[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1791.] Messieurs, je suis chargé de vous mettre sous les yeux les réclamations des principales villes du royaume, sur la détresse actuelle des hôpitaux ; elles sont appuyées des instances les plus pressantes des départements. Vous êtes déjà prévenus que le décret que vous avez rendu le 29 mars dernier, pour remplacer provisoirement les revenus que les hôpitaux tiraient des octrois ou taxes qui ont cessé au premier mois dernier, ne peut avoir son exécution assez promptement pour secourir ces établissements. Le comité de mendicité doit vous faire un dernier rapport incessamment sur les moyens de pourvoir généralement à l’entretien des pauvres et des hôpitaux du royaume. Cette grande et importante disposition va devenir l’objet de votre sollicitude. La dépense qu’elle exigera n’est pas moins religieuse que celle que vous avez décrétée pour le culte; les fonds immenses que vous trouvez dans les biens nationaux, vous en font un devoir. Cette partie si intéressante de l’administration aurait dû, sans doute, vous être présentée dans cet ensemble de vues générales que vous pouvez attendre de votre comité de mendicité; mais, Messieurs, vous n’avez pas pu donner à ce royaume une nouvelle organisation civile et politique, sans saisir en même temps tous les moyens d’éviter la stagnation effrayante, mais inévitable, qui résulte nécessairement de l’administration que vous avez anéantie, et de celles que vous avez créées journellement sur de nouveaux principes. Ce n’est plus une disposition partielle en faveur d’un hôpital particulier, ni une demande isolée que nous vous proposons; c’est une disposition générale en faveur de tous les hôpitaux du royaume, quoique provisoire. Les réclamations se sont accumulées de toutes parts; en général, elles présentent les mêmes motifs. La suppression des octrois et des droits d’entrée ont anéanti les revenus, et l’imposition additionnelle ne peut avoir son exécution aussi rapidement que l’exigent les besoins impérieux des pauvres et des infirme3. Je vais vous donner très succinctement une idée de cette détresse dans quelques départements. Loin de nous la fausse politique de vous déguiser les maux qui peuvent vous affliger; vous avez la volonté et le pouvoir de les réparer; la nation généreuse que vous représentez réunit en vous toute sa confiance. L'hôpital de Lille éprouve, par la suppression des octrois seulement, une perte de 75,600 livres. Dans fa même ville, diverses autres maisons de charité sont privées des ressources dont elles jouissait nt ; la bourse commune des pauvres a été forcée de puiser, dans un dépôt sacré appartenant aux orphi lins, une somme de 41,000 livres, et elle éprouve, p t r la suppression des octrois, une perte de 37,500 livres de revenus. La ville de Cambrai et toutes les villes et les hôpitaux du département du Nord, qui n’avaient de ressource que dans les octrois, éprouvent les mêmes besoins et sollicitent les mêmes secours. Les admini-trateurs du directoire de ce département n’ont, disent-ils, que la puissance des représentations ; ils les ont faites, ils les réitèrent, et leur devoir est rempli; ils ne peuvent plus, ajoutent-ls, être responsables des événements qui seront la suite inévitable et très prochaine de l’extrême misère dont il sont témoins sans pouvoir y porter remède. 41 L’hôtel-Dieu de Marseille est dans une telle position, que les administrateurs de cet hôpital sont à la veille d’en abandonner la régie, de laisser sans aliments et sans nourriture 4 ou 500 malheureux enfants exposés, et environ 400 malades. Il faut, disent les administrateurs du directoire du département des Bouches-du-Rhône, prévenir un événement qui, aggravant la situation des malheureux, leur ferait maudire la Révolution, accuser la lenteur de la loi, et troubler la paix, sans laquelle il n'y a pas de bonheur. Les administrateurs du directoire du département du Calvados vous présentent avec la même éner-gie la situation affligean te del’hôpital général de la villedeCaen, privé d’une grande partie de ses revenus par la suppression desdroits d’entrée, d’octrois, de jurandes, maîtrises. Le conseil général de la commune de Tours vous expose également la détresse de l’hôpital général de cette ville. Jeterminerai, Messieurs, ces détail-', en vous donnant un aperçu de la situation des hôpitaux du département de Paris. Les neuf maisons ou hospices qui sont comprises sous la dénomination de l'hôpital général de Paris , possédaient en 1790 un revenu qui se montait, suivant les états, à 3,007,093 livres. Elles perdent en droits d’octrois et en droits sur les spectacles, 2,590,300 livres. Les nouvelles impositions sur les immeubles s’élèveront probablement à 50,000 livres Les charges dont ces immeubles sont grevés sont de 84,000 livres. En tout 2,733, 300 livres. Il ne leur reste donc que 273,793 livres et les appointements des mployés se sont élevés, pour 1790, à plus de 260,000 livres. L’hôpital général doit en outre environ un million, et n’a d’assuré en recouvrements que 306,000 livres, et dans la supposition la plus avantageuse, 222,166 livres. Ainsi, d’un côté, il supporte une perte en revenus de 2,649,000 livres; et de l’autre, il est grevé de près de 530,000 livres de dettes. La situation de l’Hôtel-Dieu n’est pas aussi fâcheuse. Il contient à peu près par joui' 3,400 individus. Ses revenus, déduelion faite des charges, montent, suivant I’éiat, à 1,303,350 1. 13 s. Il perd par la suppression des octrois, 556,366 1. 10 s. 3 d. Il ne lui reste par conséquent que 746,984 1. 2 s. 9 d. C’est aveel douleur que les administrateurs du directoire du département de Paris vous offrent, Messieurs, ces tableaux effrayants; mais ils disent, avec raison, que vous êtes dans la nécessité pressante de venir au secours de ces hôpitaux, ou ils seraient forcés d’en ouvrir les port s, c’est-à-dire d’exposer Paris et les départements qui l’environnent aux suites funestes de la liberté que recevrait une foule de vagabonds et de criminels qu’ils renferment, et du désespoir des malheureux auxquels ils servent de retraite. Ces considérations si importantes ont déterminé vos comités des finances et de mendicité réunis à vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par ses comités des finances et de mendicité, réunis, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Il sera destiné, sur les fonds de la caisse de l’extraordinaire, une somme de 3 millions pour les secours provisoires que pourront exigi r les 42 [Assemblée nationale.] besoins pressants et. momentanés; des hôpitaux du royaume, laquelle sera avancée successivement à titre de prêt, sur ta demande des directoires de district et; de département et; des municipalités du royaume, en faveur des hôpitaux qui y sont situés,, ainsi, qu’il sera détemmné. par les articles; suivants,. Art. 2, « Les différenitesmunicipalilés, qui réel aimeront ces avances en faveur de leurs, hôpitaux;,, ne pourront le faire sans l’avis des directoires; de district et de département où elles sont situées, et seront tenues de se procurer l’acquiescement des conseils généraux de leurs communes, avec obligation de rétablir ces; avances; dans la caisse de l’extraordinaire, dans les six premiers mois de l’année 1192, par le produit des sols additionnels aux contributions foncière et mobilière, et sur les droits de patentes à imposer en 1791. Art. 3. «. Iles municipalités; seront tenues en outre de présenter le consentement du conseil général de la commune pour donner, en garantie de ces avances et de la restitution des deniers à la caisse de l'extraordinaire, le seizième qui leur revient dans le produit de la vente des biens nationaux dont elles sont soumissionnaires. Art. 4.. « A défaut de celte garantie du seizième, qui revient aux municipalités dans le produit de la vente des biens nationaux, les hôpitaux ou les municipalités seront tenus de présenter en garantie de ces avances, sur l’avis des directoires de district et de-département, les capitaux des rentes appartenant aux hôpitaux sur le Trésor national, ou d’autres créances vérifiées être à la charge dudit Trésor, et liquidées à la caisse de l’extraordinaire, ou même les biens-fonds que pourraient posséder les hôpitaux qui sont dans le besoin, et en faveur desquels seront faites les avances de la caisse de l’extraordinaire. Art. 5. " Les sommes qui seront ainsi avancées à titre de prêt aux différents hôpitaux de Paris, en remplacement provisoire des revenus dont ils sont privés par la suppression des droits d’entrée, seront rétablies à la caisse de l’extraordinaire dans les six premiers mois de l’année 1792, sur les premiers deniers provenant des impositions qui seront ordonnées en remplacement de ces revenus; et les créances sur ie Trésor national dont lesdits hôpitaux sont propriétaires, ainsi que leurs biens-fonds, seront, sur l’avis du directoire du département de Paris, reçues en garantie de la restitution de ces deniers. Art» 6. « L’état de distribution des avances qui1 seront faites aux hôpitaux du royaume, conformément aux dispositions déterminées dans les articles précédents, sera dressé par le ministre de l’intérieur ; cet étal indiquera, pour chaque hôpital, une somme déterminée pour chaque mois, et le commissaire du roi à la caisse de l’extraordL-naire ne pourra ordonner le payement de ces avances que conformément à cet état, qui lui sera communiqué par le ministre de l’intérieur. » M. Bouche. Il y a deux ou trois articles de ce projet de décret qui méritent la plus grande [& juillet 1791*1, attention., Je-demande diOmc l’impression du projet et l'ajournement jusqu’après, la distribution;. M. Camus* Depuis longtemps» l’Assemblée nationale a manifesté l’intention de destiner des fonds, au soulagement des pauvres;, le. demande qu’on nous, rapporte, sous quinzaine, le travail que les comités ont d& faire pour pourvoir à la dotation des hôpitaux tt pour assurer les moyens de. secourir les pauvres, car ce n’est: pas par des provisions que; nous remplirons une dette aussi sacrée. M* Leconteuls de Canteieu, rapporteur. Le comité de. mendicité a un rapport général très détaillé-qui sera-lfait incessamment sur les hôpir-taux ; mais les 3 millions que nous, demandons sont une mesure instante et. provisoire qu’omne peut ajourner, le moindre retard, soit dans la destination de ces fonds, soit dans les moyens de distribution, pourrait être nuisible à des étar blissements auxquels l’Assemblée doit uaesolli.- ci.tu.de particulière. ( Applaudissements .) Plusieurs membres. : Aux voix les articles l M'. Cecouteulx de Canteieu, rapporteur , fait une nouvelle lecture de son; projet de décret article par article-. (Ges différents articles-sont, successivement mis aux voix et adoptés.) M. tffiaultîer-Bianzat» Je crois qu’il faudrait ajouter au décret une disposition portant que les piè -es à produire par les municipalités ou les hôpitaux pourront, être expédiées sur papier non timbré. M. Cocon teulx de Canteieu, rapporteur. J’adopte et je propose l’article additionnel suivant : Art. 7. « Les pièces :à produire par les municipalités et les hôpitaux, à l’appui de leurs demandes, ne seront point assujetties au timbre. » (Adopté.) M. Frét-eaivSaint-Jnst. Je rappelle ici la demande que M. Camus vient de faire il y a un instant et tendant à ce que le comité de mendicité présente, dans la quinzaine, son rapport sur la dotation des hôpitaux et sur les secours généraux des pauvres. (Cette-motion est adoptée.) M. le Président donne lecture d’une lettre deM. de Richier, député du département de la Charente-Inférieure, qui envoie sa démission. M. le Président. Je crois devoir donner lecture à l’Assemblée d’une lettre de M. Chavanne, commandant de la garde nationale de Bullion, qui envoie un don patriotique pour l'entretien des gardes nationales sur les frontières. « Monsieur le Président, « Je me suis faitgloire, dans le temps, d’avoir été le premier à donner des marques de mon patriotisme. Aujourd’hui que mes premiers sentiments croissent dans mon cœur, je prends la libe? té, comme citoyen patriote et comme commandant de la garde nationale de Bullion, département de Seine-et-Oise, d’envoyer une somme de 500 livres pour pouvoir subvenir aux frais de ARCH1NE& PARLEMENTAIRES.