18 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. U mars 1790. au parlement. Après six mois de procédures, le conseil a évoqué : un arrêt intervenu a réuni les communautés opposantes dans leur droit et révoqué à leur égard les lettres-patentes du 13 novembre 1779. Le succès de ces communautés était un avertissement de prendre la même voie : l’Artois et la Flandre s'y disposaient lorsque l’Assemblée nationale a été convoquée. Nous sommes expressément chargés de vous demander, non seulement pour l’avenir, mais encore pour le passé, la révocation de l’arrêt du conseil du 27 mars 1777, et des lettres-patentes du 13 novembre 1779. J’ai soumis cette réclamation au comité féodal ; il a été décidé, à la pluralité de huit voix contre sept, que cette pétition ne serait pas présentée en son nom. Quelques principes et quelques détails mettront dans son jour la demande de la Flandre. Plusieurs voix : Aux voix, aux voix ! M. Merlin. Je propose de rendre le décret suivant : «Les lettres-patentes du 27 mars 1777 et du 13 novembre 1779, qui ont autorisé le triage dans les provinces de Flandres et d’Artois hors des cas permis par l’ordonnance de 1669, demeureront, à cet égard, comme non avenues, et tous les jugements rendus et actes faits en conséquence sont révoqués. » M. le comte de Fannoy.La loi que l’on attaque n’a donné que de bons résultats dans la Flandre Wallonne et les habitants n’ont qu’à s’applaudir des effets du triage puisqu'on ne l’a accordé qu’à ceux qui prouvaient qu’ils en avaient la propriété : c’est violer la loi que de dépouiller les triagers. Pour faire respecter les lois modernes, il faut commencer par respecter ce qui a été fait d’après les lois anciennes. M. Cmmery. Je propose l’addition suivante relativement à la province des Trois-Evêchés : « Révoque également, en ce qui concerne le triage, les lettres-patentes du mois de mai 1768, qui ont introduit le partage des communes dans les Trois-Evêchés; pourront en conséquence les communautés dont les biens ont été partagés en exécution de ces lettre-spatentes, rentrer dans la possession du tiers distrait au profit des seigneurs, à la charge de leur rembourser les impenses et améliorations sur le montant desquelles sera imputée la valeur des produits naturels. » M. le comte de Croix. Gomme j’ai un intérêt considérable et personnel dans cette affaire, je m’abstiendrai de parler sur le fond de la matière. L’article proposé est incomplet; les seigneurs ont fait de grandes dépenses pour dessécher les marais; ils n’ont pu jouir qu’aprôs cinq ou six années. Il serait à propos, s’ils perdent en ce moment leur jouissance, d’indiquer les moyens de les indemniser. M. de Robespierre, Si vous prononciez des indemnités, vous mettriez les communautés hors d’état de profiter de la justice que vous voulez leur rendre. Désolées par des poursuites violentes, par des procès ruineux, elles sont pauvres, et ne pourraient jamais se liquider. Je ne sais pas s’il en existe quelques-unes auxquelles les arrêts du conseil dont il s’agit aient été agréables; mais ce que je puis assurer, c’est que la plupart se sont opposées à leur exécution; c’est que cette opposition a donné lieu à une véritable guerre. Les habitants des campagnes ne faisaient que des réclamations paisibles; cependant des troupes environnaient les bourgades, et, d’après les ordres des Etats d’Artois, les prisons regorgeaient de malheureux enlevés à leur culture et à leur famille... J’adopte en entier le projet de décret présenté par M. Merlin. M. de Folieville demande l’ajournement de la question et le renvoi au comité de commerce et d’agriculture. M. le marquis de Foucault. Je demande qu’un membre de la majorité du comité féodal soit entendu ; c’est un moyen sûr d’éclaircir la question. M. Redon, membre du comité féodal. Le comité a pensé, sur le triage en général, qu’on ne devait consentir à aucun effet rétroactif; que ce n’était pas le cas de stipuler cet effet à l’égard de la Flandre et de l’Artois; que le trouble serait porté dans toutes les familles si l’on jetait un regard en arrière, et que tout serait détruit si l’effet passé d’une loi bien ou mal entendue n’était respecté. On a demandé si les triages faits dans les coutumes allodiales n’étaient pas contraires à la loi : il ne s’agit point ici de l’ordonnance de 1669, mais d’un arrêt du conseil, mais de lettres-patentes enregistrées, et qui sont au-dessus de la loi; il s’agit de transactions, d’actes volontaires qui sont au-dessus des lettres-patentes. L’effet rétroactif ayant été refusé, même dans les coutumes allodiales auxquelles l’ordonnance do 1669 ne s’applique pas, il serait inconséquent de l’accorder contre l’effet de lettres-patentes, de jugements, d’arrêts contradictoires et de transactions. M. Goupil de Préfeln. Kien n’est plus naturel à l’homme que d’être plein de ses propres pensées : le préopinant vient de vous en donner une preuve en exposant son opinion et non celle du comité : le comité a seulement pensé que toute disposition rétroactive pourrait être le signal de procès interminables. On vous a dit qu’il serait inconséquent d’accorder un effet rétroactif à une loi contraire à des arrêts du conseil, etc., puisqu’on le refusait contre les dispositions de l’ordonnance de 1669 : il est bien vrai qu’uue loi nouvelle ne pourra, en général, avoir un effet rétroactif; mais il s’agit d’une loi qui restitue des propriétés légitimes à des propriétaires injustement dépouillés; mais il vient un terme après lequel les lois sont consacrées. Celle de 1669 a cent vingt-et-un ans d’antiquité, tandis que les lettres-patentes et arrêts du conseil dont il s’agit ont à peine quelques années. On a parlé des dépenses faites par les seigneurs : il est ua principe populaire qu’il ne faut pas dédaigner : qui 'plante au champ d'autrui ne plante pas pour soi. Observez d’ailleurs que le temps de Ja prescription utile n’est pas écoulé. Quand je viens dans le temple de la loi et de la liberté attaquer un usurpateur, pourrait-il me dire : J’ai dépensé 50,000 livres; vous n’êtes pas riche, vous ne pouvez pas me les rendre, et je deviens, par votre pauvreté, possesseur légitime? Plusieurs amendements sont proposés; l’ajournement est demandé et rejeté; le décret se trouve définitivement rédigé en ces termes : « Tous édits, déclarations, arrêts du conseil, et lettres-patentes, rendus depuis trente ans, tant à l’égard de la Flandre et de l’Artois, qu’à l’égard [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mars 1790.] des autres provinces du royaume, qui ont autorisé le triage hors des cas permis par l’ordonnance de 1669, demeureront à cet égard comme non avenus, et tous les jugements rendus et actes faits en conséquence sont révoqués; et pour rentrer en possession «des portions des biens communaux dont elles ont été privées par l’effet desdiis arrêts, édits, déclarations et lettres-patentes, les communautés seront tenues de se pourvoir, dans l’espace de cinq ans, par-devant les tribunaux, sans pouvoir prétendre aucune restitution des fruits perçus, sauf à les faire entrer en compensation, dans le cas où il y aurait lieu à des indemnités pour cause d’impenses ». M. le Président proclame ensuite le résultat du scrutin pour la nomination du comité des colonies. Les membres élus sont • MM. Bégouen, De Nompère de Champagny, Thouret, Gérard (de Saint-Domingue), Le Chapelier, Garesché, Pellerin de La Buxière, le comte de Reynaud (de Saint-Domingue), Alquier, payen-Roisneuf, Alexandre de Lameth, Barnave. M. le chevalier de Cdfcherel. Je suis chargé par la députation des colonies de présenter ses intentions sur la nomination du comité ; MM. le comte de Reynaud et Gérard ne peuvent entrer dans ce comité, et doivent refuser. M. Gérard. Le vœu des députés des colonies n’est pas une règle ; je ne consulte que mou devoir; il m’ordonne d’accepter avec reconnaissance l’honneur que m’accorde l’Assemblée. M. le chevalier de Cocherel réclame vivement. Les premiers suppléants, destinés à remplacer les membres qui se retireraient de ce comité, sont MM. de Cazalès et l’abbé Maury. M. l’abbé Gouttes, au nom du comité des finances. Plusieurs villes, empressées de venir au secours des ouvriers sans travail, avaient déjà demandé la permission de faire, pour cet objet, des emprunts ou d’établir des contributions sur les citoyens. Vous avez exigé que ces demandes fussent "formées par les nouvelles municipalités : celles d’Abbeville et d’Orléans viennent de les renouveler. Le comité des finances m’a chargé de vous présenter un projet de décret. Le décret est mis aux voix et adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des linances, a décrété et décrète ce qui suit : « 1° Il sera levé dans la ville d’Abbeville, sur tous les citoyens payant deux livres de capitation et plus, une taxe égale à celle de leur capitation, payable en quatre termes, de mois en mois, et par avance. « 2° La taxe des ecclésiastiques des maisons religieuses, et autres anciens privilégiés, sera égale à celle qu’ils paieront pour la présente année. « 3° Les officiers municipaux feront, besoin 49 est, les rôles en la forme ordinaire et accoutumée. « 4° Pour rendre lesdits rôles exécutoires, on attendra que l'administration du département soit établie. L’administration du département prononcera seule provisoirement sur les réclamations et contestations qui pourraient s’élever à l’occasion de cette imposition. « 5° La recette de cette contribution sera faite par le receveur de la capitation, mais sans frais. « 6° Il sera formé un bureau de l’administration, conformément à la délibération de ladite commune en date du 14 de ce mois, lequel bureau recevra toutes les sommes provenant desdites contributions, et en donnera toutes les décharges nécessaires aux receveurs de la capitation et à la compagnie. » M. le Président lève la séance à 3 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOtl. Séance du jeudi 4 mars 1790, au soir (1). Un de MM. les secrétaires fait l’annonce de plusieurs dons patriotiques qui seront inscrits sur le registre préparé à cet effet. Un autre de MM. les secrétaires rend compte des adresses suivantes: Adresse de félicitation, remerciement et adhésion de la ville de Jonzac en Saintonge; elle sollicite l’établissement d’une école publique et d’un tribunal de district. Adresse de la ville de Mende en Gevaudan ; elle remercie l’Assemblée de lui avoir accordé un département, et sollicite un tribunal supérieur. Adresse de la commune de Manent en Gascogne ; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de la ville de la Tour-d’Âuvergne; elle expose que des montagnes qu’il est impossible de traverser pendant cinq à six mois de l’année, la séparent de la ville de Besse ; elle demande eu conséquence d’être chef-lieu, et le siège d’un tribunal de district. Adresses des paroisses d’Anzat, le Luguet-Saint-Alyre, Lagodiveile, Marcenat et du village d’Aphcher. Les habitants de ces communes réclament contre la démarcation des départements du haut et du bas pays d’Auvergne, en ce qu’elle les place dans le département du haut pays où il leur serait impossible de se rendre pendant une partie de l’année; plusieurs de ces communes désirent faire partie du district d’Issoire, et toutes demandent à dépendre du département du bas pays dans lequel se trouve ce district. Délibération des communautés de Gondat-Saint-Alvre et d’Espinchal en basse Auvergne. D’après l’option qui leur avait été déférée, elles demandent d’être du département du bas pays de cette province. Adresse du conseil général de la commune de Saint-Ulaude; il consulte l’Assemblée sur une (1) Cette séance est incomplète au Moniteur,