[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1790.] Enfin, après avoir adopté l’énonciation des objets sur lesquels il appartiendra à chaque législature de statuer; Votre comité, Messieurs, s’est occupé avec la plus sévère attention du complément des principes qui peuvent constituer la marine française, de manière qu’elle tende, dans toutes ses parties, au plus grand bien de la nation. Il a pensé d’abord qu’il était d’une grande importance de déterminer la destination de l'armée navale, et de prévenir par là des maux que d’antiques préjugés ont si souvent occasionnés. Avant la guerre dernière, c’était une opinion presque générale que nos vaisseaux devaient combattre pour l’honneur du pavillon, et non pour des marchands. Aujourd’hui que la jalousie du commerce commence à dominer tous les peuples, et à les éclairer sur leurs véritables intérêts ; aujourd’hui que votre Constitution même doit ouvrir à la navigation et à l’industrife nationales une plus vaste carrière ; aujourd’hui que les seules fonctions utiles seront les seules honorables, il convient de prévenir à jamais le retour d’une erreur aussi funeste, en décrétant le principe que les forces navales sont essentiellement destinées à protéger la marine marchande et les possessions qui la vivifient. Votre comité n’a quitté les intérêts du commerce que pour approfondir une question bien plus intéressante, et surtout plus chère à vos cœurs. Il s’agissait de savoir si l’armée navale pourrait jamais fournir des moyens d’attenter à la liberté française. Après un examen et une discussion dignes* d’un tel sujet, votre comité a reconnu que l’action des forces maritimes n’étant jamais qu’extérieure, il suffisait, pour rassurer sur tous les points les amis de la Révolution, d’exiger le concours des deux pouvoirs, toutes les fois qu’il serait question d’appeler ou de transporter dans nos ports des forces étrangères. La suppression de toute distinction, excepté celle des grades, parmi les officiers civils et militaires de la marine, ne pouvait pas devenir le sujet d’une discussion : et l’on peut en dire autant de la destitution de ces mêmes officiers, qui ne doit être opérée que par un jugement légal. L’une est la conséquence de la déclaration des droits de l’homme, l’autre une précaution efficace contre la faveur, la séduction, ou la vengeance. Mais ce qui a mérité une attention particulière de votre comité, c’est la fixation du temps où vous pourrez accorder le droit de citoyen actif aux services des hommes de mer, et l’âge auquel ce temps commencera à courir. Le décret, du 28 lévrier dernier, exigeant des troupes de terre seize ans de service consécutifs et sans reproches, il était tout simple d’exiger les mêmes conditions des hommes classés qui servent dans les ports, mais soixante-douze mois de campagne ont paru un terme suffisant pour obtenir la même récompense. Quant à l’âge auquel l’État doit commencer à tenir compte de cette espèce de service, votre comité a cru devoir le fixer à dix-huit ans. C’est à cet âge que le matelot est classé, et par conséquent, ce n’est qu’à cet âge qu’il peut être forcé de servir sur les armées navales. Alors seulement son service devient méritoire, parce qu’il cesse d’être volontaire. Alors, il fait à la patrie le sacrifice de la rétribution plus considérable qui lui serait accordée sur les vaisseaux marchands. Ce n’est donc qu’à cette époque que commencent les services dont l’Etat doit lui tenir 469 compte, et pour lesquels il a droit d’attendre un dédommagement. C’est, Messieurs, par de tels principes que votre marine doit reprendre le rang qui lui appartient, et qu’elle ne pouvait obtenir que sous le règne de la liberté. Le crédit, la faveur, les privilèges n’avant plus les moyens de rebuter ou d’étouffer 'les talents, vous ' verrez s’élever sous vos yeux une foule de navigateurs dignes d’illustrer leur patrie. Le célèbre Pitt a pu dire autrefois que la France était un corps vigoureux et puissant qu’il fallait toujours tenir à l’agonie; il a pu se conduire d’après ce principe, parce qu’il comptait sur les obstacles qui s’opposaient au développement de nos moyens. Mais aujourd’hui que vous avez repris toute l’énergie d’un peuple libre, il faudra que la politique change ; et si l’on ne respecte pas votre modération quand vous renoncez à toute guerre offensive, à tout projet de conquête, il faudra bien qu’on respecte les forces que vous serez en état de déployer contre des prétentions injustes. Nous vous présentons le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité de la marine, a décrété et décrète, comme articles constitutionnels, les articles suivants : « Art. 1er Le roi est le chef suprême de l’armée navale. « Art. 2. L’armée navale est essentiellement destinée à défendre la patrie contre les ennemis extérieurs, et particulièrement à protéger le commerce maritime et les possessions nationales dans les différentes parties du globe. « Art. 3. Il ne peut être appelé dans les ports français ni employé au service de l’Etat aucunes forces navales étrangères, sans un acte du Corps législatif, sanctionné par le roi. «Art.4.11ne peut être employé sur les vaisseaux, ni transporté par Iesdits vaisseaux dans les ports du royaume et des colonies, aucun corps ou détachement de troupes étrangères, si ces troupes n’ont été admises au service de la nation par un décret du Corps législatif, et sanctionné par le roi. « Art. 5. Les sommes nécessaires à l’entretien de l’armée navale, des ports et arsenaux, et autres dépenses civiles ou militaires du département de la marine, seront fixées par les législatures. « Art. 6. Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois civils et militaires de la marine, et les législatures ni le pouvoir exécutif ne peuvent, ni directement ni indirectement, porter aucune atteinte à ce droit. « Art. 7. Il n’y aura d’autre distinction entre les officiers civils ou militaires de la marine, que celle des grades, et tous seront susceptibles d’avancement selon les règles qui seront déterminées. « Art. 8. Toute personne attachée au service civil ou militaire de la marine conserve son domicile, nonobstant les obstacles nécessités par son service, et peut exercer les fonctions de citoyen actif, s’il a d’ailleurs les qualités exigées par les décrets de l’Assemblée nationale. « Art. 9. Tout militaire ou homme de mer qui, depuis l’âge de dix-huit ans, aura servi sans reproche pendant 72 mois sur les vaisseaux de guerre, ou dans les grands ports l’espace de 16 470 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [!É6 jiiiii 1790.] ans, jouirà de la plénitude des droits de citoyen actif, et sera dispensé des conditions relatives à l'a propriété et à là contribution. « Art-10. Chaque année, lé 14 juillet, il sera prêté individuellement dans les grands ports, àr toutes les personnes attachées au service ci-il ët militaire de la marine, en présence des of-ii'ciers münicipaux et des citoyens Rassemblés, le serment fiht suit, savoir : « Par lés officiers civils et militaires : de rester fidèles à ià nation, à la loi, au roi et à la constitution décrétée par l’Àsséinblée ttatibriale et acceptée par Sa Majesté ; dë prêter main-forte requise par les corps administratifs ët les officiers civils oü municipaux, et de n’employer jamais ceux qui sont sous leurs ordres contre aucun citoyen, si ce n’est sur cette réquisition, laquelle sera toujours lue aux troupes assemblées-, de faire respecter le pavillon français, et de protéger, de lâ manière la plus efficace, le commerce maritiihe; « Et par les hommes dë meret autres employés au service de la iharine, entre les mains de leurs officiers, d’être fidèles à la nation, à la loi, au roi et à la Constitution ; de n'abandonner jamais les vaisseaux sur lesquels iis seront employés, et d’obéir à leurs chefs avec la plus exacte subordination. « Les formules de ces serments seront lues à haute voix par l’officier-commandant dans le port, lequel jurera te premier et recevra ie serment que chaque officier, et ensuite chaque homme de mer prdnoncefa, en levant la main et disant : je le jure. « Art. 11. A chaque armement, et au moment de la revue à bord, le commandant de chaque vaisseau fera le sermeat, et le fera répéter par l’état-major et l’équipage, dans les termes énoD-cés par l’article précédent. « Art. 12. Le ministre ayant lé département de lâ mâfihë, ët tous les agents civils ët militaires, quels qu’ils soiebt, sont süjets à la responsabilité, dans les cas et de la manière qui sont ou seront déterminés paR la Constitution. « ÀRt. 13. Aucun otficiëR militaire de la maRine në pourra être destitué de son emploi, sans le jugement d’un Conseil de guerre, et aucun officier Civil sans l’avis d’un cûhseii d’administration. « Art. 14. Il n’y aura d’autres règlements et brdonhances sur le fait de lâ marine, que les décrets dë l’Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi ; sàüf lés pRoclamatioDS tjue pourra faire le pouvoir exécutif, pour rappeler Oii ordonner l’observation des lois et eh dévelbpper les détails. « À chaque législature appartieht le pouvoir de statuer : « 1° Sur les sommes à fixër âüdhellëîüent pour l’eutretien de l’armée navale, des [torts 0u arse-nâtfx, èt autres dépenses fco,hcernâut le département de la maRihe et des colonies; « 2° Sur le nombre des vâissëalix dont l’armée navale sera composée ; « 36 Sur le noffibRe d’officiers de Chaque grade et d’hommes de mer à entretenir fibtir le service de' la flotte ; « 4° SuR la formation des équipages; « 56 Sur la solde de chaque grade ; . « 6° SUR lés Régies d’admission aü sërvice et d’avancement dans (es grades; « 7° Enfin, sür les lois Relatives aux délits et aux peines militâirès, ët. sur. l’orgabiSàtidü des Ctfn soi 1 s de gUefre et d 'administra tibu, » M. Pélleriii deU& Buxièire demandé lâ parole. Une foule de voix. Est-ce pour combattre le décret? M. Pellerin de Ua Buxière. C’est uniquement pour donner quelques explications ; je. les ferai imprimer et je renonce à la parole. (Voy. les réflexions de M, Pellerin de La Buxière annexées à la séance de ce jour.) M. le Président relit les quinze articles du décret. Ils sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion. Plusieurs membres réclament l’impression et l’envoi du rapport à domicile. (Cette motion est adoptée.) M. dé Nouilles, député de Nemours. M. Em-mery, dans la réunion tenue hier au comité militaire, a présenté des considérations très importantes qui devraient être soumises aux méditations de tous ceux qui s’occupent de l’armée. Le comité demande si le travail de M. Emraery doit être imprimé et envoyé à domicile. L’Assemblée ordonne que les Considérations sur l'armée présentées par M. Emmery au comité militaire seront imprimées et jointes au procès-verbal de la séance de ce jour. (Voy. plus loin ce document.) M. le Président annonce que les députés de Nîmes viennent de remettre sur le bureau un paquet qui contient le rapport des événements qui se sont passés dernièrement dans là ville de Aimes. L’Assemblée décide qu’il en serâ fait lecture à la séance du soir. M. ÎLe Couteulx de Canteleu, àu nom, du comité des finances , présente un nouveau tableau de la situation de la contribution patriotique , arrêté au 24 juin présent mois. Il croit devoir faire remarquer particuliérement que Monsieur, frèrë du roi, a fait une contribution de 500,000 livres pour le quârt de son revenu. Il fait ensuite observer que plusieurs villes n’y présentent point encore une contribution égale à celle que leurs députés ont annoncée ; mais que le ministre ne peut former ce tableau qüe d’après les bordereaux reçus. Le montant de ces bordereaux présente aujourd’hui un total de 89,935,588 livres 4 sols, quoiqu’il n’y ait encore que 10,983 municipalités qui se soient mises en règle. La quotité des municipalités que présente une province comparée à celles d’une autre province, met plus à portée de juger de leur empressement patriotique, qué lq somme à laquelle s’élève la contribution : 1,994 municipalités bnt déjà fourni leurs boR’deReaüx dans la Chàmpagüe ; tandis qu’il est des provinces renfermant 4,000 municipalités qui n’en présentent qhë 200 ayant fôuRni leur bürdeReau oii aperçu. M. Dubois de Chance demande rfiripReSsion de cet état qui fait honneur à lâ province de Champagne. L’impRêsSion est ordonnée. M. le Président. L’drdre dti jdùr est là iiiitë