(Aftftftmbléo afttioBftlo.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [11 novembre 1790*} 371 périeurs des colonies étaient autrefois sujets à la cassation du conseil. C’est un lien qu’il est nécessaire de conserver entre les colonies et la métropole. Il faut donc que les colonies entrent dans la composition du tribunal de cassation. Je demande que cette proposition soit renvoyée au comité deConstitution. M. Eie Chapelier. Les décrets rendus sur les colonies les autorisent à présenter leurs projets sur le plan de Constitution. Nous ne pouvons donc anticiper sur les pouvoirs que nous leur avons donnés. Le comité ne pourrait présenter que des dispositions provisoires! M. Moreau de Saint*Méry. J’appuie d’autant plus la proposition deM. Barnave qu’elle est conforme au résultat d’une délibération prise par les députés des colonies. M. Barnave. L’Assemblée a renvoyé aux colonies la proposition du plan de leur organisation, mais non pas les règles générales de la Constitution française. M. Tronchet. Si on attendait les élections des colonies, il serait possible que le tribunal de cassation ne fût point en activité dans dix mois. M. Moreau de Saint-Méry. On pourrait décréter que ce tribunal serait installé encore que lés colonies n’eussent pas fait leurs nominations. M. Barnave. Mettre cette proposition en doute, ce serait briser le lien le plus puissant qui attache les colonies à la France. Le décret qui accorde aux colonies le droit de proposer des plans sur leur organisation est tellement relatif aux localités, que les colonies ne l’ont pas en général, mais que chaque colonie l’a en particulier. « L’Assemblée décrète que les tribunaux des colonies seront soumis à la coür de cassation, et que le comité de Constitution fera un rapport sur le nombre des membres que les colonies fourniront à ce tribunal. » M. le Président annonce le décès de M. Antoine Guiot, député d’Auxois. M. Bœderet* représente que le comité d’impositions ne peut terminer son travail si le comité des linances ne fait connaître le tableau des besoins de l’année 1791. (L’Assemblée ordonne que ce tableau lui sera présenté lundi prochain.) M. Gaoltier-BIauzat. Il a transpiré dans le public qu’on allait former de nouveau un corps de troupes pour la garde du roi ; cette nouvelle a agité les esprits, et le secret des mesures qui ont été prises a causé des inquiétudes. L’inquiétude a fait naître des soupçons contre des personnes en place ; c’est toujours un grand mal que ces soupçons, mais Cë mal est plus grand encore quand ils portent sur un homme qui a donné de grandes preuves de prudence et de patriotisme. J’ai aperçu, dans ce projet, de fâcheux résultats qui vous commandent de prendre des mesures pour arrêter son exécution. Il suffit d’annoncer que l’Assemblée nationale s’occupera de déterminer par qui et comment la garde du roi sera composée. Je ne propose pas que l’Assemblée rende aujourd’hui un décret sur cette question ; mais j’ai deux considérations fort simples à présenter pour établir qu’elle doit en assurer la discussion. Sous le règne du despotisme, le despote avait besoin de soldats pour faire exécuter ses volontés arbitraires ; sa sûreté n’intéressait que lui et les mercenaires complices de la tyrannie : c’était à lui, c’étaient à eux à y pourvoir. Mais dans un Etat libre, où chaque individu, où le roi même est soumis à la volonté de tous, où c’est par la volonté générale que le monarque règne, il ne doit rester aucune crainte; le roi des Français est cher à tous les Français, tous voudraient concourir à sa sûreté ; une distinction quelconque serait affligeante, et la garde du roi des Français n’est qu’une garde d’honneur : je ne puis considérer une maison militaire que comme une maisort armée; or, je n’aime pas une maison armée pour un roi chéri de tous les citoyens de l’Empire. Je demande que les comités militaire et de Gonsti-tion réunis soient chargés de noüs faire un rapport sur la question de savoir s’il convient de créer une garde d’honneur pour le roi, et, dans le cas de l’affirmation, par qui et de quelle manière elle doit être organisée! (On demande à aller aux voix.) M. de Beauliarnais. J’ai demandé la parole pour appuyer la proposition de M. Biauzat. Cette motion ayant pour objet d’assurer les justes limites du pouvoir exécutif, d’offrir des vues réfléchies sur un point qui tient essentiellement à la liberté, et de donner constitutionnellement un garant de plus à là Constitution ; cette motion, dis-je, paraît mériter la plus grande attention. Mais puisqu’on s’est borné à en demander le renvoi à un comité, je me bornerai également à l’énonciation simple d’une réflexion, d’un principe. Dans une Constitution libre, la force militaire ne doit pas être assez considérable pour nuire à la liberté, et doit l’être assez pour la défense de l’Etat. Eh bien ! une maison militaire destinée à l’exécution de la volonté d’un seul homme rompt la balance nécessaire de tous les pouvoirs, sans aucun profit pour là tranquillité publique, et avec des dangers certains pour la liberté nationale. Je crois donc que l’Assemblée doit décréter le renvoi aux comités militaire et de Constitution réunis, dont l’avis sera probablement que le roi ne doit pas avoir de maison militaire. Alors j’appuierai mon opinion si cet avis est contesté. J’ai une autre réflexion à vous présenter. Il est important de décréter que jamais, et dans aucune circonstance, le roi ne commandera les troupes en personne. (Il s’élève beaucoup de murmures dans la partie droite .) Cette question de droit public cause un étonnement qu’il serait difficile de dissiper ; mais en ce moment, pour soutenir mon opinion, je ne citerai qu’un exemple. Il est bien certain que c’est la responsabilité des agents qui nous garantit la paix; vous avez décrété que la guerre ne pourrait être faite que ar la concurrence du pouvoir exécutif et du orps législatif. Si un ministre, si un général d’armée commençait des hostilités, il payerait ce crime de sa tête: mais un roi pourrait nous entraîner dans une guerre désastreuse sans qu’il fût possible de sévir contre quelque coupable... attendu l’inviolabilité de la personne du roi. (Une grande partie de l’Assemblée applaudit.) Vu l’importance de la motion de M-Biauzat, et l’intérêt qu’on me semble devoir attacher à ma proposition, je me réduis 372 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n novembre 1790. à demander le renvoi de l’une ou de l’autre aux deux comités réunis. M. Malouet. S’il s’agissait de faire de la maison militaire du roi une armée, certainement l’Assemblée nationale aurait le droit de s’en occuper; mais où veut-on nous conduire avec cette succession de motions? Quand finira cette révolution qui est en France sans cesse dans les principes? (Il s’élève beaucoup de murmures dans la partie gauche.) Je ne me plains nullement de cette révolution dans les principes, je demande quand finira cette agitation menaçante qui tient le peuple français dans des convulsions continuelles! Après le discours d’hier, dans . lequel tout homme sage aperçoit l’annonce de troubles nouveaux, la motion d’aujourd’hui est faite pour effrayer les bons citoyens. Yeut-on dépouiller le roi du droit d’avoir une maison militaire et de la composer comme il voudra? Il appartient au Corps législatif de déterminer le nombre d’hommes qui doivent être attachés à cette maison. Plusieurs voix de la gauche : On ne discute pas le fond de la motion. M. de Montlosier. M. de Beauharnais a dit tout ce qu’il a voulu, laissez parler M. Malouet. M. Koederer. Le roi a lui-même déféré à l’Assemblée nationale la décision de la question qu’on vous propose; il vous a écrit qu’il n’hésitait pas à penser que le nombre des troupes de sa garde devait être déterminé par l’Assemblée nationale. M. Malouet. C’est ce que je dis. Je sais très bien, que, daDS un Etat libre il ne peut pas être libre au prince de s’environner d’une armée; mais si vous renvoyez au comité la question de savoir si le roi aura ou n’aura pas une maison militaire, c’est attaquer une prérogrative de la couronne. Je m’oppose donc à ce renvoi; je m’oppose également a ce qu’on prive le roi de composer sa maison militaire comme il le voudra, avec le nombre d’hommes que le Corps législatif aura déterminé. Quant à la proposition de M. de Beau-harnais, j’avoue qu’elle me pénètre de douleur. — Il s’élève beaucoup de murmures à gauche ! On entend à droite ces mots : C'est une infamie !) C’est en répandant ainsi la terreur et l’effroi qu’on nous amène à la désorganisation de l’Etat monarchique dans lequel le peuple veut vivre. Si, après le peu d’influence que vous avez donné au roi sur l’administration, sur les tribunaux, vous le dépouillez du droit de commander en personne ses armées . . . (La partie gauche murmure .) On vous parle sans cesse de contre-révolution imaginaire (Nouveaux murmures ); je vous en annonce une, celle que prépare en ce moment l’agitation de l’opinion publique, qui, après avoir désorganisé l’Etat, rétrogradera et trouvera le peuple abattu, furieux contre ses prétendus amis, dont peut-être il demandera. .. (Les murmures redoublent.) Je demande qu’on ne renvoie au comité militaire que cette question : De quel nombre d’hommes la maison militaire du roi sera-t-elle composée? M. Alexandre de Lameth. Je ne vous occuperai pas de la seconde proposition qui vous a été laite, tendant à décider que le roi ue pouvait pas commander l’armée en personne. Peut-être serait-il facile d’établir, si l’on voulait entrer dans cette discussion, que, loin de dégrader la royauté, cette proposition tend à lui conserver son véritable caractère; que le roi, chef suprême de toutes les parties du pouvoir exécutif, ne doit pas cesser de les surveiller toutes pour devenir lui-même acteur dans une seule; qu’il ne doit pas cesser d’être le centre de la Constitution pour aller, loin de son peuple, exercer des fonctions incompatibles avec l’inviolabilité que vous avez consacrée, et que le prétendu droit qu’on réclame ici pour lui n’est que celui d’abdiquer la dignité du roi pour revêtir le rôle d’un général d’armée. Mais laissant, pour un moment, de côté cette question, je crois devoir appeler l’attention de l’Assemblée sur le système de quelques individus qui voudraient présenter les amis de la liberté comme les ennemis de la royauté. (Plusieurs voix de la droite : Oui , oui ! — Toute la gauche : Non , non 1) Non, les amis du roi ne sont pas ceux qui affectent sans cesse d’en prendre le nom. Les amis du roi sont ceux qui ont détruit les parlements, ceux qui ont détruit l’ordre du clergé (Les spectateurs et une grande partie de l’Assemblée applaudissent), ceux qui, en faisant disparaître les monuments de la féodalité, ont mis fin à cette éternelle rivalité du trône et de l’aristocratie, et brisé les barrières qui séparaient depuis si longtemps le roi et le peuple. Oui, je le répéterai, comme l’a dit un de nos collègues avec autant d’éloquence que de vérité, l’alliance naturelle, l’alliauce sainte et durable, est celle du prince et du peuple, et celle-là vous l’avez fondée, vous l’avez cimentée à jamais en détruisant toutes les tyrannies intermédiaires que l’ignorance et l’usurpation avaient établies entre eux. (Les applaudissements des spectateurs et de la grande majorité de l’Assemblée sont unanimes.) Nous ne sommes pas dupes de la sollicitude patriotique du préopinant, M. Malouet, qui parait craindre que le peuple ne se lasse de la liberté, et que, revenant sur ses pas, il n’abandonne ceux qui se sont constamment dévoués à ses intérêts. (Plusieurs voix de la droite : Il n'a pas dit cela !) A en croire M. Malouet, il faut craindre de fatiguer le peuple par des inquiétudes ; selon lui, il ne faut plus penser aux troubles, à la contre-révolution. Et quel moment prend-il pour nous inviter à cette dangereuse sécurité ? C’est celui où les ennemis de la patrie ne rougissent pas de marcher sous les étendards d’un ministre coupable, qui a bien pu soustraire, par la fuite, sa tête à la juste vengeance des lois, mais qui ne pourra jamais sauver son nom de la honte, de l’opprobre, de l’exécration de ses contemporains et de la postérité (Nouveaux applaudissements de l’Assemblée et des spectateurs) ; c’est celui où ce ministre prévaricateur, M. Calonne, court les pays voisins pour réunir tous les éléments de contre-révolution. Mais que M. Malouet se rassure, car nous ne cesserons de veiller, de combattre : nous périrons, s’il le faut, pour les intérêts du peuple et l’achèvement de la Révolution. (La salle retentit d’applaudissements.) Je reviens à la proposition de M. Biauzat, et je dois vous dire que le comité militaire, instruit de la fermentation qu’excitent dans Paris les bruits d’un changement prochain dans la garde nationale, se rappelant les services constants et signalés qu’elle n’a cessé de rendre pour la défense de la liberté et le maintien de l’ordre public, dans les circonstances les plus orageuses ; se rappelant les téuioi- 373 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il novembi* 1790.) gnages réitérés de la satisfaction que vous avez donnés à son zèle infatigable (Les deux côtés de la salle applaudissent), m’a chargé de vous proposer de renvoyer à vos comités militaire et de Constitution tout ce qui est relatif à l’organisation de la maison militaire du roi. Quant à la partie de la garde nationale, connue sous le nom de garde soldée , qu’on a cherché à inquiéter sur le sort à venir, qu’elle se repose avec confiance sur l’Assemblée nationale, qui n’oubliera pas les services qu’elle a rendus dans la Révolution ; et, quelles que soient les dispositions qu’on adopte pour la ma;son militaire du roi, cette partie de la garde nationale doit être sûre que ses intérêts ne seront pas oubliés. Je demande le renvoi de la motion de M. Biauzat aux deux comités. (La discussion est fermée.) M. de Montlosier. Je demande, par amende-* dement, que le renvoi ne porte que sur le nombre des troupes dont la maison du roi sera composée. (Cet amendement est écarté par la question préalable.) M. deFoucault. La discussion n’étant pas assez éclairée, nous ne prenons point de part à la délibération. (L’Assemblée ordonne le renvoi des propositions de MM. Biauzat et de Beauharnais aux comités militaire et de Constitution réunis.) M. de Foucault. Je demande acte de ce que personne de ce côté ne s’est levé. M. de Rochebrune. Cette motion est appuyée ; Monsieur le Président, mettez-la aux voix. M. Routteville-Dumetz, membre du comité d'aliénation des biens nationaux, propose en faveur de la municipalité de Chartres un décret d’aliénation, codçu dans les termes suivants : L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d’aliénation de domaines nationaux, delà soumission de la municipalité de la ville de Chartres, des 17 mai et 18 septembre derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune de cette ville, ledit jour 17 mai ; pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir entre autres biens nationaux, ceux dont l’état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de cejour; ensemble trois procès-verbaux d’estimations des dits biens, faits les 8 et 9 novembre présent mois, vus et vérifiés par le directoire du district de Chartres et celui du département d’Eure-et-Loir, le 9 dudit mois de novembre; « Déclare vendre à la municipalité de Chartres, district de Chartres, département d’Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d’estimations, montant à la somme de huit cent vingt-un mille deux cent soixante-dix-neuf livres quatorze sous deux deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. » (Ce décret est adopté.) M. Marie de Laforge, député d’Auxerre, qui a obtenu un congé le 17 octobre, annonce son retour. M. le Président lève la séance à trois heures. | ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du jeudi 11 novembre 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et [demie du soir. M. Pofgnot, secrétaire , donne lecture: 1° d’une adresse à l’Assemblée nationale de la liberté et de la loi, de la ville de Perpignan, et d’une lettre y jointe, dans laquelle sont consignées des protestations d’attachement, de dévouement et de respect pour la Constitution et l’Assemblée nationale; 2° D’une adresse de l’assemblée électorale du district de Coiron, département de l’Ardèche, contenant improbation d’un libelle intitulé : Manifeste et protestation de cinquante mille hommes contre la Constitution et la liberté française ; 3° D’une lettre de M. le garde des sceaux à M. le Président, à laquelle est jointe une copie de la traduction d’une lettre du canton de Fribourg, adressée au roi, du 18 octobre dernier, portant autorisation de l’exécution de l’article 13 du traité de 1777, et en conséquence que cinq criminels d’Etat publiquement reconnus, suivant ce canton, actuellement en France, lui soient livrés; réclamation dont le renvoi au comité diplomatique est ordonné par l’Assemblée nationale; 4° D’une lettre adressée à M. le Président, par le ministre plénipotentiaire du roi près le prince-évêque de Liège, prêtant son serment civique ès-mains de M. le Président de l’ Assemblée, de laquelle lettre l’insertion au présent procès-verbal est ordonnée, et dont la teneur suit : A Aubry-le-Panthou, par Gacé, 6 novembre 1790. « Monsieur le Président, je vois dans les papiers publics un décret rendu par l’Assemblée nationale le 26 du mois dennier sur le serment à prêter par les agents du pouvoir exécutif, actuellement hors du royaume. » « Quoique absent de ma résidence, par congé; quoique j’aie déjà prêté diverses fois le serment civique, soit comme maire de la commune dont je suis citoyen, soit comme président de l’assemblée primaire du canton que j’habite, soit enfin comme électeur, je n’examine point si je suis dans un cas d’exception à l’exécution de ce décret. « Je ne crois pas davantage devoir attendre que la sanction du roi me soit connue; ses vertus et son civisme la garantissent assez; et d’ailleurs, le roi lui-même n’apprend-il pas tous les jours à ceux qui servent l’Etat sous ses ordres, quelles sont ses intentions, et le double devoir qu’elles leur imposent? « Je me livre à mes sentiments, qui me porteront toujours à saisir avec transport les occasions de manifester mon admiration, mon amour, ma fidélité pour la Constitution que je regarde comme le plus beau monument que la philosophie et la politique aient encore élevé au bonheur de l’homme et à la prospérité des nations. « Veuillez donc, Monsieur le Président, devenir (1) Cette séance est incomplète au Moniteur ,