Séance du 14 fructidor an II (dimanche 31 août 1794) Présidence de MERLIN (de Thionville) 1 Une explosion qui s’est fait entendre à sept heures et demie du matin, a rassemblé les membres de la Convention au lieu de leur séance à huit heures du matin, et la séance s’est ouverte. L’explosion de la fabrique de poudre de Grenelle venait d’avoir lieu; les membres de la Convention se rassemblent dans la salle à huit heures et demie du matin. Voulland prend le fauteuil et ouvre la séance (1). Un membre a annoncé que des signaux furent apperçus le jour du feu de l’Abbaye; il a demandé que les comités de Salut public et de Sûreté générale prennent toutes les mesures de précautions nécessaires. La Convention est instruite que cette explosion a fait sauter le poudrier. La secousse a été si violente, que toute la ville de Paris, et les communes environnantes en ont été ébranlées; que dans plusieurs quartiers les vitres ont été cassées, des portes détachées et brisées. La Convention apprend aussi que les citoyens de Paris se portent en foule au lieu où ce malheureux événement est arrivé, pour y donner des secours. La Convention charge le comité de Salut public de rédiger sur-le-champ une proclamation au peuple de Paris, pour le rassurer et l’inviter au maintien de l’ordre (2). Une ordonnance fait part à la Convention que cette explosion a fait sauter le magasin de Grenelle; on propose que le président nomme quatre commissaires pour se tran-porter dans Paris, pour tranquilliser les citoyens et les inviter à se porter de suite à Grenelle. Les citoyens Roux, Carrier, Goujon et Thirion, sont nommés comissaires. La Convention nationale décrète que les hospices prépareront des lits pour les bles-(1) Débats, n° 712, 261; Moniteur, XXI, 642. (2) Débats, n° 712, 261; Moniteur, XXI, 643; M.U., XLIII, 235; J. Mont., n° 124; C. Eg., n° 743; J. S.-Culottes, n° 563; Ann. R.F., n° 272; J. Fr., n° 706; J. Perlet, n° 708; F. de la Républ., n° 424; Gazette Fr., n° 974; J. Paris, n° 609. sés; les officiers de santé seront requis ainsi que toutes les voitures et brancards; les blessés et leurs familles seront traités de la même manière que les défenseurs de la patrie; les décrets seront portés aux quarante-huit sections, et proclamés dans Paris. BILLAUD : Les comités s’occupent dans ce moment de la rédaction de la proclamation dont le Convention les a chargés; mais il leur a paru plus expéditif de nommer vingt-quatre commissaires, qui se transporteraient dans les différentes sections de Paris, pour y établir le calme si nécessaire dans ce moment. La Convention décrète cette proposition, et nomme 24 membres (3). Il sera envoyé vingt-quatre commissaires aux sections de Paris pour les inviter au calme et à la surveillance. Un membre demande qu’une correspondance très active soit établie entre la Convention et les comités de Salut public et de Sûreté générale. Sur cette proposition et d’autres qui l’ont suivie, la Convention rend les décrets suivants: La Convention nationale décrète que les représentans du peuple Roux, Carrier, Goujon et Thirion, se rendront au comité de Salut public pour se concerter avec lui, et établir une correspondance très active entre la Convention et le comité, et l’instruire à chaque instant des évènemens qui intéressent la sûreté et la tranquillité publiques (4). La Convention nationale décrète que les quatre commissaires qu’elle a nommés dans son sein pour établir une correspondance active entre elle et le comité de Salut public, se réuniront à l’instant audit comité pour rédiger de concert une proclamation aux citoyens de Paris, et les inviter à se réunir dans leurs sections respectives, et veiller à la sûreté et à la tranquillité publique (5). (3) Débats, n° 712, 261-262; Moniteur, XXI, 643; Gazette Fr., n° 974; Mess. Soir., n° 743. (4) C 318, pl. 1281, p. 39. Décret n° 10 652. Rapporteur : Bar. Bull. 14 fruct. (5) C 318, pl. 1281, p. 40. Décret n° 10 654. Rapporteur : Bar. 9 130 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La Convention nationale décrète que les comités de Sûreté générale et de Salut public sont autorisés à requérir la force armée, pour les mettre en situation de prendre les mesures qu’exigent les circonstances (6). La Convention nationale décrète que les détails des mesures prises par le comité de Salut public, et le décret qui accorde l’indemnité des pertes et les secours aux parens de ceux qui pourroient avoir péri ou être blessés, seront imprimés à la suite de la proclamation aux citoyens de Paris, et envoyés aux quarante-huit sections (7). La Convention nationale décrète que les représentans du peuple Bassal, Levasseur, Delmas, Servière, Thibault, Marin, J. Borie, Rivière, Réal, Bezard, Castilhon, Thirion, Boiron, Javogues, Ehrmann, Barrot, Moris-son, Lemoine, Lecomte, Pelletier, Roux, Curée, Delcasso, Maignen, se rendront près des sections de Paris pour instruire les citoyens des événemens, les rassurer sur les suites, et les inviter à veiller à la tranquillité et à la sûreté publique (8). La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, décrète que les pertes qu’auroient pu essuyer les citoyens dans l’explosion qui vient d’avoir lieu seront réparées aux frais de la République, et que les citoyens blessés, et les pères, mères, veuves et enfans de ceux qui auraient pu périr ou être blessés, auront droit aux mêmes secours que les parens des défenseurs de la patrie (9). Un des commissaires, au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale, annonce que le danger est passé; que les secours seront donnés aux frais de la nation; que les comités ont fait une proclamation; et que les malveillans, s’il en existe, seront réprimés et punis (10). Un membre [GOSSUIN] (11) : J’arrive de la fabrique de Grenelle, où, malgré toute la diligence que j’avais faite, j’ai trouvé quelques-uns de mes collègues. La crainte a fait dire à quelques femmes qu’il fallait se sauver; et elles voulaient, de concert avec quelques gendarmes, m’empêcher d’avancer. Je leur ai dit : là ou est le danger, est le poste des membres de la Convention ( Applaudissement s). Le peuple a été électrisé aussitôt; il a dit que puisque ses représentants s’exposaient, il ne devait pas plus craindre qu’eux (Applaudissements). Un hasard heureux a fait que le plus grand nombre des ouvriers, qui (6) C 318, pi. 1281, p. 41. Décret n° 10 653. Rapporteur : Voulland. Bull. 14 fruct. (7) C 318, pl. 1281, p. 42. Décret n° 10 655. Rapporteur : Bar. (8) C 318, pl. 1281, p. 43. Décret n° 10 658. Rapporteur : Roux (de la Haute-Marne). Bull., 14 fruct.; Ann. R.F., n° 273. (9) C 318, pl. 1281, p. 44. Décret rendu sur la proposition de Treilhard ( Gazette Fr., n° 974); décret n° 10 657. Ann. R.F., n° 273; Rep., n° 255; J. Perlet, n° 708; J. Univ., n° 1741; J. Mont., n° 124; C. Eg., n° 743; J. S.-Culottes, n° 564; Ann. Patr., n° 608. (10) P.V., XLIV, 243-245. (11) D’après F. de la Républ., n° 424 : J. Fr., n° 706. travaillent à cette fabrique, n’était pas encore arrivé (Vifs applaudissements)-, et nous n’aurons pas à essuyer autant de larmes que nous pensions. On a sauvé beaucoup de barils de poudre. On ne voit sur la route que des épiciers, des cafetiers qui s’empressent de donner ce qu’ils ont pour secourir les malheureux blessés (on applaudit). Je vais retourner, et j’espère vous apprendre bientôt qu’il n’y a plus rien à craindre. AMAR : Au moment où le danger s’est manifesté, plusieurs représentants du peuple se sont portés sur les lieux : tout est calme, tout est dans l’ordre, il n’y a plus rien à craindre. Les trois comités de Salut public, de Sûreté générale et de la Guerre sont réunis, et ils sont dans la plus grande tranquillité. Ils auront soin d’instruire la Convention, de quart d’heure en quart d’heure, de tout ce qui se passera. GOUJON : Les représentants du peuple qui sont sur les lieux, viennent de nous envoyer une note qui annonce que le danger est cessé, et qu’il n’y a plus rien à craindre. Ils s’occupent maintenant de donner de prompts secours. On lit la rédaction de la proclamation dont l’Assemblée avait chargé les comités. Citoyens, Dans le moment même où de grandes victoires assurent la liberté publique, un événement affreux vient de porter l’alarme et l’effroi au milieu des citoyens. La poudrerie de Grenelle a fait explosion; heureusement il ne s’y trouvait que le produit de la fabrication journalière. La Convention nationale est à son poste; déjà les mesures nécessaires pour remédier à ce malheur, sont prises. La force armée est sur pied; les pompiers sont en activité; les asyles sont ouverts aux blessés; les mesures pour leur transport sont assurées; les officiers de santé sont requis; la Convention nationale a décrété que toutes les pertes seront supportées par la République. Les blessés, les pères, mères et enfans de ceux qui auraient péri auront droit aux mêmes secours que les parens des défenseurs de la patrie. Enfin, tous les établissemens publics sont en sûreté, et de fortes patrouilles comprimeront les malveillans. Que chacun concoure de tout son pouvoir à rétablir l’ordre; que les citoyennes restent dans leurs familles. Et vous, bons citoyens, ne courez point en foule dans un même lieu; cette affluence nuirait plutôt qu’elle ne serait utile. La Convention nationale vous invite à vous tenir tranquilles et prêts, autour de vos sections respectives, pour vous porter, au premier signal, partout où les autorités constituées vous appeleront au nom de la patrie. Signé, Merlin (de Thionville), président. P. Barras et Collombel, secrétaires. La Convention adopte cette proclamation (12). (12) Débats, n° 712, 262-263; Moniteur, XXI, 643; Bull., 14 fruct.; Mess. Soir, n° 743; M.U., XLIII, 237, 241-242; J. Mont., n° 124; C. Eg., n° 743; J. S.-Culottes, n° 563; Ann. Patr., n° 608; Ann. R.F., n° 273; Rép., n° 255; J. Fr., n° 706; J. Perlet, n° 708; F. de la Républ., n° 424; Gazette Fr., n° 974; J. Paris, n° 612.