les aliénations sous quelque forme qu’elles puissent se présenter. La régie dés économats, telle qu’elle existe, est infiniment à charge au clergé en ce qu’elle ruine les successions des bénéficiers par les droits exorbitants de retenue qu’elle s’attribue, par les frais immenses qu’elle occasionne, par les formalités sans nombre auxquelles elle assujettit, par les longueurs et les difficultés qu’on éprouve en traitant avec ses préposés. Le séquestre des économats est inquiétant pour le clergé par le droit de retenir à volonté tous les bénéfices et de les priver ainsi de titulaires par de simples arrêts du conseil. Il est juste de remontrer au Roi combien ce dépôt extraordinaire contrarie le respect dû aux vrais principes, combien sa progression est alarmante pour le clergé, combien son établissement diffère de la garde des églises sur laquelle il a voulu s’établir, combien enfin les grâces publiques sont plus dignes de la majesté royale que les bienfaits obscurs que l’on craindrait de publier. La position actuelle du clergé mérite qu’on parle ici de ses dettes; elles doivent être mises au nombre de celles de l’Etat. Il n’a fait que prêter son nom et son crédit au Roi dans les moments les plus pressants, et comme ont fait toutes les provinces et pays d’Etats; s’il a épuisé ses forces, c’est à la prodigalité des ministres qu’on en doit demander compte ; toutes ses opérations ont été publiques, toutes ont été faites de l’aveu du gouvernement et toutes pour lui plaire ; ses emprunts se sont élevés rapidement à une somme énorme. Il lui était impossible d’associer ses dîmes de manière b pourvoir au remboursement des capitaux en même temps qu’au payement des arrérages ; cependant chaque bénéfice paye à ce titre ce qu’il aurait dû fournir dans la contribution générale lre Série, T. II. en proportion de la valeur de ses biens. On blesserait évidemment la justice si on voulait l’obliger de payer en même temps les impositions et les rentes dues pour ses dettes ou l’obliger à une aliénation pour les acquitter. SECTION III. Des mœurs et de Véducation publique. Les meilleures lois ne peuvent rien sans les mœurs; c’est sur elles que les anciens gouvernements, plus habiles que les nôtres, ont appuyé toutes leurs institutions. Nous avons cru toutf aire en regardant l’or, le numéraire, le commerce, l’industrie, les arts comme la base unique de la prospérité publique. L’expérience doit nous avoir détrompés de cette erreur. Il est temps que notre gouvernement s’occupe des moyens de faire revivre, s’il est possible, l’amour de la patrie, du travail, de la frugalité, de la simplicité dans les dépenses, le respect pour la religion, pour la morale, l’exacte probité dans le commerce, le désintéressement et toutes ces vertus auxquelles la Providence a attaché par une loi invariable la félicité du genre humain. On ferait un très-grand pas vers l’amélioration des mœurs, si les règlements veillaient davantage au maintien de l’honnêteté publique, si les asiles de la débauche étaient fermés soigneusement, si on ôtait au vice la liberté de marcher à visage découvert : il se propage beaucoup moins quand il est forcé de se cacher ; si on empêchait le débit et la vente de tous ces livres pervers qui sapent le fondement du trône, de l’autel et de toutes les vertus, portent la corruption jusque dans le sein de ces hommes grossiers que la simplicité de leur séjour et de leurs mœurs semblaient défendre de la contagion. On doit sentir tout le danger de la décadence où est tombée l’éducation publique depuis un certain nombre d’années ; on oublie trop quelle est l’influence ' des premières années de la vie dans tout ce qui tient au bonheur et à l’avantage de la société; la plupart des collèges de provinces sont mal organisés, il n’y a presque dans aucun un plan fixe et arrêté d’éducation; les professeurs y sont souvent des hommes qui semblent assem-blés au hasard. Il serait à souhaiter que le gouvernement des collèges pût être confié à des corps consacrés uniquement à cette destination : on ne peut espérer que par ce régime un plan d’éducation qui ait de l’ensemble, de l’unité et des principes constants. A cette occasion, le clergé demande avec la plus vive instance que le collège de la ville de Reauvais, qui renferme toute l’espérance des trois Etats des bailliages, soit doté convenablement.On trouvera dans l’union de quelques bénéfices les fonds suffisants pour cet objet. Le clergé doit également fixer son attention sur les séminaires; ils lui sont trop chers pour n’être pas sans cesse l’objet de sa sollicitude. Tous les diocèses sentent la nécessité de faciliter aux jeunes ecclésiastiques leurs longues études en multipliant les pensions gratuites, et de confier l’espoir du sanctuaire aux ministres les plus dignes de perpétuer le respect de la religion et l’empire de la vertu. Les détails de l’éducation des enfants de la campagne méritent tout l’intérêt du clergé. Il serait bien à désirer que dans chaque paroisse il y eût un maître d’école éclairé et honnête, propre à donner à la jeunesse des leçons sages, une instruction gratuite; dans les paroisses un peu nombreuses il faudrait y ajouter une maîtresse d’école; la réunion des deux sexes, quoique dans 19 290 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais. l’enfance, est trop souvent une source de vices et de désordre. Mais où trouver des fonds pour toutes ces institutions si utiles et si nombreuses? Le clergé du bailliage, en montrant l’ardeur de ses vues pour tout ce qui peut contribuer à perfectionner les hommes, à les rendre plus heureux, s’en rapporte avec confiance à la sagesse des Etats généraux pour trouver les ressources convenables. Un moyen certain d’accélérer Cette régénération dans les mœurs publiques, serait d’adopter de meilleurs principes dans la distribution des places et des dignités, soit ecclésiastiques, soit civiles ; qu’elles ne soient pas exclusivement le partage de la naissance, que ce titre n’obtienne la référence que quand il est réuni aü mérite, à la onne renommée, aux vertus et aüx talents. section iv. De l'assemblée des Etats généraux et provinciaux. Toutes les parties du royaume doivent contracter entre elles et avec ie monarque une alliance éternelle, afin de n’avoir plus qu’un intérêt commun. L’assemblée des Etats généraux ayant été jusqu’ici accompagnée d’une forme dont l’imperfection a toujours fait méconnaître les droits de l’Assemblée nationale, le clergé espère qu’on s’occupera de la forme que doit avoir rassemblée pour être légale et représenter avec la plus grande étendue possible toute la nation. On doit y arrêter : 1° Qu’àucune loi ne sera reconnue eh France qu’autant qu’elle aura été ou proposée par la nation et consentie par le Roi, ou proposée par le Roi et consentie par la nation, et que toutes les lois arrêtées dans l’assemblée nationale soient obligatoires pour toutes les provinces. 2° Qu’aucun citoyen ne pourra jamais être privé de sa liberté que par la loi et d’après le jugement des tribunaux reconnus par la nation. Que, d'après ce principe, tes lettres de cachet soient proscrites à jamais, et que si pour quelque prétexte que ce puisse être un ministre en avait expédié ou signé une seule, il puisse être pris à partie et poursuivi comme infracteur des droits les plus sacrés delà nation. 3° Qu’aux Etats généraux seuls appartient le droit d’établir, ou de proroger les impôts, ou d’ouvrir des emprunts sous quelque forme ou dénomination que ce puisse être"; que ces impôts ne seront jamais accordés ou prorogés que pour un temps fixe et limité. 4° Que les Etats généraux seront périodiques et qu’il sera pris par eux des mesures de précaution pour qu’en aucun cas leur retour à l’époque déterminée ne puisse rencontrer aucun obstacle, et que si, malgré tous les moyens pris, les Etats généraux n étaient pas assemblés au temps désigné, les impôts cesseront de droit à l’instant dans tout le royaume. 5° Qu’il sera créé, au sein des Etats généraux, des Etats provinciaux, afin de former un lien durable entre l’administration particulière de chaque province et l’administration générale. Ces Etats provinciaux seront chargés de l’assiette, perception et recouvrement des impôts, ainsi que de toute la partie d’administration dont étaient ci-devant chargés les intendants. 6° Que les Etats [généraux ne se sépareront pas sans avoir assuré, par toutes les formalités qu’ils jugeront nécessaires, l’exécution des lois qui y auront été arrêtées, de manière qu’avant la séparation, il ne puisse rester aucun doute sur la sanction et promulgation desdites lois et que l’obéissance qui leur est due ne souffre aucun retard, aucun obstacle, aucune réclamation de la part de qui que ce soit. Ces maximes paraissent si essentielles au clergé pour assurer à jamais à la monarchie une constitution inébranlable, qu’il enjoint à son député, au nom de la confiance qu’il met en lui et de l’autorité dont il le rend dépositaire, d’employer tous les efforts que le zèle et l’amour de là patrie peuvent inspirer pour les faire ériger en lois avant qu’il soit procédé à toute autre délibération et notamment à ce qui concerne les subsides. Il doit être arrêté par les Etats généraux que rien de ce qui sera proposé n’aüra force de loi que quand les trois ordres l’accepteront et qu’il sera sanctionné par l’autorité du prince ; que la voix de deux ordres n’entraînera pas et n’obligera pas celle du troisième. Cette décision empêchera que deux ordres se réunissent pour ett opprimer Un, elle exigera une volonté générale, elle donnera de la force aux décisions de l’assemblée. Tous les bénéficiers ont, par le seul titre de leurs bénéfices� quelque modique qu’en soit le revenu, le droit de donner ou d’envoyer leurs suffrages pour la députation aux Etats généraux. Cependant le règlement n’àccorde aux chapitres qu’une seule voix pour dix chanoirtës présents ; mais les prébendes canonicales sont de véritables titres, elles sont soumises à la résignation, à la prévention, a l’institution canonique. Les chapitres demandent donc qu’on leur assure* dans les assemblées du clergé des bailliages, les mêmes droits, la même influence qu’aux bénéfices moins considérables et souvent bien plus étrangers aux provinces qui députent. Les communautés régu-ières font aussi les mêmes réclamations et méritent lés mêmes égards. La distinction faite par le règlement entre les ecclésiastiques qui habitent les campagnes et qui résident dans les villes bous paraît exciter les mêmes plaintes; si c’est comme ecclésiastiques qu’ils sont convoqués, qu’importe le lieu de leur résidence, et si c’est à causé de leur titre, qu’importe le lieu où il est placé! Il est intéressant pour la nation que le droit de suffrage ne puisse pas ainsi être accordé ou refusé à volonté, et c’est pour tous les ordres un juste sujet de remontrances. On ne doute pas que les agents généraux du clergé h’aient dans l’assemblée nationale la séance et la voix délibérative dont ils ont joui aux derniers Etats généraux. SECTION V. Des impositions et de leur régime. Le clergé imitera l’empressement avec lequel les archevêques et évêques présents dans l’assemblée des notables ont déclaré ne prétendre aucune exemption pour leur contribution aux charges publiques, et voulant donnera ses concitoyens du tiers-état une preuve du désir qu’il a de cimenter l’union entre tous les ordres, fait par acclamation le vœu de supporter dans une parfaite égalité, et chacun à proportion de sa fortune, les impôts et contributions générales du royaume, ne prétendant se réserver que les droits’ sacrés de la propriété et les distinctions personnelles nécessaires dans une monarchie, pour être plus à même de soutenir les droits et la liberté du peuple, le respect dû au souverain et l’autorité des lois. Mais, après l’émission de ce vœu, il demande comme une justice que, dans les impositions sur tous les biens ecclésiastiques, avant de fixer leur masse imposable, on ait égard à 1 énormité des charges dont ils sont grevés, et que la déduction [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 291 sur tous ces biens soit plus forte que celle qui est à faire sur les biens laïques et proportionnelle à leurs charges vicariales. Il observe que cette déduction doit être encore plus forte sur les biens appartenant.aux églises cathédrales et collégiales, parce que, outre les charges qui leur sont communes avec tous les biens ecclésiastiques, il en est qui leur sont particulières et qu’entraînent nécessairement la célébration et la solennité du service divin, comme Tentretien des gagistes, chantres, enfants de chœur, musique, lumières, sacristie, bedeaux, les réparations d’une église immense, etc., etc. Une seconde observation à faire d’après la supposition que les biens du clergé seront assujettis à toutes les impositions, c’est qu’il n’est pas juste qu’il reste assujetti à d’autres contributions et aux entraves qui frappent sur l’administration de ses biens. Ainsi il doit être affranchi de toutes les . gènes qu’a inventées le génie fiscal, notamment des obligations imposées par l’arrêt du conseil qui les oblige, sous des peines pécuniaires, à faire faire à l’issue dès messes paroissiales la publication qu’ils entendent jouir eux-mêmes des dîmes et autres biens dans l’étendue desdites paroisses. Us seront également affranchis, dans tous les cas, du droit d’amortissement qu’on leur impose sous différents prétextes. La justice exige aussi qu’il soit délivré des frais énormes que lui occasionnent les maîtrises des eaux et forêts, ainsi que les retenues qu’on fait sur les deniers qui proviennent de la vente de ses bois. Le clergé ne demande pas qu’on supprime les réglements qui empêchent les bénéficiers de porter l’abus dans l’administration de ses bois, mais il demande que les règlements ne soient pas une occasion et un prétexte de lui faire supporter un second impôt. Mais dans la supposition où le régime actuel de l’imposition du clergé subsisterait, le clergé demande une représentation plus étendue dans là composition des bureaux diocésains. La justice exige que les curés y aient deux députés nommés par eux et dont les pouvoirs seront renouvelés tous les trois ans. Que le chapitre de la cathédrale y ait aussi un représentant de son choix, que les collégiales et les communautés régulières jouissent du même droit et que tous concourent à la nomination du syndic du diocèse, ainsi qu’à celle du receveur des décimes. Il est juste encore que cette administration soit gratuite et que chaque année le tableau des impositions soit affiché au greffe du bureau diocésain. SECTION VI. Des lois et de l’ administration de la justice. 11 est important aux droits de l’humanité et à la liberté individuelle des citoyens que le Code criminel soit réformé; les lois pénales ne portent point le caractère de douceur et d’impartialité qui doit distinguer tout peuple libre. Il ne doit pas être permis à un seul juge de décerner un décret de prisé de corps ou d’ajournement personnel contre un domicilié. On doit sentir le danger et l’injustice de laisser à un seul juge tant de facilités, dont le moindre vice est d’attenter à la liberté naturelle. Le Gode civil demande aussi une réforme très-étendue, surtout dans la partie qui sert d’aliment à la chicane ; le plus grand des impôts est celui crui résulte des frais de justice. Il doit être pris des mesures et fait des lois pour l’abréviation des procédures, pour parvenir à l’abolition de la vénalité des charges, pour rapprocher les justiciables de leurs juges, pour augmenter la compétence des bailliages et présidiaux, pour que les tribunaux et les juges ne puissent jamais s’écarter du texte des lois et se permettre d’en introduire de nouvelles sous prétexte de les interpréter. Les officiers et les suppôts de la justice sont en trop grand nombre; ce sera un grand avantage de les diminuer et de les réduire à ce qui est uniquement nécessaire, étant de notoriété et d’expérience que plus ils sont multipliés dans un pays, plus les procès s’y multiplient. On observera en passant que les papiers et parchemins timbrés destinés aux actes publics sont de la plus mauvaise qualité, ce qui en rend l’écriture illisible dès le principe et nécessairement indéchiffrable au bout de quelques années. La multiplicité des monitoires occasionne des plaintes dans presque tous les diocèses. On les demande pour des faits presque ridicules. La réforme de cet abus paraît nécessaire et désirée. Le moyen le plus sûr de concilier tous les principes, serait d’abolir toutes sortes de monitoires, ou si l’on pense devoir les conserver, ils ne devraient être du moins réservés que pour les meurtres et les crimes d’Etat. Dans tous les cas on devrait laisser à l’officiai le droit de les refuser sans qu’il pût être pris à partie, car enfin l’Eglise doit pouvoir connaître les crimes qu’on veut lui faire punir, et juger s’ils lui paraissent dignes de ses plus grands châtiments. Beaucoup d’argent sort tous les ans des campagnes pour se perdre dans les gouffres ténébreux de la chicane; des rixes particulières, des bagatelles, quelques paroles d’injures donnent lieu à des procès qui font perdre au malheureux agriculteur un temps considérable et sa tranquillité. On pourrait remédier à ces maux en établissant dans chaque paroisse un tribunal de paix qui serait à l’agriculture ce que le consulat est au commerce, où toutes les difficultés pour objets légers seraient portées sans frais et sans appel. Ces tribunaux même présenteraient encore aux habitants des campagnes la facilité de trouver des arbitres jouissant de la considération publique, qui pourraient dans l’occasion régler entre eux et à l’amiable des intérêts d’une importance plus grande. On réclamerait aussi la suppression de l’office des huissiers-priseurs nouvellement créés par le Roi. Ces offices oppriment singulièrement la veuve et l’orphelin, et généralement les gens de la campagne, eh assujettissant leurs sucessionsà des frais énormes qu’elles ne sont pas en état de supporter, et dans le cas où cette suppression n’aurait pas lieu, nous réclamons au moins la concurrence accordée par l’article 10 de l’édit de 1771, telle qu’elle a toujours été demandée par les seigneurs et officiers des hautes justices, et telle qu’elle a toujours été jugée par la cour du parlement de Paris. Les arrêts d’évocation au conseil, les droits de committimus et autres semblables présentent au crédit et à la faveur une arme puissante pour écraser le faible et le pauvre. Il est conforme à l’équité que les justiciables soient jugés graduellement par les tribunaux ordinaires et que tous ces privilèges oppressifs soient révoqués. Le clergé doit insister pour qu’on rétablisse dans les bailliages les charges de conseillers-clercs. Le clergé "doit avoir part à l’administration de la justice comme à toutes les administrations. ; Il doit l’avoir aussi à celles des municipalités, et 292 [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] il doit être appelé dans les hôtels de ville comme les autres ordres. SECTION VII. De la taille , de la gabelle, des aides , de la milice et autres impôts. Les sollicitudes paternelles de Sa Majesté ont appris à la nation que le vœu le plus pressant de son cœur sera toujours celui qui tendra au soulagement et au bonheur de ses peuples. Le clergé doit donc, sans autre mission que celle que lui donne son dévouement au bien public, se permettre d’exposer l’affligeante situation des tail-lables de toutes les provinces. Ils sont extrêmement surchargés, indépendamment du défaut de proportion dans les départements des généralités, d’élection, de paroisses. L’aperçu général des déboursés indispensables présenteune preuve morale que ce qui reste au peuple du produit de ses biens, ne peut fournir à son nécessaire le plus pressant. Le tirage de la milice est pour lui un impôt accablant. Il est bien à souhaiter qu’on puisse convertir un jour ce tirage en une contribution pécuniaire, ainsi que l’a déjà été la corvée, qui devrait être répartie d’une manière plus équitable en lui donnant pour base toutes les impositions, sous quelques dénominations qu’elles existent. Exemption de la milice en faveur des colleges de plein exercice. Mais à la fois le clergé du bailliage demande exemption absolue du tirage de la milice pour les écoliers étudiant dans un collège de plein exercice, et pour toutes personnes attachées à l’Eglise en qualité de chantres, gagistes, et maîtres d’école dans les campagnes. Diminution du droit de gabelle si on ne peut en prononcer la suppression. S’il est impossible de faire le sacrifice de la gabelle quant à présent, les Etats généraux doivent se hâter d’alléger le poids de l’impôt dont le nom seul inspire l’effroi, qui frappe si fortement sur une denrée de première nécessité, qui enlève à l’agriculture un moyen salutaire de conserver les bestiaux, un impôfqui, par l’attrait violent qu’il offre à la contrebande, fait condamner tous les ans à la chaîne ou à la prison tant de chefs de famille et occasionne tant de saisies. Droits d'aides à supprimer. Une autre sorte d’impôt non moins abusif, non moins vexatoire, ce sont les droits d’aides. Que de genres d’oppression, quelle inquisition criante ne font-ils pas exercer dans tous les lieux qui leur sont soumis ! La variété seule de ces droits est un piège continuellement tendu à la simplicité des peuples, leurs noms mettent en défaut la mémoire la plus fidèle. Gros à l’arrivée, gros à la vente, gros de revente, droits de quatrième, droits de huitième, droils de Picardie, droits d’annuel, droits de contrôle, droit de refuge, ancien cinq sols, nouveau cinq sols, inspecteurs aux boissons, jauge, courtage, courtier, courtier jaugeur, subvention, augmentation, le parisis, droit de quittance, etc., etc., etc. ; qui n’est pas exposé innocemment par toute cette nomenclature de droits à des ignorances, à des saisies, à des emprisonnements, à des amendes qui sucent le plus pur sang du peuple ? Ces droits expansifs et que les préposés interprètent à leur gré, ont porté leur voracité sur tous les objets : vin, cidre, bière, piquette, eau-de-vie, liqueur, viande, cuir, charbon, papier, huile, suif, poudre, amidon, bois, fourrage, marée, argent, or, tout est du domaine de la régie générale. Cette harpie a toujours fait de nouvelles conquêtes, elle n’en a point relâché une de ses anciennes. Et les préposés au recouvrement de ces droits, que sont-ils? des jeunes gens inappliqués, livrés à la fougue des passions, qu’on reçoit à serment, sans information de vie et de mœurs, sans s’assurer s’ils ont une religion, à qui on met le fer en main dès qu’ils entrent dans le corps et qui peuvent tuer tous ceux qui se défendent contre leurs injustes entreprises, sans que les tribunaux civils et criminels puissent en connaître, que tout juge au contraire, maire et habitants doivent protéger contre leurs propres concitoyens, qui sont juges et témoins de la rébellion, qui peuvent enfin emprisonner sans qu’aucun juge puisse élargir ou modérer l’amende. Le clergé de ce bailliage se joindra donc à toute la France réunie au pied du trône pour l’extinction de droits aussi onéreux, aussi tyranniques extorqués dans des temps barbares par le génie fiscal, et qui�déshonorent une nation libre sous un monarque bienfaisant qui veut faire le bonheur de ses peuples. Suppression du trop bu ou gros manquant. Si, contre toute attente, ce bienfait était retardé, on réclamera surtout contre le plus inique et le plus révoltant de ces droits : le gros manquant, vulgairement appelé trop bu. N’est-il pas affreux, en effet qu’un laboureur économe à qui la loi accorde une certaine quantité de boissons, ne puisse dans une année d’abondance conserver quelque partie de sa récolte pour la consommation des années suivantes souvent stériles ? N’est-il pas affreux aussi qu’un bourgeois, ayant une nombreuse famille, soil imposé pour avoir, d’après l’arbitraire des préposés, consommé une plus grande quantité de boissons que son état ou sa fortune ne lui permettent, et cela sous prétexte qu’il a vendu partie de ces mêmes boissons et n’a pas payé les droits comme débitant ? N’est-il pas encore absurde et contraire au droit naturel qu’un marchand de vin paye également et sans aucune modération le débit de la boisson qu’il vend et celui de la boisson qu’il ne vend pas, mais qui est consommée par lui, sa famille et ses domestiques, et autres vexations inouïes? Le clergé sera encore l’organe du peuple en demandant qu’on modifie la déclaration du Roi, du mois d’août 1786, qui fixe les frais des terriers et passations d’aveux ; les archivistes des seigneurs s’en autorisent pour les porter à des frais énormes ; ils en sont si effrayés eux-mêmes qu’ils composent avec les vassaux. vm section. Bien public , commerce. Trois branches principales de commerce floris-saient autrefois dans ce bailliage ; elles sont aujourd’hui ruinées. La fabrique de petites draperies occupait en 1786, dans la seule ville de Beauvais, trois mille cent quarante ouvriers. Au mois de juin 1788, on ne comptait plus que mille quatre cent vingt-deux ouvriers employés. Le mal a suivi la même progression dans les campagnes où l’on est assuré par les recherches les plus exactes que le nombre des métiers et des ouvriers a toujours été à celui de la ville comme de quatre à un. Dans cette stagnation du premier et plus ancien commerce de ce bailliage, les manufactures de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] ç>qq toiles peintes, qui y ont été introduites depuis à peu près trente ans, semblaient pouvoir offrir des ressources infinies ; mais la protection spéciale que l’on paraît vouloir accorder à ces mêmes fabriques multipliées en Alsace, c’est-à-dire sous ce nom, et l’introduction des indiennes suisses, ont jeté nos établissements en ce genre dans la langueur et presque dans l’inertie. Il nous restait enfin quelque objet de travail et surtout de commerce dans les toiles dites demi-Hollande qui se fabriquent dans nos environs, et le libre cours que les toiles de Silésie ont su se procurer contre toutes les défenses, nous enlève cette dernière ressource. Nous devons la ruine de la première de ces branches au traité fait avec l’Angleterre, au trop grand rapprochement des barrières, à la rareté et à la cherté des matières premières, les laines, les colles, les huiles, etc., etc., à des arrêts du conseil qui ont triplé des droits de marque déjà onéreux, droits qui cependant n’ont ôté imposés que sous la promesse de les faire tourner à l’avantage du commerce, et dont celui de Beauvais ne connaît autre chose que la perception qui se fait avec toute la rigueur et la dureté que les préposés et les sous-ordres mettent dans ces sortes de recouvrements. La perte de la seconde branche sera absolument inévitable lorsque les indiennes suisses auront un libre cours parmi nous, et c’est un succès qu’elles ne peuvent manquer d’obtenir si nos manufactures de l’intérieur ne parviennent pas à arrêter les entreprises et à faire tomber les prétentions de l’Alsace. Enfin, la troisième branche, déjà considérablement altérée par la destruction des linières de Bulles, ne peut se soutenir, si les toiles de Silésie, quoique prohibées par des lois sanctionnées, continuent à l’insu du gouvernement, ou pour mieux dire contre ses intentions, à pénétrer partout en France sans obstacles, à l’abri d’un droit modique que les fermes générales perçoivent indûment à leur passage. Nous nous bornons à indiquer les causes du mal; elles semblent offrir les moyens d’y remédier, Nous en laissons le choix à la sagessè des Etats, et nous nous contenterons de renouveler le vœu que bien des citoyens ont émis pour que le gouvernement ait un' ministre uniquement occupé de cet objet important. On ne peut s’empêcher d’être frappé de la réunion singulière des événements qui depuis deux ans ont concouru au dépérissement de toutes sortes de commerce en ce royaume. Tout semble dire que cette partie, mêlée à d’autres d’un intérêt journellement plus pressant, est nécessairement négligée ou abandonnée à des personnes sans expérience et faciles à séduire par la théorie brillante de quelque système dont les événements font voir trop tard le faux et les erreurs. GRAINS. Fixation du prix des grains demandée. On juge qu’il serait très-facile et très-important à la fois de trouver des moyens propres à fixer le prix des grains ou du moins à le contenir dans les bornes d’une taxe modérée; les variations subites dans le prix de cette denrée, quelquefois excessif, ont répandu la misère parmi le peuple. HARAS. Leur suppression est désirée. Le régime actuel des haras excite chaque jour les plus vives réclamations. Stérilité de la plupart des étalons, productions faibles, inquiétudes perpétuelles du fermier sur ses juments, rareté des élèves, railleries mortifiantes de la part des préposés et perte de temps pour l’inspection, voilà tout le bien que la campagne assure avoir retiré de l’introduction du nouveau régime, que nous sommes fondés à croire très-onéreux à l’Etat. PIGEONS. Défense des colombiers à ceux qui n'en ont pas le droit. Les pigeons sont pour les campagnes un fléau dévorant. Les colombiers et volières devraient être sévèrement interdits à tous ceux qui n’ont pas le droit d’en avoir, et quant aux seigneurs et fieffés, il serait juste qu’il y ait une proportion entre les grandeurs de leurs colombiers et l’étendue ou l’importance de leurs fiefs et possessions. CAPITAINERIE EN CHASSE. Suppression du Code des chasses des capitaineries , etc. , et règles à observer pour n'êlre pas vexé par le gibier. On n’achèverait pas de peindre toutes les vexations que la tyrannie subalterne des capitaineries exerce avec l’empire le plus absolu, et les pertes immenses causées par la trop grande abondance du gibier et des animaux de toute espèce. Une des premières opérations doit être de demander et d’obtenir la suppression de celles qui sont absolument inutiles aux plaisirs de Sa Majesté. On a les mêmes plaintes à former contre les grands seigneurs propriétaires qui exercent dans leurs terres les droits attribués aux capitaineries. Les chasses des seigneurs particuliers semblent présenter un tableau moins effrayant et n’en sont pas moins onéreuses aux campagnes par les règlements même faits pour en restreindre les abus. Dans tout gouvernement bien ordonné, trois choses paraissent incontestables : 1° Que les amusements de la chasse 11e sont pas à préférer aux avantages de l’agriculture. 2° Que les plaisirs d’un seul homme ne doivent pas l’emporter sur la subsistance d’une centaine d’autres et plus; 3° Qu’il est plus nécessaire d’avoir du blé, de l’orge, etc. que des lapins, des lièvres, etc. De ces trois vérités, qui n’en sont à proprement parler qu’une, suit une conséquence qu’on peut regarder elle-même comme un principe : c’est que dans un règlement à faire sur la chasse et l’agriculture prises ensemble, et l’une relativement à l’autre, la faveur doit toujours être pour le laboureur contre le chasseur. D’après ces observations on demande que dans les lois à intervenir pour les chasses particulières ou non royales, on évite tous les inconvénients que présentent et qu’ont occasionnés deux arrêts de règlement du parlement de Paris de 1778 et 15 mai 1779. Ce règlement, dont on demande la suppression, est également ruineux pour le seigneur et le laboureur : 1° Par l’obligation de deux ou trois visites sur toutes les terres, suivant la qualité du grain qui y aura été semé ; 2° Par l’assignation à domicile ; 3° Par la manière d’estimer le dégât causé par le gibier proportionnellement à Détendue de la seigneurie et à celle du dommage ; 4° Par le droit donné au seigneur de choisir lui-même les experts quand il est question du gibier de l’espèce dite la moins nuisible, tel que les lièvres, etc. ; 294 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 5° Par la défense des associations prises dans le sens qu’on ne fournit aucuns moyens sages de les remplacer lorsqu’elles devraient avoir lieu. 6° Enfin par la nécessité indispensable de prendre des experts à une distance aussi éloignée que celle de trois lieues. Augmentation des maréchaussées. Les maréchaussées sont évidemment, insuffisantes pour le service que l’intérêt public exige. Le clergé demande que ce corps soit augmenté en France et qu’il soit établi des brigades dans les gros lieux. Le vœu de tous les ordres des citoyens est encore d’extirper en France la mendicité ; les ressources sont immenses chez un peuple humain et chrétien. Il ne s’agit que de les bien diriger. Les Etats généraux prendront en considération les moyens présentés jusqu’à ce jour. Les ateliers de charité ont porté en partie remède à ce fléau trop répandu en France. L’ouvrage sera achevé lorsqu’une fois on aura proportionné les secours à l’étendue du besoin. Uniformité des poids et mesures. La diversité des poids et mesures entraîne de si grands inconvénients qu’il est très à désirer pour le commerce qu’ils soient réduits à une même dénomination et aux mêmes dimensions. Suppression des loteries. La loterie, de tous les impôts le plus immoral, est la source de tant de désordres que le clergé ne doute pas que les Etats généraux ne s’empressent d’y remédier. Réforme des statuts des chirurgiens. Tant que les chirurgiens des provinces seront régis par les statuts actuels, les peuples auront raison de s’en plaindre ; le vice et le remède résident dans les réceptions. M. le premier chirurgien du Roi vend à vie les charges de lieutenant et de greffier; cette vente arme l’intérêt particur lier d un titre ennemi du bien général; les acquéreurs, forts de l’appui du vendeur, tirent avantage et s’accommodent très-bien de la faiblesse des candidats. Ceux-ci trouvent en outre le moyen de triompher des refus les plus justes. La vie des hommes réclame que les charges de lieutenant et greffier soient des places d’honneur et de confiance ; qu’elles ne soient décernées qu’à la probité et au mérite, soit par MM. les officiers municipaux, soit par MM. les officiers du bailliage; M. le lieutenant général, M. le procureur du Roi ou M. le juge de police assisteraient à tous les actes probatoires des récipiendaires, y feraient régner le bon ordre et l’équité en écartant la jalousie et l’avarice. Etablir des sages-femmes instruites. L’humanité exige également que les sages-femmes ne puissent être admises en aucuns lieux en cette qualité qu’elles n’aient suivi avec fruit des cours publics d’accouchement. Laisser le cours des baux des gens de mainmorte. Les baux des bénéfices isolés finissent par la démission des titulaires. Cet abus ruine de bons cultivateurs qui se sont quelquefois épuisés pour payer de forts pots-de-vin et les empêche même de faire les améliorations convenables. Il est juste que le député sollicite un règlement qui concilie les intérêts du fermier et ceux du titulaire successeur. Telles sont les réclamations que l’amour du bien public a dictées à l’ordre du clergé de ce bailliage. Admis à l’honorable fonction d’éclairer son souverain sur les grands objets de la prospérité publique, il n’a fait entendre que les nobles conseils de la vérité, et il ne s’est point livré au découragement en contemplant les maux del’Etat. La crise qui l’afflige peut devenir l’époque d’une heureuse révolution. Du sein d’un désordre passager naîtra la stabilité des principes fondamentaux de la monarchie , l’établissement d’institutions utiles qui répareront les malheurs et les feront oublier. Fait, lu et approuvé dans l’assemblée du clergé du bailliage de Beauvais, au palais épiscopal, en présence de tous messieurs de cet ordre. A Beauvais, le dix-septmars mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signés à la minute des présents : de Lannery de Prouleroy. Daubancourt, curé de Saint-Just. Pre-veres, curé de Saint-Pierre-Motte. Danse, chanoine. Clément , chanoine. Sallentiu. Taillon , chanoine. Thiery, chanoine. Redon. Villain. Payen. Poney, chanoine régulier. De La Motte. L’abbé de Comeiras. Pignon, Lozières. F. -P. -F. Bazonne. F.-M. Enjubault, prieur de Saint-Germer. Regnier, curé de la Versines, Pillon, curé de Saint-Jacques. Beauchin, prieur-curé d’Ozembray. François-Joseph, évêque comte de Beauvais, et Fouenet du Bourg, secrétaire. Collationné et certifié véritable par moi, greffier en chef du bailliage et siège présidial de Beauvais, soussigné. Signé Pigory, avec paraphe. CAHIER DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE DU BAILLIAGE DE BEAUVAIS, ET EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DES SÉANCES DE L’ASSEMBLÉE DUDIT ORDRE (1). CONSTITUTION. La noblesse regarde comme base première du salut de la patrie, qu’avant de consentir à aucune prorogation ou établissement d’impôts, les Etats généraux statuent par une loi sanctionnée par le Roi, et enregistrée dans toutes les cours : 1° Que les Etats généraux représentent [la nation, ont la puissance législative conjointement avec le Roi. 2° Qu’aucun citoyen ne peut jamais être privé de sa liberté que par la loi, et d’après le jugement des tribunaux reconnus par 1a. nation. 3° Qu’aux Etats généraux seuls appartient le droit d’établir ou de proroger les impôts, et d’ouvrir des emprunts, sous quelque forme et dénomination que ce puisse être. 4° Que les Etats généraux seront périodiques ; que la forme de leur convocation et leur composition seront déterminées par eux-mêmes; et que si, à l’époque qu’ils aurontfixée, ils n’étaient pas rassemblés, les impôts cesseraient de droit à l’instant même dans tout le royaume. 5° Que dans toutes les provinces du royaume, il sera établi des Etats provinciaux, dont la forme e£ le pouvoir seront déterminés par les Etats généraux. L’établissement des cinq articles, avant le consentement aux impôts, paraît si essentiel à l’ordre de la noblesse, qu’elle en fait une condition expresse à son député, et déclare qu’elle le désavouera, s’il vote pour aucun établissement ou (1) Nous publions ce cahier d'après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. 294 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 5° Par la défense des associations prises dans le sens qu’on ne fournit aucuns moyens sages de les remplacer lorsqu’elles devraient avoir lieu. 6° Enfin par la nécessité indispensable de prendre des experts à une distance aussi éloignée que celle de trois lieues. Augmentation des maréchaussées. Les maréchaussées sont évidemment, insuffisantes pour le service que l’intérêt public exige. Le clergé demande que ce corps soit augmenté en France et qu’il soit établi des brigades dans les gros lieux. Le vœu de tous les ordres des citoyens est encore d’extirper en France la mendicité ; les ressources sont immenses chez un peuple humain et chrétien. Il ne s’agit que de les bien diriger. Les Etats généraux prendront en considération les moyens présentés jusqu’à ce jour. Les ateliers de charité ont porté en partie remède à ce fléau trop répandu en France. L’ouvrage sera achevé lorsqu’une fois on aura proportionné les secours à l’étendue du besoin. Uniformité des poids et mesures. La diversité des poids et mesures entraîne de si grands inconvénients qu’il est très à désirer pour le commerce qu’ils soient réduits à une même dénomination et aux mêmes dimensions. Suppression des loteries. La loterie, de tous les impôts le plus immoral, est la source de tant de désordres que le clergé ne doute pas que les Etats généraux ne s’empressent d’y remédier. Réforme des statuts des chirurgiens. Tant que les chirurgiens des provinces seront régis par les statuts actuels, les peuples auront raison de s’en plaindre ; le vice et le remède résident dans les réceptions. M. le premier chirurgien du Roi vend à vie les charges de lieutenant et de greffier; cette vente arme l’intérêt particur lier d un titre ennemi du bien général; les acquéreurs, forts de l’appui du vendeur, tirent avantage et s’accommodent très-bien de la faiblesse des candidats. Ceux-ci trouvent en outre le moyen de triompher des refus les plus justes. La vie des hommes réclame que les charges de lieutenant et greffier soient des places d’honneur et de confiance ; qu’elles ne soient décernées qu’à la probité et au mérite, soit par MM. les officiers municipaux, soit par MM. les officiers du bailliage; M. le lieutenant général, M. le procureur du Roi ou M. le juge de police assisteraient à tous les actes probatoires des récipiendaires, y feraient régner le bon ordre et l’équité en écartant la jalousie et l’avarice. Etablir des sages-femmes instruites. L’humanité exige également que les sages-femmes ne puissent être admises en aucuns lieux en cette qualité qu’elles n’aient suivi avec fruit des cours publics d’accouchement. Laisser le cours des baux des gens de mainmorte. Les baux des bénéfices isolés finissent par la démission des titulaires. Cet abus ruine de bons cultivateurs qui se sont quelquefois épuisés pour payer de forts pots-de-vin et les empêche même de faire les améliorations convenables. Il est juste que le député sollicite un règlement qui concilie les intérêts du fermier et ceux du titulaire successeur. Telles sont les réclamations que l’amour du bien public a dictées à l’ordre du clergé de ce bailliage. Admis à l’honorable fonction d’éclairer son souverain sur les grands objets de la prospérité publique, il n’a fait entendre que les nobles conseils de la vérité, et il ne s’est point livré au découragement en contemplant les maux del’Etat. La crise qui l’afflige peut devenir l’époque d’une heureuse révolution. Du sein d’un désordre passager naîtra la stabilité des principes fondamentaux de la monarchie , l’établissement d’institutions utiles qui répareront les malheurs et les feront oublier. Fait, lu et approuvé dans l’assemblée du clergé du bailliage de Beauvais, au palais épiscopal, en présence de tous messieurs de cet ordre. A Beauvais, le dix-septmars mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signés à la minute des présents : de Lannery de Prouleroy. Daubancourt, curé de Saint-Just. Pre-veres, curé de Saint-Pierre-Motte. Danse, chanoine. Clément , chanoine. Sallentiu. Taillon , chanoine. Thiery, chanoine. Redon. Villain. Payen. Poney, chanoine régulier. De La Motte. L’abbé de Comeiras. Pignon, Lozières. F. -P. -F. Bazonne. F.-M. Enjubault, prieur de Saint-Germer. Regnier, curé de la Versines, Pillon, curé de Saint-Jacques. Beauchin, prieur-curé d’Ozembray. François-Joseph, évêque comte de Beauvais, et Fouenet du Bourg, secrétaire. Collationné et certifié véritable par moi, greffier en chef du bailliage et siège présidial de Beauvais, soussigné. Signé Pigory, avec paraphe. CAHIER DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE DU BAILLIAGE DE BEAUVAIS, ET EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DES SÉANCES DE L’ASSEMBLÉE DUDIT ORDRE (1). CONSTITUTION. La noblesse regarde comme base première du salut de la patrie, qu’avant de consentir à aucune prorogation ou établissement d’impôts, les Etats généraux statuent par une loi sanctionnée par le Roi, et enregistrée dans toutes les cours : 1° Que les Etats généraux représentent [la nation, ont la puissance législative conjointement avec le Roi. 2° Qu’aucun citoyen ne peut jamais être privé de sa liberté que par la loi, et d’après le jugement des tribunaux reconnus par 1a. nation. 3° Qu’aux Etats généraux seuls appartient le droit d’établir ou de proroger les impôts, et d’ouvrir des emprunts, sous quelque forme et dénomination que ce puisse être. 4° Que les Etats généraux seront périodiques ; que la forme de leur convocation et leur composition seront déterminées par eux-mêmes; et que si, à l’époque qu’ils aurontfixée, ils n’étaient pas rassemblés, les impôts cesseraient de droit à l’instant même dans tout le royaume. 5° Que dans toutes les provinces du royaume, il sera établi des Etats provinciaux, dont la forme e£ le pouvoir seront déterminés par les Etats généraux. L’établissement des cinq articles, avant le consentement aux impôts, paraît si essentiel à l’ordre de la noblesse, qu’elle en fait une condition expresse à son député, et déclare qu’elle le désavouera, s’il vote pour aucun établissement ou (1) Nous publions ce cahier d'après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 900 prorogation d’impôts, avant la promulgation de cette loi; lui enjoignant de protester contre chaque proposition qui serait faite, et contre toute délibération qui serait prise avant d’avoir assuré la constitution. ÉTATS GÉNÉRAUX, La noblesse du bailliage de Beauvais déclare qu’elle renonce à tout privilège pécuniaire, et qu’elle reconnaît avec plaisir la nécessité d’établir comme principes, que les impôts doivent être supportés par les propriétés sans distinction de propriétaires. Elle est d’avis que dans les Etats généraux, en toutes matières, les ordres délibèrent séparément ; mais que, si l’unanimité manquait entre les trois ordres, comme il ne serait pas juste que la nation perdit son droit de voter sur aucun des articles proposés, alors les trois ordres devraient se réunir, et les voix être comptées par tête. Elle demande que le retour périodique des Etats généraux soit fixé à trois ans au plus tard. Que toutes les lois et règlements proposés par les Etats généraux et consentis par le Roi, ou proposés par Sa Majesté et consentis par les Etats généraux, soient enregistrés et promulgués par les cours souveraines, les Etats généraux encore assemblés ; que lesdites cours ne puissent en retarder l’enregistrement pur et simple, ni la promulgation, sous aucun prétexte. ÉTATS PROVINCIAUX. Que les Etats provinciaux soient établis sur un plan uniforme dans tout le royaume : ce qui n’empêchera pas les députés des différentes provinces de demander les modifications que les circonstances locales leur feraient juger utiles. Que lorsque les règlements provisoires, surtout en ce qui concerne la police des villes et des campagnes, et autres que la seule localité rendrait utiles, seraient demandés par les Etats provinciaux et consentis par Sa Majesté, les cours souveraines de la province soient tenues de procéder à l’enregistrement pur et simple et à la promulgation, sans pouvoir en retarder l’effet sous aucun prétexte. Que les Etats provinciaux s’occupent spécialement de la composition des municipalités des villes, dans lesquelles doivent être admis des citoyens des trois ordres. clergé. La noblesse demande que les archevêques, évêques, curés et tous autres bénéficiers ayant ou non charge d?âmes, résident dans leurs diocèses, paroisses et bénéfices (ordonn. de Blois. art. 14). Que nul, de quelque qualité et condition qu’il soit, ne puisse posséder deux bénéfices (ordonn. d’Orléans, art. 5), ni parvenir à aucune dignité ecclésiastique, qu’il n’ait rempli pendant six ans au moins le ministère dans une paroisse de ville, ou quatre ans dans une campagne. Qu’un nombre déterminé de canonicats ou bénéfices simples soit affecté comme retraite à des prêtres qui se seront occupés de fonctions ecclésiastiques avec zèle et sans reproche l’espace de vingt-cinq ans. Que les Etats généraux s’occupent de l’amélioration du sort des curés et vicaires des villes de provinces et des campagnes. Que, conformément à l’ordonnance d’Orléans du mois de janvier 1560, article 2, il ne soit plus porté d’argent à Rome à titre d’annates, dispenses, etc.; que les dispenses de toute espèce soient données par l’évêque diocésain; que leur produit, ainsi que celui des annates, soit appliqué aux reconstructions et réparations des presbytères et portions d’églises qui sont actuellement à la charge des paroisses, et au soulagement des pauvres du diocèse où ces droits seront échus ; et qu’il soit fait un tarif très-modéré et commun à toutes les provinces du royaume, du coût de toutes les dispenses. Que les collèges, écoles gratuites et hôpitaux, soient surveillés par les Etats provinciaux, et qu’il soit pourvu à leur entretien par une portion suffisante de biens ecclésiastiques. NOBLESSE. La noblesse prescrit à son député aux Etats généraux de déclarer qu’elle ne reconnaît et ne reconnaîtra jamais en France qu’un seul ordre de noblesse, jouissant des mêmes droits. Elle demande que la noblesse et les prérogatives qui y sont attachées ne puissent plus s’acquérir par charge, ni à prix d’argent ; et que Sa Majesté soit suppliée de n’accorder des lettres de noblesse que sur la demande des commandants en chef de terre et de mer, pour des actions bril� lantes, certifiées par ceux qui en ont été témoins, ou sur la demandé des Etats provinciaux, pour les citoyens qui auraient rendu des services signalés a leur patrie. Que ces lettres soient accordées, scellées et enregistrées gratis et avec tous les témoignages publics d’une distinction aussi précieuse. Elle demande, de plus, et principalement, que la noblesse qui sera conférée à des citoyens, pour des services signalés et connus généralement, à ceux qui se seraient distingués par des découvertes ou perfectionnements d’une industrie capitale pour la prospérité du royaume, ou qui auraient exercé pendant plusieurs générations, ou au moins pendant une longue suite d’années, le commerce le plus étendu, le plus avantageux pour l’accroissement des manufactures du royaume, que cette distinction de la noblesse ne soit conférée qu’à la condition que les chefs des-dites familles de commerce soient tenus de conserver leurs professions manufacturières et leurs relations commerciales, l’expérience n’ayant que trop appris qu’une des plus fâcheuses et vérita-blés causes du dépérissement des vrais principes du commerce, en France, et du commerce lui-? même, est l’abandon total de cette profession si recommandable, aussitôt qu’un père de famille ou ses enfants pensent être un peu au-dessus de la fortune de leurs égaux. Les correspondances étrangères et intérieures du commerce, perdues pour le royaume, par l’abandon rapide et successif de tant de maisons qui existaient si avantageusement pour la bonne opinion, le crédit et la solidité du commerce général de la France, ont privé et privent de jour en jour le royaume de l’un de ses plus fermes appuis, celui de ne plus errer en matière de commerce, et de conserver dans son sein les principes et les lumières le plus certaines, les fortunes le plus légitimement acquises, et des races vénérables qui partout ailleurs s’y consacrent et s’y conservent de siècle en siècle. Le commerce, exercé avec la bonne foi qui en est Pâme, est une profession trop honorable, pour que la noblesse ne saisisse pas avec empressement un moyen si naturel de conserver et d’augmenter sa fortune. Que les prérogatives attachées aux charges, si 296 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.J multipliées, de commensaux de la maison du Roi, soient abolies. Que la croix de Saint-Louis ne soit jamais que la récompense de services réels, rendus dans l’armée de terre ou de mer ; et que les anciens militaires soient assurés d’une subsistance honnête. Qu’il soit recommandé aux Etats provinciaux de s’occuper du sort des nobles sans fortune. Que les Etats généraux demandent l’exécution de l’article 267 de l’ordonnance de Blois, relatif à la réunion des places et grâces sur une même tête, et de l’article 271 de la même ordonnance, relatif aux gouvernements particuliers des villes et citadelles. Que Sa Majesté soit suppliée de ne plus donner de survivances : les enfants regardant les places de leur père comme un propre de famille, ne se donnent plus la peine de les mériter. Que toutes les punitions humiliantes, nommément les coups de plat de sabre, soient retranchées du nombre de celles qui peuvent être infligées aux soldats. Que les édits et règlements relatifs à la juridiction des maréchaux de France, soient exécutés, comme procurant à la noblesse un moyen prompt et facile d’arranger ses différends de toute espèce sans procédure et sans frais; que, conformément auxdites lois, le renvoi de tout gentilhomme devant ses juges ordinaires ne puisse lui être refusé. justice. — POLICE. Que la réforme promise tant dans le Code civil que dans le Code criminel, soit enfin exécutée ; et spécialement qu’il soit ordonné le plutôt possible : 1° Que l’instrution criminelle soit publique. 2° Qu’aucun juge ne puisse prononcer seul un décret de prise de corps contre un domicilié, ni entendre seul les dépositions des témoins. 3° Que les accusés aient un conseil. 4° Que la peine la plus grande qui puisse être encourue soit la privation de la vie, et que les douloureux supplices quin’auraient jamais dûêtre connus chez un peuple renommé par la douceur de ses mœurs, soient abolis à jamais. 5° Que la peine de la confiscation des biens soit abolie. Que les Etats généraux prennent en considération le sort des nègres de nos colonies. Que la compétence attribuée aux présidiaux par l’édit de 1774 soit rétablie , et que dans le cas où il aurait été interjeté appel quant à la compétence, les cours se bornent à prononcer sur elle, sans juger le fond de l’affaire. La noblesse désire que les Etats généraux s’occupent des moyens de supprimer la vénalité des charges, et de pourvoir à la diminution des frais de procédure et à la suppression des épices. Elle indique comme un des abus les plus dispendieux l’obligation d’expédier en parchemin les actes qui pourraient l’être sur papier. Que les Etats généraux avisent aux moyens de surveiller la manière dont se rend la justice dans toutes les parties du royaume et dans les colonies. Qu’ils s’occupent des moyens les plus prompts d’établir l’uniformité des poids et mesures dans-tout le royaume. Qu’ils demandent une augmentation dans les maréchaussées, qui sont évidemment insuffisantes, attendu le service que l’intérêt public exige. Qu’il soit remédié aux abus funestes qui résultent de l’impéritie des chirurgiens et des sages-femmes dans les provinces, et surtout dans les campagnes : qu’il ne soit fait aucune réception, ni des uns ni des autres, sans un examen rigoureux et public, par médecins et chirurgiens, en présence du juge royal. Que Ja liberté de la presse soit accordée, à la condition que tout homme qui fera imprimer, soit obligé de signer son manuscrit et de se faire connaître de l’imprimeur. Que les capitaineries soient supprimées : qu’il ne soit conservé autour des maisons qu’habite Sa Majesté que l’étendue précisément nécessaire à ses plaisirs personnels ; et que les règlements sur la chasse, qui gênent l’agriculture, soient abrogés. Que les lois cencernant le port d’armes soient exécutées. Que des moyens soient indiqués pour constater promptement et facilement le tort que fait le gibier, et qu’il soit ordonné que les propriétaires ou fermiers en soient complètement dédommagés. Que les bois et forêts contenant des bêtes fauves soient entourés aux dépens de ceux qui veulent les y conserver; et que ces bêtes fauves puissent être tuées sur le territoire des seigneurs où elles se rencontreront. Qu’il soit pourvu aux inconvénients qui résultent de la multiplicité des pigeons. Que les lettres d’état, de surséance et sauf-conduit, qui donnent aux débiteurs un moyen de se soustraire à la poursuite de leurs créanciers, et qui sont par là attentatoires à la propriété de ceux-ci, soient abolies. Que les seuls tribunaux uissent accorder du temps aux débiteurs de onne foi, et seulement lorsqu’il sera prouvé que l’intérêt bien entendu de leurs créanciers se trouve uni au leur, pour qu’ils obtiennent le délai qu’ils sollicitent. Que tous ceux qui ont des fonctions et emplois, de quelque état et condition qu’ils soient, y résident habituellement, et soient privés de leurs appointements en cas de négligence, sur la dénonciation des Etats provinciaux. Que les lettres patentes du 20 août 1786, concernant la taxe des droits des commissaires à terrier, soient abrogées, comme extrêmement onéreuses aux vassaux et censitaires; et qu’il soit fait un autre règlement sur la taxe des actes de foi et hommage, aveux et dénombrements. FINANCES. La noblesse regarde comme infiniment utile, et même comme nécessaire, que la première déclaration des Etats généraux soit « que la nation « ayant le droit de consentir les impôts, et n’en « existant aucun qui ne soit d’origine ou d’exten-« sion illégale, les Etats généraux les déclarent « tous supprimés de droit : et cependant, à cause « du temps nécessaire à l’assemblée pour créer « un ordre nouveau dans cette partie des affaires « nationales, et aussi afin d’éviter les inconvé-« nients qui résulteraient pour l’impôt futur d’une « suppression absolue de tous rapports entre les « contribuables et le fisc, les Etats généraux sta-« tuent provisoirement que tous les impôts actuels, « momentanément autorisés, continueront à être « payés, mais seulement pendant le cours de la « présente tenue, et non après ; voulant qu’alors '< il n’y ait d’autres contributions que celles qui « auront été établies par la présente assemblée « avant sa première séparation. » Elle pense qu’il serait utile que, dés le commencement de leur tenue, les Etats généraux nommassent trois comités: l’un pour l’examen le plus approfondi de tous les objets de recette, l’autre pour ceux de dépense, le troisième pour [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Bailliage de Beauvais.] 297 la connaissance la plus exacte de la dette. Et comme elle croit qu’aucun impôt ne doit être accordé que lorsque tous les moyens d’ordre et d'économie dans les dépenses et dans les grâces auront été épuisés, ces différents comités leur présenteraient les réflexions que leur aurait fait naître l’examen dont ils auraient été chargés. Elle désire que d’après cet examen et la détermination de la dette royale, les Etats généraux la déclarent dette nationale. Elle demande que les Etats généraux statuent que si jamais la perception d’aucun droit ou d’aucun impôt était tentée par delà le terme consenti par eux, tout homme qui voudrait le percevoir soit déclaré concussionnaire, et qu’il soit ordonné à tous les tribunaux de le poursuivre et de le traiter comme ennemi public : que si un ministre avait pu donner un conseil aussi perlide, il en soit responsable à la nation, et accusé par les Etats généraux. Elle pense que c’est une précaution sage et très-importante, que de statuer que l’intitulé de tous mandements d’impôts ou tarifs de droits, tant de ceux qui pourront être conservés, que de ceux qui pourront être établis, annonce en tête : DE PAR le ROI, Impôt ou droit consenti par les Etats généraux jusqu’en 17 ..... Elle croit infiniment utile que tous Français aient sans cesse sous les yeux cette vérité fondamentale, que les impôts ne peuvent être établis qu’avec le consentement de la nation. Que les Etats généraux pouvant seuls consentir les impôts et ouvrir des emprunts, et le cas de guerre exigeant cependant que des mesures soient prises à l’avance pour y pourvoir, les Etats généraux devraient, avant de se séparer, voter pour emprunt de 80 millions, en cas de guerre seulement, avec la condition expresse qu’un seul et même édit contiendra l’ouverture de l’emprunt et la convocation immédiate des Etats généraux, pour qu’ils puissent en déterminer le gage. Que la dette nationale soit répartie sur toutes les provinces. Que la répartition et le recouvrement des impôts directs appartiennent aux Etats provinciaux : qu’ils soient chargés de faire acquitter par leurs trésoriers les rentes perpétuelles et viagères qui leur auraient été assignées. Que les domaines de nos rois étant devenus insuffisants pour soutenir l’éclat du trône, il est nécessaire que les Etats généraux assignent, pendant la durée du règne du Roi, un revenu indépendant et libre, destiné à ses dépenses personnelles, bâtiments, etc., et aux dépenses de sa famille. La noblesse pense qu’il doit répondre à la majesté du trône et à la dignité de la nation, et suffire à remplacer les apanages des princes dont elle demande la suppression. Que les fonds assignés à chaque département, dans lesquels seront comprises toutes les grâces qui y sont relatives, soient tellement déterminés, qu’ils ne puissent être outre-passés sous aucun prétexte. Que le compte de la recette et de la dépense nationale soit rendu public tous les ans, ainsi que celui des grâces. Que la gabelle et les aides étant les impôts les plus onéreux et dont le recouvrement entraîne les abus les plus graves, la noblesse demande aux Etats généraux de s’occuper des moyens de les remplacer, ou du moins d’en diminuer les inconvénients et les malheurs. Que spécialement, et le plutôt possible, l’imposition connue dans quelques provinces sous le nom de gros manquant , vulgairement appelée trop bu, soit abolie, comme la plus vexatoire etlaplus contraire au droit naturel, surtout par la manière dont elle est perçue. Que la loterie, de tous les impôts le plus immoral, est la source de tant de désordres que la noblesse ne doute pas que les Etats généraux ne s’occupent d’y remédier. Que l’on mette à exécution le projet si nécessaire à l’avantage du royau me, de reculer les barrières aux frontières. Que les Etats généraux représentent à Sa Majesté, que l’emploi des troupes à la confection des chemins, serait très-avantageux, soit pour l’économie de temps et d’argent, soit pour le meilleur régime militaire, physique et moral ; et que les militaires les plus éclairés soient consultés sur cette question. COMMERCE. Le bailliage éprouve une grande diminution dans son commerce : ses manufactures de petite draperie, de toiles peintes et toiles blanches languissent ; et elles seront infailliblement détruites avant peu, si on ne fait cesser la cause de leur décadence. La noblesse présume que le traité de commerce avec l’Angleterre est très-désavantageux à la France ; et elle désire que les Etats généraux chargent un comité de l’examen de cette grande et importante question. La noblesse demande la suppression du droitde marque qui, établi sous le prétexte de protéger le commerce, est évidemment chez nous une des causes de sa langueur. L’expérience a prouvé combien l’établissement des haras a mal rempli son objet. Loin de multiplier l’espèce et d’embellir la race des chevaux, le nombre des élèves est évidemment diminué ; et il s’en faut de beaucoup que la beauté ait été une compensation à la diminution du nombre. La noblesse demande que les règlements qui assujettissent les laboureurs, sous peine d’amende, à conduire leurs juments aux étalons des haras, soient supprimés, et qu’on laisse la plus grande liberté à ceux qui sont intéressés à multiplier et embellir l’espèce de leurs chevaux. La noblesse termine ici les vœux qu’elle charge son député de porter aux Etats généraux. Elle sait qu’il ne faut pas espérer réformer tous les abus dans cette première assemblée nationale, et peu se qu’elle aura fait assez pour la patrie, lorsqu’elle aura posé les principes fondamentaux qui assureront infailliblement son bonheur et sa gloire. Fait et arrêté en la chambre d’honneur de l’hôtel de ville de Beauvais, en présence de tous messieurs de l’ordre de la noblesse, à Beauvais , le 11 mars 1789. Signés Berton desBalbes, comte de Crillon. Des-courtils. Blanchard de Changy. Descourtils de Baleu. Duranti-Lironcourt. Borel. De Regnon val de Rochy, Bourée de Gorberon. Borel de Bretisel, secrétaire. Extrait du procès-verbal des séances de l’assemblée de l’ordre de la noblesse du bailliage de Beauvais. Du samedi 14 mars 1789. En l’assemblée de l’ordre de la noblesse, tenue en la salle d’honneur de l’hôtel commun de la ville de Beauvais, et présidée par M. le comte de Crillon , grand bailli d’épée de ce bailliage, et où se sont trouvées toutes les personnes présentes à la séance du 10 de ce mois, à l’exception de M. A llou d’Hémécourt , Il a été procédé à la lecture du cahier projeté 298 [Étals gén. 1789. Cahiers. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] par MM. les commissaires, nommés par rassemblée du 10 de ce mois. Ledit cahier a été arrêté définitivement, et signé par M. le président, MM. les commissaires, à l'exception de M. le comte de Maupeou , qui a refusé de signer à cause de l’article dudit cahier concernant la forme d’opiner aux Etats généraux, pour être ledit cahier remis à M. le grand bailli, qui doit le remettre au député de l’ordre aux Etats généraux. Il a été ensuite procédé, parla voie du scrutin, à la nomination des membres de l’assemblée qui devaient être scrutateurs. Les billets de ce premier scrutin ont été déposés par tous les membres de l’assemblée successivement, dans un vase placé sur une table au devant du secrétaire de l’ordre, et la vérification en a été faite par ledit secrétaire, assisté de MM. de Combattit d’Auteuil , Dauvergne et Danse , les trois membres de l’assemblée plus anciens d’âge. MM. Descourtils de Mes-lemant , Blanchard de Changy et de Regnonval de Rochy ont été déclarés réunir le plus de voix, et en conséquence choisis pour scrutateurs. Lesdits scrutateurs ayant pris place devant le bureau, au milieu de la salle d’assemblée, ont déposé dans le vase, à ce préparé, leurs billets d’élection ; après quoi tous les électeurs sont venus pareillement déposer ostensiblement leurs billets dans ledit vase. Les électeurs ayant repris leurs places, les scrutateurs ont procédé d’abord au compte et recensement des billets , et leur nombre s’étant trouvé égal à celui des suffrages existants dans 1’assemblée, en comptant ceux qui résultaient des procurations, ils ont été ouverts ; et les voix ayant été vérifiées, par lesdits scrutateurs, ils ont' déclaré M. le comte de Grillon, grand bailli d'épée de ce bailliage , élu député de l’ordre aux Etats généraux, à la pluralité de 71 voix, contre 25 en faveur de M. Descourtils de Meslemont , et une en faveur de M. de Duranti de Liropcourt. M. Descourtils de Meslemont, qui avait réuni le plus de voix après M. de Grillon , a été unanimement élu et nommé pour remplacer le député ci-dessus nommé, en cas de mort ou de maladie grave. L’assemblée de la noblesse du bailliage de Beauvais donne pouvoir aux députés ci-dessus nommés, de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration , la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et chacun les sujets du Roi ; déclarant que sur tous les objets qui ne sont pas contenus ou limités dans le cahier, elle s’en rapporte aux vues patriotiques et au zèle de ses députés. Les mémoires et notes de MM. de Grillon, Des - courtils de Meslemont, de Duranty de Lironcourt , Bourré de Corberon, Blanchard de Changy , Chrétien , Michel de Goussainville, père et fils, et Danse, ont été remis aux députés de l’ordre, pour y avoir recours lorsque les questions qui y sont traitées seront agitées aux Etats généraux. Le secrétaire de l’ordre a été chargé de communiquer aux deux autres ordres du bailliage le cahier arrêté par l’ordre de la noblesse, et signé par les commissaires dudit ordre. Et sur la proposition de le faire imprimer, ainsi que le présent procès-verbal, il a été arrêté unanimement qu’il en serait imprimé un nombre suffisant d’exemplaires pour être distribués à tous les membres de l’assemblée. Ont signé: MM. le marquis de Garvoisin. De Ganongete de Cannecaude. De Nully d’Hécourt. Le chevalier Le Bastier. Le Caron. Le baron de Larchier de Cour* celles. De Combauld d’Àuteuils. Danse. Borel, commissaire. Gaudechard. Comte de la Vaquerie. Leclerc de Blicourt. Boisthierry. Bourré de Corberon, commissaire. Vicomte de Sarcus. Brestel d’Hiermont. De Personne de Songeons. Michel Vualon. Charles Leclerc, comte de Juigné, comme fondé de procuration. Le comte de Jaucourt, comme fondé de procuration. Danse de Froissy. Descourtils de Baleu, commissaire. De Mai. Chrétien de Lihus. Descourtils de Meslemont, commissaire. De Regnonval de Rochy, commissaire. Comte de Maupeou. Le Coulteux de Puy. Danse de Bois-quennoy. Le Coulteux de Provinlieu. Gaillard de Saint-Germain. D’HardivillersdeMonceaux. Evrard. Duranti-Lironcourt , commissaire. Duneveu de Vuambez. De Regnonval de Fabry. De Regnonval de Courcelles. De Louvigny. Blanchard de Changy, commissaire. Michel de Goussainville, père. Michel de Boissv. Dauvergne de Saint-Quentin. Gaze de Mery. Chevalier de Blois de Liours. Jacques Danse. Michel de Mazières. Michel de Laland relie. Isabeau. Chevalier d’Hiermont. De Regnonval. De Regnonval de Martel. Evrard de Vadancourt. DeLenglès. Berton des Balbes, comte de Crillon. Borel de Bretisel, secrétaire. MM. de Maupeou, de Couquault d’Àquevelon, de Quemy, de Pimodan, présents à l'assemblée, qui n’ont pas signé, étant partis avant ta rédaction du procès-verbal. Ont paru par leurs fondés de procuration: Monsieur, frère du Roi. Madame la duchesse de Fleury. Mademoiselle de Sully. Mademoiselle Paris de la Brosse. MM. le maréchal duc de Mou-chy. Le duc de Liancourt. Le comte d’Epinay Saint-Luc. DeBarentin. lie Bastier deRainvillers. Le Caron fils. Le Poreq. Danse de Boulaine. De Fremond de Charleval. De Fremond du Mazis. Andrieux. Madame de l’Epinay de Miviler. Borel de Bretisel. De Siry d?Aubourg. Madame de Mola* gnie. De Thesy. D’Aurillac. De Broë. Divery. Madame Michel-Vualon. De Réal. De Ganouvillë. De Cauzans. M»e Descourtils de Balleu. MUed’Hé-ronval. L’Advocat. M”16 de Roncières. Le Prestre de Jaucourt. Choart. De Gaudechard de Matan-court. De SaUdricourt. De Verigny. D’Ons-en-Bray. D’Hardivillier. Duneveu de Vüambez. CAHIER Des souhaits et doléances du tiers-état du bailliage de Beauvais à l'occasion de la convocation des Etats généraux à Versailles le 27 avril 1739 (1). Le tiers-état du bailliage de Beauvais, aussi soumis au Roi par l’amour que par le devoir, le supplie très-humblement d’agréer l’hommage de la respectueuse reconnaissance dont il est pénétré pour la convocation tant désirée des Etats généraux, qui lui font concevoir l’espérance de voir bientôt régénérer la France et rouvrir toutes les sources de la prospérité publique. Quelle occasion plus propre pour faire éclater co sentiment si vif qui embrase tous les cœurs fran* gais qu’une assemblée formée par la confiance de leur auguste souverain dans ses peuples! (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dc.i A rchives de l’Empire. 298 [Étals gén. 1789. Cahiers. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] par MM. les commissaires, nommés par rassemblée du 10 de ce mois. Ledit cahier a été arrêté définitivement, et signé par M. le président, MM. les commissaires, à l'exception de M. le comte de Maupeou , qui a refusé de signer à cause de l’article dudit cahier concernant la forme d’opiner aux Etats généraux, pour être ledit cahier remis à M. le grand bailli, qui doit le remettre au député de l’ordre aux Etats généraux. Il a été ensuite procédé, parla voie du scrutin, à la nomination des membres de l’assemblée qui devaient être scrutateurs. Les billets de ce premier scrutin ont été déposés par tous les membres de l’assemblée successivement, dans un vase placé sur une table au devant du secrétaire de l’ordre, et la vérification en a été faite par ledit secrétaire, assisté de MM. de Combattit d’Auteuil , Dauvergne et Danse , les trois membres de l’assemblée plus anciens d’âge. MM. Descourtils de Mes-lemant , Blanchard de Changy et de Regnonval de Rochy ont été déclarés réunir le plus de voix, et en conséquence choisis pour scrutateurs. Lesdits scrutateurs ayant pris place devant le bureau, au milieu de la salle d’assemblée, ont déposé dans le vase, à ce préparé, leurs billets d’élection ; après quoi tous les électeurs sont venus pareillement déposer ostensiblement leurs billets dans ledit vase. Les électeurs ayant repris leurs places, les scrutateurs ont procédé d’abord au compte et recensement des billets , et leur nombre s’étant trouvé égal à celui des suffrages existants dans 1’assemblée, en comptant ceux qui résultaient des procurations, ils ont été ouverts ; et les voix ayant été vérifiées, par lesdits scrutateurs, ils ont' déclaré M. le comte de Grillon, grand bailli d'épée de ce bailliage , élu député de l’ordre aux Etats généraux, à la pluralité de 71 voix, contre 25 en faveur de M. Descourtils de Meslemont , et une en faveur de M. de Duranti de Liropcourt. M. Descourtils de Meslemont, qui avait réuni le plus de voix après M. de Grillon , a été unanimement élu et nommé pour remplacer le député ci-dessus nommé, en cas de mort ou de maladie grave. L’assemblée de la noblesse du bailliage de Beauvais donne pouvoir aux députés ci-dessus nommés, de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration , la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et chacun les sujets du Roi ; déclarant que sur tous les objets qui ne sont pas contenus ou limités dans le cahier, elle s’en rapporte aux vues patriotiques et au zèle de ses députés. Les mémoires et notes de MM. de Grillon, Des - courtils de Meslemont, de Duranty de Lironcourt , Bourré de Corberon, Blanchard de Changy , Chrétien , Michel de Goussainville, père et fils, et Danse, ont été remis aux députés de l’ordre, pour y avoir recours lorsque les questions qui y sont traitées seront agitées aux Etats généraux. Le secrétaire de l’ordre a été chargé de communiquer aux deux autres ordres du bailliage le cahier arrêté par l’ordre de la noblesse, et signé par les commissaires dudit ordre. Et sur la proposition de le faire imprimer, ainsi que le présent procès-verbal, il a été arrêté unanimement qu’il en serait imprimé un nombre suffisant d’exemplaires pour être distribués à tous les membres de l’assemblée. Ont signé: MM. le marquis de Garvoisin. De Ganongete de Cannecaude. De Nully d’Hécourt. Le chevalier Le Bastier. Le Caron. Le baron de Larchier de Cour* celles. De Combauld d’Àuteuils. Danse. Borel, commissaire. Gaudechard. Comte de la Vaquerie. Leclerc de Blicourt. Boisthierry. Bourré de Corberon, commissaire. Vicomte de Sarcus. Brestel d’Hiermont. De Personne de Songeons. Michel Vualon. Charles Leclerc, comte de Juigné, comme fondé de procuration. Le comte de Jaucourt, comme fondé de procuration. Danse de Froissy. Descourtils de Baleu, commissaire. De Mai. Chrétien de Lihus. Descourtils de Meslemont, commissaire. De Regnonval de Rochy, commissaire. Comte de Maupeou. Le Coulteux de Puy. Danse de Bois-quennoy. Le Coulteux de Provinlieu. Gaillard de Saint-Germain. D’HardivillersdeMonceaux. Evrard. Duranti-Lironcourt , commissaire. Duneveu de Vuambez. De Regnonval de Fabry. De Regnonval de Courcelles. De Louvigny. Blanchard de Changy, commissaire. Michel de Goussainville, père. Michel de Boissv. Dauvergne de Saint-Quentin. Gaze de Mery. Chevalier de Blois de Liours. Jacques Danse. Michel de Mazières. Michel de Laland relie. Isabeau. Chevalier d’Hiermont. De Regnonval. De Regnonval de Martel. Evrard de Vadancourt. DeLenglès. Berton des Balbes, comte de Crillon. Borel de Bretisel, secrétaire. MM. de Maupeou, de Couquault d’Àquevelon, de Quemy, de Pimodan, présents à l'assemblée, qui n’ont pas signé, étant partis avant ta rédaction du procès-verbal. Ont paru par leurs fondés de procuration: Monsieur, frère du Roi. Madame la duchesse de Fleury. Mademoiselle de Sully. Mademoiselle Paris de la Brosse. MM. le maréchal duc de Mou-chy. Le duc de Liancourt. Le comte d’Epinay Saint-Luc. DeBarentin. lie Bastier deRainvillers. Le Caron fils. Le Poreq. Danse de Boulaine. De Fremond de Charleval. De Fremond du Mazis. Andrieux. Madame de l’Epinay de Miviler. Borel de Bretisel. De Siry d?Aubourg. Madame de Mola* gnie. De Thesy. D’Aurillac. De Broë. Divery. Madame Michel-Vualon. De Réal. De Ganouvillë. De Cauzans. M»e Descourtils de Balleu. MUed’Hé-ronval. L’Advocat. M”16 de Roncières. Le Prestre de Jaucourt. Choart. De Gaudechard de Matan-court. De SaUdricourt. De Verigny. D’Ons-en-Bray. D’Hardivillier. Duneveu de Vüambez. CAHIER Des souhaits et doléances du tiers-état du bailliage de Beauvais à l'occasion de la convocation des Etats généraux à Versailles le 27 avril 1739 (1). Le tiers-état du bailliage de Beauvais, aussi soumis au Roi par l’amour que par le devoir, le supplie très-humblement d’agréer l’hommage de la respectueuse reconnaissance dont il est pénétré pour la convocation tant désirée des Etats généraux, qui lui font concevoir l’espérance de voir bientôt régénérer la France et rouvrir toutes les sources de la prospérité publique. Quelle occasion plus propre pour faire éclater co sentiment si vif qui embrase tous les cœurs fran* gais qu’une assemblée formée par la confiance de leur auguste souverain dans ses peuples! (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dc.i A rchives de l’Empire. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 299 La proportion dans laquelle il a voulu que le tiers-état y parût est encore un nouveau bienfait que le tiers-état reçoit avec transport et qu’il méritera dans tous les temps par sa constante fidélité. Et puisque la tendresse paternelle de son souverain daigne promettre d’écouter favorablement ses avis sur tout ce qui peut intéresser le bien de ses peuples et de pourvoir sur les doléances et propositions qu’ils auraient faites, le tiers-état du bailliage de Beauvais va déposer dans son sein avec une confiance filiale ses souhaits, doléances et remontrances relativement aux impôts et pour l’établissement d’une règle invariable dans toutes les parties de l’administration et de l’ordre public, en classant tous les objets sous des titres particuliers pour éviter la confusion. Etats généraux. Les députés sont chargés de demander: 1° Que la loi qui ordonne que les représentants du tiers-état, seront en nombre égal aux représentants des deux autres ordres réunis, loi sanctionnée par le vœu du souverain et par celui de la nation, soit déclarée loi constitutionnelle de l’Etat. 2° Que les voix soient prises par tête et non par ordre, ou du moins qu’on soit obligé de recourir à cette forme toutes les fois qu’il n’y aura pas unanimité dans les trois ordres. 3° Que les Etats généraux s’occupent d’un règlement clair et précis sur tous les objets qui concernent la formation desdits Etats, pour qu’il ne reste aucune incertitude lors des convocations suivantes. 4° La nation, fatiguée d’une multitude de lois souvent opposées entre elles, désire n’être plus soumise à l’avenir qu’à celles qui seront établies dans les Etats généraux par le Roi et la nation, en qui seuls réside le pouvoir législatif. 5° Que les Etats généraux soient périodiques et à des époques très-rapprochées, et que si à l’époque déterminée ils n’étaient pas assemblés les impôts cessent de droit. 6° Que désormais il ne soit accordé aucune lettre de cachet que sur le vœu unanime des familles el d’après une information secrète. 7° Que dans toutes les provinces du royaume il soit établi des Etats provinciaux dont la forme et les pouvoirs seront déterminés par les Etats généraux. 8° Que le Roi veuille bien concerter avec les Etats généraux les moyens les plus efficaces de prévenir à jamais les crises qui ont agité son règne et les règnes précédents par le conflit de l’autorité royale avec les cours souveraines ; de ce conflit ont résulté des maux innombrables dans toutes les parties de l’administration. 9° Que le tableau des réformes à faire dans tous les genres soit mis sous les yeux du Roi et des Etats généraux, et qu’il soit ordonné qu’aucune délibération relative auximpôts ne soit prise, qu’au préalable il n’ait été statué sur les souhaits et doléances du peuple. Religion. Clergé. La religion est sans contredit l’objet le plus intéressant pour le bien public. Tous les politiques ont reconnu son influence sur le bonheur de la société. Ils ont dit qu’un peuple sans religion est bientôt un peuple sans mœurs, et qu’un peuple sans mœurs est bientôt un peuple sans lois; il est donc indispensable de faire exécuter les règlements et ordonnances qui tendent à rendre ses ministres plus utiles et plus respectables. En conséquence, les députés sont chargés de demander : Art. 1er. Que les dignités ecclésiastiques nesoient pas affectées seulement à la naissance, mais surtout à la science et à la vertu. Art.2.QueIes ordonnances d’Orléans, deBlois, de Melun, les arrêts et règlements de la cour sur le fait de la résidence soient exécutés selon leur forme et teneur. Art. 3. Qu’il soit interdit aux communautés et ordres religieux de recevoir aucune émission de vœu avant l’âge de vingt-cinq ans. Art. 4. Qu’un règlement fasse cesser la disproportion énorme qui se trouve entre le clergé du premier ordre et le clergé du second ordre, et procure aux curés, vicaires et autres desservants des paroisses un revenu suffisant pour les mettre à portée de soutenir la dignité de leur Etat, de venir au secours des pauvres, et qu’il leur soit fait défense d’exiger aucune rétribution pour baptême, enterrement et autres casuels forcés. Art. 5. Pour remplir cet objet il paraît à propos de supprimer les abbayes en coinmendes et prieurés dont les revenus seraient destinés à améliorer le sort des curés, vicaires et desservants ; partie de ces mêmes revenus pourraient être employés à fonder des bureaux et des écoles de charité et à doter des collèges qui, comme celui de Beauvais, n’auraient qu’un revenu insuffisant. Art. 6. Une infinité de maisons et de communautés religieuses qui jouissent de revenus considérables, se trouvant réduites à un très-petit nombre de sujets, demandent qu’elles soient supprimées et réunies aux autres maisons de leur ordre, lesquelles ne pourront être à l’avenir composées de moins de douze religieux ; que sur les revenus des maisons supprimées il soit accordé à chacun desdits religieux jusqu’à concurrence de 1,500 francs de rente, tant pour leur nourriture et entretien que pour les réparations des maisons dans lesquelles ils seront réunis; que les maisons vacantes ainsi que le surplus de leurs revenus aient la meme destination que celle désignée en l’article précédent. Art. 7. Que des religieux ne soient plus exposés à voir leur caractère avili par des quêtes humiliantes; qu’en conséquence il leur soit procuré une subsistance honnête. Art. 8. Qu’il soit fait défense aux collateurs de bénéfices qui ne sont point à charge d’âmes d’en pourvoir d’autres que des ecclésiastiques qui seront rendus utiles par leurs travaux, principalement dans le diocèse. Art. 9. Demander la réduction dans les chapitres de collégiales, comme étant le moyen le plus facile de procurer à chacun des chanoines un revenu suffisant. Art. 10. Abolir le concordat qui enlèyejourneJ-lement à la France des sommes considérables et faire revivre la Pragmatique-Sanction, ce règlement si précieux, monument de la sagesse de saint Louis, et qu’une des assemblées les plus célèbres du royaume a arrêté d’après les canons autorisés et la plus saine discipline. Art. 11. Que les évêques soient engagés à supprimer toutes les fêtes, excepté celles des mystères, de l’Assomption et un petit nombre d’autres. Législation , justice, police. La justice et les lois sont le maintien des Etats. Il n’est point de bonne justice si elle n’est briéve, et l’un des moyens les plus sûrs pour atteindre 300 [États gén. 1789. Cahiers»] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] ce but important, est que les lois soient claires, précises, et multipliées le moins possible ; de la multiplicité des lois naissent les désordres et des abus même involontaires; c’est ce qui fait désirer depuis si longtemps la réunion en un seul code de toutes ces coutumes, lois et ordonnances dont la foule innombrable a fait de la législation française une espèce de chaos. Mais inutilement s’oc-cuperait-on de faire de bonnes lois si l’on ne s’occupait également du soin de faire de bons juges, des juges éclairés et intègres qui, guidés par l’honneur, n’aient envie d’autre récompense que l’honneur même; en conséquence les députés sont chargés de demander : Art. 1er. Que toutes les coutumes soient réduites à l’unité; qqe toutes les ordonnances, édits, règlements, qui feront jugés devoir être conservés, soient rassemblés en un seul code, à l’effet de quoi Sa Majesté 'sera suppliée de nommer incessamment des commissaires, lesquels seront tenus de prendre les avis des cours, bailliages et sénéchaussées. Art. 2. Qu’en attendant cet ouvrage depuis longtemps désiré, il soit procédé à la révision des ordonnances de 1667 et 1670. Art. 3. Que les justices de dernier ressort soient plus rapprochées des justiciables. Art. 4. Dans le cas où Sa Majesté ne se déterminerait pas, quant à présent, à' faire revivre l’ordonnance du 8 mai 1788, dont l’exécution n’a été que suspendue, qu’il lui plaise, pour le bien de son peuple , révoquer l’édit de 1777, concernant les présidiaux et augmenter les pouvoirs qui leur ont été attribués par celui de 1774, jusqu’à la somme de 8,000 francs, sans que les parties soient tenues de prendre des jugements de compétence. Art. 5. Donner aux bailliages et sénéchaussées, aux élections et maréchaussées un même territoire fixe et constant qui soit déterminé par une distance quelconque du chef-lieu. Clermont, en Beauvoisis, s’étend dans le bailliage de Beauvais par portions de mouvances souvent très-petites et jusqu’à proximité d’Amiens et de Gournay, c’est-à-dire dix à douze lieues; de là incertitude pour la compétence, pour les lettres de ratifications, pour l’insinuation des actes, occasion perpétuelle de conflits, de procès, et impunité de grands crimes. Art. 6. Que les cas royaux soient déterminés précisément, afin qu’il y ait moins de matières à conflit. Art. 7. Que les committimus soient, sinon supprimés, du moins restreints; que les privilèges d’évocation dont jouissent certains ordres religieux soient abolis, le droit de révocation prétendu par les bourgeois de Paris limité aux actions pures personnelles, les attributions du sceau du Châtelet de Paris bornées à son ressort, et que le droit de suite exercé par les commissaires audit Châtelet soit supprimé comme ruineux pour les parties. Art. 8. Que dans le cas où Sa Majesté ne se déterminerait pas à supprimer tous les tribunaux d’attributions, toutes les contestations relatives aux droits du Roi, même aux droits subsistants en ferme ou en régie, soient portées directement dans les élections et par appel à la cour des aides, et que toutes attributions aux intendants soient abolies. Art. 9. Qu’il soit fait défense aux officiers des tribunaux qui auront la connaissance de ces matières de recevoir des régisseurs ou fermiers, à titre de gratification annuelle ou sous telle autre dénomination que ce puisse être, aucuns présents soit en argent, soit de toute autre manière. Art. 10. Que le Roi veuille bien prendre en considération les abus énormes qui se sont introduits dans les écoles de droit, et notamment la trop grande facilité avec laquelle on reçoit les sujets qui s’y présentent ; qu’en conséquence il soit formé un nouveau plan ddtudes. Art. 11. Que nul ne soit admis au serment d’avocat et n’en puisse prendre le titre qu’il n’ait fait dans les cours, bailliages et sénéchaussées royales un stage de deux ans. Art. 12. Pour procurer aux tribunaux des juges capables, que nul ne puisse être reçu juge d’aucune cour, siège présidial, bailliage ou sénéchaussée royale qu’il n’ait exercé la profession d’avocat pendant quatre ans depuis son admission au serment. Art. 13. Qu’il soit fait défense aux seigneurs ayant justice de prendre pour juges d’autres que des avocats, notaires, ou des procureurs, qui auront exercé pendant quatre ans près d’un siège royal, comme aussi de pourvoir à ladite qualité, ou même sous celle de procureurs fiscaux, leurs agents, intendants ou autres personnes qui leur seront attachées. Art. 14. Que la vénalité des charges soit interdite, les vacations et épices supprimées; que cependant, pour encourager les juges des tribunaux ci-dessus désignés et exciter leur émulation dans une étude aussi pénible que celle des lois, le Roi veuille bien, après vingt-cinq ans d’exercice, leur accorder une marque personnelle d’honneur. Art. 15. Qu’aucun juge royal ou seigneurial ne puisse être destitué ad nutum , mais seulement pour cause de -forfaiture et après que le procès lui aura été fait, et ce, nonobstant toutes clauses contraires insérées dans leurs provisions. Art. 16. Maintenir les ordonnances qui enjoignent aux magistrats de faire eux-mêmes leurs extraits et défendre sous les peines les plus rigoureuses aux secrétaires de rien toucher des parties. Art. 17. Que la durée des procès soit déterminée et ne puisse excéder le laps d’une année, à moins qu’il ne survienne d’incidents sérieux. Art. 18. Que les expéditions des sentences soient toutes en papier timbré et non en parchemin, qui coûte 25 francs la feuille et prête à la falsification ; que le droit de scel et émoluments, 8 sols pour livre, soient au moins diminués; avec le parchemin ils excèdent le double du prix des sentences; que les grosses de greffes et celles des procureurs, très-coûteuses aux parties, soient proscrites ou considérablement réduites par un nouveau règlement. Art. 19. Qu’il y ait un noviciat et un examen préalable devant le; siège royal pour les notaires des villes et des campagnes, comme il y en a un pour les procureurs. Art. 20. Qu’aucun notaire ne puisse être en même temps contrôleur des actes, les fonctions de ces deux états ayant été déclarées incompatibles par divers arrêts et règlements des cours. Art. 21. Qu’il soit fait une taxe pour les grosses et les expéditions des actes notariés, à laquelle les notaires et tabellions seront tenus de se conformer, et qu’ils soient tenus d’expédier et gros-soyer leurs actes en papier. Art. 22. Pour prévenir les suites fâcheuses de l’infidélité des huissiers qui se permettent de souffler les exploits, qu’il leur soit enjoint de faire vérifier et parapher les originaux desdits exploits par le juge des lieux dans le ressort duquel ils 301 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] instrumenteront, en l’absence du juge, par le syndic, et en l’absence de ce dernier, par le curé ou vicaire, le tout sans frais. Art. 23. Supprimer les offices de jurés priseurs, dont les fonctions sont inutiles, et les droits absolument onéreux au public, surtout aux gens de la campagnes, par les transports et vacations, qu’ils font payer à grands frais ; supprimer par la même raison les 4 deniers pour livre du prix des ventes mobilières ; supprimer aussi les offices des jurés-crieurs publics. Art. 24. Que les concierges et geôliers des prisons, tant royales que seigneuriales, soient suffisamment gagés pour n’être pas exposés à exiger des droits de gîte et geôlage au delà des ordonnances et règlements. Qu’il soit ordonné qu’on ne pourra prononcer contrainte par corps que pour une somme de 60 à 100 francs de principal, sans préjudice aux usages des foires. Art. 25. Demander la révision des anciennes ordonnances concernant les saisies réelles et ventes des immeubles par décret forcé, et l’établissement d’une procédure simple pour y parvenir, ainsi que pour effectuer la distribution du prix de ces immeubles, ce qui est d’autant plus facile que les lettres de ratification suppléent déjà à d’anciennes formalités devenues aujourd'hui inutiles. Art. 26. Que le délai de deux mois accordé par l’édit de 1771 pour payer les hypothèques soit étendu à quatre mois, que la publication des contrats se fasse au moins deux fois dans la situation des fonds aux portes des églises, issues des messes paroissiales, et qu’il soit observé un mois d’intervalle entre chaque publication. Art. 27. Que les formalités minutieuses des retraits lignagers soient abolies, que la procédure s’y observe comme pour toutes les autres affaires, sans déchéance, et que la faculté de retraire soit limitée en ligne collatérale aux parents au quatrième degré. Art. 28. Révoquer les lettres patentes du 20 août 1786, pour la taxe des commissaires à terrier, comme très-onéreuse au public; ordonner que la taxe pour les déclarations censuelles, aveux et dénombrements sera fixée, quant à la minute, à 30 francs pour le premier article, y compris l’intitulé et l’affirmation, et à 5 francs pour les autres articles, non compris papier et contrôle, et quant aux expéditions, moitié de ladite taxe. Art. 29. En attendant le nouveau code criminel, ordonner par provision que la déclaration du 1er mai 1788 soit exécutée, en sorte néanmoins que la prononciation ne soit faite au condamné qu’après avoir reçu de M. le chancelier ou garde des sceaux la réponse sur le compte qui lui aura été rendu, conformément à l’article 5. Art. 30. Donner aux accusés un défenseur public, lequel, nommé chaque année par l’ordre des avocats de chaque bailliage pour son arrondissement, prêtera gratuitement son ministère. Art. 31. Que toutes les instructions criminelles se fassent par deux juges, qu’il en soit de même pour les décrets d’ajournement personnel et de prise de corps contre les domiciliés. Art. 32. Qu’on détermine d’une manière claire et précise la peine applicable à chaque espèce de délit, de sorte qu’à cet égard, il ne soit rien laissé à l’arbitraire, et que le coupable soit condamné non par l’homme, mais par la loi. Art. '33. Ordonner que tous arrêts intervenus sur l’appel de sentences de bailliages et sénéchaussées en matière criminelle, seront envoyés par les procureurs généraux à leurs substituts sur les lieux. Art. 34. La suppression de part est très-souvent l’effet de la honte qui empêche les filles ou veuves enceintes de faire aux juges la déclaration ordonnée par l’édit de Henri II. Pour remédier au mal, que les chirurgiens ou sages-femmes chez lesquelles elles se seraient retirées pour y passer le temps de leur grossesse, soient autorisés à faire les déclarations qui seront jugées nécessaires. Art. 35. Que lesdits chirurgiens ou sages-femmes soient tenus de représenter aux juges qui auront reçu leur déclaration l’extrait de baptême de l’enfant né de l’accouchement secret, et de leur rendre compte de la destination dudit enfant. Art. 36. Les députés observeront aux Etats généraux que quelques cahiers particuliers, tant des corporations de la ville que des campagnes, présentent des vœux opposés sur plusieurs objets : 1° Sur les tribunaux d’exception, la suppression en est demandée par diverses corporations, la conservation par ces tribunaux eux-mêines. 2° Sur les justices seigneuriales, des communautés de campagne en sollicitent la conservation et même qu’elles iugent sans appel jusqu’à une certaine somme; dbutres corporations votent pour la suppression de ces justices, d’autres encore pour qu’elles soient restreintes aux cas féodaux et à ceux requérant célérité. 3° Le présidial réclame la prévention absolue en faveur des juges royaux, tant au civil qu’au criminel, et plusieurs communautés demandent qu’il n’v ait plus à l’avenir sur le fait de la justice que deux degrés de juridiction. 4° Le présidial réclame encore la police de la ville qui est exercée par les officiers de la pairie; d’un autre côté, les officiers municipaux demandent qu’elle leur soit attribuée, aux offres d’indemniser l’évêque de Beauvais. Quelques corporations de la ville forment le même vœu que le corps municipal. 5° Les notaires royaux aux résidences des campagnes, et plusieurs communautés demandent que lesdits notaires soient rétablis dans le droit d’actes dans toute l’étendue des bailliages dans lesquels ils sont immatriculés, le chef-lieu excepté. Les notaires de la ville veulent que ceux à la résidence des campagnes ne puissent acter hors des lieux de leur collocation. Le Roi et les Etats généraux sont invités à peser dans leur sagesse ces diverses réclamations et de se faire remettre des mémoires des parties intéressées relatifs à ces divers objets. Administration des finances , dettes de VEtat. Le monarque ne dissimule pas les embarras dans lesquels il se trouve relativement à l’état des finances. Un déficit effrayant est annoncé ; mais il est de la dignité de la nation française, sur laquelle l’Europe attentive fixe ses regards, de soutenir la réputation de générosité qui l’a caractérisée dans tous les temps, et de montrer dans un besoin aussi pressant et son énergie et ses ressources. En conséquence : 1° La dette de l’Etat doit être constatée et reconnue ; 2° Le Roi supplié de déclarer, que par la suite, nulle dette pour cause d’emprunt ne pourra être 302 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] regardée comme dette de l’Etat qu’autant que l’emprunt aura été autorisé par la nation. 3° Les moyens d’acquitter cette dette laissés à la sagesse des Etats généraux. 4° Leur indiquer cependant les revenus des abbayes en commende vacantes, la retenue des pensions sur les riches bénéfices, les biens des communautés religieuses supprimées, parce qu’il s’y trouve peu de sujets, comme des moyens propres à aider à remplir l’objet, préférables aux impôts. 5° Le Roi sera supplié, pour parvenir à cette fin, de restreindre l’étendue des dons et pensions donnés à des personnes déjà favorisées de la fortune, et de n’accorder dans la suite ces grâces qu’à ceux qui les auront méritées par de grands services et que la modicité de leur fortune mettra dans la nécessité de les recevoir; et pour éviter le cumul de ces pensions sur une même tête, elles seront toutes indistinctement insérées dans un seul et même contrôle; diminuer aussi le traitement des gouvernements et des grandes charges peu utiles. 6° Que le compte de la dette nationale soit rendu public tous les ans, ainsi que celui des grâces. 7° Quelque moyen qile l’on adopte, qu’il soit établi une caisse d’amortissement pour éteindre les capitaux des dettes, caisse qui se trouvera naturellement fondée par l’extinction graduelle et successive des rentes viagères et par les autres fonds que les Etats croiront devoir lui attribuer. 8° Le Roi et les Etats généraux seront invités à retirer les biens du domaine des mains des en gagistes qui les ont acquis à vil prix, et de les vendre, ainsi que les domaines actuels, à la chaleur des enchères, pour le prix en être employé à la liquidation des dettes de l’Etat. 9° Que les dettes du clergé ne soient pas réputées dettes nationales, attendu qu’elles n’ont été contractées que pour représenter l’impôt qu’il a dû supporter, comme membre obligé de l’Etat ; que, pour remplir cette dette, il ne soit fait aucun prélèvement sur le produit des impositions qui auront lieu en conséquence d’une contribution égale entre les trois ordres. 10° Que les fonds destinés à chaque département, aux dépenses de la maison du Roi et de celles des princes, soient fixés invariablement. 11° Que les ministres soient responsables à la nation de leur mauvaise administration, des infidélités, abus de pouvoir, diversion ou mauvais emploi des fonds qui seront assignés à leurs départements 12° Que Sa Majesté sera suppliée de supprimer absolument les bons et acquits comptant. 13° Sa Majesté voudra bien consommer les réformes que sa justice et sa tendresse paternelle lui ont fait entreprendre et supprimer entièrement toutes les dépenses qui ne sont pas essentielles à la splendeur du trône. C’est après ces réformes arrêtées et ces bonifications faites que les Etats généraux s’occuperont des subsides à accorder pour le service de l’Etat et pour l’acquit de ses charges. IMPÔTS Il n’est aucun Français qui ne sente le besoin de secourir l’Etat et de lui faire les sacrifices qu’exige la situation présente des affaires. Le clergé , la noblesse et le tiers-état, semblent se disputer l’honneur de remédier à ses maux. Déjà, dans la dernière assemblée des notables, le clergé et là noblesse ont annoncé les dispositions dans lesquelles sont ces deux ordres de renoncer à leurs privilèges pécuniaires. Le tiers-état sent tout le prix de cette concorde et est disposé à tout ce qu’exigera l’honneur national. Mais les forces du peuple français, affaiblies par des sacrifices anciens et prolongés , et par nombre de causes dont le détail serait ici superflu, ne répondent peut-être pas à son zèle et à son amour pour son Roi, en offrant aujourd’hui des ressources, il est obligé de les combiner avec les offres des deux premiers ordres, et de chercher à les proportionner à ses moyens et à ses forces. Dans ces circonstances, le tiers-état du bailliage de Beauvais croit pouvoir demander d’abord la suppression de tous les impôts, qui seraient remplacés par des impositions, l’une foncière, l’autre personnelle, l’une et l’autre payées également et individuellement par les trois ordres de 1 Etat et sur un seul et même rôle. L’assiette de l’impôt foncier n’entraîne pas les difficultés que l’expérience du passé semble devoir faire craiudre; un arpentage à l’amiable, un classement des terres proportionné à leur valeur et au débouché pour les ventes des denrées paraissent devoir être la seule base de l’opération : uile fois faite, l’impôt, abonné par les Etats provinciaux, s’assied de lui-même, et sur les provinces, et sur les paroisses, et sur les contribuables. Get impôt est presque généralement désiré; les fonds qui en proviendraient seraient versés dansla caisse des Etats provinciaux, et les receveurs généraux et particuliers des finances étant supprimés, les fonds arriveraient sans frais et directement au trésor royal et couperaient la racine de ces emprunts onéreux et de ces anticipations mineuses qui accablent aujourd’hui l’Etat. L’imposition personnelle consisterait en üue capitation sur tous tes sujets de l’Etat divisés en différentes classes fixées sur leurs facultés reconnues ou appréciées süivant l’opinion publique. Le tableaü de ces différentes classes, affiché ei dans la salie d’assemblée du département, et dans la salle de l’hôtel commun des villes, et dans le lieu d’assemblée de chaque municipalité, serait vu et jugé par chaque contribuable, qui deviendrait lui-même le témoin et l’arbitre de la justice et de l’égalité de l’imposition. On ose croire que ces deux impôts suffiraient, avec les réformes dans les dépenses et avec les bonifications dans les recettes, pour satisfaire aux charges et aux besoins de l’Etat. Mais dans la supposition où cette nouvelle forme entraînerait des longueurs préjudiciables, et dans le cas où on jugerait nécessaire de conserver encore quelque temps les impôts subsistant aujourd’hui, on demande que les Etats généraux s’occupent de la réforme des abus qui se sont glissés dans la répartition et la levée des impôts de tous les genres : l’exposé seul de ces abus doit entraîner leur réformation, et il suffira d’entrer dans quelques détails pour faire prononcer les réformes urgentes dont ils sont susceptibles. Taille et accessoires. Si les impôts sont onéreux ils ne doivent pas être avilissants, et tel est le caractère de là taille. Les Etats généraux sont invités à demander sa suppression, et en attendant qu’il soit possible de l’effectuer, du moins d’en diminuer les abus. Un des abus les plus révoltants de la taille ëst le double emploi ou la double impôsition des mêmes terrains ; alors cet impôt est un vrai scandale, un fléau destructeur. Le contribuable est forcé d’acquitter les deux cotes détaillé, au moins [États gén. Ï789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 303 en partie, avant d’être admis à se pourvoir, et il ne lui reste d'autre ressource que l’espoir peu certain d’une réimposition sur la paroisse, laquelle réimposition a toujours été infiniment difficile à obtenir. Les Etats généraux sont invités à remédier incessamment à cet abus, ainsi qu’aux inconvénients qui résultent des limites mai connues tant des paroisses de la campagne que des limites mal distinguées des territoires des villes, qui exposent le contribuable à payer tout à la fois et la taille et le tarif. Cet abus est d’autant plus révoltant qU’il expose le cultivateur domicilié dans la banlieue d’une ville tarifée à des visites et des recherches dans ses granges et à des évaluations toujours arbitraires du nombre des gerbes qu’il a récoltées, soit dans le territoire des villes, soit dans le plat pays. Un autre abus de la taille, c’est la trop forte estimation des terres et le classement porté au-dessus de sa vraie valeur, surtout dans la généralité de Paris. Ort peut dire, sans crainte d’être démenti, que cet excès dans les classements est un mal commun à toute celte province, qu’il y a de plus à se plaindre de la légèreté avec laquelle a été faite l’opération de l’arpentage. Nombre de communautés se plaignent qu’on n’a déduit ni chemins ni lavris; d’autres prouvent qu’à peine on a déduit la quarantième ou cinquantième partie, de manière qu’elles payent la taille pour des chemins et des lavris incultes comme pour leurs bonnes terres. On demande unanimement la révision de ces arpentages et de ces classements et de leurs taux, que l’estimation des fonds soit faite relativement non à la valeur physique, mais relativement à la valeur morale, toutes charges foncières déduites. Si la taille foncière, à laquelle on a voulu donner le nom de taille réelle, a entraîné des abus si accablants, de quels maux n’a pas été suivie la taille purement personnelle et l’imposition arbitraire de la taille industrielle! Un journalier, un manouvrier est imposé pour deux journées de ses bras, et l’évaluation de ces deux journées n’a aucune base, aucun principe fixe. On demande donc que l’on abroge d’abord la taille sur les chaumières, comme faisant un double emploi avec lé fonds sur lequel elles sont assises, et secondement la taille d’industrie, autre que celle sur exploitations, les professions, métiers, ou commerce, taille néanmoins qui doit être successivement abolie. Capitation. Lorsqu’à la fin du siècle dernier le gouvernement eut recours à l’imposition appelée capitation, il voulut que cet impôt frappât sur toutes les tètes et que personne n’en fût exempt ; les princes du sang, le Dauphin même y furent assujettis : c’est un impôt commun aux trois ordres. On croirait qu’un impôt commun aux trois ordres comme à tous les sujets est perçu d’après une règle et une base commune et que tous les contribuables le payent dans une proportion avec leurs facultés présumées; cependant cet impôt affecte bien différemment les trois ordres; le clergé s’en est racheté. On ne perçoit plus la capitation que sur la noblesse et le tiers-état, et dans des proportions bien différentes. Dans cette généralité la capitation des nobles est au quatre-vingtième de leurs facultés, et elle est portée sur un rôle particulier ; celle des privilégiés est au quarantième et sur le même rôle, celle des habitants des villes est au trentième, et quant à celle des taillables, elle s’assied au marc la livre de la taille et, par conséquent, participe aux mêmes abus qui rendent la taille si onéreuse. Un des plus grands abus de cet impôt est que la somme imposée sur les villes et campagnes ne diminue point lorsque les particuliers les plus riches achètent des charges, pour lesquelles l’impôt se paye à leurs corps, de sorte que leur cote vient accroître celle des autres citoyens et aggraver leur fardeau. Les remèdes à cet abus seraient : 1° Que la capitation fut imposée sur toutes les têtes des trois ordres indistinctement dans une même proportion et sur un seul et même rôle , 2° Que les pourvus de charges, ies militaires et autres soient assujettis au rôle commun de la capitation eu égard à leurs facultés ; 3° Que l’assiette de la capitation soit faite en présence des députés de toutes les corporations ; 4° Que le rôle ae la capitation, divisé par classes dont chacune contiendra les noms de ceux qui seront imposés au même taux, sera exposé dans un lieu public, où il sera discuté par les citoyens : c’est le seul moyen d’approcher d’une répartition juste et proportionnelle. Vingtièmes. Un impôt ne peut être qu’injuste toutes les fois qu’il n’a pas une base certaine et qu’il est livré à l’arbitraire : c’est le vice radical des vingtièmes. Trop souvent un étranger, dépourvu des connaissances nécessaires, les fixe à son gré, sans aucun égard aux valeurs réelles, toujours proportionnées aux localités. Si cet impôt continue à être perçu, demander qu’il soit réparti d’une manière plus juste, plus égale et surtout d’après des estimations faites par des experts. Il est une autre branche de cet impôt : c’est ce qu’on appelle vingtièmes des offices et droits, impôt variable, indéterminé, arbitraire, qui ne repose ni sur une base fixe ni sur aucune loi constante. On voit frapper tantôt l’un, tantôt l’autre, et toujours avec une inégalité révoltante. Ce ne sont pas seulement les pourvus d’offices qui y sont assujettis ; on a imposé à cette taxe de simples pourvus de commissions de seigneurs, même des avocats, même encore des postulants et des sergents qui n’exercent qu’en vertu de simples permissions de juges seigneuriaux. On en peut dire autant du vingtième d’industrie dont le moindre vice est l’arbitraire le plus accablant. Demander la suppression absolue de ces deux sortes de vingtièmes. Mais dans le cas où les circonstances ne permettraient pas de supprimer, dès à présent, la taille et ses accessoires, la capitation et les vingtièmes, demander que le clergé et la noblesse soient soumis dès le moment à payer ces impôts. DES AIDES, Droits de marque sur les matières d'or et d'argent, cuirs etc., etc. Les droits d’aides sont de tous les impôts celui qui révolte le plus la nation : les objets sur lesquels il frappe, sa perception dispendieuse, les vexations qu’il autorise, l’excessive multiplicité des règlements, presque toujours ignorés, ne justifient que trop ce cri universel. La nomenclature seule des droits compris sous le nom d’aides exigerait une étude aussi longue que fastidieuse : ils sont si barbares, si compli- 304 [Élats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] qués, qu’ils sont toujours inconnus aux contribuables, que cette ignorance porte à croire qu’on les perçoit d’une manière purement arbitraire. Une armée de commis dévorent une partie de l’impôt qu’ils perçoivent; leur avidité est excitée par l’espoir des récompenses et par le partage des amendes ou des accommodements auxquels le citoyen honnête se trouve contraint d’accéder pour de prétendues contraventions inévitables en elles-mêmes et qui sont cependant poursuivies comme des fraudes. Un excès encore plus révoltant doit être déféré à la nation ; c’est l’impunité assurée aux commis lorsqu’ils ont blessé et même tué les malheureux qu’ils supposent en contravention. Le tableau des maux auxquels la perception des droits d’aides expose le citoyen le plus paisible serait trop révoltant ; il suffit de les déférer aux Etats généraux en leur indiquant les remèdes que l’on croit les meilleurs. La suppression totale et absolue des droits d’aides serait, sans contredit, le plus désiré par la nation ; mais si les circonstances ne permettent pas pour le moment cette suppression, les Etats généraux sont invités de demander : 1° Que les règlements multipliés qui concernènt les aides soient compris en une seule ordonnance bien précise et bien claire, et que tous les différents droits d’aides soient réduits à un seul. 2° De demander la suppression absolue des perceptions les plus criantes ; condamner à un oubli éternel jusqunu nom de gros manquant, vulgairement trop bu, droit qui ne se perçoit que sur les boissons que le cultivateur a conservées comme une ressource pour les années stériles, et dont le recouvrement n’ayant lieu que plusieurs années après celle de la récolte rend Dévaluation aussi injuste qu’arbitraire et forcée. Ce droit est d’autant plus pénible qu’il ne s’exerce que sur quelques-unes des provinces du royaume ; semblable en cela dans sa rigueur à l’impôt appelé droits de subvention, droits inconnus dans la majeure partie des provinces, et qui, par une fatalité inconcevable, ne mettent pas à l’abri du trop bu ceux qui sont assujettis à la subvention. 3° Et dans le cas imprévu où ces droits ne seraient point supprimés, régler que tout cultivateur, d’une année à une autre, puisse conserver les boissons nécessaires à sa consommation, sans être tenu d’en payer les droits ; que le préciput de 4 muids de vin ou de 8 muids de cidre accordé à chaque ménage soit augmenté lorsque les pères de familles auront plus de quatre enfants ; que le même préciput accordé aux laboureurs pour chaque charrue s’étende aussi à chaque cultivateur dont l’exploitation principale est en nature d’herbages, prés, dîmes, moulins et autres usines, attendu qu’ils sont forcés d’employer et de nourrir un nombre considérable de journaliers. 4° De demander la suppression du droit appelé don gratuit et octrois ; ce droit, établi dans les bourgs et dans quelques villages, ne peut être regardé que comme un double emploi avec la taille. 5° Proscrire l’usage d’exiger des droits sur quelques seaux d’eau jetés sur des marcs desséchés, proscrire aussi la nécessité du congé de transport du pressoir à un hameau de la même paroisse; que les commis à la perception des aides nepuis-sent évaluer arbitrairement les boissons et soient tenus de s’en tenir aux déclarations, sans comprendre dans l’évaluation le prix des futailles et des voitures. 6° Abolir les droits d’inspecteurs aux boucheries et tous ces droits de transit et autres, qui rendent les provinces et souvent même les paroisses étrangères les unes aux autres. La raison seule fait sentir la nécessité de ces suppressions et de ces réformes, et l’humanité en ferait chérir la douceur. Il existe encore un objet qui fait partie de la régie des aides, c’est le droit de marque sur les matières d’or et d’argent. Ce droit fut établi pour constater le titre de ces matières; mais l’expérience a démontré qu’il n’atteint pas son but. Ce droit expose les orfèvres à des visites et à des perquisitions toujours désagréables et qui portent même souvent atteinte à la réputation d’un honnête citoyen. Les orfèvres demandent ou la suppression de ce droit, ou la faculté de pouvoir s’abonner; les tanneurs font la même demande de suppression ou d’abonnement sur les droits des cuirs; même réclamation sur les droits des huiles, fers, savons, etc., et autres droits compris dans la régie des aides ; qu’il n’y ait qu’un droit unique, à raison d’un sol pour livre, pour la vente des boissons en gros. De la gabelle. Le sel est une denrée d’une consommation journalière et un objet de première nécessité. Il est très-abondant en France, mais les droits auxquels il est sujet l'orçent le peuple de n’en user qu’avec la plus grande réserve dans ses aliments, et à s’en priver pour ses bestiaux; et par une contradiction inexprimable, on le vend à un prix trop haut pour que le pauvre y puisse atteindre, et on le force d’en acheter. Le tableau en est inutile à retracer, la gabelle est jugée ; le Roi l’a dit, il l’a appelée lui-même un impôt désastreux. Sa Majesté sera suppliée de consommer un projet si digne de son cœur, et si les besoins de l’Etat obligent d’éloigner encore ce sacrifice réclamé par la justice et par l’humanité, du moins Userait nécessaire de diminuer son prix actuel en le fixant à un taux plus uniforme dans toutes les provinces. D’ordonner que les greniers seront ouverts tous les jours et que tout particulier sera libre de se pourvoir de] cette denrée dans tel grenier qu’il jugera à propos, qu’il y ait dans chaque paroisse des règrats de sel. Du tabac. A ne considérer que l’impôt sur le tabac, on peut convenir que cet impôt n’est pas révoltant, puisqu’il frappe sur un objet destiné à satisfaire des besoins factices, et c’est de toutes les contributions la plus douce et la plus imperceptible ; on la range avec raison, ainsi que l’a dit le grand administrateur, l’espoir de la France, dans la classe des habiles inventions Escales. Mais il nuit au commerce et appauvrit l’Etat, il fait sortir plusieurs millions du royaume qui n’attirent aucunesmarchandises en retour de cette plante, tandis que la France, qui a beaucoup de terrains propres à sa culture, pourrait peut-être en faire une branche de commerce avantageuse. Laisser aux Etats généraux à comparer l’avantage de la liberté et de la prohibition, et si l’impôt subsiste, veiller du moins à ce que cette poudre, d’un usage aussi universelle souffre aucune altération qui puisse influer sur son goût et sur sa salubrité, et que les bureaux soient tenus de le fournir en carottes, suivant la volonté des particuliers ou des débitants ; que toutes chambres ardentes soient supprimées, que les procès sur {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 3(jg le fait de la contrebande soient instruits par les juges ordinaires, et que la sévérité des peines contre les contrebandiers soit diminuée. Du contrôle des actes. La plus mauvaise sorte d’impôt est celle établie sur les diverses clauses des contrats civils. Par là le traitant, interprète des règlements du prince, exerce un pouvoir arbitraire sur les fortunes. Il excite des abus énormes dans la perception de tous les droits de contrôle, insinuation, centième denier, et autres droits domaniaux; presque tous les articles de tarifs de 1722 sont dénaturés et ont souffert des extensions accablantes pour les peuples, sans autres lois que des décisions du conseil, des ordres de tournées donnés par des ambulants; les droits prélevés arbitrairement sur les préciputs, donations éventuelles, malgré les lettres patentes de 1769, sont injustes, accablants pour les peuples, que tous ces droits domaniaux forcent généralement à dénaturer les véritables conventions par des clauses qui sont le germe de procès ruineux et de la division des familles. Demander que le contrôle des actes, établi dans son origine pour assurer leur date et pour éviter les fraudes auxquelles la faiblesse humaine peut donner lieu, ne soit qu’un simple bureau d’enregistrement qui ne serait plus un impôt, mais une discipline de police sage et presque sans frais. Et s’il subsiste comme impôt, que le droit en soit réduit au taux modique auquel il fut fixé dans son origine, et que jamais il ne puisse frapper sur les objets éventuels. Francs-fiefs. Cette sorte d’impôt pèse uniquement sur le tiers-état; il paraît être un reste ou une suite de l’ancien régime féodal ; il semble établir une distinction avilissante entre le noble et le roturier. Le tiers-état en demande la suppression, et au cas qu’on ne puisse l’obtenir, le tiers-état demande au moins une modération de ce droit, et qu’il ne soit pavé qu’en plusieurs années, et seulement lors de la mutation par acquisition. Milice. La milice est un impôt rigoureux qui frappe uniquement sur la classe la plus laborieuse du tiers-état. On peut le regarder comme une imposition qui se paye en nature : c’est un impôt mis sur la vie des hommes. Elle nuit à l’agriculture, elle dépeuple les campagnes que les mises à la bourse ruinent encore. Elle précipite des unions peu réfléchies, elle envoie dans les villes et surtout à la capitale, les hommes les mieux faits et les plus robustes pour y servir en qualité de domestiques. Ces inconvénients innombrables, sont encore aggravés par l’affranchissement de quelques classes de l’Etat, qui rend la milice encore plus avilissante pour les autres. Le cultivateur, le fabricant, souvent une veuve, se voit arracher un fils unique nécessaire à sa subsistance et utile à l’Etat, tandis qu’un homme inutile et facile à remplacer n’est que trop ordinairement ménagé. Sa Majesté sera suppliée de la supprimer et d’en alléger le fardeau : 1° En accordant la faculté de s’exempter pour une somme modique , 5 livres par exemple , comme l’ordonnance du 19 octobre 1773 l’avait déjà accordé en faveur des domestiques des pri-lre Série, T. II. vilégiés; la somme de 3 livres même paraîtrait être suffisante; 2° En assujettissant à la milice tous les roturiers célibataires dans l’âge requis et notamment les domestiques. 3° L’exemption sera seulement accordée aux étudiants des séminaires, universités et collèges de plein exercice, pourvu toutefois que les étu diants aient suivi les cours depuis un an. Logement des gens de guerre. Le logement des gens de guerre doit être rangé dans la classe des impôts les plus onéreux pour le plus grand nombre des habitants des villes, outre les embarras et les gênes de toute espèce que causent nécessairement ces hôtes. Il paraît généralement que la ville de Beauvais n’est pas assez considérable pour suffire aux logements qu’elle est obligée de fournir dans l’ordre actuel des chosçs ; on désire qu’il y soit pourvu ou par la suppression de toutes les exemptions, même de celles des ecclésiastiques, ou par de nouveaux arrangements, sur lesquels on s’en rapporte à la sagesse du gouvernement. Le logement des gens de guerre est d’autant plus dur et d’autant plus accablant qu’après l’avoir payé en nature on le paye encore en argent, sous le titre d’impositions accessoires. Impôt pour la confection ou la réparation des chemins. Cet impôt remplace celui qu’on appelait autrefois corvée. Le mot en est prescrit par la loi ; un nouvel ordre plus sage et plus humain s’est élevé, mais ce nouvel ordre de choses lui-même est encore imparfait et accablant pour les taillables, lesquels sonts seuls assujettis à l’impôt représentatif de la corvée. Bien plus, tandis que les taillables sont fatigués par le payement de cet impôt, ils voient leurs rues et leurs chemins ruinés et sans réparations, et les sommes qu’ils ont payées employées souvent très-loin d’eux. On demande donc que les fonds des ecclésiastiques et des nobles soient soumis à cet impôt comme ceux des taillables ; on demande encore qu’une portion de la contribution de chaque paroisse soit employée chaque année aux réparations des rues des villages et des chemins qui sont le plus à leur portée. Commerce. Le commerce est une des ressources les plus puissantes de la richesse et de la splendeur de l’Etat. Mille entraves enchaînent actuellement l’industrie française, les ateliers languissent et la stagnation du commerce annonce son entier anéantissement. Le mal est certain ; il faut en chercher les causes et en indiquer le remède. La principale et la désastreuse cause de la dé. cadence du commerce est le traité conclu avec l’Angleterre; c’est à cette époque qu elle remonte. La seconde cause est la cherté des laines. Depuis longtemps elles sont rares en France, et l’or. peut dire qu’il n’y en a presque plus ; ce sont les royaumes voisins qui alimentent nos manufactures . L’exportation de toutes les matières premières produit la même disette dans tous les genres ; on enlève nos lins, nos chanvres, nos fils, nos cotons, et les graines dont on extrait les huiles. On introduit plusieurs espèces de marchandises, les toiles de Silésie qui s’importent même dans nos colonies, les toiles peintes étrangères dont la 20 306 {États gén. 1789. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] province d’Alsace, par sa situation et son privilège, favorise continuellement la fraude. Des droits de marque exorbitants, triplés depuis quelques années, achèvent de détruire les manufactures ; ces droits enlèvent aux fabricants des sommes bien supérieures à leurs capitations ; ils sont destinés aux frais d’une inspection presque toujours sans exercice, et à des encouragements que les manufactures ne reçoivent jamais. Mille autres causes particulières concourent avec ces causes générales à la décadence du commerce. Voici les remèdes que les députés sont chargés de solliciter en l’Assemblée nationale. 1° L’abolition du traité de commerce avec l’Angleterre, traité plus désastreux que la guerre la plus ruineuse. 2° Les moyens de multiplier les moutons et perfectionner leurs laines. 3° La défense de l’exportation de toutes les matières premières. 4° La prohibition des toiles de Silésie dans le royaume et dans nos colonies. 5° La supression des intendants, directeurs et inspecteurs généraux de commerce, inspecteurs des manufactures. 6° La liberté de fabriquer toutes les étoffes que le droit et l’industrie pourront suggérer, avec la seule obligation aux fabricants d’y mettre leur nom et d’y apposer un plomb pour lequel serait payé un sol. 7° La visite de toutes les étoffes des fabriques, tant des villes que des campagnes avant d’être exposées en vente, et la direction dubureau confiée aux gardes de la communauté des fabricants, ainsi qu’il s’est déjà pratiqué. 8° La reddition des comptes de ce bureau chaque année par-devant les juges consuls, et le produit, frais déduits, employé dans chaque lieu à l’encouragement de la fabrique et au soulagement des pauvres ouvriers. 9° L’établissement d’un bureau de commerce composé uniquement de commerçants sous l’autorité d’un ministre particulier du commerce. 10° Le reculement des barrières intérieures jusqu’aux frontières du royaume et la suppression de tous droits de péages et de barrages. 11° Si le reculement des barrières intérieures ne pouvait avoir lieu pour la province d’Alsace, les députés demanderont que les fabricants de toiles peintes de l’intérieur, pour balancer les avantages des Alsaciens, puissent introduire librement les toiles de cotons étrangers moyennant un droit unique de 50 livres par quintal. 12° La suppression de toute espèce de droits sur les objets de première nécessité pour les fabriques et teintures, ainsi que le droit énorme perçu depuis peu sur les cartons destinés à presser et lustrer les étoffes. 13° La suppression des asiles, lieux privilégiés, monts-de-piété et Lombards, établissements peut-être utiles dans l’origine, mais devenus funestes au commerce parla facilité qu’ils donnent à ceux qui méditent une banqueroute frauduleuse de se retirer dans les uns et de déposer leurs marchandises dans les autres. 14° Que les arrêts de défense, saufs-conduits, lettres de répit, de cessions, de surséances, ne puissent être accordés à l’avenir que sur l’avis des juridictions consulaires dans l’étendue desquelles résideront ceux qui en demanderont l’obtention. 15° L’uniformité d’échéances dans tout le royaume pour les effets de commerce, ainsi que > la suppression de deux des trois mois de faveur pour les billets valeur en marchandises. 16° Que quand le mot fixe ou préfixe sera employé dans les effets de commerce, il n’y aura aucun jour de grâce. 17° Que les jours de faveur dont se prévalent actuellement lès payeurs par un usage abusif ne soient qu’à la disposition des porteurs, au désir de l’ordonnance. 18° Que les lettres et billets à vue ou à tant de jours de vue soient protestés dans deux mois s’ils sont payables en France, dans six s’ils sont payables en Europe, et dans un an s’ils le sont dans les colonies, sinon resteront pour le compte des porteurs. 19° Que les endosseurs en blanc soient aussi longtemps responsables que le principal débiteur, sans être obligés à diligence à jour fixe contre eux. 20° Que les créeurs, endosseurs des traites et billets soient tenus de désigner leurs demeures fixes et en cas de voyages le lieu de la négociation ; sinon pourront tous être assignés par un seul cri public au premier endroit, ce qui vaudra diligence et recours; les sentences pourront être ainsi signifiées pour avoir leur exécution. 21° Que chaque usance soit d’uu mois tel qu’il se trouvera. 22° Que si la faillite des débiteurs précédait la première négociation des lettres ou billets, il n’y ait aucun temps fatal pour les diligences et recours; mais si la faillite était postérieure à la première négociation, on ne pourra tirer à rigueur le défaut de diligence, s’il n’excède un mois. 23° Que les porteurs de billets à domicile, s’il n’y a provision à l’échéance, aient un mois pour les diligences et soient tenus ensuite de se conformer à l’article 13 du titre Y de l’ordonnance de 1673, ce qui n’aura lieu pour les billets faux dont les tireurs et les endosseurs seront toujours garants. 24° Que dans les faillites et banqueroutes le droit de revendication puisse s’exercer sur les pièces entamées et coupons, pourvu que ce qui reste soit revêtu du caractère de propriété, et que cette loi soit exécutée dans tout le royaume. 25° Que ceux qui seront choisis pour séquestres et syndics soient tenus de rendre compte de leur gestion dans l’année. 26° Que tous colporteurs et marchands à la toilette ne soient plus tolérés ; ils trompent ordinairement, et ceux de qui ils achètent, et ceux à qui ils vendent; ils enlèvent l’argent comptant et le bénéfice du commerce sans en partagerles charges; leur vie vagabonde les soustrait à tous impôts, ils sontdangereux à la société à cause des recelés et des vols dont l’expérience prouve qu'ils sont souvent les auteurs ou les complices. 27° Enfin, les commerçants et fabricants de a ville de Beauvais demandent que l’on arrête les entreprises de la part des hôpitaux et bureaux des pauvres dans les villes du royaume où il existe des fabriques, parce que ces entreprises ne sont propres qu’à multiplier les pauvres qu’elles paraissent destinées à secourir. Juridiction consulaire. Depuis longtemps le commerce ressent les heureux effets de la juridiction consulaire; pour être plus utile, elle n’a besoin que de recouvrer l’étendue des pouvoirs qui lui ont été confiés lors de sa création. En conséquence, le commerce demande : 1° Qu’il soit fait un nouveau règlement relativement aux faillites et banqueroutes d’après les [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais. 307 observations qu’il plaira à Sa Majesté d’écouter. 2° Que la déclaration du 7 avril 1759, dont les juges consuls paraissent désirer la suppression, soit mise sous les yeux des Etats généraux pour en peser les avantages ouïes inconvénients, qu’il soit prononcé sur l’étendue des pouvoirs des juges consuls qui demandent à juger en dernier ressort jusqu’à 1,500 francs; d’autres demandent au contraire que leurs pouvoirs soient limités à la somme de cinq cents. 3° La suppression de la vénalité des greffes, des justices consulaires, avec la faculté de rembourser les propriétaires de ces offices et de faire elles-mêmes le choix d’un greffier. 4° L’abolition des privilèges de la conservation de Lyon, ainsi que ceux des juridictions consulaires de Paris ou des pays d’Etats. 5° La suppression de tous les droits de présentation et de défaut. 6° Sa Majesté sera suppliée d’abolir un droit de 200 francs que supporte le commerce de Beauvais. Ce droit, aussi extraordinaire qu’injuste, est connu sous le nom d 'indemnité , au profit du greffe du comté. Le vœu est qu’un jurisconsulte assiste comme assesseur les juges consuls. Jurandes et maîtrises. . L’édit de 1777 , concernant les jurandes et maîtrises, a donné lieu à quantité d’âbus ; le premier est la trop grande facilité avec laquelle on y admet des aspirants qui, n’ayant fait aucun apprentissage, n’ont aucune expérience. Il a réuni des corporations qui n’ont entre elles aucun rapport et dont les maîtres se permettent d’exercer, à la faveurde cette réunion, des professions qu’ils ignorent, nuisent à la véritable industrie et altèrent la confiance du public. Toutes les corporations désirent la suppression de cet édit et être remises à l’ancien régime, sauf à celles qui n’avaient pas de statuts avant 1777 à s’en pourvoir. A griculture. L’agriculture est le premier et le plus essentiel des états ; l’utilité publique et celle de tous les individus fait désirer que les Etats généraux s’occupent des objets suivants, qui paraissent devoir contribuer à l’abondance des moissons et au bonheur et à la tranquillité de la classe nombreuse et honorable des cultivateurs. Art. 1er. Les déroiements si usités dans cette province pour distinguer les pièces condamnent une partie considérable de terrains à la stérilité et préparent des ravins. On remédierait à cet abus, en adoptant l'article 12 de la coutume de Mont-didier pour le dérang. Art. 2. La négligence d’un seul cultivateur à arracher les chardons les fait quelquefois pulluler sur plusieurs territoires; porter une loi sage et sévère qui prévienne cet inconvénient. Art. 3. Limiter, à raison de l’étendue des possessions, la quantité de pigeons qui causent des dommages considérables dans le temps des semailles et lors de la maturité des moissons. Art. 4. Le gibier dévore les moissons ; des paroisses entières sont les victimes de ce fléau; les Etats généraux sont priés de faire ordonner la destruction des bêtes fauves et des daims. Défendre aux seigneurs de laisser multiplier, spécialement dans les paroisses soumises à la domination de MM. les princes du sang, toute autre espèce de gibier et surtout les lapins; en conséquence, détruire les remises qui sont destinées dans le milieu des plaines à servir de retraite au gibier et simplifier les formes qui s’observent pour exercer l’action qui résulte au dommage causé par le gibier. Art. 5. Tout cultivateur doit être libre d’entrer dans ses grains pour en arracher les herbes et d’exploiter les prairies artificielles quand il le juge à propos. Art. 6. Les prétentions des décimateurs sur la dîme des prairies artificielles ont suscité dans cette province un nombre infini de procès qui sont encore indécis ; tous les contribuables en demandent la suppression. Il est de la sagesse des Etats généraux d’y pourvoir par une loi qui fixe la jurisprudence sur ce point. Art. 7. La dîme sacramentelle, vulgairement appelée dîme de chernage, est si odieuse aux contribuables et si peu utile aux décimateurs , que l’on espère que sa suppression ne souffrira pas beaucoup de difficulté. Art. 8. La sécurité du cultivateur et le bien de l’Etat demandent qu’il soit défendu aux bénéficiers de recevoir les pots-de-vin et de louer les biens de leurs bénéfices à d’autres qu’aux cultivateurs mêmes, et que les baux, toujours de neuf ans, ne soient pas résiliés par la mort du titulaire ou par tout autre genre de vacance du bénéfice. Art. 9. Que le privilège du singulier successeur en vertu duquel il est admis en justice à congédier un fermier, même dans les premières années de son bail, soit abrogé comme injuste et préjudiciable au progrès de l’agriculture. Art. 10. Solliciter des Etats généraux un règlement pour la multiplication des bêtes à laine. Les moyens les plus propres à remplir cet objet, sont : La réunion des troupeaux d’une même communauté, même de ceux des seigneurs, sous un même pâtre ; La liberté à tout particulier, excepté au marchand qui ne fait que passer, de mettre à la vaine pâture autant de moutons qu’il le voudra , et la suppression des droits seigneuriaux sur le parc. Art. 11. Supprimer le régime actuel des haras, très-coûteux au gouvernement, onéreux aux cultivateurs, et inutile pour la propagation de l’espèce. Permettre à tous particuliers d’avoir des étalons, même de les envoyer dans les villages, pourvu qu’ils aient été auparavent agréés par les Etats provinciaux. Art. 12. Les biens communaux dont les uiis sont arides et les autres inondés, pourraient devenir plus utiles aux communautés par des dessèchements et des plantations dont les bénéfices seraient partagés entre les habitants. Art. 13. Les malheurs que causent tous les ans les inondations, font désirer des lois précises sur le cours des rivières, ravins, etc., et sur l’irrigation des prairies. Art. 14. La rigoureuse conservation des bois, leur aménagement et amélioration, doivent fixer d’une manière particulière l’attention des Etats généraux; ils doivent prévenir la rareté et la cherté de ce combustible, en ordonnant aux propriétaires de faire des plantations sur les terrains qui ne sont propres qu’à cette culture. Art. 15. Défendre aux seigneurs déplanter dans les champs des censitaires et dans les rues des villages, sous prétexte de droits de voirie. Art. 16. Inviter les Etats généraux à déterminer les moyens d’affranchir les habitants de cam pagne de la charge accablante dé rétablir les églises, les presbytères et les écoles; en appliquant par exemple à cet objet le produit des annates. 308 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] Art. 17. Que tout ce qui concerne les presbytères, réparations de chemins, biens des communautés de campagne et autres objets y relatifs, dont connaissent les intendants, soit porté aux Etats provinciaux. Art. 18. 11 importe aux habitants des campagnes que les arrérages des censives soient prescrits par dix ans. Art. 19. Augmenter les maréchaussées, multiplier leurs brigades, et les distribuer davantage dans les campagnes. Art. 20. L’établissement des juges de paix dans chaque paroisse, qui prononceraient sur les contestations sommaires et relatives à l’exploitation, préviendraient une infinité de procès qui ruinent les familles, pour des objets peu intéressants. Bien public. Art. 1er. Le triste sort des enfants trouvés mérite l’attention des Etats généraux. On les transporte des provinces à Paris et de Paris dans les provinces, jusqu’à la distance de 20, 30 ou 40 lieues ; ils périssent presque tous avant d’arriver à leur destination. Le remède à ces malheurs serait d’obliger tous les hôpitaux et bureaux des pauvres à les recevoir. Sa Majesté sera suppliée de pourvoir au moyen de les faire subsister. Art. 2. Remédier aux abus criants de l’impéritie des chirurgiens dans les provinces. Le vice et le remède résident dans les réceptions. Que tous les actes probatoires soient faits en présence du médecin du Roi, des autres médecins et de tous les chirurgiens, sous la présidence du lieutenant général et du procureur du Roi. Que la même police soit observée pour les sages-femmes. Pour encourager les talents, on pourrait aussi donner un fixe aux chirurgiens et aux sages-femmes dans chaque district. Art. 3. Supprimer les brevets d'opérations empiriques et marchands de drogues, dont la meilleure qualité est d’être inutiles et qui enlèvent l’argent du peuple en abusant de sa crédulité. Art. 4. La cherté du blé est le plus grand fléau pour le peuple. Des magasins de blés établis dans chaque département empêcheraient la vilité du prix dans les années d’abondance, et préviendraient le trop haut prix dans les années de disette. Art. 5. 11 serait à désirer qu’il n’y eût jamais d’impôt ni direct ni indirect sur le blé ; lorsque les droits perçus dans les marchés au profit des seigneurs excèdent beauconp les frais de halle et de minage, ils sont un véritable impôt. Ces droits ne sont heureusement que d’un soi par sac dans presque tous les marchés ; mais Beauvais et Méru gémissent sous le poids de ce droit qui y est trop onéreux. Le droit de minage s’y élève sur les grains à raison d’un quarante-huitième du prix de la vente, et dans les circonstances actuelles, il est de plus de vingt sols par sac ; ce droit est d’autant plus mal combiné qu’il augmente avec la misère du peuple et qu’il éloigne les laboureurs. Art. 6. Les banalités sont proscrites dans la plupart des provinces du royaume, et il est d’un roi qui connaît la dignité de l’homme, d'en affranchir ceux de ses sujets qui sont soumis encore au joug de cette servitude, d’autant plus révoltante que la plupart des seigneurs ne perdraient rien à ce changement, puisque les moulins sont occupés continuellement. Ce nouvel ordre de choses serait un motif de plus pour les meuniers d’être honnêtes ; obligés de mériter la confiance, on ne verrait plus dans cette classe des hommes avides, traiter avec humeur et peu de fidélité des censitaires qu’ils sont accoutumés de regarder comme une proie qui ne eut leur échapper; et cette liberté détruirait ientôt l’usage de payer la mouture en nature, usage cruel et abusif qui double et triple quelquefois le prix d’un travail constamment le meme, dans le moment où le pauvre est le moins capable de le payer. Art. 7. Les banalités de four, de pressoir et autres, représentées par moutures sèches ou autrement, ne sont pas moins odieuses. Art. 8. Les poids et les mesures doivent être réduits à l’unité. Adopter ceux de la prévôté de Paris, et ordonner que l’usage de Paris pour le mesurage des grains soit suivi partout. Art. 9. Des bureaux de charité dans toutes les paroisses, confiés aux soins de personnes notables choisies par les habitants, obvieraient aux abus qui naissent de la mendicité. Art. 10. Réclamer pour les voyageurs la liberté de se servir de telles voitures qu’ils voudront. Art. 1 1 . Demander que la taxe des lettres soit fixée d’après un tarif invariable et rendu public, pour faire disparaître tout l’arbitraire, et que cette taxe soit la même pour les mêmes distances. Art. 12. Les loteries ont causé la ruine de trop de familles pour ne pas insister fortement sur leur suppression. Art. 13. La liberté de la presse paraît le moyen le plus propre à répandre la lumière et éclairer le peuple sur ses vrais intérêts. Les Etats généraux sont invités de s’occuper d'un plan général et uniforme pour l’administration de toutes les municipalités du royaume, qui en fasse disparaître les vices actuels. Les cahiers des corporations et des communautés du bailliage de Beauvais, contiennent encore une infinité de demandes particulières et locales, intéressantes par elles-mêmes, mais non susceptibles d’être discutées dans les Etats généraux, qui en sentiront mieux la nécessité d’établir le plus promptement possible des Etats provinciaux. Les besoins locaux, les réclamations particulières, telles que le chemin de Calais, les intérêts des différentes branches de commerce, y seront présentés et appréciés par des patriotes qui, résidant sur les lieux, se feront un devoir d’entrer dans les détails de tous les objets qui pourront convenir au bonheur de leurs concitoyens. Du tiers-état. L’exclusion du tiers-état de toutes les places éminentes de la société est contraire à la constitution française. Cette constitution est si excellente qu’elle n’a jamais exclu et n’exclura jamais les citoyens nés dans le plus bas étage des dignités les plus relevées. L’expérience prouve qu’elles ont été remplies dan s tous les genres, avec le plus glorieux succès, par des personnages très-illustres, quoiqu’ils n’eussent pas l’illustration de la noblesse. Cependant le tiers-état est de fait, actuellement exclu de toutes les places éminentes, et l’ordre ministériel du 3 mai 1781, qui veut que les seuls nobles puissent entrer au service en qualité d’officiers, est un outrage fait à la nation. Le tiers-état ne peut plus servir dans les armées qu’en qualité de soldat, où il est exposé à des traitements qui révoltent la sensibilité et la déli- [États gén. 1789, Cahiers. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 309 catesse des Français ; demander la suppression de l’ordonnance militaire qui soumet les soldats à recevoir des coups de plat de sabre, et l’admission du tiers -état aux charges de magistrature et aux grades militaires ; et qu’enfîn toutes les carrières soient ouvertes au mérite, à la vertu et à l’honneur qui n’est étranger à aucune classe des Français. Tels sont les souhaits, doléances et remontrances du tiers-état du bailliage de Beauvais. Puissent les députés aux Etats généraux les présenter avec cette force, cette énergie, cette éloquence du sentiment tout à la fois respectueuse et puissante qui dévoile les abus et en obtient la réforme ! Fait et arrêté en l’assemblée du tiers-état du bailliage de Beauvais, tenue en l’église des RR. PP. Minimes, lecture faite du cahier le 18 mars 1789. Signés à la minute des présentes, qui est déposée au greffe du bailliage de Beauvais, MM. Du-tron, Simon Morel, Fouenet, Du Bourg, Moufflette, Le Grand, Prévôt-d’Auricourt, Duprelle, Du Gou-dray, de La Herche, Vérité, Petit, Vuattebled, G. Àuty, Langlois, Poirée, Gratien, J. Le Conte, H.-J. Roisin de Regnonvai, Tricquet,Provôt, Pillon, Delaon, Le Gendre, Allou, Pigory, et Le Caron président. Collationné et certifié véritable par moi, greffier en chef du bailliage et siège présidial de Beauvais, soussigné. Signé Pigory.