302 [Assemblée nationale.] compter de la publication des lettres patentes du 3 novembe 1789, sans néanmoins aucune restitution des droits qui auraient été perçus depuis ladite époque. Quant à ceux desdits droits qui étaient perçus au profit du roi, toutes poursuites commencées ou à intenter pour raison de mutations ouvertes avant ladite époque, sont et demeurent anéanties. Les acquéreurs desdits droits présenteront, dans le délai de six mois, à compter du jour de la publication du présent décret, leurs titres au comité de liquidation, établi par le décret du 23 janvier de la présente année, et il sera pourvu à leur remboursement ainsi qu’il appartiendra. » M. de Richier propose un article additionnel. conçu en ces termes : « Dans les provinces où les dîmes inféodées sont cumulées avec les droits de champart, il sera procédé à la ventilation de ces différents droits, ainsi qu’il sera incessamment ordonné. » (Cet article est renvoyé au comité féodal pour y être examiné et être ensuite soumis à la décision de l’Assemblée.) M. de Folleville. Dans le temps de la chevalerie on aurait trouvé déloyal de livrer au combat un homme désarmé. Aujourd’hui, vous avez enlevé au seigneur le retrait féodal. Il est sans armes contre la fraude des vendeurs et des acheteurs ; on éludera sans cesse les droits qui lui restent dus pour les mutations. Je demande qu’il soit libre au propriétaire des droits féodaux ou censuels, dans le cas où il soupçonnerait dol ou simulation dans le prix de la vente, de provoquer la ventilation ou l’expertage à ses frais. M. Tronchet, rapporteur. Le contrat fixe le prix de la vente; s'il y a fraude ou simulation prouvée, le seigneur à les voies de droit pour demander la ventilation; mais, jusqu’à cette preuve, l’acte de vente doit faire foi du prix. (L’Assemblée déclare qu’il n’y a lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Folleville.) M. Tronchet, rapporteur, demande qu’aucun des décrets relatifs au rachat des droits féodaux, rendus dans différentes séances, ne soit porté à la sanction du roi, avant que le comité en ait fait un nouvel examen et une nouvelle lecture à l’Assemblée, et les ait consignés dans un seul et môme décret; cette demande est adoptée. M. le Président annonce que, par le résultat du scrutin , MM. de Menou et de Beaumetz ont été nommés inspecteurs des dépenses des bureaux des comités ; il annonce ensuite l’ordre du jour pour la séance prochaine. M. de Rochebrune. Je n’étais pas à l’Assemblée lorsque vous avez décrété que vos officiers entrant en fonctions seraient soumis à un nouveau serment. Le serment du 4 février devait suffire . Tout serment ultérieur serait inutile, serait contraire à notre liberté individuelle et compromettrait les intérêts de nos commettants. Je supplie M. le président de s’expliquer nettement sur la nature du serment qu’il a entendu prêter. M. le Président. Je vous prie, Messieurs, de m’accorder un profond silence. Je crois que, dans un cas ordinaire, une demande isolée n’exigerait F as de réponse; mais, dans cette circonstance, Assemblée ne désapprouvera pas son président de répondre à une interpellation particulière et [SH avril 1790.] même de répéter ce qu’il a dit précédemment ; car la femme de César doit être sans soupçon. A l’entrée de la séance, on a fait une motion que l’Assemblée a décrétée. J’ai déclaré qu’il n’était pas à la connaissance de ma conscience que j’eusse fait aucun acte, protestation ou déclaration contre les décretsde l’Assemblée acceptés ou sanctionnés par le roi; que je n’avais point ambitionné l’honneur qui m’est aujourd'hui conféré ; que j’étais prêt à me retirer si l’on pouvait me représenter quelque déclaration qui se trouvât avoir rapport à la formule du serment ; que s’il en existait, je demandais à en être averti, et que l’avertissement même le plus secret aurait l’effet le plus subit. Je me suis renfermé dans la forme du serment ; s’il avait eu une autre forme, je n’aurais pu le prêter, et l’Assemblée aurait fait de moi ce qu’elle aurait voulu : je ne nierai jamais les actes que j’ai faits ; j’ai cru devoir les faire dans mon honneur et dans ma conscience. Si, dans quelques circonstances, il y a eu quelques décrets non acceptés ou non sanctionnés qui m’aient paru contraires à quelques-uns des intérêts que je suis chargé de défendre, j’ai pu signer des déclarations, je ne le nie pas, je ne me rétracte pas. Des décrets non acceptés et non sanctionnés n’entrent pas dans le serment qui m’a été imposé. (Il s’élève de grands murmures dans une grandê partie de V Assemblée.) Je ne nierai point que moi ainsi quequelques autres membres, nous ne nous soyons pas gênés pour signer, soit collectivement, soit individuellement, notre avis sur quelques décrets et la notice des faits qui ont amené ces décrets. Comme il ne doit rester aucun doute sur un objet qui intéresse le respect dû aux lois, à l’honneur et à la conscience d’un honnête homme, je répète que j’ai entendu me renfermer dans le texte du serment; si on prétend donner un autre sens à ce décret, j’aurai un parti à prendre, suivant celui que l’Assemblée prendra. (M. l’abbé Maury applaudit à ce discours, ainsi qu’une partie des membres qui occupent le côté droit de la salle. M. Alexandre de Lameth. J’avoue que la nouvelle déclaration de M. le président ne laisse pas dans mon esprit la même pensée que la déclaration qu’il avait d’abord faite ; il m’était resté la persuasion qu’il n’avait signé aucun acte tendant à affaiblir le respect et la confiance dus aux décrets. Si j'ai bien saisi sa pensée, il semble que sa disculpation porte sur ce que les décrets contre lesquels il peut avoir protesté n’étaient pas sanctionnés ou acceptés par le roi lors de sa protestation. Je demande si le défaut de la sanction peut autoriser un membre à se soustraire au vœu delà majorité de l’Assemblée? Je crois qu’en effet un décret non sanctionné n’est pas encore une loi du royaume, qu’il n’engage pas tous les citoyens, mais qu’il engage tous les membres de l’Assemblée. Ainsi, dans le cas ou M. le président aurait signé un acte ou une déclaration quelconque contre les décrets sanctionnés ou non sanction nés par le roi, il ne pourrait se sauver par la lettre du décret ; il ne peut pas se sauver davantage par l’esprit du décret. En effet, qui de nous n’a pensé que l Assemblée ne voulait pas placer à sa tête quiconque aurait protesté contre les décrets qui sont la loi de l’Assemblée, puisqu’ils sont le vœu de la majorité de ses membres. S’il est vrai que M. le président ait signé une protestation, je demande que l’Assemblée nationale nomme un autre président. M. Charles de Lameth. Un membre ne peut ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 avril 1790.] 303 présider une assemblée devant laquelle il est en cause. Je pense donc que M. de Virieu ne peut en ce moment présider l’assemblée, et que M. de Bonnay doit reprendre le fauteuil. M. le marquis de Bonnay. Les circonstances sont en ce moment délicates et embarrassantes. Vous avez rendu un décret auquel M. le président s’est conformé; on vient de l’interpeller sur le sens et sur l’étendue du serment qu’il vient de prêter; il s’est renfermé dans la lettre du serment. Je prie l’Assemblée de me permettre de lui observer qu’un serment a quelque chose de si saint, qu’il n’est pas permis à la pensée d’aller au delà des expressions qui le composent... L’Assemblée discute ici sur un fait qu’elle ne connaît pas; j’ignore si cet acte existe; mais la notoriété publique semblerait le faire croire, elle annonce même qu’il est contraire à un de vos décrets; mais j’observe que, s’il est question de la motion de M. de La Rochefoucauld, laquelle, en dernière analyse, consiste à dire : « Il n’y a pas lieu à délibérer; passons à l’ordre du jour, » il n’y a pas ici une opposition matérielle à un décret. On a dit que les décrets non sanctionnés sont obligatoires pour les membres de l’Assemblée; que le président in ratù doit quitter sa place, et que je dois reprendre le fauteuil. La majorité peut seule me faire la loi. Je ne crois pas qu’il y ait lieu à ce que le président soit privé de ses fonctions, même momentanément, et je pense que, s’étant renfermé dans les termes du serment, on ne doit pas suivre l’interpellation faite, et délibérer à cet égard. M. Bouche. Le décret que vous avez rendu a deux parties; la première concerne les décrets sanctionnés et acceptés par le roi : c’est sans doute sur celle-là que M. le président a appliqué sou serment; la seconde, les décrets rendus par l’Assemblée ; c’est sans doute sur celle-là que M. le président a appliqué sa restriction mentale. Cependant il dit s’être renfermé dans les termes du décret; il a donc juré n’avoir pris part à aucun acte contraire aux décrets sanctionnés et non sanctionnés. Je prie M. le président de déclarer positivement si son serment porte sur les deux parties du décret, ou d’indiquer celle sur laquelle il ne porte pas. J’ajoute, d’ailleurs, que la formule comprend tout acte tendant à affaiblir le respectetla confiance dus aux décrets de l’Assemblée. Plusieurs membres demandent que M. de Virieu quitte le fauteuil pendant la délibération dont il est l’objet. M. le Président. J'occupe cette place par les ordres de l’Assemblée ; je n’y tiens point, mais je ne suis pas coupable, je ne la quitterai que sur un nouvel ordre de l’Assemblée ; je vais la consulter. M. Conppé. Vous ne le pouvez vous-même, puisque vous jugeriez de la majorité qui doit prononcer sur votre sort. M. le Président. Je vais donc quitter ma place pendant le temps de cette discussion. M. d’Eprémesnil. Vous n’êtes pas à vous. M. le Président. Ce n’est pas le premier exemple d’un président qui a prononcé un décret contre lui-même. M. Mounier, à Versailles, a consulté lui-même l’Assemblée quand on l’accu’ sait d’avoir prononcé un décret d’une manière inexacte. Je vais donc mettre aux voix la question dont il s’agit. M. Goupil de Préfeln. La délibération concerne directement et positivement M. le président; il ne peut dès lors en être le chef et le modérateur. M. le marquis de Bonnay. J’ai demandé la question préalable, parce qu’il n’y a pas même lieu à interpellation, d’après la manière dont M. le président s’est justifié. Cette demande doit avoir la priorité, et je la réclame. M. le Président se dispose à la mettre aux voix. — Après une longue opposition de la part d’un grand nombre de membres, il reprend la parole, et dit d’une voix fatiguée et entrecoupée; « Je ne suis pas eu état de soutenir une telle discussion; et si elle doit durer encore, je prierai M. de Bonnay de prendre le fauteuil. M. de Bonnay, faisant les fonctions de président, se prépare à poser la question préalable. M. Charles de E