3 [Assemblée nationale.) ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES, pour objet que Putilité de la nation : tels sont, Messieurs, les principes d’où vous dérivâtes cette organisation de pouvoirs, qui, en garantissant à la nation les droits imprescriptibles de la souveraineté, la fait jouir de tous les avantages du gouvernement représentatif et de tous ceux de la mouarchie tempérée. A ces anciens tribunaux qui faisaient de la justice un droit vénal et héréditaire, VOUS eti avez substitué d’autres, qui, composés par le vœu du peuple, ne verront dans leurs fonctions qu’un devoir. A ces administra-■ teurs provinciaux, à tous ces tyrans subalternes, dont l’intérêt individuel était toujours en opposition avec celui des administrés, vous avez substitué Üfef, administrations populaires, qui, animées d’un seul et même intérêt, n'aüront d’autre but (jüe lé bien et l’utilité générale. Représentants du peüple vous avez réservé à ses délégués électifs le droit de faire des lois, et vous avez maintenu le roi dans là possession dü pouvoir éminent de lés faire exécuter : pénétrés, ainsi que la France entière, dü rèSpect le pluâ profond pour p personne ... sacrée, vous avez investi son trône de toute l'inviolabilité de la majesté héréditaire, et vous avez rempli le vœu personnel du restaurateur de la liberté, en empêchant, par une responsabilité rigoureuse, qu’abusant de son nom et de son autorité, les organes de ses volontés ne lui fissent vouloir le mal. « Remontant au but primitif de toute association politique, vous avez reconnu, Messieurs, que l’entretien de la force publique, destiuée à garantir les droits et les propriétés du citoyen, ne doit pas porter atteinte à ces mêmes droits et à ces propriétés. Vous avez banni du code de notre droit public cette maximé, digne des siècles peu éclairés qui la virent naître : Si veut le roi , si veut la loi; et vous avez rendu aux représentants du peuple le droit de consentir librement la contribution publique. Appelés pour remettre l’ordre dans les finances, il n’a fallu rien moins que votre courage et vos lumières pour ne pas désespérer de la chose publique : interprètes de la volonté d’une nation loyale et généreuse, vous avez pris sous sa sauvegarde immédiate les créanciers de l’Etat, et vous avez conçu, vous avez fait plus, vous avez exécuté l’idée hardie d’amortir une dette immense, tout en soulageant les contribuables. Vous avez attaqué les abus jusques dans leurs racines les plus profondes : semblables à un lierre flexible, il n’y avait pas une seule branche de l’administration qu’ils n’eussent enveloppée de leurs tiges tortueuses, et ils n’avaient pas même respecté le patrimoine sacré des autels et des pauvres ; vous avez coupé toutes leurs boutures immondes. « La liberté, cette propriété la plus auguste de l’homme, puisqu’elle est le gage caractéristique de sa raison et de son intelligence, la liberté méritait, Messieurs, d’être vengée par vous des outrages du despotisme. « Vous avez condamné à jamais ces ordres arbitraires qui, rarement excusables, étaient toujours odieux : vous avez consacré ce principe qui, pour l’honneur de l’humanité, n’aurait jamais dû être méconnu : que nul ne doit être inquiété pour ses opinions. Forts de la pureté de vos intentions, vous n’avez pas craint que vos opérations fussent éclairées du flambeau de la critique, et vous avez affranchi le génie des fers de la censure. Amis de l’ordre, vous n’avez pas voulu cependant que la libre communication des pensées devînt une source de troubles; et vous avez condamné la licence. Ah ! puisse ce monstre [23 octobre 1790.J sanguinaire disparaître à jamais d’un état où vous avez tixé la justice! puisse une ligue générale se former entre tous les bons citoyens, pour le bannir de la patrie de la concorde et des mœurs ! puissent tous les Français s’empresser d’entrer dans cette ligue du bien public , et, oubliant les sacrifices personnels, rendre hommage eniin à vos bienfaits, et vous en témoigner leur reconnaissance, en concourant de toutes leurs forces à réaliser ce vœu de vos cœurs, cet objet chéri j de vos veilles : qu’il n'y ait sous l’empire de Louis XVI qu'un peuple de frères. « L’université de Strasbourg, digne par ses sentiments d’entrer dans cette alliance sainte, jure, Messieurs, d’en observer toutes les lois : elle y apportera toute l’énergie de la reconnaissance publique alliée à toute celle de la reconnaissance particulière dont l’a pénétrée yotre décret du 17 août dernier. Fidèle à la nation, à la loi et au roi, elle demeurera à jamais dévouée à la Constitution qui fera la gloire et le bonheur de la France, et elle attachera son propre bonheur et sa propre gloire à former de bons citoyens, et à répandre au loin, par la voie de l’instruction, les principes philanthropiques qui ont allumé dans les cœurs des régénérateurs de la nation française, l’espoir de réaliser la paix universelle qu’avait conçue Henri IV. « Nous sommes avec un profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Le recteur , les doyens et les professeurs de l’Université de Strasbourg . « Signé : HèrMann, recteur. « A Strasbourg, le 16 octobre 1790. » M. de Vaudrcuïl, membre du comité de la marine , met sous les yeux de l’Assemblée une lettre et une délibération de la municipalité de Bayonne, adressées à ce comité, et qui constatent les soins que cette municipalité s’est donnés sur les demandes successives du commissaire des classes de la même ville, et de M. Couture, commissaire supérieur, pour assurer le départ des marins nécessaires au service de la nation, en échangeant une première fois une somme de 16,000 livres, et depuis, celle de 3,000 livres en numéraire métallique contre des assignats; au moyen de quoi, le départ des marins commandés n’a éprouvé aucun retard. (L’Assemblée applaudit à la conduite patriotiaue de la municipalité de Bayonne; elle décrète qu’il en sera fait une mention honorable dans son procès-verbal, et que sou président sera chargé de lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée.) M. l’abbé Gibert, membre du comité des finances ■, rend compte de quelques difficultés survenues relativement à la capitation des ci-devant privilégiés de Bourgogne, et à la comptabilité de l’ancien receveur de cette imposition ; il propose un projet de décret qui est adopté dans ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de sou comité des finances sur les plaintes à elle adressées par les administrateurs des départements de l’Yonne, Saône-et-Loire et de la Côte-d’Or, décrète que l’ancien receveur de la capitation de la ei-devant noblesse de Bourgogne, sera tenu, conformément aux articles 1, 2 et 3 du décret du 13 juillet dernier, sanctionné par le roi le 22 du même mois, de représenter auxdits administrateurs l’état de la situation de sa caisse en re- 4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1790.] cette et en dépense, tant pour l’acquittement de la capitation, que pour les autres dépenses arrêtées et fixées dans la chambre de la ci-devant noblesse, le 11 mai 1781; et après vérification faite, lesdits administrateurs décerneront des contraintes contre ceux des contribuables qui auraient négligé d’acquitter les sommes à eux imposées dans les rôles des années antérieures à 1790. « Décrète, en outre, que s’il se trouve, après l’appurement desdits comptes et la rentrée des arrérages, des deniers restants, ils seront laissés dans les mains de l’ancien receveur, pour être délivrés aux parties intéressées sur leurs réclamations, ainsi qu’il appartiendra. » M. le Président fait part à l’Assemblée du résultat du scrutin auquel il a été procédé à l’issue de la séance du matin de ce jour, pour la nomination de son successeur, et lui annonce que, ne donnant à aucun membre la majorité requise, il sera nécessaire de procéder demain à un nouveau tour de scrutin. Les voix se sont réparties entre MM. Barnave, de Bonnay et de Jessé. — Les nouveaux secrétaires élus sont MM. d’Eibecq, Lanjuinais et Brostaret. M. Chasset, rapporteur des comités réunis des affaires ecclésiastiques, d’ aliénation, des domaines , de mendicité et des finances, donne lecture de tous les articles décrétés sur son rapport dans diverses séances, et dont la réunion forme le décret sur l’administration des biens nationaux; il fait remarquer les corrections et additions qu’il a été nécessaire de faire à quelques-uns de ces articles, en procédant à leur réunion. L’Assemblée adopte de nouveau ce décret avec les corrections et additions proposées par le rapporteur, et ordonne de plus qu’il sera incessamment imprimé sous la date unique de ce jour. Le décret est Je suivant : DECRET de V Assemblée nationale, sur la désignation des biens nationaux à vendre dès à présent ; sur leur administration jusqu' à la vente ; sur les créanciers particuliers des différentes maisons ; et sur l'indemnité delà dîme inféodée. Du 23 octobre 1790. TITRE Ier. De la distinction des biens nationaux à vendre dès à présent, et de l'administration générale. Art. 1». L’Assemblée nationale décrète qu’elle entend par biens nationaux : 1° Tous les biens des domaines de la couronne ; 2° Tous les biens des apanages ; 3° Tous les biens du clergé , 4° Tous les biens des séminaires diocésains. L’Assemblée ajourne ce qui concerne : 1° Les biens des fabriques ; 2° Les biens des fondations établies dans les églises paroissiales ; � 3° Lesbiens des séminaires-collèges, des collèges, des établissements d’étude ou de retraite, et de tous établissements destinés à renseignement public ; 4» Les biens des hôpitaux, maisons de charité et autres établissements destinés au soulagement des pauvres, ainsi que ceux de l’ordre de Malte, et de tous autres ordres religieux militaires. Art. 2. L’Assemblée décrète que tous lesdits biens déclarés nationaux seront vendus dès à présent; et, en attendant, qu’ils seront administrés par les corps administratifs, sous les exceptions et modifications ci-après. Art. 3. Ne seront pas vendus les biens servant de . dotation aux chapelles desservies dans l’enceinte des maisons particulières par un chapelain ou desservant à la seule disposition du propriétaire ; ni les biens servant de dotation aux fondations faites pour' subvenir à l’éducation des parents des fondateurs, qui ont été conservés par les articles 23 et 26 du décret du 12 juillet dernier sur la constitution civile du clergé ; ces biens seront administrés comme parle passé. Art. 4. Sont et demeurent exceptés de la ventèxles domaines qui auront été réservés au roi par lin décret de l’Assemblée nationale ; et les assemblée� . administratives, ni les municipalités, ne pourront \ à cet égard exercer aucune administration. \ Art. 5. � Sont et demeurent également exceptés de la ) vente, quant à présent, les bois et forêts dont la \ conservation a été arrêtée par le décret du \ 6 août dernier. Art. 6. Au moyen des dispositions de l’article 3 du titre II du décret sur les ordres religieux, qui ordonne qu’il sera tenu compte, jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné , aux religieuses vouées par leur institut, et actuellement employées à l’enseignement public et au soulagement des pauvres, de la totalité de leurs revenus ; les biens par elles possédés seront administrés, à compter du 1er janvier 1791, par les administrations de département et de district, et, dès cette époque, il leur sera tenu compte, en argent, de leurs revenus. Art. 7. Les biens des religieuses vouées à Renseignement public pourront même être vendus dès à présent; quant à ceux des religieuses destinées { au soulagement des pauvres, ils sont compris. dans l’ajournement ci-devant prononcé. Art. 8. Sont aussi compris dans ledit ajournement les biens possédés par les religieux voués au soulagement des pauvres, ainsi que ceux des congrégations séculières, mais non ceux des religieux voués à Renseignement ; néanmoins quant aux biens des religieux voués au soulagement des pauvres , au moyen des pensions à eux accordées, ils cesseront de les administrer au l,r janvier 1791 ; à cette époque, les administrations de déparlement et de district en