[Assemblée p&ti§P&!e«] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1790, j K4V n’y mettront point une précipitation nuisible au bien public, et dont l’utilité puisse être jamais démentie par l’expérience. Il en résulte que l’Hôpital généra], qui distribue les secours dans une étendue de ressort très considérable, doit encore suivre sa destination pendant Pintervalle qui doit s’écouler jusqu’à l’activité de ces établissements. Il ne pourrait cependant le faire sans l’obtention des subsides qu’il demande, autrement il serait indispensable de la décharger d’une partie des individus qui sont venus s'y retirer. Mais l’humanité se révolte à la seule idée de renvoyer sans asile celte foule d’infortunés, qui ne verraient plus devant eux que la misère et le désespoir. Que s’il en était quelques-uns qui eussent encore assez de force pour entrer dans les ateliers des travaux publics, ils coûteraient plus à l’État dans cette position que dans les hôpitaux, et bientôt l’impuissance de leur âge ou de leurs inlirmités les laisserait sans ressources et à la merci des maux dont ils seraient accablés. Enfin, il faut observer que dans les changements qu’un nouvel ordre de choses doit amener dans la capitale, ce seront toujours les pauvres qui doivent y diminuer dans la proportion la plus lente. Les raisons en sont faciles à sentir, en réfléchissant sur cette multitude de besoins et de jouissances factices, que le luxe et l’opulence y avaient créés; nécessairement ils ne seront plus les mêmes que précédemment, et n'ofiriront plus les mêmes ressources. A ces considérations se joignent d’autres causes qui ne sont pas moins impérieuses pour l’obtention de ces secours. 11 devient en ce moment indispensable: 1° De monter les nouvelles loges, et de meubler les bâtiments des paralytiques dans l’hôpital de la Salpêtrière; 2° D’établir les infirmeries de la Pitié et de Bicêtre, dont les constructions ne sont pas encore commencées ; 3° D’améliorer le sort des pauvres, conformément aux projets de bienfaisance que l’Assemblée nationale et la municipalité paraissent en avoir conçus; 4° Enfin, de former, pour parvenir à ces améliorations, des établissements séparés de l’Hôpital général, à l’effet d’y placer les prisonniers et les vénériens, qui n’ont aucun rapport avec des maisons destinées à secourir l’indigence et les infirmités. Alors seulement il sera possible en gagnant sur l’agrandissement du local, et en épargnant sur la dépense, d’opérer les changements capables de produire une véritable utilité. Si dans l’état actuel, les pauvres sollicitent souvent avec instance la faculté d’être admis dans les maisons de l’Hôpital général, combien cet asile ne leur paraîtra-t-il pas plus secourable, si la bienfaisance de la nation ajoute encore au traitement qu’ils y reçoivent. Mais c’est en vain qu’on se proposerait de leur procurer ces avantages, si l’on ne rétablit les revenus qui leur ont été retranchés, et si l’on ne leur accorde des secours extraordinaires pour remplacer ceux qu’ils ont entièrement perdus. Autrement, sans songer à des améliorations, il ne faudrait pas même espérer de maintenir, telle qu’elle est, l’existence de l’Hôpital général. A. l’égard du montant de ces secours, la fixation doit en être faite d’après l’étendue des besoins qui viennent d’être présentés. La municipalité peut seule par son crédit, et par sa médiation auprès de l'Assemblée nationale, faire réussir ces utiles projets, et l’on ne doit pas douter que l’envie de servir l’humanité ne les lui fasse incessamment employer. Il n’est point d’ailleurs d’objet qui dpive plus intéresser les représentants de la commune que la continuation des secours qui maintiennent l’existence des hôpitaux de la capitale, et qui contribuent à y entretenir l’ordre et la tranquillité. * ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. CHASSET-Séance du samedi 20 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. l’abbé Latyl, rapporteur du comité des rapports. Messieurs, je suis chargé par vos trois comités réunis, militaire, de Constitution et des rapports, de vous rendre compte de quelques erreurs commises par la municipalité de Troyes. Au commencement de la Révolution, deux compagnies, l’une de grenadiers et l’autre de chasseurs, se formèrent dans cette ville pour y maintenir la tranquillité ; bientôt après fut formée la garde nationale. Ces deux corps vécurent longtemps dans la plus parfaite intelligence; mais au mois de mai il se répandit parmi eux des semences de divisions. Les gardes nationaux se plaignirent des épaulettes des grenadiers et des chasseurs. La municipalité prit, le 5 novembre présent mois, un arrêté portant que les compagnies de grenadiers et de chasseurs seraient supprimées, pour être incorporées dans la garde nationale. Les compagnies portèrent leur plainte au département, qui fit défense à la municipalité et à la garde nationale d’exécuter l’arrêté du 5. Le même jour, la municipalilé ordonna que, nonobstant le sursis prononcé par le département, son arrêté du 5 serait exécuté. Le 9, le conseil général du département, délibérant sur le second arrêté de la municipalité, persista dans son sursis, et ordonna qu’il en serait référé à l’Assemblée nationale, Le îl, la municipalité prit une troisième décision, portant qu’il serait passé outre, nonobstant tout ce qui aurait pu être arrêté par le département. Enfin, le 13, le département décida qu’il enverrait deux députés extraordinaires auprès de l’Assemblée nationale pour y solliciter justice. Je ne ferai aucune réflexion sur l'irrégularité delà conduite de la municipalité, qui s’est fait un système d’opposition contre l’autorité du département, et je me contenterai de vous présenter, au nom de vos comités, ie décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, militaire et des rapports, réunis : « Déclare qu’elle improuve la conduite de la municipalité de Troyes, comme présentant un système suivi d’insubordination envers les corps administratifs supérieurs ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . 548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1790.] « Casse et annule les sentences, délibérations ou arrêtés de la municipalité de Troyes, des 14 et 20 octobre dernier, 7 et 11 novembre présent mois, et lui fait défense de récidiver, sous peine d’être poursuivie extraordinairement ; « Décrète, en outre, que la suspension provisoirement prononcée par le conseil général du département de l’Aube, de l’exécution de la sentence rendue le 5 novembre présent mois, contre les deux compagnies de grenadiers et de chasseurs, tiendra jusqu’à l’organisation constitutionnelle des gardes nationales. » M. Bouche. Je propose de demander à la barre la municipalité de Troyes pour qu’elle rende compte de sa conduite. M. l’abbé Fatyl. Vos comités ont pensé que vous pouviez user de modération en cette circonstance et c’est en leur nom que j’insiste sur l’adoption pure et simple du décret. (Le projet de décret est mis aux voix et adopté.) Un jeune homme entre dans la salle et indique du geste qu’il veut remettre une lettre à M. le président. — On apprend que c’est un élève de M. l’abbé Sicard, instituteur des sourds et muets. — Il remet la lettre à M. le président, et l’Assemblée décide que son comité des rapports lui en rendra compte à l’ouverture de la séance de demain. M. Fanjuinals secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Fe Chapelier. Le huitième des articles adoptés hier sur le tribunal de cassation, contient une faute de rédaction sur les qualités que les parties pourront prendre dans les jugements, il faut ajouter les mots : et celle de leurs jonctions ou de leur profession. (Cette addition est décrétée.) M. le Président fait donner lecture d’une adresse du sieur Trouard de Riolles, présentée par madame sa. fille, admise à la barre. Le sieur de Riolles, détenu depuis cinq mois aux prisons de l’abbaye Saint-Germain, se plaint de la rigueur de cette détention ainsi que des maux qu’il éprouve ; il expose que les papiers qu’on a saisis chez lui on tété altérés et falsifiés ; que ses notes en tous cas étaient secrètes et destinées à ne jamais voir le jour. Il finit par demander que, vu qu’il n’y a pas de tribunaux pour le juger, il soit mis en simple état d’arrestation et confié, à Pont-à-Mousson, sa patrie, à la surveillance de la garde nationale, ou gardé ici, à ses frais, dans une maison particulière. M. Buquesnoy. Le sieur de Riolles ne demande point une liberté entière. II sent que les circonstances ne permettent pas de la lui accorder ; mais la longueur de sa détention a appelé ici sa famille que vous voyez devant vous à la barre. Il n’est point en état de supporter les grands frais que ce déplacement exige. 11 demande à être en état d’arrestation, Je vous observe, en appuyant cette pétition, qu’il n’est pas même décrété. M. Fucas. Je demande l’exécution du décret qui porte que M. Riolles sera conduit dans les prisons de l’Abbaye; je ne m’oppose pas cependant à ce qu’on prenne à son égard toutes les mesures que l’bumanilé prescrit. Plusieurs voix demandent l’ordre du jour. M. Frétéau. Vous ne pouvez pas passer à l’ordre du jour puisqu’il n’y a pas de juges pour juger cet accusé. Vous avez décrété qu’il y aurait des jurés, il doit donc y avoir aussi des maisons d’arrestation. Je suis d’avis qu’il soit gardé chez lui à ses frais puisqu’il le demande. Je crois même que, si sa fortune ne le lui permettait pas, ce serait à la nation à faire cette dépense. M. Tuant de Fa Bouverie. J’observe que la liberté sous caution juraloire est adoptée par toutes les législations. M. Prieur. Craignez d’annoncer par un décret imprudent que vous relâchez, que vous ne voulez pas punir, ou bien attendez-vous aux mouvements, aux entreprises de ceux qui compteront sur l’impunité. Que l’accusé soit transféré dans une prison salubre, à la bonne heure; mais vous avez ordonné par un décret qu’il sera arrêté et conduit dans les prisons de l’Abbaye ; je demande l’exécution du décret. M. Fe Chapelier. L’Abbaye est une véritable prison d’arrestation, quand il n’y a point de décret. Je demande seulement qu’il soit préparé au sieur de Riolles un appartement convenable. M. Moreau de Saint-Méry. Si cette motion était adoptée, je demanderais par amendement que les administrateurs de Paris fussent chargés du soin de donner à M. de Riolles un appartement sain et convenable. Divers membres à gauche demandent la priorité pour la motion de M. Le Chapelier, amendée par M. Moreau de Saint-Méry. D'autres membres à droite réclament la priorité pour la motion de M. Duquesnoy. Une première épreuve est douteuse. A la seconde épreuve, la priorité est donné à la motion de M. Le Chapelier. Le décret est rendu en ces termes, sauf rédaction : DÉCRET. « L’Assemblée nationale enjoint aux administrateurs chargés du département de la police de Paris de faire préparer, dans le plus court délai et dans telle prison qu’ils trouveront convenable, un appartement commode pour le sieur de Riolles. » M. Barrère ( ci-devant de Yieu%ac), rapporteur du comité des domaines. Ce n’est qu’avec un sentiment douloureux que le législateur s’occupe des lois pénales et de prison; mais la voix du l’humanité vous crie du fond des cachots de ne pas laisser ainsi des accusés entassés dans les lieux que la loi ne destine qu’à leur détention. Il y a deux jours que le maire de Paris vous disait à la barre que la maladie était près de prononcer des arrêts de mort dans fi s prisons de Paris. C’est dans ces Iristes circonstances que la municipalité vous adresse une pétition instante à ce sujet. Elle a fait transférer cinquaDte-trois prisonniers des prisons du Châtelet dans celles