298 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {23 juillet 1790.; maintien et à la défense de la société, qu’il peut au besoin réclamer l’assistance de la société entière pour la défense de sa personne et de sa propriété. A Athènes, à Rome, en Angleterre, en Suisse et chez les peuples les plus libres, chez les sauvages mêmes, tout homme en état de porter les armes est obligé de marcher en personne à la guerre : ce n’est pas seulement parce que la contribution du service personnel est autorisée par l’exemple de tous les peuples et de tous les siècles ; ce n’est pas parce que les lois la commandent qu’elle est légitime ; mais c’est parce que la nature et la nécessité ont partout dicté la loi avant que le législateur ail parlé. La question se réduit donc toujours au même point : savoir si la défense de la patrie exige irrésistiblement, ainsi que nous l’avons démontré, le concours du service personnel pour la formation de l’armée auxiliaire? Ce genre de service ne peut, sous aucun rapport, être assimilé à la conscription militaire proposée pour base unique de la totalité des armées. Cette conscription enlevait nécessairement, même pendant la paix, un citoyen à ses habitudes, à sa famille, à ses affaires, à sa profession ; et ce qui était un vice bien plus essentiel, elle aurait arrêté le cours de l’éducation des jeunes gens, dont les talents pouvaient, un jour, devenir utiles à l’Etat. Ici, au contraire, le service personnel, exigé seulement pour l’armée auxiliaire, laisse le citoyen constamment libre et tranquille pendant la paix ; il ne lui impose que l’obligation de certifier son existence à des époques fixées, et la guerre n’étant qu’un état de crise, chaque citoyen inscrit couserve un espoir très fondé d’acquitter son temps de service, sans être forcé de marcher à l’ennemi. Si la guerre vient à s’allumer, il n’a point à se plaindre ; tous les intérêts particuliers doivent se taire devant la nécessité de défendre l’Etat. D’ailleurs, l’armée auxiliaire ne pouvant, par sa nature, être considérée que comme une espèce d’arrière-ban organisé et infiniment plus doux que celui qui, tant de fois, a été ordonné depuis l’établissement de la monarchie, tout Français qui refuserait alors le service devrait être dégradé de son étal de citoyen. Quiconque, en ce cas, hésite de hasarder sa vie pour défendre l’Etat, est indigne d’en faire partie; car ce n’est qu’à cette condition que chaque citoyen a joui, dans la société, du bonheur d’être libre et des douceurs de la paix. Mais des nommes enrôlés malgré eux ne feront que de médiocres soldats. La réputation qu’ont acquise les grenadiers royaux, depuis leur institution, ne peut laisser aucune inquiétude du côté de la bravoure ; et si, comme cela est incontestable, il faut, pour la guerre, une espèce d’hommes plus robustes que ceux du recrutement volontaire, l’armée auxiliaire les fournira, car les contingents étant fixés d'après la population, vous aurez les quatre cinquièmes composés d’habitants de la campagne, qui, accoutumés aux travaux pénibles, seront plus en état de supporter les fatigues de la guerre, que les recrues ordinaires qui sont, ou des artisans ou des paysans déjà énervés par le séjour des grandes villes. Les difficultés dans l’exécution présentent une objection plus embarrassante. Depuis plusieurs années, des philosophes, plus éloquents qu’éclairés sur cette partie d’administration, ont tellement déclamé contre les milices, qu’ils ont inspiré de grands préjugés contre l’obligation du service personnel; d’un autre côté, la suspension des tirages, l’année dernière, faute très grave en politique, a pu faire croire que cette obligation serait abolie; mais ce préjugédoits’évanouir; car il est très différent de marcher comme citoyen pour une guerre qui intéresse toute la nation, ou de se dévouer pour satisfaire l’ambition d’un seul homme. D’ailleurs, le respect que doivent tous les citoyens aux décrets d’une Assemblée qui, eu posant les bases de la liberté publique, doit eu assurer le maintien contre les ennemis extérieurs, suffit seul pour dissiper toutes les inquiétudes; mais pût-on redouter des obstacles dans l’exécution, il n’en serait pas moins nécessaire de consacrer un principe auquel est attachée la sûreté de l’Etat. Le temps aplanira bientôt les difficultés ; et une vérité que l’Assemblée nationale aura reconnue, reprendra tôt ou tard sou empire. CONCLUSION. Je me résume, et je dis; qu’à moins de nier tous les faits et les vérités établis dans ce mémoire, il faut nécessairement prendre le service personnel pour base constitutionnelle de la formation de l’armée auxiliaire, et, en conséquence, statuer : 1° Que tous les départements, districts et municipalités fourniront à l’armée auxiliaire, même pendant la paix, un contingent d’hommes, proportionnel à leur population respective ; 2e Que tous les soldats qui formeront ces contingents seront acceptés par les délégués du pouvoir exécutif, inscrits sur des registres; et pour s’assurer du complet, tenus de certifier leur existence aux époques et suivant le mode fixé par la loi, et de se présenter au premier ordre de rassemblement ; 3° Que tous les citoyens célibataires, depuis dix-huit ans, jusqu’à quarante, et en état de porter les armes, seront assujettis à contribuer, par le service personnel, à la formation de ces contingents, sauf à tolérer les engagements volontaires dans les divers départements, avec toutes les modifications qui pourront concilier la tranquillité des citoyens et la sûreté de l’Empire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du vendredi 23 juillet 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Garat ïalnè , secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Il ne se produit aucune réclamation. M. Boutteville-Dumetz, autre secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. M. Bouche. Je demande l’impression de l’a-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 J juillet 1790.1 299 dresse de MM. les aumôniers des différentes députations à la fédération du 14 juillet. Je pense que ce sera un exemple et un stimulant pour les religieux qui ne soDt pas dans les bons principes. (Cette proposition est adoptée ainsi que le procès-verbal.) M. Rewbell. La liste qu’on doit suivre pour l’ordre de la parole présente une certaine confusion, parce que deux secrétaires ont reçu à la fois les déclarations des orateurs qui se présentaient. M. Lanjuinais. La liste doit être établie par le secrétaire qui arrive le premier; c’est le moyen d’éviter les doubles emplois. M. Bouche. Je réclame l’exécution du règlement et je demande que M. le Président soit seul chargé de la liste. M. lie Président. A l’avenir, le président arrivera dë bonne heure à l’Assemblée et recevra lui-même les noms de ceux qui demanderont la parole. (L’incident n’a pas de suite.) M. le Président. Les 3e, 4e et 6e bureaux n’ont pas encore remis leurs scrutins pour la nomination des commissaires chargés d’examiner l’affaire d’Avignon. M. Bouche. L’affaire est très urgente. Je demande qu’on passe outre et qu’on proclame les commissaires élus par les autres bureaux. (Cette motion est adoptée.) M. le Président proclame les commissaires suivants : MM. Barnave, Tronchet, Charles de Lameth, Bouche, Démeunier, De Mirabeau, aîné. M. Coster, secrétaire, fait, comme suit , la lecture de la liste des décrets de l’Assemblée nationale portés à la sanction du roi, le 22 juillet 1790, Du 6 juillet 1790. Décret qui charge le garde des sceaux et les autres ministres d’envoyer au comité des décrets, tous les huit jours, un état par départements, et par ordre de dates des décrets dont on leur aura accusé la réception . Du 20 juillet 1790. Décret portant que les droits qui formaient l’objet des baux passés par les ci-devants Etats d’Artois, seront régis, à compter du premier août prochain, par des régisseurs nommés par le département du Pas-de-Calais. Dudit jour. Décret qui autorise les officiers municipaux de Sivry-sur-Meuse, à emprunter une somme de 800 livres. Dudit jour. Décret qui supprime la redevance annuelle de 20,000 livres, levée sur les juifs de Metz et du pays messin, sous la dénomination de droit d’habitation, protection et tolérance. Dudit jour. Décret qui autorise et valide le payement de 2,400 livres fait par la ville de Gimont aux particuliers qui ont logé les bas-officiers et soldats du régiment de Cambresis. Du 21 juillet 1790. Décret qui autorise les notaires, huissiers et sergents à faire les ventes des meubles, dans tous les lieux où elles étaient ci-devant faites par les jurés-priseurs créés par l’édit de 1771. M. Vernier, rapporteur du comité des finances , présente un projet de décret concernant le rôle d'impositions de la présente année , arrêté pat la commission provisoire établie dans la ci-devant province de Languedoc. Ce décret est adopté sans réclamation. Il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète que la commission provisoire établie dans la ci-devant province de Languedoc, par l’article premier du décret du 23 mars, sanctionné par le roi le 26, est contre-venue à l’article 3 dudit décret, en comprenant dans le rôle d’impositions de la présente année : 1° la somme de 35,333 livres 6 sols 8 deniers, pour gages et appointements des syndics généraux, secrétaires, commis du greffe dü roi, des anciens Etats de ladite ci-devant province, de l’agent de ladite province à Paris, du secrétaire du commandant en chef, et du secrétaire de l’intendant de ladite ci-devant province ; 2° la somme de 19,300 livres que ladite province était dans l’usage d’imposer en faveur du commandant en chef, de l’intendant et du premier secrétaire en chef de l’intendant. « Décrète, en outre, que ladite commission a également contrevenu à l’article 4 dudit décret, en clôturant les comptes du sieur Puymaurin, l’un desdits syndics, du sieur Garrierre, et du sieur Desaussèle, secrétaires-greffiers desdits anciens Etats, et en leur allouant la somme de 16,012 livres 3 sols 11 deniers. Et néanmoins, pour ne pas retarder le payement des impôts, l’Assemblée nationale décrète que l’imposition faite desdites trois sommes aura son exécution, et que le trésorier en demeurera chargé, pour la représenter au commissariat qui sera établi en conformité de l’article dernier du décret sur les assemblées administratives, et pour être employées en moins imposé, ou de telle autre manière qui sera réglée par le commissariat. L’Assemblée nationale fuit défenses audit trésorier, et à tous autres, de payer lesdites sommes, devenant ensemble à celle de 70,945 liv. 10 sol. 7 den., à ceux à qui la commission provisoire les a attribuées, à peine d’en être personnellement responsables; enjoint aux commissions secondaires