[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [26 juin 1790. 477 des brefs incendiaires et tyranniques, lancés par le Vatican, sont venus frapper d’anathème la Constitution française... (L’orateur fait le tableau des dispositions préparées sourdement à Avignon pour tenter une contre-révolution en France.) Des hommes armés parurent tout à coup au milieu de la ville : bien tôt, pressés de toutes parts, ils abandonnèrent le champ de bataille. Le sang pur des citoyens patriotes fut confondu avec celui des assassins qu’on avait suscités contre nous. — Nos alliés volèrent enfin à notre secours ; et s’ils n’ont pu nous garantir entièrement des coups qui nous étaient portés, ils sont du moins parvenus à empêcher la punition prématurée de quelques coupables, et à nous rendre la paix. Le lendemain de ces scènes de sang et de carnage, les citoyens actifs de tous les districts de la ville d’Avignon s’assemblèrent légalement. C’est dans cette assemblée que le peuple, considérant qu’il ne pouvait être heureux et libre que par la Constitution française, déclara qu’il se réunissait à la France, qu’il supprimait les armes du pape, qu’il y substituait celles du roi de France, et qu’il députait vers lui pour lui témoigner le respect et la fidélité que lui vouaient les Avignonnais. Vous connaissez nos droits : les délibérations de tout le peuple avignonnais. Vous connaissez nos motifs : notre roi veut être despote, et nous ne vouions plus être esclaves. La France est libre; nous ne pouvons le devenir que par elle, et nous nous jetons dans ses bras. ( Des applaudissements réitérés interrompent l’orateur.) Vous accepterez sans doute un peuple qui vous appartenait autrefois, un peuple enfin qui a versé son sang pour le maintien de vos décrets. — Nous remettons sur le bureau les délibérations de la ville et de l’Etat d’Avignon. » M. le Président. L’Assemblée nationale prendra en très grande considération l’objet de votre mission. Il est glorieux pour elle d’avoir inspiré aux citoyens d’Avignon le vœu que vous venez d’exprimer. Quel que soit le résultat de la délibération, la nation française sera toujours flattée de votre affection et de votre confiance. Une députation de V administration du département de Seine-et-Oise, dont le chef-lieu est à Versailles , est introduite a la barre. Elle présente des témoignages d’adhésion, de respect et d’admiration pour toutes les opérations de l’Assemblée nationale; elle blâme avec chaleur toutes les tentatives des ennemis du bien public. « Si nous n’étions persuadés, dit l’orateur, que le temps les amènera au repentir, nous les dévouerions à l’exécration et à l’infamie, comme nous y dévouons d’avance tous ceux qui, par leurs discours ou par leurs écrits, ont cherché à égarer les peuples... » L’orateur est interrompu par les agitations et les cris de la partie droite. — Au milieu de ce tumulte et des applaudissements de la partie gauche, on n’entend que ces mots prononcés par M. de Foucault : « Retournez à votre département! » M. Malouet monte à la tribune. — Une grande partie de l’Assemblée manifeste le vœu de ne pas l’entendre. — Les membres du côté droit quittent leurs sièges, se répandent dans la salle, s’agitent et s’écrient. M. le Président se couvre. — La partie gauche garde subitement le plus grand silence. — Le désordre continue dans la partie droite. — Les membres qui s’y trouvent placés crient à l’indécence et se couvrent à leur tour. — Peu à peu le désordre cesse : la partie droite devient silencieuse. M. le Président se découvre. M. le Président. Le tumulte et les murmures auxquels viennentde se livrer plusieurs membres ont été si grands, si affligeants, que j’ai cru devoir suspendre le cours des délibérations de l’Assemblée. Je la supplie, au nom de la décence, au nom de sa propre dignité et du bien public, de rentrer dans l’ordre. Je n’ai point interrompu l’orateur de la députation, parce qu’il me semble que si les expressions d’un discours paraissent dignes de reproches, les plaintes des membres de l’Assemblée ne doivent être présentées qu’après le discours ..... (Il s’élève beaucoup de murmures dans la partie droite.) Un grand tumulte vient d’interrompre votre président; que l’Assemblée le juge elle-même. M. Malouet demande la parole. Je prie l’Assemblée de prononcer sur cette demande. L’Assemblée décide que M. Malouet ne sera point entendu (Voy. sa motion annexée à la séance). L’orateur de la députation continue; il demande les instructions qui sont nécessaires pour l’exécution complète des décrets. M. le Président. L'Assemblée nationale est sensible à l’expression de votre patriotisme... Plusieurs voix du côté droit : Gela n’est pas vrai! M, le Président. L’Assemblée nationale est sensible à l’expression de votre patriotisme... (La partie gauche applaudit à plusieurs reprises.) Elle regarde les assemblées de département comme le plus ferme appui de la Constitution : elle s’occupe en ce moment de l’instruction que vous désirez. Votre zèle est un sûr garant du succès avec lequel vous allez parcourir la carrière qui s’ouvre devant vous. L’Assemblée ordonne l’impression de l’adresse du département de Seine-et-Oise et de la réponse du président. En voici le texte complet : Adresse du département de Seine-et-Oise (1). Messieurs, l’assemblée administrative du département de la Seine-et-Oise n’a pas été plutôt organisée, que le premier vœu qu’elle a formé a été celui de vous offrir ses hommages, de vous assurer de son zèle et de son adhésion respectueuse à tous vos décrets. C’est à regret, Messieurs, qu’elle s’est vue contrainte de différer jusqu’à ce jour un si juste tribut de ses sentiments. Oui, Messieurs, telle est notre vénération pour nos législateurs et pour les oracles sacrés qui sortent de ce temple de la patrie, que chacun de nous n’a pu voir qu’avec un sentiment d’indignation quelques personnes égarés par le fanatisme oser faire entendre des réclamations et publier des protestations séditieuses contre des lois qui font le bonheur de la France. Si nous (1) Cette adresse n’a pas été insérée au Moniteur. 478 (Assemblée natiopMed �RCIJIYJSS P�ffpEMENTAIRES. [26 juin 1790.] n’étions pefsuqjlés qpp le temps amènera }e repentir d�DS leur pœur, nous les dévouerions à i’infajnie et à l’êxép'ration publique, compte nous y t|pvouons d’avanpe tqqs ceux qui, par la suite, seraient assez audacieux et assez ennemis à l’Etat pour les imiter. Nous ne reconnaissons pour Français que les religieux observateurs de vos décrets. Déjà pour les exécuter nous avons ouvert la carrière de nos travaux, de ces travaux qui doivent faire refleurir nos campagnes qu’avaient desséchées lé despotisme, et la tyrânnie des capitaineries sous laquelle notre département gémissait depuis si longtemps. Mais pour pénétrer plus avant dans celte carrière, pour la parcourir d’un pas ferme et assuré, nous vous supplions, Messieurs, de vouloir bien communiquer au plus tôt les instructions qui doivent diriger l’assemblée adininistaative dans ses opérations. L’amour du bien public dont elle est animée, le désir ardent qu’elle a de propager et d’affermir la Constitution, lui font attendre avec impatience le moment où elle pourra fournir dans toute son étendue la carrière que vous devez lui tracer, et où elle pourra prouver à l’Assemblée nationale et à toute la France, le patriotisme qui enflamme le cœur de tous les administrateurs. Réponse de M. le Président . L’Assemblée nationale est sensible aqx expressions dé votre patriotisme. Elle regarde f les assemblées de département pomipe les plps fêrmes appuis de la Constitution . Elle s’occupe de vous préparer les instructions nécessaires pour vos travaux, et elle applqudjt à la juste impatience que vous lui témoigne?. Vous désiré? île vojr puvrip prqjnptepenf devant yous |a carrière civique à laquelle vops êtes enyoyés. Votre zèle est nn sff.r garant du succès avec lequel vpus saurez la parcourir. L’Assemblée nationale vous engage d’assister à sa séance. Une députation de la basoche de Paris est introduite à la barre. L’orateur de la députation prononce le discours suivant (1) : Messieurs, Défendre la patrie, obéir aux lois que vous lui faites, tels ont été et seront toujours nos devoirs les plus chers et les plus sacrés. Sous les drapeaux de la basoche nous avons fqit tous nos efforts pour servir la cause commune ; si nous y sommes parvenus, notre propre satisfaction suffit à notre récompense. Mais, Messieurs, lorsque vos sages décrets rappellent tous les hommes à l’union et à, cette douce fraternité, qui peuvent seules faire je bonheur des nations, nous np pouvons plus marcher sous les enseignes particulières, il faut, pour cimenter le pacte social, pour conserver }e feu du patriotisme, abandonner toutes ces anciennes institutions du régime féodal, il faut se réunir au? drapeapx de la patrie, ne se parer que des couleurs qu’elle a adoptées, et enfin ne faire qu’un peuple de frères et d’amis. G’est par l’accord de vos principes avec la raison, Messieurs, qqe yous ave? décrété la réunion (1) £e djsçour? p’a pas pté inséré au Moniteur. de toutes les corporations militaires au? gardes pationalës (Je l’Empire ; aussi les volontaires, de la basoche se sept-ils empressés çFpbéir respectueusement à vos décrets. Déjà ils ont remis à leurs frères de la garde nationale, les armes meurtrières qu’ils avaient conquises en assaillant les murs du despotisme. Déjà ils opt déposé dans le temple de rEternp} et près de Philippe-le-Bel, les arapeapx qu’ifs tenaient de son institution. Enfin, pour dernier acte de lepr corporation, ils viennent, dans ce Sénat auguste, têmojgnef leur obéissance à la jm et |pui’s fgspept's qu? dignes représentants dp la nation j Deviennent les assurer de leur réunion aux bataillons de la capitale ; et que, si lepr ancien uniforme leur fut précieux, celui dont ifs sont revêtus Jp leur sera enporç davantage, puisqu'il est pelui de }a natioq, et qu’il leur rappellera sans cesse l’esprit et |a sagesse du votre décret. §ous lés drapeaux de la patrie, oqbliqnt toutes ces chimériques' distinctions, les pi-deyant volontaires de la basoche n’auponj; plus d’autrp tâcfie à remplir que d’obéir à ypq'lpis* pt dp lps fairp respecter, et, sous Jps ordres de leur général, de mériter l’amitié des bops cjfoyeng pt des braves militaires de là garde nqlionale, aü?qqe]s ils ont le bonheur d’être réunis. M. le Président répond : Messieurs, Le patriotisme était dans vos cœurs, et vous venez encore d’adopter les couleurs que le patriotisme semble affectionner davantage. Yous avez voulu qu’aucun signe extérieur ne pût vous distinguer de ces gardes citoyennes, avec lesquelles un sentiment commun vous confond par une heureuse alliance. Concourez avec elles à la sûreté de tous, à la paix publique; vous serez par là les appuis de la Constitution. Placé au milieu de vous,Messieurs, dans l’exei> cice de mes anciennes fonctions, je m’estime heureux d’être auprès de l’Assemblée nationale le garant de vos sentiments, et de pouvoir lui dire avec quel zèle et quels transports civiques vos cœurs s’indignaient contre les derniers coups du despotisme, et vos bras mêmes s’armaient pour en repousser les efforts. Divers membres demandent l’impression du discours de la basoche et de la réponse de M. le Président. Cette impression est ordonnée. Trois députations sont introduites à la barre : Celle du régiment de Touraine infanterie, actuellement en garnison dans la ville de Perpignan; celle de la municipalité de Perpignan ; celle des gardes nationales de la même ville. Le sieur Aboul, député du régiment de Touraine présente un exposé justificatif de la conduite du régiment depuis le 19 mai jusqu'au 11 juin 1790. Cet exposé est ainsi conçu (1) : Messieurs, La nation n’est que trop informée des troubles qui agitent le régiment de Touraine1; nous croyons de notre devoir de lui adresser' nos griefs et notre justification. Les faits seroût exil) Nous donnons ce document d’après la version du procès-verbal de l’Assemblée nationale. Ce texte diffère de celui du Moniteur.