[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 février t791*l 7i9 exigent pour absoudre est fondé sur une profonde connaissance du cœur humain, un seul homme est facilement soupçonné d’erreur ou de mauvaise foi, deux hommes forment facilement entre eux une collusion coupable; mais l’accord entre trois personnes se présume bien moins facilement, et leur doute commun imprime assez d’incertitude sur l’assertion des neuf autres jurés pour que la loi s’abstienne de condamner. Telle est la théorie de l’article, et si Ton réfléchit que pour donner sa voix contre l’accusé, il faut être convaincu de son crime, que pour l’absoudre, au contraire, il suffit d’en douter; que celui des jurés qui concevra des doutes raisonnables les fera toujours partager facilement à deux de ses collègues : ou pensera que l'article des comités est la disposition la plus douce et la plus humaine qui ait jamais existé dans les lois criminelles d’aucun peuple, et que vouloir aller plus loin ce ne serait pas stipuler pour l’intérêt de l’innocence, mais pour l’intérêt des scélérats contre la sûreté de tous. Je demande la question préalable sur l’amendement de M. Robespierre. M. de Folieville. (J’appuie la proposition de M. Robespierre. L’Assemblée a voulu détruire les preuves legales, et j’en vois le rétablissement dans l’article présenté par le comité. Quant à moi, j’aurais désiré cette preuve légale, j’aurais voulu qu’un juré pût toujours s’appuyer sur Je texte de la loi qui aurait parlé avant lui. Mais vous avez abrogé cette forme de procédure; et cependant vous substituez aujourd’hui la volonté du juré aux dépositions de deux ou trois témoins. Vous avez voulu la preuve morale tellement évidente, que tout le monde la pût saisir; vous avez voulu qu’elle ne se refusât à persoune ; vous avez donc voulu l’unanimité. (L’amendement de M. Robespierre est rejeté par la question préalable). (L’article 22 est adopté). « Art. 23. Lorsque les jurés se trouveront en état de donner leurs déclarations, ils feront avertir le commissaire du roi, lequel passera dans la chambre du conseil, où le chef du juré se rendra pareillement ; les jurés successivement, et, en l'absence le3 un3 des autres, feront, chacun devant eux, leurs déclarations de la manière qui va être expliquée. » Un membre propose de retrancher les mots : et en l’absence les uns des autres. (Cet amendement est rejelé). Un membre propose de substituer à ces mots : Ils feront avertir le commissaire du roi , ceux-ci : Ils feront avertir les juges et le commissaire du roi, lesquels passeront , etc,...'. (Cet amendement est adopté). L’article est décrété comme suit : Art. 23. « Lorsque les jurés se trouveront en état de donner leurs déclarations, ils feront avertir les juges et le commissaire du roi, lesquels passeront dans la chambre du conseil, où le chef du juré se rendra pareillement, les jurés successivement, et, en l’absence les uns des autres, feront, chacun devant eux, leurs déclarations de la manière qui va être expliquée. » M. 1« Président fait lecture d’une lettre par laquelle M. le maire de Paris annonce l’adjudication de deux maisons nationales, situées, la première, rije des Saints.Pères, louée 1,300 livres, estimée 8,667 livres, adjugée 27,300 livres ; la seconde rue du faubourg Saint-Antoine, louée 700 livres, estimée 7, 50J livres, adjugée 12,700 IL-vres. 11 ajoute que le total des adjudications, au 31 janvier dernier, monte à la somme de 8,310,376 livres pour des impneubles qui ont ét£ estimés 4,178,556 livres 7 sols 8 deniers, (La séance est levée à deux heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du jeudi 3 février 1791, au matin (1), La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux de la séance du mardi 1er février et de la séance d’hier. (Ces procès-verbaux sont adoptés.) M. Darnaudat. Il a été sagement ordonné, par un décret, que les dispenses de mariages aux degrés prohibés seraient accordées gratis par les évêques. Il est évident que l’inteutioa de l’Assemblée n’a jamais été quhl y eût des distinctions à cet égard, parce que, indépendamment de l’injustice qui résulterait des exceptions ; toute disposition contradictoire choquerait Tuniformité dû la législation. Cependant plusieurs mariages entre journaliers sont empêchés ou retardés dans la ville ü’Onhez, chef-lieu de district, département des Basaes�Py-. rénées, et sans doute une infinité d’autres le sont dans l’étendue de l’Empire, parce que, par les anciennes lois, les non-catholiqoes qui sont dans le cas de solliciter de pareilles dispenses, doi-vent s’adresser à la chancellerie et payer des droits de marc d’or et autres, assez arbitraires puisqu’ils sont établis selon la fortune présumée des requérants, et ces frais se portent souvent au-dessus des forces des artisans et journaliers. Il est sensible que la justice, la raison et les décrets s’opposent à ce que les noo-catholiques soient obligés de payer des dispenses que les catholiques obtiennent gratuitement. Je demande que l’Assemblée décrète que les dispenses de mariage aux degrés prohibés soient accordées gratuitement à tous les Français catholiques ou non catholiques. M. Gaultier-Bianzat. Vous savez, Messieurs, qu’il y a un article ajourné sur cette matière. Il ne conviendrait pas de décréter particulièrement des questions si intéressantes. Il y a beaucoup d’endroits où les mariages sont suspendus à cause des dispenses. Il est instant de faire cesser ces abus ; mais il faut un décret entier et non pas un décret partiel. Je demande que la proposition soit renvoyée aux comités de Constitution et ecclésiastique réunis. M. Christïn. 11 y a deux choses à distinguer - . . - ■■■ n . . ■■■■■ "" ■■ — '■i "■ ,B , t (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, HQQ (Assemblée n&tiosftl6*] AKCHIVES PARLEMENTAIRES* {3 février 1791«J dans cet objet, les dispenses et le point fiscal, dont parle M. le rapporteur. Quant au point de savoir si on aura besoin de dispenses, certainement c’est un objet dont l’Assemblée s’occupera incessamment ; mais en ce moment il ne s’agit que d’arrêter une concussion fiscale, car on accorde très volontiers des dispenses aux protestants qui en demandent, mais on leur fait payer un droit énorme : c’est là une concussion fiscale qui tient à l’ancien régime. J’appuie donc la motion de M. Darnaudat. La motion est mise aux voix et décrétée comme suit : « L’Assemblée nationale décrète que toutes dispenses de mariage aux degrés prohibés, seront accordées gratuitement, jusqu’à ce qu’elle ait statué sur lesdits empêchements. » M. Armand. Dans la vente de biens nationaux décrétée en faveur de la municipalité de Clermont-Ferrand, département du Puy-du-Dôme, il se trouve des articles pour lesquels la municipalité de Romagnat (même département), a fait les soumissions et fourni au comité d’aliénation les désignations et estimations prescrites par les décrets. Je demande que cette erreur soit redressée et que la préférence soit accordée à cette dernière municipalité. M. Gaultier - Riauzat . Je demande que la réclamation soit renvoyée au comité d’aliénation . (L’Assemblée décrète le renvoi de cette motion au comité d’aliénation pour en faire la vérification et son rapport à l’Assemblée le plus tôt possible.) M. de Menou, au nom des comités des domaines et d'aliénation. Messieurs, l’Assemblée a décrété u’il ne serait pas vendu de bois au-dessus de 00 arpents ; mais que cependant, dans certains cas, ils pourraient être vendus sur l’avis des directoires de départements et de districts. Beaucoup de soumissions ont été faites pour des portions de bois que les départements ont jugé plus utile d’aliéner que de conserver. G’est sur l’avis des directoires du département de la Sarthe et du district de Mamers, que je vous propose le projet de décret dont je vais donner lecture: « L’Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par ses comités des domaines et d’aliénation, et d’après l’avis qni lui a été envoyé par le directoire du département de la Sarthe, déclare aliénables les bois d ’Arennes ou Grattesac , situés dans ledit département, district de Mamers, contenant environ 144 arpents, et décrète qu’ils seront vendus de la manière et dans les formes rescrites par les décrets des 25, 26 et 29 juin, août et 3 novembre derniers* » M. l’abbé Gouttes. Vous avez décrété que les bois de 100 arpents et au-dessus ne seraient pas vendus. Si vous mettez une exception à votre règle, je vous garantis que l’intérêt particulier l’emportera sur la loi générale et que peu à peu on vous fera vendre vos bois. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angêly). Le préopinant ne se rappelle pas les termes du décret que vous avez rendu. Il excepte, à la vérité, en général, les bois dont la contenance excédera 100 arpents; mais comme vous avez seûti, en rendant ce décret, qu’il pouvait et devait y avoir des circonstances particulières, qu’il y avait de petites portions de bois enclavées dans l’héritage d’autrui, des portions qui ne pourraient être gardées qu’avec des frais plus considérables que la valeur du revenu, le même décret autorise l’aliénation de ces bois; mais il exige qu’il y ait pour cette aliénation un décret particulier du Corps législatif, rendu sur l’avis des directoires de département et de district. Et, Messieurs, remarquez que nous ne devons pas soupçonner les départements de donner trop légèrement leur avis, car c’est diminuer la masse d’objets à administrer ; c’est affaiblir en quelque sorte leur autorité et leur influence. Vous avez préjugé la possibilité de la vente, ainsi vous ne pouvez pas vous dispenser de l’ordonner. (Le projet de décret est adopté.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Messieurs, le mandement de M. l’évêque de Boulogne a été envoyé dans le département de la Charente-Inférieure comme dans tant d’autres. Les administrateurs, voulant seconder vos intentions et pleins de zèle pour la chose publique, n’ont pas cru devoir tolérer sa publication ; ils ont pris l’arrêté suivant qu’ils nous ont chargés de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale : « Nous, etc. ; Considérant que l’imprimé ayant pour titre: Mandement de V évêque de Saintes, portant adoption de l’instruction pastorale de l’évêque de Boulogne contient des principes formels contre les lois de l’Etat; que cet écrit, propre à séduire ou à effrayer les consciences timides, peut devenir une arme dangereuse dans les mains des malintentionnés, etc. — Arrêtons que ledit mandement sera dénoncé à l’accusateur public, défendons, sous les mêmes peines, à tous curés et vicaires de faire la lecture dudit mandement au prône et à toutes personnes de le vendre ou de colporter ; ordonnons, etc... » (Applaudissements.) Je suis chargé en même temps de vous mettre sous les yeux le serment civique prêté par un curé de ce diocèse et qui vous prouvera que le mandement n’a pas produit son effet; le voici : « La patrie a droit de s’assurer de l’intégrité de chacun des fonctionnaires publics par la foi du serment ; c’est un nouvel nommage qu’elle multiplie en l’honneur de la religion. 11 ne peut être un seul desélus, non, Messieurs, il n’en peut pas être un seul qui ose éluder le serment, sans être soupçonné de trahison ; et dans ce cas affligeant du refus, il est de son devoir de répudier le fonctionnaire. « Quant à moi, chargé parla divine Providence du régime de cette vaste paroisse depuis près de 40 ans, daigne le Ciel m’accorder la grâce de perpétuer ces sentiments religieux et patriotiques, que je vous ai annoncés J « Dans ce désir, messieurs les officiers municipaux assemblés au pied de cet autel, et vous, cher troupeau que j’ai formé, recevez mon serment, conforme à la loi du 17 novembre dernier, que je réitère dans la sincérité de mon âme. » (Applaudissements.) Ce serment émane du curé de Magné-lès-Niort. Je demande qu’il soit fait mention de ce serment et de l’arrêté du directoire du département de la Charente-Inférieure dans le procès-verbal. (Cette motion est décrétée.) M. Vernier , au nom du comité des finances , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son