[Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lâ janvier 1791.) Plusieurs voix : Oui! oui! M. Tronchet. Le timbre apposé aux cueilloirs ou eueillerets des ci-devant seigneurs donnerait à ces registres une sorte d’authenticité qui serait désastreuse. Cet abus, il ne faut pas le maintenir et l’étendre à toute la France pour en retirer un léger droit de timbre. Il vaut infiniment mieux renoncer au droit de timbre sur ces registres et décréter une désormais ils ne feront nulle part aucune foi en justice. Je propose, en conséquence, la disposition suivante : « Les coutumes, statuts, usages ou jurisprudence qui accordaient une autorité et une, foi en justice aux cueilloirs ou eueillerets ci-devaril tenus pour la perception des ci-devant droits seigneuriaux et des rentes foncières, sont et demeurent abrogés à l’avenir: lesdits cueilloirs ou eueillerets ne seront plus regardés que comme des registres purement domestiques, encorequ’ils eussent été affirmés. » {Adopté.) M. Rœderer, rapporteur, donne ensuite lecture du tarif du timbre. Un membre propose, par amendement, d’ajouter au premier article une disposition concernant les quarts de feuille. (La question préalable est demandée sur cet amendement et mise aux voix.) L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer. L’article, mis aux voix, est adopté dans les termes suivants : « La feuille de petit papier, de neuf pouces sur quatorze, feuille ouverte ........... 4 s. »d. « Demi-feuille de môme format... 2 6 « Feuille de papier moyen, de onze pouces sur seize .................. 6 » « Feuille de grand papier, de quatorze pouces sur dix-sept .......... 8 » « Grand registre, de dix-sept pouces sur vingt et un .................... 10 « Le très grand registre, de vingt-un pouces sur vingt-sept .............. 15 » L’article relatif aux droits sur le papier des lettres de change est adopté ainsi qu’il suit : « Lettres de change et quittances comptables, et des rentes sur le Trésor public de 400 livres et au-dessous ..................... >» s. 5d. « De 400 livres à 800 livres inclusivement ......................... » 10 « De 800 livres à 1,200 livres inclusivement.. .. . ..... ............. » 15 « Au-dessus de 1,200 livres indéfiniment ..... . ...................... 1 » Celui concernant les papiers d’expéditions et les quittances des droits d’entrée des villes est décrété en ces termes : « Papier d’expédition, le double du prix du papier de minute, de même format ; t Quittances des droits d’entrée et d’octroi des villes et contributions indirectes. .. . 1 s. 6d. M. Rœdercr , rapporteur , propose à l’Assemblée de prendre une délibération sur la dernière partie de l’article 6 du décret sur le timbre, qui a été ajournée daus une clés séances précédentes, et qui a pour objet le prix des papiers qui seront présentés au timbre et qui excéderont le plus grand papier de régie. , 1 L'Assemblée nationale rend le décret suivant : « Si les papiers présentés au timbre excè lent le plus grand papier de la régie, le prix du timbre sera de 20 sous, à moins qu’ils ne soient destinés pour expéditions, et, en ce cas, le prix sera du double. » Un membre propose de faire timbrer les deux feuillets qui forment une feuille ordinaire. M. Ræderer, rapporteur, observe que cette précaution, pour éviter toute fraude, sera indiquée dans l’instruction relative aux droits du timbre et à l’exécution de la loi, et que le timbre du second feuillet sera différent de celui dont sera marqué le premier. (Il n’est pas donné suite à la motion.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret relatif à V institution des jurés. M. Thouret reprend son discours; il rappelle en peu de mots ce qu’il a dit hier, dans les deux premières parties, de son opinion, et continue en ces termes : J’arrive maintenant à ma troisième partie et j’examine ici les ‘rois principales objections faites contre la méthode des preuves orales. La première est que cette méthode rend la preuve du faux témoignage presque impossible. Je réponds que M. Tronchet a excessivement exagéré ses craintes sur ce point. Il dit que c’est, dans la déposition même du témoin que se trouve souvent la preuve complète du faux témoignage, et il en cite en preuve ces deux faux témoins qui disaient avoir vu commettre un meurtre, tel jour, art clair de la lune, et qui furent convaincus par un almanach qui prouva que ce jour-là il n’y avait point eu de clair de lune. La réponse est que, quand ces témoignages n’auraient pas été écrits, leur fausseté aurait toujours pu être constatée aussi facilement, aussi sûrement, et tout de même, par un almanach. (Murmures.) M. Tronchet dit ensuite que, quand on opposera Yalibi du témoin à son témoignage de visu, il pourra répondre, ou qu’il n’a pas indiqué le jour qu’on suppose, ou que la rapidité de sa déposition orale Fa fait tomber dans une erreur, et qu’il sera ainsi enhardi par l’impunité. — Je réponds que M. Trouchet va être étonné lui-même de l’erreur qui lui est échappée ici. Le jour et l’heure où le crime a été commis, et qui doivent être indiqués dans l’acte d’accusation, ne peuvent pas varier. Ainsi quand le témoin est venu pour déposer, quand, après avoir entendu l’acte d’accusation, il a déposé de visu , il a bien prétendu qu’il était au lieu du délit le jour et à l’heure qu’il a été commis. Il ne peut donc s’excuser, quand son alibi est constant, ni en disant qu’il n’a pas entendu parler de ce jour-là, puisqu’on ce cas, n’ayant rien vu, il n’aurait eu rien à déposer, ni en se rejetant sur la rapidité de la déposition, parce que ce n’est pas cela qui lui a fait dire qu’il a vu, tel jour, ce qui s’est passé à un lieu où, ce jour-là, il n’était pas présent. Enfin M. Tronchet a objecté le cas du faux témoignage, découvert plusieurs mois après le jugement, dans cette espèce où, de six témoins entendus, quatre n’avaient aucune connaissance, et deux auraient faussement chargé l’accusé. Il serait impossible, a-t-il dit, de faire punir ces deux témoins; ou ne pourrait pas les convaincre d’avoir seuls formé la fausse preuve qui a trompé 150 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. la justice, parce que les jurés ne se souviendraient plus, entre les six témoins, lesquels auraient déterminé leur jugement. Je réponds qu'il est hors de doute, au contraire, que les jurés de cette affaire, qui, tous peut-être, ou du moins le plus grand nombre, n’auront fait que cette fois en leur vie la fonction de juré, qui auront raconté souvent à leur famille et à leurs amis tous les détails de l’action judiciaire où ils jouaient le premier rôle, et qui, en ayant reçu une forte impression, en auront bien gardé le “souvenir, fourniraient une voie de record infaillible dans le cas proposé; mais j’espère qu’avant que j’aie fini de parler, il ne restera pas même de prétexte à l’objection du cas particulier dont il s’agit en ce moment. M. Tronchet a supposé sans cesse que nous professions la dangereuse doctrine de l’impunité du faux témoignage. Nous nous justifions par notre projet même, qui contient un article formel pour assurer la punition de ce crime, c’est l’article 31 du titre V, qui porte que : « Si la dépo-« sition d’un témoin est évidemment fausse, le « président en dressera procès-verbal; il pourra « d’office, et sur la réquisition de l’accusateur « public, ou de l’accusé, le faire arrêter sur-le-< champ, et le renvoyer par-devant le juré de « district du lieu, pour prononcer sur l’àccusa-« tion dont l’acte, dans ce cas, sera dressé par « le président lui-même. » L'exécution de cet article se conçoit aisément. La déposition sera entendue par les juges, par les jurés et par le public. Si l’accusé parvient à en constater la fausseté, soit par les aveux du témoin, soit par la déposition de ses propres témoins, sans doute ce combat sera assez intéressant pour fixer l’attention de toute l’assistance. Il y aura là, et le juge pour dresser procès-verbal du faux constaté, et des témoins nombreux pour le confirmer. J’observe que notre projet d’article porte : si la déposition est évidemment fausse , parce qu’il y aurait de l’injustice à prendre toute variation pour crime de faux, et parce que c’est l’intérêt de l’accusé de ne pas trop inquiéter les témoins, afin qu’ils se livrent avec plus d’abandon aux éclaircissements favorables à sa justification. Cette dernière idée me provoque à rétorquer, contre M. Tronchet, l’exagération de son opinion sur la nécessité de lier les témoins par leurs dépositions écrites. Il faut punir le faux témoin, sans doute ; mais avant l’intérêt de sa punition, il y a un autre intérêt plus précieux et plus touchant : c’est celui d’empêcher qu’il n’insiste et qu’il ne parvienne pour son propre salut à faire périr l’innocent. Les Anglais s’applaudissent d’avoir su concilier ces deux intérêts; c’est par là principalement qu’ils estiment et préfèrent la méthode des preuves orales. Nous, au contraire, en liant trop le témoin, nous sacrifions le principal intérêt à celui qui n’est que secondaire ; puisque nous intéressons le témoin à consommer son crime par la perte de l’innocent, pour assurer plus qu’il n’est nécessaire la facilité de sa punition. Voulez-vous, Messieurs, vous convaincre pleinement de la vérité sur ce point ? Donnez votre attention à l’hypothèse que voici : supposons qu’un accusé ait préparé un plan de défense, par lequel il se croie certain d’amener quelques témoins à des rétractations décisives. Supposons que, conférant librement avec son conseil, il lui fasse part de ses vues et de ses justes espérances ; que celui-ci en convienne, mais qu’il lui dise : (12 janvier 1791. ( « Il est vrai qu’avec cela votre succès paraît indu-« bitable, mais vous ne parviendrez pas aussi sû-« rement à faire punir les témoins; il vaut mieux « prendre avant tout un parti par lequel, si vous « obtenez la rétractation de ces témoins, leur pum-« tion sera assurée. » Ne voyez-vous pas l’accusé, déjà inquiet de la proposition, s’empresser de demander à son conseil : « Mais les témoins ne seront-ils pas ins-« truits de cette position où vous proposez de les « mettre, et du danger qu’ils courront ? >> Du moment où le conseil aurait répondu qu’ils en seront instruits, ne voyez-vous pas, n’entendez-vous pas l’accusé s’écriant : « Gardons-nous de « donner aux témoins cette entrave funeste qui < va les rendre plus attentifs, plus obstinés et « plus difficiles à conduire au point où j’espère « les amener, et dont dépend mon salut. C’est « mon innocence qu’il faut avant tout protéger ; « car la punition d’un coupable n’est rien au prix « de la vie d’un innocent. Et vous-mêmes, qui « vous occupez surtout de faire punir ces témoins, « vous allez contre votre objet: car, avant de les « punir, il faut les convaincre ; et vous rendez « les moyens de leur conviction plus difficiles. » (. Applaudissements .) Occupons-nous donc, Messieurs, du salut de l’accusé d’abord, et pour cela ne donnons pas à la déposition du témoin une telle invariabilité avant le débat, qu’il la voie sans cesse présente à son esprit, comme l’arrêt de sa propre condamnation, s’il n’insiste pas à ce qu’elle contient. Quel sera donc, dira-t-on, le moyen de déterminer quand le faux sera punissable ? Le voici : 11 est maintenant reconnu que les preuves morales sont plus sûres que les preuves légales. Or, ce serait une preuve légale que d’établir qu’à partir de tel acte, ou de tel point de la procédure, et non avant, le crime de faux existe : car ce crime pouvait exister antérieurement, si le faux avait été primitivement déposé avec méchanceté, et il pourrait encore à toute force ne pas exister après, s’il y avait plus d’impéritie ou d’étourderie que d’intention. Laissons donc à l’accusateur public, aux juges et aux jurés, à apprécier, par la moralité du fait, le vrai caractère de ce fait, et le degré de méchanceté du témoin. Nous aurons certainement plus fait pour les accusés, et nous aurons suffisamment pourvu à la sûreté sociale. J’ai entendu dire hier dans une excursion qui fut faite à travers la discussion, lorsque j’eus cessé de parler, qu’il n’y avait pas de pays où les faux témoins fussent plus communs qu’en Angleterre. Il s’ensuivrait nécessairement qu’il n’y aurait pas de pays où il fût plus ordinaire de voir périr des innocents; ou bien il résulte de l’institution du juré sans écritures, que cette méthode ne multiplie pas les faux témoins, ou, ce qui est aussi bon, les empêche d’être dangereux. Or, c’est une vérité de fait notoirement connue, qu’il n’y a pas de pays où les exemples d’innocents condamnés soient moins communs qu’en Angleterre : et il y en a deux raisons : la première est que la méthode d’entendre le témoin publiquement, et de le soumettre à un examen très exact et très détaillé sur toutes les circonstances de sa déposition, quoiqu’on n’écrive pas, est certainement la plus décourageante pour les faux témoins; la seconde est que la liberté de la conviction morale laisse la faculté de ne pas faire entrer le témoin simplement suspect dans la somme des charges, quoiqu'il ne puisse pas être légalement convaincu de faux témoignage. [12 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 151 Je passe à la seconde objection, qui consiste à dire que les preuves orales ne laisseraient plus de possibilité à la REVISION et à la RÉHABILITATION DE LA MÉMOIRE, contre les condamnations déterminées par une erreur de fait. Cette objection tient au système général de la latitude à donner aux voies de réformation sur les décisions du juré. L’Assemblée en examinera les principes, lorsqu’elle s’occupera de cette partie du projet qui est soumis à ses délibérations; il serait trop long d’ajouter ici à la discussion actuelle, déjà si surchargée, tous les développements dont cette autre partie du sujet sera susceptible. Je dirai brièvement que le jugement parjuré, étant le jugement du pays , c’est-à-dire celui du peuple même, est par sa nature infiniment plus respectable que la décision des simples tribunaux; que la sûreté des accusés repose plus solidement sur la certitude générale et commune des épreuves faites par celte méthode que sur les moyens de relèvement qui ont été établis pour réparer les erreurs des tribunaux; qu’entin, dans les deux pays célèbres où le juré est en pratique, il jouit au plus haut degré de l’estime et de la confiance publique. Nous croyons être certains, à la manière dont M. Tronchet s’est expliqué relativement au remède de l’appel, qu’il convient que les décisions du juré n’en sont pas susceptibles. Il a cependant cité YAttaint pour faux jury, en preuve que les lois anglaises avaient cru devoir offrir un secours contre les mauvais jugements, et encore pour avoir occasion d’attribuer au vice de la non écriture l’abrogation de cet Altaint pour faux jury. Il faut savoir, d’abord, que ce n’est point le défaut de procédures écrites qui a fait tomber en désuétude YAttaint des Anglais. Elle fut abrogée pour y substituer la méthode plus raisonnable du nouvel examen que vos comités vous proposent aussi, et que vous pourrez instituer avec telle étendue ou restriction que vous jugerez convenable. La preuve sans réplique que YAttaint n'a pas péri par l’inconvénient du défaut d’écriture, c’est qu’en établissant le nouvel examen, qui en tient lieu, on n’a point cependant établi l’écriture. Le motif de l’abrogation de YAttaint est que c’était un moyen par lequel on rendait les jurés personnellement responsables de leurs jugements; il ne faut pas chercher d’autres raisons du discrédit inévitable dans lequel ce moyen est tombé, que le vice même de sa nature et de son objet. La nature du jury exclut toute responsabilité légale, et il n’est même bon que quand on ne l’exposa pas à être faussement compromis par la responsabilité d’opinion. Au surplus, le nouvel examen n’est, pas plus que YAttaint ne l’était, une voie de droit commun et ordinaire, ouverte contre toutes les décisions du juré; c’est un remède extraordinaire, dont on ne peut se servir que quand on y a été autorisé parles formes établies. Vous verrez, Messieurs, lorsqu’il en sera temps, ce que vous aurez à décider sur la révision et la réhabilitation, qui sont la même chose ; il n’y a là de différence qu’en ce que la réhabilitation est la révision après la mort. J’observe ceci afin que la différence des mots ne fasse pas croirequedaus une seule objection il y en ait deux. Il nous suffit en ce moment de montrer comment la révision pourrait encore subsister sans les écritures, que M. Tronchet demande. Le motif de la révision est la découverte d’une erreur de fait décisive, ignorée lors de la condamnation. Or, cette erreur a tombé, ou sur le corps du délit, ou sur la personne accusée, ou sur les preuves. Si l’erreur était sur le corps du délit, comme si l’homme qu’on a prétendu tué vit et reparaît: en ce cas le moyen de révision ne souffre pas de ce que la procédure n’a point été écrite. Si l’erreur était sur la personne accusée, comme si le vrai coupable se découvre, s’il avoue ou s’il est justifié que c’est lui qui avait commis le crime : en ce cas encore le moyen de révision ne souffre pas du défaut d’écriture des charges trompeuses sur lesquelles l’innocent avait été condamné. Si l’erreur était sur les preuves : en ce cas, subdivisions; si les preuves étaient littérales, c’est-à-dire résultant d’actes produits au procès; s’il est découvert que ces pièces produites fussent fausses, ou si l’accusé en recouvre de nouvelles qui détruisent tout l’effet de celles sur lesquelles il a été condamné, alors le moyen de révision est encore entier : car pour les cas de cette nature, où les preuves de part et d’autre seront tirées d’actes produits, il est hors de doute qu’il faudra assurer ces productions respectives. Si, au contraire, les preuves n’ont été que des dépositions recueillies par écrit, alors il n’y a guère que Y alibi des témoins qui puisse faire ouverture de révision. J’y ai déjà répondu et je le ferai tantôt plus péremptoirement. Il n’y a donc pas dans cette objection, tirée de la prétendue impossibillité de la révision, quand elle est décomposée par l’analyse, cette réalité d’inconvénients et cette importance d’intérêt qui puissent permettre de la mettre un seul instant en balance avec un autre intérêt tout autrement important l’intérêt politique et national de bien organiser le juré. Je remarque, en tinissant sur ce point, cette contradiction frappante dans le projet de M. Tronchet, qu’après avoir désavoué la preuve légale, et tout en annonçant que les écritures qu’il sollicite ne feraient pas cette preuve, cependant il les rétablit avec ce caractère, et ce plein effet destitué de toute moralité, en les destinant à servir pour la révision. La troisième objection qui me reste à examiner est celle tirée de l’impossibilité dé juger, sans preuves écrites, les procès compliqués, ou ceux dans lesquels le nécessité d’entendre de nouveaux témoins indiqués introduira des retards. La complication des procès criminels procède de l’une de ces trois causes: ou de la nature des crimes, ou du grand nombre, soit des accusés, soit des chefs d’accusation, ou du vice même des écritures. Les crimes compliqués par leur nature sont, non pas le poison, l'incendie ou l’assassinat prémédité, qui se réduisent à un fait simple; mais la banqueroute, le péculat,le faux par altération des actes. Pour ces crimes-là, dont la complication est dans leur nature même, et qui exigent des formes d’instruction particulières, les comités ont annoncé, par une note au pied de leur projet, la nécessité d’un règlement particulier. Quant à la complication qui procédera ou du nombre des accusés ou du nombre des chefs d’accusation, il est démontré, par l’expérience de deux peuples très éclairés, que l’impossibilité de juger dans ces cas n’est pas si absolue qu’on le prétend ; et c’est bien là l’occasion de rétorquer à M. Tronchet que ce qui s’est fait et se fait encore tout auprès de nous peut se faire par nous. Si ce sont les accusés qui sont nombreux, m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1791.] lien n’est si simple que de l'aire le débat séparément, et même d’arrêter la décision successivement sur chaque accusé, et si ce sont les chefs d’accusation qui sont multipliés, il est encore très aisé de procéder sur chaque chef à part, comme s’il s’agissait d’autant de procès séparés ; et, dans le vrai, est-ce que chaque chef d’accusation n’est pas une accusation particulière ? Enfin , la complication qui procède du vice même de l’écriture trouve son remède dans l’institution du juré. Elle fera disparaître la surcharge de dépositions, qui était un des abus de notre méthode d’informer par écrit et secrètement. On ne verra (dus le scandale de ces cahiers d’information inquisition nels, ouverts pendant des mois entiers, où l’on compilait ténébreusement et à loisir tous les dires et ouï-dire insignifiants ou concertés que l’esprit de parti, ou les animosités personnelles, ou la suggestion, ou les vains babillages fournissaient. A l’égard du cas où quelque témoin en aura indiqué d’autres qui paraîtront décisifs, il est indubitable qu’il faudra donner le temps nécessaire pour faire venir ces nouveaux témoins. Mais M. Tronchet entend-il qu’on ferait toujours le débat partiel avec les témoins présents pour ne juger que sur ce qui en resterait par écrit, lorsque les nouveaux témoins auraient été entendus? En ce cas, nous demandons comment il concilie la vérilé et la sûreté de la conviction morale avec cette méthode de ne juger après un long intervalle que sur des preuves écrites? Si au contraire il est indubitable qu’il faut, dans le cas supposé, retarder le débat pour le faire complet, et au moment même de la décision, après que les témoins indiqués auront comparu: alors il devient évident que l’écriture, qu’on aurait faite d’abord, ne sert à rien. Après nous être défendus, nous ne pouvons pas nous dispenser de livrer une attaque directe au projet de démet proposé par M. Tronchet ; c’est dans sa substance même que nous allons le frapper. Il présente, au premier aspect, la proscription apparente de la preuve légale; H paraît assurer la prépondérance de la conviction morale, en disant que les jurés n’auront pour les preuves écrites que tel égard que de raison ; mais en résultat vrai, il ne tend à rien moins, en maintenant la méthode d’écrire, qu’à maintenir aussi les abus qu’elle a produits et qu’elle perpétuerait; et comme le système de la preuve légale s’est accrédité par l’effet lent, mais naturel, des preuves écrites, à présent qu’il a été connu, professé et pratiqué, il ne se déracinera pas, tant qu’on écrira des procédures complètes. M. Tronchet n’a pas pensé, sans doute, qu’en paraissant élever, par les termes de son projet de décret, la conviction morale au rang exclusif qui lui est dû, on n’apercevrait pas toujours la préférence qu’il incline naturellement à donner à la preuve écrite, qui devient même preuve légale dans plusieurs cas par la suite nécessaire de sou système. Voyez, Messieurs, l’esprit et le but de ses raisonnements sur l 'Attaint pour faux jury ; ils portent en substance sur le danger qu’il ne subsiste rien pour servir à réformer les décisions des jurés. Le même esprit et le même but se remarquent dans ce qu’il a dit au sujet de la revi-sion.Voicimaintenantnotre dilemme : ou M. Tronchet entend que les écritures ne seront pas une preuve légale qui puisse gêner la conviction des jurés, de manière qu’ils pourront se déterminer, indépendamment des écrits par toutes les impressions morales que ces écrits ne peuvent pas représenter; en ce cas, les écritures ne transmettront point à d’autres les vrais motifs qui auront pu et dû déterminer les jurés, et qui les auront déterminés en effet; elles ne perpétueront donc que des notions trompeuses, incomplètes, et par conséquent insuffisantes et dangereuses � ceux qui voudront s’en servir pour reviser la décision ; ou M. Tronchet, entendant que les écritures pourront servir au contrôle légal deladécision, entend par là que les jurés se trouveront moralement portés à conformer leur jugement aux écritures; et alors comment sera-t-il vrai qu’ils resteront maîtres de n'y avoir que tel égard que de raison ? Comment ces écritures qui, destituées de toute la moralité recueillie par le juré, pourront passer à d’autres hommes et servir à ceux-ci pour contrôler le jugement, ne seraient-elles pas dansles mains de ces derniers une preuve légale ? Comment enfin, dans ce système, ne serait-ce pas à la preuve légale que la prépondérance définitive se trouverait attribuée sur la conviction morale des jurés? ( Applaudissements .) Le projet de décret de M. Tronchet, s’il était adopté, s’éloignerait donc beaucoup des véritables intentions que son auteur a développées dans sou discours : 1° Ce projet est basé sur l’établissement de preuves écrites qui ne seraient pas cependant des preuves pour le juré, et ne serviraient de rien à d’autres, ou ne pourraient leur servir que comme preuves légales, que M. Tronchet n’admet pas ; 2° L’effet indubitable du projet de décret serait de détruire toute la moralité du juré qui serait toujours ramené par une pente invincible vers les écritures qu’il saurait destinées à la réformation de sa décision ; et M. Tronchet, pénétré de l'excellence de la conviction morale, s’en est montré le zélé défenseur; 3° Enfin, le projet de décret tend à détruire même physiquement le juré, par l’impossibilité de le faire subsister avec l’obligation d’assister à la rédaction des procédures complètes : or, il n’est pas possible que M. Tronchet, coopérant avec nous à l’établissement du juré, veuille contrarier le succès du travail commun. M. Tronchet, et nous, et l’Assemblée entière, ne pouvons plus vouloir que la meilleure et la plus sûre exécution du décret constitutif des jurés. Eh bien, décidons tous, par le sentiment de notre conviction intime, et comme si nous étions nous-mêmes des jurés, si nous pensons, si nous osons garantir à la France que le juré pourra se soutenir avec des écritures. Mais si quelqu’un de nous, ou persistant intérieurement (tans l’opinion primitive qu’il aurait eue contre l’établissement du juré, ou s’étant, depuis le décret, réuni à cette opinion, pensait aujourd’hui que la liberté et le civisme peuvent se conserver longtemps sans cette institution qui en est l’âme ; c’est le rapport du décret qu’il faudrait demander, et que l’Assemblée devrait ordonner. Il n’y a plus que ce moyen pour faire qu’il n’y ait pas de jurés en France; et quelque fâcheuse, quelque alarmante pour la Constitution que fût la révocation d’un décret aussi marquant, le mal en serait encore moins profond que celui d’organiser le juré assez malhabilement pour qu’il pérît incessamment dans la pratique par un vice radical d’institution, imputable à l’Assemblée. (Applaudissements.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1791.) 153 QUATRIÈME PARTIE. Nous venons, Messieurs, de justifier les motifs qui ont déterminé vos deux comités à vous proposer la méthode des preuves orales devant le juré, sans modification ni restriction. Nous avouons que, comme on ne peut pas méditer profondément sur cette belle institution sans en sentir tout le prix, ni vérifier par un sérieux examen les prétendus inconvénients dont elle peut d’abord paraître susceptible, sans en reconnaître l’illusion, il ne nous est resté dans l’àme, après un long travail, que le désir vif de la voir bien établie en France, et la plus grande confiance dans la bonté de ses effets. C’est ce double sentiment qui nous a encouragés à vous proposer l’organisation du juré dans toute la pureté de ses principes, et de la manière qui répond le mieux à la franchise, à l’énergie et à l’esprit de civisme qui sont ses caractères essentiels. Nous avons depuis recueilli soigneusement, et mis à profit autant qu’il est en nous, toutes les lumières nouvelles que l’Assemblée a répandues sur cette matière pendant le cours du débat, et que plusieurs de nos collègues nous ont communiquées particulièrement. Nous nous sommes occupés spécialement du discours de M. Tron-chet, dans lequel nous avons reconnu plusieurs observations qui, sans pouvoir déterminer à adopter son système d’écritures complètes, sont dignes de ses lumières et de sa sagesse, et méritent d’influer sur le parti qui reste à prendre. Tout cela nous a définitivement conduit à penser que la plus forte considération, dans l’état actuel, était d’adoucir et de tempérer, au moment de l’établissement, la délicatesse du passage du régime ancien à l’ordre nouveau, et que, d’un état de choses où l’habitude de voir tout écrire avait établi l’opinion que l’écriture est indispensable pour la sûreté, transporter tout à coup les esprits à l’extrémité de l’état contraire où il n’y aurait absolument rien d’écrit, ce serait peut-être leur donner une secousse trop forte. Et comme c’est dans cet état d’anxiété qu’on s’exagère de bonne foi l’idée des inconvénients, sans pouvoir se rendre maître de ses craintes, il peut être utile, au succès de l’institution, de mettre son berceau sous la sauvegarde des opinions tranquillisées. Vos deux comités ont donc recherché par quelle combinaison on pourrait concilier, avec la pratique et la moralité du juré, et avec la liberté des témoins au débat, des écritures suffisantes seulement pour fixer et conserver la substance des témoignages, et assurer, après le jugement, la découverte des erreurs de fait. Nous croyons que cette combinaison se réduit, sous les modifications que je vais expliquer, à ce que toutes les dépositions soient reçues par écrit, en présence du juge et non du juré, et à ce que l’examen du témoin, devant le juré et le débat, soient faits sans écrire : avec cela l’essence du juré subsiste encore; mais elle serait altérée et dépravée, si l’on allait au delà. Voici, Messieurs, le point de vue sous lequel nous vous offrons cette opinion. De quoi s’agit-il principalement? D’acquérir sur chaque procès un fonds de renseignements permanents qui constatent la nature et les circonstances de l’accusation, les témoins qui ont déposé, la nature et le caractère de leurs dépositions, celles qui ont présenté des charges, et celles qui étaient insignifiantes. Or, on aura le fait, le lieu, l’heure et les circonstances du délit dans l’acte d’accusation ; et l’on aura le nombre, les noms des témoins, et le caractère de leur témoignage dans les dépositions écrites. Gela répond à toutes les difficultés de M. Tronchet, sur l’impossibilité de constater, pour la révision, le faux témoignage, et les erreurs de fait découvertes depuis le jugement. Nous insistons pour que ces dépositions, ainsi recueillies et fixées, ne restent que comme renseignements des personnes qui ont déposé, et de la nature de leurs dépositions, pour qu’elles fassent foi de leur contenu seulement, c’est-à-dire que les personnes y dénommées se sont présentées pour déposer telles choses, mais pour qu’elles ne puissent, sous aucun rapport, être considérées ni contre l’accusé, ni pour les jurés, comme pièces probantes du crime. Par cette raison, nous croyons qu’elles doivent être recueillies également, soit devant l'officier de police pour les témoins qui y seront produits; soit devant le directeur du juré d’accusation pour ceux qui seront amenés devant ce juré; soit, enfin, devant un des juges du tribunal criminel pour les témoins que l’accusateur ne produira qu’à cette dernière époque, et pour ceux de l’accusé. Nous persistons à penser que ces dépositions ainsi recueillies ne doivent pas lier le témoin ; parce qu’il nous paraît du plus haut intérêt, pour la vérité et pour l’innocence, que le témoin se présente au débat libre de se livrer à toutes les impressions de la conviction, ou de la résipiscence, qui peuvent le conduire à des aveux favorables à l’accusé; sauf à l’accusateur public, aux juges et au juré, à apprécier moralement le caractère des variations qui devront le rendre punissable, et cela, soit sur l’accusation en faux témoignage de l’accusé, soit d’office. La séance devant le juré s’ouvrira par l’exposition que le président du tribunal y fera du fait de l’accusation ; et la lecture de toutes les dépositions recueillies sera faite publiquement; elle préparera l’attention des témoins et de l’accusé, et elle facilitera aux jurés, par des notions générales, l’intelligence et l’appréciation de tous les détails du débat. Jusqu’ici, Messieurs, l’essence du juré est conservée, et elle subsistera si les témoins sont ensuite examinés de vive voix devant lui sur les détails, et les explications de leurs dépositions; si le débat se fait de vive voix devant lui; si le témoin y est libre; si le mouvement propice à la manifestation de la vérité n’y est point ralenti par de froides et traînantes écritures ; si l’attention du juré y est provoquée par la certiiude qu’il ne lui sera rien remis par écrit; si elle est soutenue par l’intérêt auquel cette situation l’aura disposé; si enfin sa conviction morale et intime s’établit bien par le concours de tous ces éléments nécessaires à sa formation. Si vous faisiez écrire le débat, vous en énerveriez tout l’effet, eu arrêtant son activité; vous détruiriez dans le juré l’intérêt et l’attention, en les émoussant par l’ennui ; si vous remettiez au juré tout le procès par écrit, vous égareriez sa simplicité, son inexpérience; vous croiseriez, par l’embarras de ses idées sur l’appréciation des écrits, les impressions naturelles qu’il a reçues dans son âme; vous tenteriez enfin sa loyauté, en lui montrant des actes qui survivraient aux motifs de sa conviction. Il n’est point désavantageux à l’accusé, sous le rapport de la révision, que les dispositions soient écrites et que le débat ne le soit point : car un débat écrit mais réduit aux termes pro- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1791.] 154 [Assemblée nationale.] posés par M. Troncliet, c’est-à-dire auquel le juré resterait maître de ne pas avoir égard , ne donnerait qu’un indice, un simple aperçu, et non pas une preuve sûre de ce qui a dû déterminer le juré, et de ce qui l’aurait déterminé en effet. Or, on a ce même indice dans les dépositions. Dans l’hypothèse où le moyen de révision consisterait à prouver le faux témoignage, et où il s’agirait de constater que le témoin a réellement influé sur la décision, le débat ne prouverait que l’une de ces deux choses : ou que le témoignage n’a pas été détruit, et, en ce cas, la déposition écrite vaut autant; ou que le témoignage aurait été rendu suspect, et, en ce cas, le débat écrit nuirait plutôt à l’admission de la révision, en prouvant que le témoin n’a pas dû influer sur le juré. Par là enfin, il ne résultera rien qui puisse décréditer, dans l’opinion publique, la haute considération que le jugement par juré doit y conserver; car de deux choses l’une: ou le jugement sera conforme aux aperçus de charges contenus dans les dépositions, et alors on pensera que ces dépositions n’ont pas été détruites par le débat; ou le jugement ne paraîtra pas conforme à ce qu’indiquaient ces aperçus de charges, et alors on pensera qu’elles ont été atténuées ou détruites par le débat. Ainsi, Messieurs, l’écriture des dépositions, telle que nous la proposons, comme résultat final des dernières conférences de vos comités, répond à tout, satisfait à tout, concilie tous les intérêts et toutes les opinions ; mais nous sommes restés convaincus que tout système tendant au delà entraînerait la destruction du juré. Nous, Messieurs, détruire le juré au moment de son organisation même! Voici ce que les Anglais, qui en jouissent, pensent de l’importance de le conserver : « Les libertés de l’Angleterre, « dit Btakstone, subsisteront aussi longtemps <« que ce palladium sera sacré, et à l’abri, non « seulement des attaques ouvertes (et qui est-ce « qui oserait à visage découvert?), mais encore « des machinations secrètes pour le miner sour-« dement, en introduisant de nouvelles formes « de jugement ..... . N’oublions jamais que les « délais et d’autres inconvénients dans notre « forme de justice sont le prix que notre nation « paye pour sa liberté dans les matières capi-« taies. N'oublions pas que les plus petites at-« teintes au boulevard sacré de la nation ébran-« levaient les fondements de notre Constitution, « et que , paraissant d'abord fort peu de chose , « elles pourraient devenir assez considérables pour « faire disparaître le juré dans les causes du plus « grand intérêt. » Eh bien, voilà aussi pour nous la mesure de notre intérêt à l’acquérir, et des efforts à faire pour consolider cette acquisition. Dans une discussion dont la matière est si féconde, il y sans doute des considérations partielles, favorables aux divers systèmes, même aux moins bons. Mais les vraies raisons sont celles qui, tirées de la nature des choses et des hommes, sont également prises de l’essence de l’institution, qui en soutiennent l’esprit, et qui en complètent l’effet. Or, des deux modes comparés ici, celui proposé par vos comités est le seul qui soit bien réellement dans la nature des choses et dans celle du juré. Ce n’est pas un intérêt peu important que celui de relever en France l’esprit civique par la vigueur du caractère moral que l’institution des jurés, aussi pure qu’il est possible, ne peut pas manquer d’établir. Chaque session de jurés montrera au peuple l’exercice de sa puissance, réveillera dans chaque citoyen le sentiment de sa dignité et de son indépendance, et, faisant sentir aux hommes le besoin qu’ils ont de l’estime et de la confiance les uns des autres, les rapprochera par la fraternité, par l’égalité, par tous les seniiments qui nourrissent et fortifient le civisme. {Applaudissements .) Est-ce là le cas d’examiner si l’on perd quelque chose de bien précieux en perdant quelques avantages, d’un intérêt secondaire, attachés à l’ancienne méthode? Il faut voir dans l’ensemble ce qu’on gagne à être aussi délivré de ses abus, et, surtout, ce qu’on gagne par la prépondérance en masse des avantages du juré. Il faut voir, enfin, de la hauteur où notre Constitution nous élève au-dessus de l’Angleterre, combien il serait rapetissant de n’oser l’imiter que gauchement et mesquinement dans la seule institution qui entretient dans ce peuple l’esprit et l’amour de la liberté, qui le rend enfin ce que nous lui avons si longtemps envié d’être. Qui nous arrêterait donc? Le doute sur l’assentiment national? Eh! ia nation française a si bien prouvé depuis dix-huit mois qu’elle saisit avec reconnaissance tout le bien qu’on lui démontre, et que, mûre pour la liberté, elle est capable de tout ce qui la fonde et la soutient ! L’hésitation viendrait-elle de nous? Non, Messieurs, ce n’est pas encore en cette circonstance qu’il sera prouvé à l’Europe jalouse des succès de cette Assemblée qu’elle ait usé ses forces, et qu’elle ait dégénéré de sa primitive énergie. Votre délibération confondra ses calomniateurs. PROJET DE DÉCRET. 1“ Les dépositions des témoins seront faites et reçues par écrit, savoir : devant les officiers de police, pour ceux des témoins qui y seront produits; et devant le directeur du juré d’accusation, pour les témoins qui, n’ayant pas comparu devant l’officier de police, seront amenés d’abord devant le juré d’accusation. 2° Les nouveaux témoins que l’accusateur voudra produire encore devant le juré de jugement, ainsi que les témoins de l’accusé, seront entendus d’abord, et leurs dépositions écrites devant un des juges du tribunal criminel. 3° L’examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré de vive voix et sans écrit, après la lecture publique qui sera faite de toutes les dépositions, et ils serviront seuls à la conviction. ( Applaudissements .) (La suite de la discussion est ajournée jusqu’à ce que le discours de M. Tbouret ait été imprimé et distribué.) — Un membre du comité d'aliénation propose le projet de décret suivant, qui est adopté : « L’Assemblée nationale, sur le rapport, qui lui a été fait par son comité d’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par Je décret du 24 mat 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret ; savoir :