[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1790. j que des hommes entreprenants ont traité avec elle et l’ont si bien servie. Mais dans quelques communautés l’on a regardé cet engagement comme un privilège détruit avec tant d’autres; les dessèchements, les défrichements y ont été imposés. Il est donc nécessaire que la nouvelle loi sur la contribution foncière soit précise à cet égard, qu’il ne faille, ni pour cet objet, ni pour aucun autre, avoir recours à l’ancien code fiscal ; mais, malgré toute la faveur que méritent ces grandes améliorations, il nous a paru indispensable et juste de les charger d’une légère taxe annuelle. D’abord les mêmes raisons qui peuvent déterminer à imposer les terrains en non-valeur, afin qu’aucun bien ne soit ni inconnu ni oublié des répartiteurs, obligent aussi de cotiser le sol nouvellement en culture. Certainement une contribution d’un sou par arpent n’est pas assez conri-dérable pour que l’on puisse regarder cette taxe comme très onéreuse ou injuste, surtout si l’on considère qu’à la vérité ces terrains devaient jouir de l’exemption de la taille, de ses accessoires, de la capitation, des vingtièmes, mais qu’aujour-d’hui,àces divers impôts réunis vont être joints, pour former la masse de la contribution foncière, une portion des droits sur les sels, les cuirs, les fers, les amidons, etc., dont les propriétaires des terrains exempts de contribution pendant un temps fixé supportaient réellement leur part, et doivent payer le remplacement. Ainsi une contribution si modique est peut-être encore une véritable faveur et non pas une injustice. Quelques modifications utiles, apportées pour un temps limité aux principes de l’égalité proportionnelle des contributions, pourraient peut-être se prolonger audelà du terme fixé; votre comité a cru que sur le rôle de la contribution foncière, à l’article de chacune des propriétés qui jouissent ou jouiront de ces divers avantages accordés comme encouragement, il était nécessaire de faire mention de l’année pendant laquelle ces biens devront cesser d’en jouir. Vojci le projet de décret que votre comité vous propose ; ? Art-Ier-Les marais, les terres vaines et vagues seront assujettis à la contribution foncière, quelque modique que soit leur revenu. « Art. 2. La taxe qui sera établie sur ces terrains pourra n’être que de 3 deniers par arpent, mesure de roi. « Art. 3. Les particuliers propriétaires de marais, terres vaines et vagues, et qui n’en auraient point acquitté la contribution, y seront contraints par la saisie des fruits de leurs autres propriétés situées dans la communauté ou dans les communautés voisines. « Art, 4. Les particuliers ne pourront s’affranchir de la contribution à laquelle leurs marais, terres vaines et vagues devraient être soumis, qu’en renonçant à ces propriétés au profit de la commune dans le territoire de laquelle ces terrains sont situés. « La déclaration détaillée de cet abandon perpétuel sera faite, par écrit, au secrétaire de la municipalité par le propriétaire ou son fondé de pouvoir. « Les cotisations des objets ainsi abandonnés dans les rôles faits antérieurement à la cession resteront à la charge de l’ancien propriétaire. a Art. 5. La taxe des marais, terres vaines et vagues situés dans l’étendue du territoire d’une communauté, qui n’ont ou n’auront aucun propriétaire particulier, sera supportée par la communauté et acquittée ainsi qu’il sera réglé pour les autres cotisations des biens communaux. « Art. 6. A l’avenir, la cotisation des roaraig qui seront desséchés ne pourra être augmentée dans les vingt-cinq premières années après leur dessèchement. t Art. 7. La cotisation des terres vaines et vagues depuis vingt-cinq ans, et qui seront mises en culture, ne pourra de même être augmentée pendant les quinze premières années après leur défrichement. « Art. 8- La cotisation des terres ep friche qui seront plantées ou semées en bois ne pourra non plus être augmentée pendant les premières apnées du semis ou de la plantation. « Art. 9. Les terrains maintenant en valeur, et qui seront plantés ou semés en bois, ne seront, pendant les trente premières années, évalués qu’au même taux des terres d’égale valeur et non plantées. « Art. 10. La cotisation des terrains en friche, et qui seront plantés en vignes ou arbres fruitiers, ne pourra être augmentée pendant les vingt premières années. « Art. 1 1 . Les terrains déjà en valeur, et qui seront plantés en vignes ou arbres fruitiers, ne seront, pendant les quinze premières années, évalués qu’au même taux des terres d’égale valeur et non plantées. « Art-12. Pour jouir de ces divers avantages, le propriétaire sera tenu de faire au secrétariat de la municipalité et à celui du district dans l’étendue desquels les biens sont situés , et dans l’année même du dessèchement, défrichement ou autres améliorations, une déclaration détaillée des terrains qu'il aura ainsi améliorés. « Art. 13. Lorsque les dessèchements, défrichements et améliorations auront été constatés par la municipalité, et qu’elle aura fait inscrire sur ses registres la déclaration qui lui aura été faite et son procég-verbal de visite des terrains, elle adressera une expédition de ce procès-verbal au directoire de son district, qui en tiendra registrp. Le secrétaire du district sera tenu de donner au déclarant une copie sans frais, visée des membres du directoire. « Art. 14. Les terrains précédemment desséchés ou défrichas, et qui,conformémentàféditde 1764 et autres sur les défrichements et dessèchements, jouissaient de l’exemption d’impôt, ne seront taxés qu’à raison d’un sou par arpent, mesure de roi, jusqu’au temps où l’exemption d’impôt devait cesser. « Art. 15. Sur chaque rôle de ja contribution foncière, à l’article de chacune des propriétés ni jouissent ou jouiront de ces divers avantages onnés pour l’encouragement de l’agriculture, il sera fait mention de l’année où ce$ biens doivent cesser d'en jouir. » fÆ. l’abbé Gonfles. II n'y a apcun terrain qui ne soit en quelque manière productif; il faut donc un impôt quelconque, mais il ne doit pas être abandonné à l’arbitrage, Je demande donc que le taux en soit fixe et déterminé. Je suis d’avis que l’on doit encourager les défrichements : mais les époques fixées par le comité ne sont pas jusies. Par exemple, on dit dans l’article 10 que la cotisation des terrains plantés en vigne ne pourra être augmentée pendant les prètpières années. Je connais des pays où le vignoble est entièrement ruiné au bout de vingt àné, Je demande donc que l’Assemfdée fixe le teripg de dix années. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1790.] M. le Président. L’intention de l'Assemblée est-elle dé discuter ainsi tous les articles ensemble, ou bien séparément ? (L’Assemblée décide qu’elle discutera article par article.) M. Dauehy fait lecture de l’article iar. M. Bouehe. On ne connaît pas les contrées du Midi, elles sont bien différentes de celles du Nord, autant pour le ciel que pour le sol. Nous avons en Provence des terres vagues que nous appelons des terres gastes; ce sont des rochers qui ne produisent rien, et je ne crois pas que l'on puissq imposer ce qui ne produit rien. tyf. d’André. Il y a dans mon département de ces terres qui ne produisent rien. Je citerai par exemple la montagne de Saint-Victor, qui a huit lieues d’étendue. Je vous assure que je n’en voudrais pas pour rien. Il ne faut pas cependant que le propriétaire de ces sortes de terres soit obligé de les abandonner, et en voilà le motif. C’est u’on pourrait y apercevoir des mines de fer ou es carrières dé marbre. Si le propriétaire n’a pas besoin de les exploiter sur-le-champ, il faut lui laisser assez de temps pour qu’il puisse commencer l’entreprise. Je demande donc qu’à ces mots : quelque modique que soit leur revenu , on substitue ceux-ci : qui rapportent un produit quelconque. M. Martineau. Il est dangereux de déclarer qu’il y aura des terres exemptes d’impôt : je soutiens, au contraire, qu’il n’y a pas un pouce de terre dans le royaume qui ne doive être imposé. L’impôt est le prix de la protection accordée à toutes les propriétés. Il n’y a pas de terrain qui ne rapporte, ou qui ne puisse rapporter quelque chose, ne fût-ce que le droit d’aller s’y établir pour détruire le gibier. M. DevIHas. Je suis possesseur d’une montagne au milieu de laquelle est un rpcher très vaste, qui ne produit pas de quoi nourrir une alouette. On me dira : payez l’imposition, ou bien abandonnez ce terrain. Je répondrai, prenez-le ; si vous voulez l’emporter, je vous donne encore 1,000 écus; mais si vous voulez faire passer tqus les bestiaux de la commune sur ma montagne pour gagner ce rocher, oh! je vous en défie, malgré toute l’autorité de M. Martineau. M. Malouet. Un terrain ne reste inculte que parce qu’il est stérile, ou parce que son propriétaire n’a pas de fonds pour le mettre en valeur. Dans l’un et l’autre cas, le sol doit être affranchi. M. l’abbé Bourdon. Les malheureux cultivateurs de mon département sont accablés sous le faix des charges publiques, ils sont obligés de défricher des montagnes qui n’ont pas plus de deux pouces dé' sol. L’infempérie des saisons fait perdre souvent et la récolte et les frais de culture : il ne serait pas juste de décourager entièrement ces malheureux en chargeant d’un nouvel impôt le sol ingrat qu’ils ont tant de peine à défricher. (On demande là question préalable sur l’ar-ticie 1er-) M, Tracy. Et mni je demande que tout terÿain, spn produit fût-il nul, spit imposé, q’est un hommage qu’il doit à la force publique. La discussion est fermée. — Les amendements sont rejetés par la question préalable Pt l’ar« ticle l" est adopté en ces termes : Art. lef. « Les marais, les terres yaines et vagues seront assujettis à la contribution foncière* quelque modique que soit leur produit. » M, Dauehy, rapporteur, relit l’artjple 2. M. d’André. J’observe que les mesures n’étant pas les mêmes dans diverses parties du royaume, on doit prendre des moyens pour que l’imposition soit assise d’une manière juste ; il faut une mesure commune, une mesure comparative. Je demande que les députés de chaque département soient tenus de remettre dans quinzaine, au comité d’ipipositioh, les notions relatives aux mesures territoriales en usage dans chaque département. M. de Foucault. Pour faire disparaître Par-bitraire de l’article, il suffit que la taxe à établir sur les terrains vagues ne soit que de trois deniers par arpent, lorsqu’ils ne seront susceptibles d’aucun produit. M. Bauchy, rapporteur. Dans la généralité du royaume, la mesure de roi, la plus commune, est de 1,344 toises 16 trente-sixièmes. M. I�egrand. Je propose de fixer un maximum de trois deniers pour les terres vaines et vagues qui n’ont aucun produit apparent, afin d’éviter les vexations et les injustices que l’on emploie pour forcer les propriétaires à les abandonner pour en faire des communaux. M. Aapoule. Le maximum doit être réduit à un denier. M. le Président consulte l’Assemblée sur l’amendement de M. d’André. Il est adopté et renvoyé à l’instruction que le comité d’imposition est chargé de préparer. L’article 2 modifié est ensuite décrété en ces termes : Art. 2, « La taxe . qui sera établie sur cea terrains pourra n’être que de trois deniers par arpent, mesure d’ordonnance. » M. Dauehy, rapporteur , donne une nouvelle lecture de l’article 3. M. de Lachèze. Cet article blesse tous Ips principes et, s il n’est pas repoussé, je dergqpde à vous proposer une addition. M-Dégnlpy, Je propose la question préalable sur l’article comme étant inutile, puisqu’on soumettant à l’impôtles terrains vains et vagues, [es propriétaires eq répondent sur l’universajité de leur fortune. Rieq p’ept plus indigne de la loi que de la surcharger de dispositions étraqgères. M. Dauehy, rapporteur. Le comité pense qu’il faut proscrire la saisie des meubles pour le payement des impôts, mais qu’il est impossible de saisir des fruits sur des terres qui n’en produisent fas. Au reste, l’on peut ajourner l’article jusqu’à époque où l’on s’occupera des moyens de contrainte pour le payement des impôts.