514 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j " décT rnbr 8I1793 au passage des subsistances destinées pour Pa¬ ris. Le comité de Salut public a si bien pris ses mesures pour réprimer ces mouvements qu’il a fait arrêter, la nuit dernière, quarante de ces contre-révolutionnaires, la plupart prêtres, agents de ci-devant seigneurs et hommes de loi. Le comité, par tous les renseignements qu’il s’est procurés, s’est bien convaincu que le gouverne¬ ment anglais avait formé le projet d’une des¬ cente sur les côtes de France, pour prévenir sans doute celle dont il est menacé. La victoire de Granville sur les rebelles, les grandes précau¬ tions prises pour les empêcher de pénétrer vers Cherbourg et Saint-Malo, si convoités par les Anglais ont fait échouer ce projet. Ce qui le fera bien mieux échouer encore, c’est la victoire qui terrasse de toutes parts les hordes de rebelles. Une lettre des représentants du peu¬ ple à l’armée de l’Ouest, écrite du Mans le 23 fri¬ maire, rend compte que dans la ville même, il s’est livré la veille un combat dont le succès est le plus beau, le plus complet que les troupes de la République aient eu depuis dix mois sur les brigands. L’action qui a eu lieu dans les places, dans les rues, dans les maisons, a duré depuis neuf heures du soir jusqu’à deux heures du matin. Les mon¬ ceaux de cadavres des rebelles, parmi lesquels étaient des abbesses et des évêques, des marqui¬ ses, des comtes, des barons, etc. favorisaient seuls la fuite des autres. Us ont abandonné ca¬ nons, caissons, fusils, carrosses, trésors, reliques, crosses, mitres, croix, etc. Les représentants assurent que nous n’avons pas perdu 30 défenseurs dans cette affaire et que nous avons au plus 100 blessés. Deux autres lettres écrites, l’une de Saumur, l’autre de Nantes, apprennent que les brigands abandonnent La Flèche, se séparent par bandes pour s’enfoncer dans les bois et que leurs chefs cherchent à se sauver. La Rochejaquelein, l’un d’eux, fait prisonnier, est conduit à Angers sous bonne et sûre garde. Une partie des troupes de l’armée du Nord a été employée à ces heureuses expéditions. Il a été décrété, au milieu de vifs applaudissements, qu’elles ont, ainsi que l’armée de l’Ouest, bien mérité de la patrie. Barère a ensuite donné connaissance des let¬ tres du général de l’armée du Rhin, annonçant que, le 18 et le 19, les troupes de la République se sont emparées des hauteurs en deçà d’Hague-nau, de plusieurs villages, et ont pris deux dra¬ peaux à l’ennemi. Le 1er bataillon de l’Indre ayant remporté plusieurs redoutes au pas de charge, le général voulut lui donner une preuve de satisfaction en lui envoyant 1,200 livres, mais ces généreux soldats ont non seulement refusé ce don, mais y ont encore ajouté 640 livres pour le soulagement des veuves et enfants de leurs frères d’armes. Une dernière lettre, communiquée par le rap¬ porteur, annonce que les Anglais et les Espagnols ont abandonné le port de Gênes, arrêté et con¬ duit à Livourne treize vaisseaux danois et sué¬ dois richement chargés et destinés pour Gênes. Le feu a été mis au vaisseau Le Scipion ; 150 traî¬ tres qui le montaient ont péri. IV. Compte rendu du Mercure universel (1). Barère présente un rapport général sur la Ven¬ dée : « 20,000 hommes, dit-il, seront détachés de l’armée du Nord, et sans délai, pour marcher contre les hordes de la Vendée. Duquesnoy en prendra le commandement en chef contre les brigands. » Le rapporteur retrace l’état des départements de la Vendée et environnants. Il donne lecture des arrêtés pris par le comité de Salut public pour déterminer les mesures nécessaires. « Déjà, dit-il, un prétendu régent se prome¬ nait sur les mers de Venise ; à côté de Courtalin, cette manufacture de papier d’assignats, s’éle¬ vaient des troubles ; des communes, qui vou sont apporté leur argenterie du culte, se soulèvent, et des prêtres qui sont venus à votre barre faire leur abdication, sont les chefs de la révolte. ( Etonnement .) Plus de 40 de ces conspirateurs viennent d’être arrêtés, et le comité a pris des mesures pour dissiper ces attroupements qui menacent les convois de subsistances de Paris. Les représentants de Nantes nous marquent qu’un nouveau complot existait pour faire égor¬ ger les députés, ouvrir les prisons et s’emparer de divers lieux; mais ces projets sont déjoués, et les auteurs ont subi la peine due à leur crime. « Durant ce temps, on calomniait le général Rossignol ; on lui refusait toute espèce de talent militaire. Sepher refusait de servir sous lui, comme si le service de la patrie ne rendait pas tous les emplois dignes d’un homme. Nous n’at¬ tribuerons pas à Rossignol les talents d’un Tu-renne ; mais nous dirons qu’il est brave, que, lui présent, jamais les troupes n’ont été battues. Il a gagné la bataille du 18, et nous dirons qu’ après, la Vendée pourra commencer le procès par écrit que l’on a tenté déjà de faire. Ces petites jalou¬ sies, soi-disant en passant, ajoute le rapporteur, ne devraient jamais entrer dans la tête de sans-culottes. » Barère ajoute que le comité a pris un arrêté par lequel il sera établi des courriers journaliers pour instruire la Convention de ce qui se passe, et les dépêches seront transmises de proche en proche. Les généraux feront connaître chaque jour la position de l’armée de la République et celle des rebelles. « Le génie de la liberté est de triompher de tous ses ennemis, ajoute Barère, et voici une lettre du 23 frimaire écrite par les représentants Turreau, Prieur, Bourbotte, à sept heures du soir. « A force de courir après la horde infernale des brigands, nous les avons enfin atteints sous les murs du Mans. Notre cavalerie, depuis plu¬ sieurs jours, les suivait .de près, et elle les serra. Secondés d’une colonne d’infanterie, ils fondi* rent avec impétuosité sur les brigands qui tin¬ rent ferme. Notre avan -garde fut repoussée, et ce premier échec semblait décider la victoire; mais l’espoir des rebelles fut trompé. Appuyé par les soldats arrivés de Cherbourg, ils furent poursuivis, forcés; une redoute leur fut enlevée sur le pont. La bayonnette en avant, les répu-(1) Mercure universel [26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793), p. 412, col. 2]. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. =} ",malre an il 515 1 1 I 15 décembre 1703 blicains foncent sur eux; rien n’arrête leur im¬ pétuosité; les brigands se replient dans les rues du Mans; on les y poursuit malgré le feu des canons et celui qui partait de quelques maisons où se retranchaient les rebelles; on s’avança jusque sur la principale place. Là, une fusillade terrible de part et d’autre recommence. Il était neuf heures du soir, et le combat dura jusqu’à deux heures du matin. « Alors on resta en station ; mais à la faveur de la nuit les brigands évacuèrent la ville. Au point du jour, les chasseurs, la bayonnette en avant, se précipitèrent sur une avant-garde qui était restée. Ils firent carnage de tout ce qu’ils rencontrèrent : prêtres, barons, marquises, tout fut entassé et égorgé; canons, caissons, bagages, tout enfin est tombé en notre pouvoir, et les monceaux de cadavres sont les seuls obstacles que l’ennemi opposait à notre résistance. Depuis quinze heures le carnage a commencé; il dure encore. Nos troupes ont poursuivi l’ennemi hors des murs du Mans; sa déroute est totale; nous lui avons enlevé son trésor; effets, malles, tout a été pris. (L'assemblée par un mouvement im¬ prévu, se lève au bruit des applaudissement et des cris de ; « Vive la République ! ») Leurs bannières, leurs crosses, leurs reliques de toutes espèces sont restées sur le champ de bataille. Nous allons les ramasser et vous les envoyer pour faire connaî¬ tre au peuple quels moyens on emploie pour tromper sa raison. « Le général Haxo commandait en chef dans cette journée; chaque soldat était un héros et les généraux de division se sont comportés habile¬ ment et courageusement. Westermann a eu deux chevaux tués sous lui. Il a été blessé et n’a pas quitté le combat. (Applaudissements. ) « Les citoyens du Mans ont accueilli nos sol¬ dats en libérateurs. La cavalerie est encore à la poursuite des brigands, et cette journée est l’une des plus décisives pour la cause de la li¬ berté. Nous vous envoyons l’état des fameuses reliques prises sur les brigands : 1° le chef de saint Charles Borromée; 2° des étoffes bénites trouvées dans la châsse de saint Denis; 3° les pièces probantes de l’authencité des reliques de saint Vincent ; 4° une dent de la mâchoire infé¬ rieure de saint Vincent ; 5° un morceau de la tête et de la queue de Saint-Guignolet ; 6° un morceau de la robe de la sainte Vierge; 7° un morceau de la tunique de U nfant Jésus; 8° le pericrâne de saint Sébastien ; 9° le gril de saint Laurent. ( On rit) ; 10° un morceau de la vraie croix; 11° entre deux cristaux, du lait de la très sainte Vierge. » L’assemblée, sur la proposition du rapporteur, décrète que l’armée de l’Ouest a bien mérité de la patrie. La Convention décrète en outre qu’elle appelle à combattre les rebelles de la Vendée les répu¬ blicains de l’armée du Nord, après avoir triom¬ phé des esclaves des rois coalisés devant Dun¬ kerque et Maubeuge. « Dira-t-on maintenant que la Vendée existe, ajoute Barère, lorsque les brigands sont errants comme les sauterelles de l’Egypte? Existe-t-elle encore lorsqu’elle a été battue au Mans, à Baugé, à Léger, à Joinville? Voici une lettre postérieure de Saumur, écrite par Boyer, commandant le bataillon de Varennes, qui porte que le trésorier de l’armée catholique vient d’être arrêté. Les bri¬ gands ont perdu tout espoir. Ils se détachent par bandes et fuient isolés. Leur chef, La Bochejac-quelin, vient d’être fait prisonnier et conduit à Angers. ( Applaudissements.) « Je dois ajouter, dit le rapporteur, qu’à. Cho-let, un républicain de treize ans, qui déjà, com¬ battait pour la liberté et faisait passer le fruit de ses économies à une mère âgée, se voyant forcé par des brigands de livrer deux chevaux qu’il conduisait, aima mieux recevoir-la' mort que de céder à l’ennemi. ( Vifs applaudissements ■./ L’assemblée décrète que la mère de ce jeune homme qui demeure dans la commune de Par-vaiseau (Palaiseau), district de Versailles, rece¬ vra une pension viagère de 100 pistoles, et 1,000 écus une fois payés et provisoirement. Le rapporteur donne lecture de deux lettres, l’une du général de l’armée du Bhin, en date du 18, l’autre d’un général divisionnaire. Toutes deux portent que l’armée s’est battue toute la journée. Les redoutes de l’ennemi, sur les hau¬ teurs en avant d’Haguenau ont été emportées, et dans la nuit il a évacué ses postes. Le batail¬ lon de l’Ain (Indre) a enlevé plusieurs redoutes au pas de charge, « et si le jour eût-duré deux heures de plus, nous eussions emporté Hague-nau », dit le général. J’ai fait passer au bataillon de l’Ain (Indre) une somme de 1,000 livres en re¬ connaissance de sa bravoure. Il me l’a renvoyée avec 640 livres de dons qu’il y a joints pour les veuves et orphelins des défenseurs de la patrie. (Vifs applaudissements.) Barère expose que les Anglais ont quitté le port de Gênes, après avoir vioié le droit des gens et tous les égards dus à la neutralité. Ils en ont amené ( sic) 13 bâtiments danois et suédois char¬ gés d’une riche cargaison. « Il y a, continue-t-il, de vives réclamations, et l’on ne sait encore quelles pourront être les suites de cette affaire. Des patriotes français, indignés du massacre de la frégate française la Modeste, s’en sont vengés, et ont fait sauter le Scipion, bâtiment anglais qui se trouvait dans le port de Gênes. Heureu¬ sement, ils ont échappé aux poursuites que l’on pourrait faire. 115 traîtres, qui étaient sur le Scipion, ont sauté dans les airs ou se sont noyés, et, si la poudre n’eût pas été mouillée, quatre au¬ tres bâtiments anglais, amarrés dans le port, eussent péri. V. Compte rendu du Journal de Perlet (1). Barère donne connaissance des mesures prises par le comité de Salut public pour exterminer les rebelles et les chasser de l’ancienne Vendée où ils rentraient furtivement en se glissant dans les communes qui bordent la rive droite de la Loire. Granville et Cherbourg ont été déclarés en état de siège. 20,000 hommes ont été tirés de l’armée du Nord pour se rendre aux armées de l’Ouest et des Côtes de Cherbourg. Un nouveau projet des enneinis de la France et de la liberté a été déjoué. Il tendait à tout diviser, à tout obscurcir, à semer des troubles, des défiances et préparer la descente que l’An¬ gleterre a commencé d’exécuter sur Saint-Malo. Dans le département de Seine-efc-Mame, les mêmes prêtres qui ont abjuré le sacerdoce ont réclamé. Les mêmes communes, qui ont fait hommage à la patrie des dépouilles du fana-(1) Journal de Perlel |n° 450 du 26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793], p. 125],