408 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [9 septembre 1791.] potisme, la Bastille : à ces citoyens zélés pour leur patrie, qui ont voulu avoir leur roi parmi eux et qui l’ont conquis à Versailles! Si les amis de la liberté reçoivent des témoignages de bienveillance et de reconnaissance à Paris, à Marseille, à Lyon, à Nimes, pourquoi ceux du Gomtat seraient-ils improuvés en les imitant? Voudrait-on que des chaînes monstrueuses existassent au milieu d’un peuple qui a brisé les siennes? Voudrait-on entretenir un germe éternel de contre-révolution au milieu de l’Empire français? Non, Messieurs, votre justice, votresagesse, sont des motifs puissants de consolation pour nous ; elles répandent dans nos cœurs la douce espérance que vous allez nous déclarer Français. Si des coi sidérations particulières pouvaient retarder cet acte d’humanité de votre part, nous vous annonçons que nous sommes 10,000 qui avons juré, comme les Spartiates, de verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour défendre nos droits. Retirez alors le bienfait que vous nous avez accordé par votre médiation, laissez-nous entièrement livrés à notre courage et à notre énergie ; nous vaincrons, ou nous mourrons. (Applaudissements.) M. le Président répond : La nation a été vivement affligée des troubles qui se sont manifestés parmi vous; elle verra avec plaisir l’instant où elle pourra vous accueillir dans son sein et ne formera avec vous qu’une commune patrie, elle ne peut faire une réunion plus digne d’elle que celle d’un peuple qui connaît tout le mérite de sa Constitution, qui sait sentir tout le prix de la liberté, qui en a déjà toute l’énergie, et qui connaît tout l’avantage de devenir Français. Mais, comme une justice sévère doit régler toutes lesdémarches de l’Assemblée, sa décision dépendra uniquement du rapport qu’on doit lui faire et de la discussion approfondie qui doit suivre. ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète qu’il sera fait mention dans le procès-verbal des discours de la députation.) . M. de Vismes, au nom des comités diplomatique et des domaines , a la parole et continue son rapport sur l'affaire du prince de Monaco (Voir ci-après ce document aux annexes de la séance.) (Ce rapport est interrompu et la suite de la lecture en est renvoyée à la séance de demain soir). M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU VENDREDI 9 SEPTEMBRE 1791, AU SOIR. Rapport sur l’ affaire du prince de Monaco, fait au nom du comité diplomatique et des domaines, par M. de Vismes, député de Laon. — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale) (1). Messieurs, Le prince de Monaco, à qui la suppression des droi s féodaux, des péages et des justices patrimoniales fait perdre une partie considérable des concessions faites à ses auu uis, en exécution du traité de Péronne du 14 septembre 1641, demande à la nation une indemnité de celte perte qu’il évalue à environ 200,000 livres de ren te. D’un autre côté, la commune des Raux, en Provence, soutenant que la maison de Monaco n’a pu conserver les biens qui lui ont été concédés, en France, depuis les restitutions qui ont dû lui être faites en Italie, en vertu de l’article 104 du traité des Pyré nées, a dénoncé à l’Assemblée nationale, comme illégitime, la possession actuelle du prince de Monaco. Vous avez renvoyé, Messieurs, à l’examen du comité des domaines, et la demande du prince de. Monaco, et la dénonciation de la commune des Raux. L’importance de cette affaire, qui se fait remarquer au premier coup-d’œil, l’a déterminé à s’adjoindre le comité diplomatique; tous deux l’ont discutée avec toute l’attention qu’elle mérite: le développement de l’opinion qu’ils m’ont chargé de vous présenter doit être préparé par un exposé fidèle des faits. HISTORIQUE DE L’ AFFAIRE. La principauté de Monaco est une petite souveraineté indépendante, placée enire le comté de Nice et l’Etat de Gènes, à peu de distance de la frontière ée France. La position géographique de la ville de Monaco, sa position sur une longue terre que la nature a pris soin de fortifier, t’étendue, la sûreté et la commodité de son port, font de cette place une des stations importantes de la Méditerranée. L’Espagne, qui en connaissait les avantages, ne fut pas scrupuleuse sur les moyens d’en devenir la maîtresse. En 1605, Hercule Ier, prince de Monaco, fut assassiné, li laissait pour héritier Honoré II, son fils, encore en bas âge. Horace Grimaldi, oncle et tuteur de ce jeune prince, gagné par la cour de Madrid, laissa introduire une garnison espagnole dans la ville de Monaco; et le roi d’Espagne, sous prétexte d’alliance et de protectio u , ne laissa b len tôt plus au prince qu’un e ombre de souveraineté. 11 paraît, Messieurs, que, dès 1636, la France avait formé le projet d’enlever Monaco aux Espagnols, et que l’on reconnut alors que cela ne pouvait guère s’effectuer que par surprise. Honoré, instruit du dessein de la cour de France, et brûlant du désir de se délivrer du joug de ses oppresseurs, entama à ce sujet avec elle une négo-(1) Voir ci-dessus, même sSance, page 403, et ci-après, séance du 10 septembre 1791.