400 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE pour ramener l’abondance au sein de la République. Il vous suffira de saisir toutes les occasions de confirmer les principes que vous avez consacrés, et de faciliter par tous les moyens possibles la prompte circulation des matières commerciales. Mais si vous comptez sur les marchandises que le commerce particulier se procurera chez l’étranger, ne devez-vous pas aussi tirer tout le parti possible des marchandises étrangères arrivées dans vos ports sans le secours du commerce et des échanges ? Votre comité veut parler des prises faites sur les ennemis de la République. Les prises vous fournissent des marchandises de première nécessité et de luxe, de consommation et de prohibition, ce que ne peut faire le commerce ; et il arrive souvent que l’insuffisance des lois a forcé de garder et de laisser dépérir dans les ports des marchandises, ou qui semblaient prohibées, ou qui étaient de nature à être mises en réquisition, ou faute de moyens pour les livrer rapidement à la circulation, ou enfin faute d’action pour les vendre à l’étranger par la voie de l’exportation. Cependant, tant qu’il existe une quantité quelconque de marchandises prises sur les ennemis de la République, la main de la réquisition semble devoir les respecter, parce qu’ alors elles deviennent une propriété individuelle et même nationale, et par leur reflux dans l’intérieur elles établissent une concurrence démontrée nécessaire à la base du prix des matières de la même nature. Hâtez-vous donc de fixer la destination et l’emploi des prises faites sur l’ennemi, en classant les matières de consommation, les matières premières utiles aux fabriques et manufactures, et des marchandises dont l’importation est prohibée par les lois. Hâtez-vous de fixer le mode de réquisition, de la part de la commission du commerce, sur les objets de consommation et d’approvisionnements que les prises vous procurent ; de livrer à la fibre circulation les matières nécessaires aux manufactures ; de disposer des marchandises prohibées qui vous arrivent, et enfin de donner à chaque espèce de matière commerciale la destination que l’intérêt national exige. Récompensez ceux qui font des prises, et qui ont dû compter sur le prix de leur courage ; évitez le dépérissement, dans les ports et les magasins, des marchandises confiées à la garde de la malveillance ou de l’ineptie. Votre comité à pensé que si, par votre décret du 6 de ce mois, vous avez engagé l’étranger et le commerçant français à vous approvisionner des denrées et marchandises non prohibées, en lui en laissant la fibre disposition, vous devez accorder la même liberté pour les marchandises provenant des prises faites sur vos ennemis ; vous le devez également pour les marchandises propres à vos manufactures, que le commerce a fait arriver à grands frais de l’étranger ou de nos colonies, qui ont, en très grande partie, été mises en réquisition par la commission du commerce à leur arrivée dans les divers ports de la République, et dont le prix est infiniment au-dessous de leur achat. Il ne faut, pour vous en convaincre, que comparer le taux actuel du fret et de l’assurance des navires avec celui qui se payait avant la guerre que la liberté et la vertu soutiennent avec tant d’avantages contre l’esclavage et le crime. Le fret, qui était ordinairement à 150 livres le tonneau pour les marchandises venant de l’Inde, est maintenant porté jusqu’à 400 livres ; et l’assurance, qui était de 5 à 6 pour 100, est de 50, 60 et même 75 livres. Aussi beaucoup de commerçants ont-ils prouvé à vos comités que le prix de ces marchandises que la loi autorise ne suffit pas, à beaucoup près, pour les rembourser de leurs frais et des droits qu’ils ont été obligés d’acquitter à leur arrivée dans les ports de la République. La commission de commerce a également des matières premières propres aux fabriques, dont elle a traité, à très haut prix, avec l’étranger. Jusqu’ici, la mise en circulation de sa part s’en est faite avec des pertes énormes pour la République. Votre comité a pensé que ces sacrifices étaient impolitiques et ne satisfaisaient pas les intérêts du peuple. En effet, qui est-ce qui a profité de cette bienveillance nationale ? des spéculateurs avides, des agioteurs ennemis de l’humanité ; ils semblaient être les canaux par où devaient s’écouler, pour ainsi dire, la sollicitude paternelle de la Convention, et il n’en est sorti que la pénurie des matières commerciales, et une cherté excessive, contraire à vos vues de bienfaisance. Par exemple, tel marchand a obtenu des sucres à 40, 50 sous et 3 fiv. au plus, qui les a vendus de 9 à 12 livres ; tel autre a acheté des cotons de 2 à 3 fiv., suivant les différentes qualités, qui a retiré, par livre, un bénéfice de 12 à 15 livres. Votre comité ne vous cite que ces exemples, sur une infinité d’autres qui sont parvenus à sa connaissance; mais ils suffisent pour vous démontrer que votre intention a manqué son effet, et que l’intérêt du peuple à cet égard est nul. Votre comité, en se résumant, pense que la liberté du commerce est la base de son activité, de son étendue et de ses ressources ; que l’abondance et la prospérité publique en découlent nécessairement ; que les entraves qu’on y apporte enchaînent la spéculation, énervent l’industrie et détruisent les intérêts particuliers, qui, en ce cas, font la masse de l’intérêt général. C’est pourquoi votre comité, après en avoir conféré avec la section du Commerce des comités de Salut public et des Finances, vous propose le projet de décret suivant, par une suite nécessaire de celui du 6 de ce mois : Art. 1er.- Toutes les marchandises provenant des prises faites sur les ennemis de la République, seront vendues en vente publique, au plus offrant et dernier enchérisseur ; elles seront considérées entre les mains de l’acquéreur comme produits du commerce extérieur. Elles pourront être revendues au prix convenu de gré à gré. Art. IL-Sont exceptées les denrées et matières nécessaires à l’approvisionnement de la Marine et des armées, qui seront laissées à la disposition de la commission de Commerce et approvisionnement, ainsi que les marchandises SÉANCE DU 12 FRIMAIRE AN III (2 DÉCEMBRE 1794) - N08 33-35 401 prohibées. La commission de Commerce donnera aux comités de Salut public et de Commerce l’état des marchandises qu’elle croira nécessaires au service des armées. Art. III.- Toutes les denrées coloniales et marchandises venues de l’étranger par le commerce particulier, même celles actuellement en réquisition, resteront à la libre disposition des expéditeurs ou commerçants, qui pourront les vendre à prix convenu, et de gré à gré. L’insertion du présent décret au Bulletin tiendra lieu de promulgation (100). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BIDAULT au nom] du comité de Commerce et approvisionnements, réuni aux sections de commerce des comités de Salut public et des Finances, décrète : Article premier Toutes les marchandises provenant des prises faites sur les ennemis de la République, seront vendues en vente publique, au plus offrant et dernier enchérisseur; elles seront considérées entre les mains de l’acquéreur comme produits du commerce extérieur. Elles pourront être revendues au prix convenu de gré à gré. II Sont exceptées les denrées et matières nécessaires à l’approvisionnement de la Marine et des armées, qui seront laissées à la disposition de la commission de Commerce et approvisionnements, ainsi que les marchandises prohibées. La commission de Commerce donnera aux comités de Salut public et de Commerce l’état des marchandises qu’elle croira nécessaire au service des armées. III Toutes les denrées coloniales et marchandises venues de l’étranger par le commerce particulier, même celles actuellement en réquisition, resteront à la libre disposition des expéditeurs ou commer-çans, qui pourront les vendre à prix convenu, et de gré à gré. IV L’insertion du présent décret au bulletin tiendra lieu de promulgation (101). (100) C 327 (1), pl. 1433, p. 15 et 16. Moniteur, XXII, 650- 651. Rép., n° 73 ; Débats, n° 800, 1032 ; Ann. Patr., n° 701 ; C. Eg., n° 836 ; F. delà Républ., n° 73 ; J. Fr., n° 798 ; Gazette Fr., n° 1065 ; M.U., n° 1360 ; Mess. Soir, n° 836. (101) P.-V., L, 271-272. 33 Un membre demande que les comités de Commerce et de Salut public présentent, dans trois jours, à la Convention, un projet de décret, tendant à assurer l’état, la quantité et la qualité des prises qui arriveront à l’avenir dans les ports de la République, et à les conserver en bon état jusqu’au temps de la vente; cette proposition est décrétée (102). 34 On demande ensuite que les comités de Salut public et de Commerce présentent un projet de décret pour assurer une parité entre le sort des capteurs des marchandises prohibées, et celui de ceux qui s’emparent des marchandises vendues de gré à gré. Le renvoi de cette proposition aux deux comités a été fait en ces termes ; La Convention nationale renvoie à ses comités de Salut public, de Commerce et d’approvisionnemens, la proposition faite de fixer, pour l’estimation des marchandises prohibées provenant de prises qui doivent rester à la disposition de la commission de commerce et d’approvisionnemens, un mode qui établisse une parité entre le sort des capteurs de ces sortes de marchandises, et celui de ceux qui s’emparent des marchandises vendues de gré à gré et à prix convenu (103). 35 Un membre [FOURCROY] présente, au nom des comités d’instruction publique et de Salut public, un projet de décret relatif à l’établissement d’une école centrale de médecine à Paris. On réclame de pareils établissemens pour Montpellier [Hérault] et Strasbourg [Bas-Rhin]. Après quelques discussions, l’Assemblée décrète qu’il sera formé trois de ces établissemens, l’un à Paris, l'autre à Montpellier, et le troisième à Strasbourg. Le rapporteur demande, et l’Assemblée décrète le renvoi du projet de décret pour être refondu, et rendu conforme à ce qui venoit d’être décrété (104). (102) P.-V., L, 272. (103) P.-V., L, 272. (104) P.-V., L, 272-273. Baraillon rapporteur selon C*II, 21.