220 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (30 septembre 1789.] une portion du pouvoir législatif. Celui seul qui peut faire des lois définitives peut faire des lois provisoires . Sans cela, c’est détruire tout, et ce que nous avons déjà fait devient inutile. M. Goupil de Préfeln. Vous avez déjà séparé les pouvoirs, vous avez déterminé les principes, et vous êtes sur le point de les confondre. L’on vous a parlé du mot provisoire ; mais c’est là ouvrir une porte aux abus que nous n’avons pas encore réformés. J’adopterais l’amendement de M. Anson, mais j’ajouterais un sous-amendement ; c’est que le Roi ne pourra même interpréter les lois. Gela ne me paraît pas trop rigoureux ; c’est à cette interprétation, que le conseil a toujours faite selon son intérêt, que nous avons dû notre esclavage. M. Buzot. Je crois que l’article est très-bien rédigé; il ne s’agit dans ce moment que de la législation générale, et le pouvoir exécutif ne peut faire sur cette matière aucun règlement ; mais quand on sera parvenu au point de circon-. scrire le pouvoir exécutif, on déterminera quelle sera sa latitude et son influence, soit vis-à-vis des assemblées provinciales, soit pour l’armée, etc. M. Duport adopte la même distinction, et réfute les raisonnements des préopinants. M. le vicomte de Mirabeau. Je vous demande, Messieurs, si c’est dans ce moment que l’on doit affaiblir le pouvoir exécutif, déjà si languissant et si furieusement attaqué; dans ce moment, où nous n’avons qu’une liberté si voisine de l’anarchie. Cependant nous voulons détruire le reste des ressorts qu’a conservés le pouvoir exécutif. J’oserai demander à l’Assemblée si elle est si sûre des lois qu’elle va porter, qu’elles ne seront susceptibles d’aucune interprétation ; si cela est, il faut sans doute déclarer que le Roi n’aura point le droit de faire aucun règlement; mais au contraire, ces lois ne sont faites que par des hommes soumis à l’erreur : il faut laisser au pouvoir exécutif le soin de faire rédiger ces règlements. La permanence doit rassurer sur le prétendu entêtement de toutes les prérogatives du pouvoir législatif. M. Pétion de Villeneuve. Vous avez voulu distinguer les pouvoirs ; vous avez à peine réussi dans ce grand travail, que vous les mettez déjà aux prises. L’on parle de laisser au Roi le soin d’interpréter nos lois; mais ces interprétations ont toujours détruit les lois principales, ont toujours produit le despotisme. En admettant le principe du préopinant, des ministres pervers, des hommes ambitieux, chercheront à envahir le pouvoir législatif. Ils l’envahiront et seront nos législateurs. Non , Messieurs, le pouvoir législatif seul a le droit de faire et d’interpréter des lois. L’on vous a dit qu’il fallait distinguer la législation générale de tous les détails ; cette distinction est vraie : posons maintenant le principe, et nous en tirerons la conséquence quand il en sera temps. Je demande donc que le pouvoir exécutif ne puisse ni suspendre ni interpréter les lois. M. Démeunler appuie le discours de M. Pétion. M. Le Berthon, premier président du parlement de Bordeaux , s’élève contre le droit d’inter-! prétation gue l’on voudrait accorder au pouvoir exécutif. L’interprétation, dit-il, appartient à celui qui fait les lois, sans cela les pouvoirs sont confondus. M. le marquis de Bonnay convient des principes ; il se contente de citer quelques exceptions, où il prétend que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements, par exemple, relatifs à l’armée. M. Démeunier lui réplique par une citation de ce qui se pratique tous les ans en Angleterre quant au bill de la mutinerie. M. Malouet reprend la parole pour soutenir la thèse qu’il avait avancée ; il reconnaît la distinction des pouvoirs, mais il persiste à dire que le Roi doit avoir le droit de faire des règlements de police, d’économie, etc. Son opinion qui paraissait outrée, excite quelques murmures ; ce qui lui fait dire qu’il prouvera un jour qu’il est loin d’être l’apologiste des ordonnances ministérielles. M. lie Pelletier de Saint-Fargeau répond à M. Malouet qu’il ne s’agit ici que de la législation en général, et non de l’administration ; que quand on en sera arrivé à ce moment, il faudra avoir la plus grande circonspection ; car le gouvernement, sous prétexte d’établir des lois d’administration, a établi des impôts, tels que les insinuations, les contrôles, etc. Il est donc à craindre que le pouvoir exécutif, en faisant des lois d’administration, ne mette encore des impôts. D’après la division demandée, M. le président met en question si l’Assemblée veut renvoyer à l’organisation du pouvoir exécutif tous les détails des règlements. La question des règlements est renvoyée, à l’u-nanimité, à l’organisation du pouvoir exécutif. M. le Président met ensuite aux voix l’article qui est adopté en ces termes : « Art. 2. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations. » M. le Président donne lecture de l’article 3,- « Art. 3. La création ou suppression des offices, commissions et emplois appartient exclusivement au Corps législatif. » La lecture de cet article occasionne de grands débats. M. Goupil de Préfeln propose, comme amendement, de retrancher les mots emplois et commissions. Un autre membre demande la suppression du mot exclusivement , et l’addition : avec le consentement du Boi. M. Target rend compte des motifs qui ont déterminé le comité à proposer cet article. On a vu, par un abus très-répréhensible, des hommes, - ne pouvant obtenir des places vacantes, obtenir la création de places sans fonctions ; la France se rappellera longtemps que la Reine a créé une charge de dame du palais pour dégoûter madame de Noailles. Cette place créée sans objet, sans fonctions, a coûté à la France la retraite de M. Tur-got. et 400,000 livres de gages annuels, payées à la dame du palais.