80 [Assemblée aalionale.j j’ai à vous proposer concerne les incompatibilités qui ne frappent pas sur le titre même, sur la fonction même, mais sur son exercice actuel. Il existe en effet d’autres fonctionnaires publics, autres que ceux visésdans l’article que vous venez de décréter, qui ne doivent pas être excius de la législature et dont l’incompatibilité ne peut entraînerque la suspension de l’exercice de leurs fonctions pendant la durée de la législature. De ce nombre sont les fonctions municipales, administratives, judiciaires et de commandant de la garde nationale. Pour celle-là, il ne faut pas regarder le sujet comme exclus et le mettre dans Ja nécessité de se dépouiller de son titre, parce qu’il y a plusieurs de ces fonctions qui ont une durée plus longue que celle d’une législature et qu’ils pourront les reprendre après; parce que, dans les intervalles des sessions d’une législature, ils peuvent continuer ces mêmes fonctions : parce qu’enfiu c’est à cette question que s’applique le grand intérêt de ne pas affaiblir soit Je Corps législatif, en le privant de sujets capables qui aurout été déjà choisis pour d'autres fonctions utiles, soit les différents corps constitués qui ne pourraient pas jouir des lumières et de la capacité des hommes les plus dignes de les composer, si l’on voulait réserver exclusivement ceux-ci à la législature. Nous vous proposons donc comme article 2 la disposition suivante : « L’exercice des fonctions municipales, administratives, judiciaires et de commandant de la garde nationale est incompatible avec celles de représentant au Corps législatif ». Un membre : L’incompatibilité serait seulement prononcée pendant la durée des sessions annuelles du Cor ps législatif. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je pense qu’n faut prononcer l’incompatibilité, non seulement pendantladurée des sessions annuelles du Corps législatif, mais pendant toute la durée de la législature. Est-il convenable qu’un juge, par exemple, élu membre de la législature, aille faire une loi, et puis vienne la faire exécuter? Il ne faut pas non plus s’imaginer que le iravail de la législation n’exige pas des préparations. Il faut, pendant les vacances de la législature, en laisser les membres livrés tout entiers à la méditation qu’exigentles grandes et importantes fonctions qui leur sont confiées. Je demande que les membres des administrations ou des tribunaux ne puissent exercer leurs fonctions administratives ou judiciaires pendant tout le temps de la législature. M. lie Bois des Guays. Vous avez exclu tous les agents du pouvoir exécutif des fonctions legislatives; or, les commissaires du roi sont sûrement des agents du pouvoir exécutif.... (Non pas! non pas! ) Je demande qu’ils soient exclus de la législature ou tout au moins qu’on ne leur laisse que 1’option entre les deux places. M. Rœderer Je demande la question préalable sur l’amendement de M. Le Bois des Cuays. Je prie, d’autre part, M. le rapporteur de vouloir bien dire à l’ Assemblée s’il a examiné la question desincompatibilités militaires ou s’il se propose de faire un article sur cela. Il me semble qu’il y a lieu d’appliquer aux emplois militaires une partie des observations qui vous ont conduit à faire déterminer l’option pour d’autres emplois civils. Gar il se peut qu’un militaire, 19 juin 1791-J placé dans un grade éminent, soit élu aujourd’hui, et cju’il soit peut-être demain dans Je cas, par une déclaration de guerre, d’être à son poste. Si donc il est dans le Corps législatif, il faut que l’on puisse nommer à son poste. M. Thouret, rapporteur. En voulant donner une application trop rigoureuse aux principes, on arrive souvent à des résultats fâcheux. Il est dans la nature de toute bonne législation de restreindre plutôt que d’amplifier. Nous avons considéré, relativement aux militaires, sur quels principes on pourrait établir leur exclusion du Corps législatif ; car on sait que, d’après les principes constitutionnels, un officier de l’armée, quoique agent du pouvoir exécutif, n’est pas révocable à volonté; nous avons considéré ensuite s’il était d’une bonne politique de frapper d’exclusion de la législature uue grande classe de citoyens dont il faut au contraire diriger l’esprit vers l’intérêt public en l’associant à l'autorité civile pour le bi< n général de la nation; nous avons cru que cette exclu ion serait contraire à cet objet important. Nous avons pris garde qu’il pourrait arriver que, dans des circonstances qui ne sont pas ordinaires, tel militaire qui aurait été élu à la législature, pourrait être plus utilement employé à quelque commandement, et qu’alors il ne pourrait pas être en même temps et au Corps législatif et à ce commandement; mais nous a\ons vu qu’alors le même cas arriverait, s’il était frappé de maladie ou d’absence nécessaire, et que dans ce cas il serait remplacé par un suppléant, puisqu’il y a des suppléants constitutionnellement élus. En réunissant ces considérations, nous avons cru qu’il n’était pas utile, qu’il aurait été même impolitique de frapper d’exclusion la classe entière des militaires. M. Prieur. Je ne veux ajouter que deux mots à ce qu’a dit M. le rapporteur, c’est qu’il faut déclarer, comme pour les autres fonctionnaires publics, l’incompatibilité de l’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire du commandement, avec les fonctions de la législature. M. Thouret, rapporteur. C’est dans la nature même des choses. M. Couppé. Puisqu’il paraît à M. le rapporteur que les militaires ne doivent pas être exclus de la législature, je propose par amendement que le traitement des fonctionnaires publics, ecclésiastiques ou militaires, soit suspendu pendant tout le temps de la durée des sessions, comme cela a élé décrété pour les juges. M. Gaultler-Biauzat. Il y a un amendement antérieur, c’est celui de M. Reguaud. Il faut que l’on s’explique nettement. Il y a une incompatibilité dans la législation nécessaire à établir, afin que nous n’ayons pas, dans le temps suivant, le désagrément de voir un membre de l’Assemblée nationale, tantôt dans une municipalité, tantôt dans un directoire, se présenter à la barre, à la tribune, dans un comité. Il faut qu’il y ait une déclaration bien précise qu’il y a incompatibilité entre les fonctions des membres de ia législature, et toutes autres fonctions publiques pendant le temps de la législature; je demande que cet amendement soit mis aux voix. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Chantaire. Il ne faut pas qu’un homme |9 juin 1791»] 81 (Assemblée ndUoualo.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES» ait les armes à la main quand il fait les lois. Je demande qu’aucun militaire, membre du Corps législatif, ne puisse, pendant le temps de la session, prendre le commandement d’aucun corps, d’aucune troupe sous ses ordres, sans le consentement du Corps législatif. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). J’ai à ajouter un mot à ma proposition. Si l’incompatibilité n’était pas pour la législature, il en résulterait le très grand inconvénient que le Corps législatif pourrait se trouver dans le cas de demander à sa barre, comme membre de département, un des membres du Corps législatif ou un membre d’une municipalité. C’est ainsi que vous avez vu à votre barre le maire de Nîmes. J’ose dire que si dans un instant de crise, dans un instant de révolution, il y avait presque une nécessité à adopter la mesure dont les circonstances que je viens de vous rappeler ont été la suite, un membre viendrait au mois de mai siéger à la législature, et retournerait pendant l’hiver exercer les fonctions d’administrateur, pour lesquelles il serait dénoncé, et ensuite vous le verriez successivement, et dans le comité pour y préparer son affaire, et à la tribune pour se défendre, et peut-être à la barre pour y entendre sa condamnation. Ce qui jetterait une grande défaveur sur le Corps législatif, et ce qui empêcherait peut-être la sévérité pour ce membre, et entraînerait ensuite l’indulgence pour d’autres corps administratifs qui se seraient mis dans le même cas. Je crois qu’il y a un trèsgrandinconvé-nientà ce que l'incompatibilité ne soit pas pour tout le temps de la législature. M. Legrand. Je ne puis pas admettre cet amendement-là; j’admets bien qu’un juge, un militaire, un administrateur ne puisse exercer aucune de ces fonctions pendant la durée de la législature dont iJ sera membre, mais je ne pense pas que vous puissiez l’exclure. M. Tiiouret, rapporteur. Admettre l’amendement de M. Regnaud, c’est établir i’inégibilité des fonctionnaires publics dont on vous parle, puisque la plus grande partie de ces fonctionnaires ne conservent leurs fonctions que le même temps fixé pour 1 1 durée du Corps législatif. Il faudrait, autant pour les faits que pour les résultats, dire qu’ils sont tenus d’opter comme les percepteurs d’impôts. Examinons maintenant s’il est bon d’établir cette incompatibilité qu’on vous propose. De Peux choses l’une : ou l’on élira les meilleurs sujets aux places administratives et judiciaires, alors le Corps législatif se trouvera privé de leurs lumières; ou bien on les réservtra pour le Corps législatif, et dans ce cas, vos administrations et vos tribunaux auront perdu le service qu’ils étaient en droit d’atiemlre de leurs talents. Mais y a-t-il quelque inconvénient à adopter l’article que vous propose votre comité? Prenons les idées les unes après les autres, et rev< nous aux intervalles entre les sessions du Corps législatif : ces intervalles peuvent être assez longs. Y a-t-il un véritable inconvénient à ce qu’un bon juge aille dans son tribunal, et prenne part, avec ses collègues, aux jugements qu’on lui fait reu-d re. N’y aura-t-il pas même un grand avantage à ce qu’un membre du Corps législatif, pendant que ce corps est dans une vacance complète, deretour 1" Série, T. XXVII. dans ses foyers, puisse entrer au directoire, et lui expliquer le véritable sens des lois auxquelles il a contribué? On a dit qu’il ne fallait pasquele même homme fît la loi et l’appliquât ou la fit exécuter sur-le-champ. Je réponds qu’nn indivi lu ne fait pas la loi dans le Co�ps législatif, de même qu’il ne l’exécute pas individuellement dans un corps administratif. Toutes les opérations législatives ou administratives se font collectivement; des individus isolés ne sont rien, et je répète que si vous adoptez l'amendement de M. Regnaud, autant vaudrait forcer les membres d’administration d’opter, caron nepourraitconserverdanslescorps administratifs des hommes frappés de stérilité. Le comité de Constitution pense donc qu’il doit y avoir entre les fonctions législatives ou administratives incompatibilité d’exercice actuel pendant les sessions, mais non incompatibilité de titres. M. «le Rostaing. Serait-il de la dignité de la nation que son représentant siégeât successivement dans le Corps législatif et dans la municipalité d’une bourgade? M. Démeunier. C’est dans le sysième contraire qu’on rend un hommage éclatant à la dignité de la nation. Nous avons poussé les principes aussiloin qu’on peut les conduire, et vous n’aurez rien fait; vos travaux seront inutiles si vous les étendez plus loin. Je demande la question préalable sur les amendements beaucoup trop sévères qu’on vous propose. Sinon le Corps législatif sera mal composé. M. Pétion de Villeneuve. L’Assemblée a nommé des suppléants pour toutes les places d’administrateurs ou de juges. Il serait très inconvenant qu’un membre du Corps législatif allât, dans les intervalles d’une session, déposséder son suppléant. M. Routtevllle-Dnmetz. L’amen lementqu’on vous propose tend à amaigrir, à atténuer le Corps législatif; il tend à priver la nation des hommes les plus utiles et les plus éclairés, à force d’accumuler les exclusions et les incompatibilités. Je demande la question préalable sur cet amendement qui tend à peupler le Corps législatif d’hommes peu propres à rassurer ta nation sur ses droits. M. Legrand. L’intérêt public et la politique exigent qu’il soit permis à un membre du Corps législatif de reprendre ses fonctions ou dans une municipalité ou dans un corps administratif, et de rentrer par intervalle dans l’égalité civique. Ciiicmnatus reprit la charrue après avoir rem-poité des victoires pour les Romains; il est utile que les fonctionnaires publics reviennent parmi leurs concitoyens après leur avoir commandé. M. de Rostaing. Je demande si son inviolabilité suivra le fonctionnaire public, membre du Corps législatif, dans ses diverses fonctions. M. Robespierre. Il faut que la législateur conserve so i caractère pendant toute la durée de la législature ; ainsi il serait absurde de cumuler les fonctions de législateur et l’autorité de fonctionnaire public sur la même tête. Comme législateur, il serait inviolable; comme fonciion-6 82 19 juin 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. naire public, il serait responsable : comment allier ces deux caractères de responsabilité et d’inviolabilité? Il faut donc adopter l’amendement de M. Regnaud. ( Applaudissements .) Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. le Président. Je mets aux voix la demanda faite de fermer la discussion. M. Merlin. Je demande la parole pour une motion d’ordre. Voici la question préliminaire que je propose : Je demande q t’avant tout on décide la question de savoir si les membres du Corps législatif seront payés de leurs appointements pendant tout le temps de la législature, même pendant les vacances ou seulement pendant la durée des sessions. (Murmures à l'extrême gauche.) Remarquez, Messieurs, qu’en adoptant l’amendement de M. Regnaud, vous vous mettez nécessairement dans l’alternative... (Nouveaux murmures à l'extrême gauche.) Il est inconcevable qu’on ne puisse achever une phrase avec vous. Je dis que vous vous mettez dans la très fâcheuse alternasse ou d’être obligés de payer les députés pendant le temps de teurs vacances, et en ce cas de faire de très grands sacrifices de finances, ou d’exclure du Corps législatif tous les hommes qui n’ont pas une grande fortune, c’est-à-dire de le composer de ce que vous appelez les aristocrates. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély . ) Je distingue deux choses dans la proposition de M. Merlin. La première, c’est le moment où il veut vous la faire décider; la seconde, c’est la proposition en elle-même. D’abord je dis que c’est un détestable moyen que demeure la question souverainement importante que vous agitez, en ce moment, dans la dépendance d’une misérable considération de finances. Je suis convaincu qu’il n’est aucun intérêt de finance qui puisse conire-balancer l’inconvénient de voir un membre de l’Assemblée nationale se mettre, pendant l’intervalle des sessions, dans une administration inférieure qui est dans la dépendance du pouvoir exécutif, c'est-à-dire se mettre sous les ordres du ministre qu’il aura dénoncé ou qu’il devra dénoncer dans la prochaine session. Quant au fond de la proposition de M. Merlin, l’alternative qu’il vous a proposée ne me paraît ni lâcheuse ni dangereuse : je crois que c’est une véritable économie que de payer les membres du Corps législatif pendant toute la durée d’une législature, puisque c’est le moyen de les attacher tout entiers à leurs fonctions, d’empêcher qu’ils ne se livrent à des occupations qui les distrairaient de la surveillance continuellement active qu’ils doivent exercer, même pendant l’intervalle des sessions, sur les affaires publiques: cette indemnité a pour objet d’assurer leur indépendance en ies rendant inaccesibles aux besoins réels. Dans toute fonction, il y a des intervalles de travail ; le fonctionnaire public n’en doit pas moins être éminemment à l’abri de ses besoins. Et dans cette question importante à la liberté publique, et d’où dépend le bon ordre dans l’administration, vous avez l’avantage d’être parfaitement impaitiaux et désintéressés. Je me résume. Je ne m’oppose pas à la motion de M. Merlin, mais je pense qu’elle ne peut pas* être délibérée dans ce moment. Je crois que la question première, posée dans mon amendement, doit être décidée tout d’abord et isolément, parce que nulle considération ne peut balancer les plus grands intérêts de la liberté, et je demande qu’un membre du Corps législatif ne puisse aller momentanément reprendre ses fonctions. M. d’André. La proposition de M. Merlin n’est qu’un sous-amendement à la proposition déjà faite de déclarer que les membres du Corps législatif ne pourront aller reprendre leurs fonctions pendant la durée de la législature. En effet, un des principaux inconvénients au système qui tendrait à ne point faire retourner à ses fonctions le député au Corps légistatif pendant le temps de l’intervalle, c’est qu’en effet un fonctionnaire public qui aurait les fonctions habituelles auxquelles il est attaché, et qui lui fournissent un traitement annuel, ne les quitterait peut-être pas pour s’exposer à venir faire de. grandes dépenses dans le lieu de la résidence du Corps législatif, pour rester deux ou trois mois à Paris, retourner ensuite en province, et revenir à Paris. Et en effet, Messieurs, il ne faut pas prendre les hommes meilleurs qu’ils ne sont. Mais s’il est vrai que vous pouvez parer à cet inconvénient en ordonnant que les membres du Corps législatif recevront leur traitement pendant tout lu temps de la session, vous devez adopter l’amendement que je crois très bon, qui est de ne pas permettre _ de reprendre leurs fonctions; car il est imposable, suivant moi, d’adopter le système du comité de Constitution par la raison qu’un membre du Corps législatif étant inviolable pendant tout le temps de la session, il pourrait aller reprendre scs fonctions qui le rendraient responsable, et il se trouverait à la fois inviolable et responsable. Je conclus donc à ce que l’Assemblée décrète que les membres du Corps législatif recevront leur traitement pendant tout le temps de la législature, et ensuite qu’ils ne pourront pas momentanément reprendre leurs fonctions. M. Thévenot de Marolse. Je demande la division et que l’amendement de M. Regnaud soit seul adopté. (L’Assemblée ferme la discussion.) La priorité est demandée par divers membres pour la motion de M. Merlin, par d’autres pour celle de M. d’André. M. Thouret, rapporteur. La motion de M. Merlin n’a été présentée dans son origine que comme une motion d’ordre. Je crois donc qu’avant de lui donner la priorité, il faut l’examiner sous ses deux faces. Sous un rapport, il est nécessaire que les membres du Corps législatif soient toujours indépendants et à l’abri du besoin ; mais aussi, d’un autre côté, il me semble qu’il serait extrêmement dangereux que la mission au Corps législatif présentât un trop grand appât d’intérêt. Il s’agit desavoir si un traitement de 6,000 livres par année pour un travail annuel de 3 mois, si, dis-je, cet appât de gain ne p ut pas exciter dans les assemblées élémentaires un conflit entre les vrais amis du bien, et ceux qui spéculeront moins sur le bien qu’ils pourront faire, que sur les profits pécuniaires qu’ils pourront tirer de leur mission. M. Regnaud demande qu’un membre du Corps [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juin 1791.] 83 législatif ne puisse exercer les fonctions ordinaires d’un corps administratif pendant l'intervalle des sessions. Ceux qui appuient cet amendement trouvent dans le décret même un moyen de le faire adopter. Il y a au contraire, pour ceux qui y résistent, une raison très forte qui se trouverait dans la supposition où les députés ne seraient pas payés peur les deux années entières. Dans la supposition où ies députés ne seraient pas pavés de la totalité des jours des deux années dè la législature, il y a un grand obstacle à ce que les membres élus du sein des directoires, des tribunaux, ne pussent pas, dans l’intervalle des sessions du Corps législatif, reprendre leurs services devenus très compatibles, par le fait, avec l’intermittence de leurs fonctions au pouvoir législatif. Il y a deux grands inconvénients dans ce système : le premier, politiquement pris, est, qu'à force de fractionner, de désunir tous les citoyens qui doivent tendre, par un effort commuu, au bien général, nous établirions comme des actions hostiles, ou au moins nous mettrons la plus grande tiédeur, la plus grande indifférence pour l’intérêt public, pour l’exercice des fonctions déléguées aux c rps constitués. La nation est une, son intérêt est un; tous les pouvoirs sont délégués pour tendre à l’intérêt général : quand l’exercice en est impolitique, sans difficulté, il faut prononcer l’incompatibilité. Quand il est compatible à des époques, il est extrêmement impossible de prononcer l'incompatibilité; quand il est compatible à des époques, il est extrêmement impossible de prononcer l’inc m-palibilné, surtout dans le genre des services qui se font par des délégués, par la nation; car relativement aux services qui se font par des places à la nomination du pouvoir exécutif, il n’y a, sur cela, aucune difficulté. Mais, quant à vos mandataires nationaux qui sont dans ies tribunaux, dans les corps administratifs, et qui viennent comme représentants au Corps légis atif, l’incompatibilité ne peut pus être dans l’esprit de leur institution ; elle ne peut pas être dans le sentiment qui les mène à l’une ou à l’autre place; elle ne peut être que dans l’impossibilité physique de remplir en même temps les deux fonctions. Or, toutes les fois que cette impossibilité physique n’existe pas, gardons-nous de les fractionner, de 1 s mettre dans un tel état d’oppnsition, d’antipathie, de , déplaisance, de contrariété d’intérêts, qu’ils croient faire di s castes ennemies l’une ce l’autre, et qei ne doivent pas tendre à l’intérêt général. 11 y a des circonstances dans lesquelles des personn s, déléguées pour être administrateurs ou jeges, peuvent remplir ces fonctions sans nuire à celles dont ils sent chargés au Corps législatif, sans les suspendre; il est bon, il est favorable à l’esprit public, qu’ils puissent encoie remplir cette fond on-là. On me fait une difficulté en principe; on dit : Il y a inviolabilité pour ceux qui sont députés au Corps législatif; il y a responsabilité pour ceux qui sont dans les corps administratifs et corps judiciaires. Mais je réponds : L’inviolabilité, telle que v. us l’avez décrétée, n’existe que pour ce qui se fait au Corps législatif. Un autre article, également décrété, dit que, pour les actions laites hors du Corps législatif, il y a tellement responsabilité, qu’il peut y avoir arrêt du député qui se serait rendu coupable. 11 est sous le joug de votre improbation, puisque vous pouvez déclarer qu’il y a lieu à accusation; et par conséquent ii doit être poursuivi. Le caractère de représentant existe principalement pour le service et les fonctions, et c’est relativement au service et aux fonctions qu’il faut reconnaître le caractère, mais hors du service et des fonctions le caractère n’existe plus, ou plutôt il dort, il est suspendu. Quant au traitement, c’est une chose difficile à établir que de savoir s’il est de l’intérêt national de payer des députés au Corps législatif pendant deux années entières, quand ils n’auront de service que pendant 3 ou 4 mois de chaque année. Mais s’il n’était pas accordé ce traitement, alors reviennent les véritables et puissantes objections contre le système d’empêcher les membres des corps administratifs de reprendre leu'S fonctions pendant l’intervalle des sessions du Corps législatif, lorsqu’ils en auront été élus • membres; car, outre l’opposition d’intérêt que l’on met dans les fonctions constituées antérieurement, on arme encore l’intérêt individuel dans un grand nombre de membres administrateurs et juges, et_ quand nous avons ce double mouvement d’activité pour éloigner les citoyens désirables au Corps législatif, et pour y introduire des citoyens pris dans la classe de ceux à qui leur était permanent ne laisse aucune crainte, nous n’aurons pas bien servi la chose publique. Si tout traitement ne peut être que le prix d’un service réel, s’il est impoiitique d’attacher aux fonctions de la législature, un appât d’intérêt, il ne faut pas établir ce ferment u intrigues dans les assemblées piimaires. Je me résume et je pense qu’il serait dangereux de mettre entre ies differents officiers populaires une opposition d’inlérêts et de l’indifférence sur les fonctions de la députation au Corps législatif. Je demande la question préalable sur l’amendement de M. lieguaud et l’ajournement sur la proposition de M/Merlin. ( Applaudissements .) (L'Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. R’egaaud de Saint-Jeau-d’Angéiy.) M. Merlin. Je dois déclarer que ma proposition n’a été fuit; que comme motion d’ordre, et que mon avis particulier est que les membres du Corps législatif ne doivent être payés que pendant la session et non pendant toute la législature. M. Dcmennier. Il est si évident que les députés à la législature ne peuvent être payés que pendant le temps de la session, que l'amendement de M. Merlin doit tomber de ici-même. Je demande que l’on re; r nne l’ordre du jour et qu’on passe à l’article du comité. M. d’André. II est impossible, Messieurs, de laisser subsister l’article du comité, car il est distinctif de tous les principes de la Constitution, je le prétends et je vais le prouver. Il est impossible d’imaginer qu’un membre du Corps législatif, après avoir exercé les fonctions de représentant de la nation, après avoir été chargé de faire la loi, retourne emuite dans les départements, dans les tribunaux ou ailleurs pour y exercer des fonctions inférieures. (Murmures.) Quand je dis des fonctions inférieures, j’entends inférieures dans l’ordre politique et j’en donne uu exemple. [9 juin 1791. j [Assemblée nationale.) ÀUC111YES PARLEMENTAIRES. Je suppose qu’un officier municipal soit nommé à la législature et que pendant l’intervalle des sessions il retourne à ses fonctions, eh bienl le département, le district auront le droit de demander à leur barre un membre du Corps législatif. (Applaudissements à gauche.) Plusieurs membres : La discussion est fermée. M. d’André. Je vous prie, Messieurs, dans une question aussi importante, d’excuser l’espèce d’opiniâtreté que je mettrai à développer mes idées. D’après votre Constitution, un membre d’une municipalité peut è re déclaré accusable. Il serait donc possible qu'un membre du Corps legislatif pût être déclaré accusable par les corps admin slratifs ; car remarquez, Messieurs, que vous ne pouvez renvoyer un homme à ses fonctions, sans qu’il devienne responsable de ces mêmes fonctions. Ainsi donc, un membre du Corps législatif, renvoyé dans sa municipaliié, serait soumis et au blâme de son département et à un arrêté qui porterait accusation contre lui; il pourrait être poursuivi par les tribunaux, être suspendu par le pouvoir exécutif. Mais, dit-on, il n’est point membre du Corps législatif. Il est si bien membre du Corps législatif qu’à tuut moment, par une convocation imprévue1, il peut être appelé à reprendre ses fonctions et à s’y rendre au jour fixé. Or, Messieurs, j 1 vous prie de me dire s’il ne serait pas bien étrange de voir revenir au Corps législatif un homme qui, comme membre d’un corps municipal, aurait été déclaré accusable par des Corps administratifs, qui auraient été blâmés ou suspendus par le pouvoir exécutif. (Applaudissements.) Ain-i le même homme qui, pour l’intérêt de la liberté générale, pour 1 intérêt de la Constitution, ne doit cependant pour exercice de ses fonctions de représentant de la nation, être soumis qu’au Corps législatif, deviendrait soumis lui-même à des agents inférieurs, et ce même homme reviendrait ensuite dans le Corps législatif pour blâmer, pour poursuivre, pour attaquer ceux qui l’auraient pouisuivi lui-même. Je vous demande si cela n’est pas de toute évidence. M. le rappoiteur n’a pas encoie répondu à ces arguments qui se réduisent à ceci, c’est : qu’un homme ne peut être inviolable et responsable tout à la fois. S’il y répond, il aura démontré le contraire et alors j’adopterai l’article; mais tant qu’il n’aura point répondu, il est impossible que vous décrétiez ce qu’il vous propose, à moins que vous ne vouliez détruire votre Constitution. En attendant, je demande la question préalable sur l’article du comité. (Vifs applaudissements.) M. Lucas. 11 résulterait de tout cela qu’aucun citoyen chargé d’un emploi quelconque dans la société ne pourrait être élu à la législature. Un colonel, un lieutenant-colonel, membre du Corps législatif, ne peuvent-ils pas être poursuivis à raison de l’exercice de leurs fonctions? M. d’André. Oui, mais avec un décret du Corps législatif. M. Thouret, rapporteur. Je réponds à M. d’André que le raisonnement qu’il vous présente comme si décisif, comme triomphant et sans réplique, n’est en réalité qu’un sophisme. La base sur laquelle il repose est qu’un membre du Corps législatif, qui reprend ses fonctions inférieures pendant les intervalles d’une session, peut être poursuivi par un pouvoir inférieur à la législature. Or, il est évident que cela n’est point contraire à vos principes. Je suppose d’abord que ce soit un membre du Corps législatif n’ayant pas de fonctions publique-, qui pendant la durée de la session ou pendant les intervalles des sessions commet une faute oj un délit; il est responsable, il peut être poursuivi, il peut être atteiotpar les officiers de police, par un mandat d’arrêt, sauf au Corps législatif, avant qu’on détermine la poursuite, à examiner s’il y a lieu à accusation. (Murmures.) Si maintenant ce membre du Corps législatif est fonctionnaire public, je demande quelle différence il y a dans le principe, dans la position et dans l’application. Si ce citoyen qui pouvant être poursuivi par ses actes individuels, est un fonctionnaire public qui fasse des fautes et des écarts dans l’ordre de ces fonctions publiques, il peut être poursuivi d’abord par les corps administratifs supérieurs; si le résultat de cette poursuite est de le soumettre à l’accusation, évidemment il ne pourra y êire soumis sans que le Corps législatif ait décidé. (Murmures.) Un membre : Ah! nous y voilà donc. M. Thouret, rapporteur. C’est exactement et le même principe et le mémo raisonnement ; mais relativement à ces pouvoirs qui s’exercent collectivement: tribunaux, municipalités, directoires ou conseils d’administration, comme les délits qui peuvent s’y commettre résultent des actes que les membres font dans l’exercice de leurs fonctions, comme ces actes ne se font que par des délibérations, les délits ne peuvent être atteints que par Canulation des actes. Ainsi un membre du Corps législatif en vacance, qui aurait pris part à une délibération d’un corps administratif ou judiciaire, ne pourrait donc pas être frappé individuellement à raison de celte délibération-là. Le coup d’autorité supérieure tomberait sur l’acte; et s’il y avait plus de gravité, il tomberait sur le corps administratif, jamais sur l’individu. Je demande maintenant où réside, pour l’au-lorité publique, le danger qu’un particulier qui, par un second acte de la volonté du peuple, a été porté au Corps législatif, qui y fait assidûment son service tant que la session dure, puisse, dans l’intervalle des sessions, répondre à cette primitive confiance et reprendre ses précédentes tondions. Le grand argument se réduit à ceci : c’est qu’il est inconvenant qu’un membre du Corps législatif puisse être poursuivi. Eh bien, si ce membre n’est pas fonctionnaire public, le même inconvénient subsiste; puisqu’il peut être poursuivi comme un simple citoyen, l’inconvénient est inévitable. L’objection de M. d’André se résout donc par les deux décreis qui établissent que la poursuite se réduit aux actes de la place, et que l’autorité ne frappe dans les corps constitués que sur les corps entiers, et non sur les individus, ce qui ne conduit pas à la poursuite personnelle. M. Gaultier-lêiauzat. Je demande l’ajourne-nernent de cette importante question; elle n’est pas assez préparée pour être jugée. M. Duport. La question qui vous occupe est d’une grande importance puisqu’elle tend à dé- �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (9 juin 1791.] terminer la force, la considération, le respect qui doivent être attachés au Corps législatif. Mais avant tout, je crois qu’il faut relever une erreur de fait que le préopinant paraît avoir commise. L’inviolabilité des membres des législatures est de deux sortes. II en est une qui s'applique à leurs actes on à leurs opinions dans le Corps législatif : elle interdit à tout tribunal, à tout pouvoir public aucune recherche contre les opinions, les discours ou les actions tenu' s dans le sein du Corps législatif. Mais ce n’est pas là la seule inviolabilité. Vous avez dit que, les membres du Corps législatif exerçant ici les droits de la souveraineté, aucun pouvoir ne pourrait poursuivre criminellement un membre de la législature, sans que la législature ne se soit formée en juré d’accusation, pour décider s’il y a lieu à la poursuite. Vous avez bien dit que les membres du Corps législatif seraient soumis à la première poursuite de police comme les autres citoyens, avec cette différence qu’à l’égard des premiers, c’est seulement pour s’assurer de la personne et pour conserver les preuves; mais ce n’est pas encore là une poursuite judiciaire. Ainsi convenons avec M. Thouret, que l’action de la police s’exerce bien sur les membres du Corps législatif ; mais quant à la poursuite judiciaire, elle ne peut avoir lieu, non seulement en ce qu’elle forme une espèce d’inviolabilité du député pour ce qu’il fait dans ses fonctions, mais pour la totalité ae ses a tions, pendant le temps qu’il est dépu é. Ainsi prenons pour cerlain qu’un membre du Corps législatif, soit que l’Assemblée soit réunie, soit que l’Assemblée soit en vacance, est toujours inviolable. Or, maintenant c’est cela bien posé qui forme, selon moi, l'incompatibilité réelle ou actuelle entre les fonctions du Corps législatif et les fondions administratives ou judiciaires. En effet, Messieurs, dans un corps administratif il existerait des individus ayant une responsabilité différente; il y aurait des membres de directoire qui pourraient être poursuivis criminellement à raison de leurs actions, et d’autres qui, par le ur inviolabilité, seraient à l’abri de la poursuite criminelle. (Murmures .) M. Démennier. Je dis que le contraire est décrété. M. Regnand (de Saint-Jean-d'Angély). Je demande à prouver que vous vous trompez. M. Duport. M. Démeunier fait ici une observation qui n’a point trait à la question. Vous avez décrété que les corps administratifs ne sont responsables que comme corps, c’est-à-dire nue leurs délibérations seules pouvaient être attaquées et non par les individus. N’est-ce pas là ce que vous voulez dire ? M. Démets nier. Non, Monsieur, ce n’est pas cela ! Si vous voulez me céder la parole, je vais le prouver. Je ne veux citer que 3 décrets. 1° Le dernier article du complément de l’organisation des corps administratifs porte qu’aucun membre des corps administratifs ne peut, à raison de ses fonctions, être poursuivi et renvoyé devant les tribunaux que par les corps législatifs, autrement les corps administratifs seraient à la merci du pouvoir judiciaire; 2° Vous avez décrété que les tribunaux ne 8d pourront être mis en poursuite criminelle que sur la décision du Corps législatif; 3° Vous avez défendu aux corps administratifs de mander à la barre. Je n’avais demandé la paro’e à M. Duport qne pour citer les décrets, je la rends à M. Duport. M. Duport. Il y a ici une obscurité qu’il faut éclaircir. M. Démeunier a dit que l’article 28 d<\s décrets sur le complément de l'organisation des corps administratifs porte qu’aucun membre de-corp3 administratifs ne peut, à raison de ses fonctions, être poursuivi et renvoyé par-devant les tribunaux, autrement que par le Corps législatif. Ce n’est pas là la question; je dis qu'il faut faire une grande différence pour leurs fonctions entre les membres du Corps législatif et ceux des corps administratifs : tous deux sont responsables, mais les membres du Corps législatif ne peuvent être renvoyés devant les tribunaux qu’après que le Corps législatif en corps a décrété qu’il y a lieu à accusation, avantage que n’ont point les membres des corps administratifs qui peuvent être poursuivis de la même manière qu’un autre citoyen. (Applaudissements.) Les premiers tiennent ce caractère d’inviolabilité de ce qu’ils appartienm ut à toute la nation; les autres, n’appartenant qu’à une portion de la nation, ne sont plus dans le même cas, et cependant il y a des circonstances où ils ne peuvent être traduits devant les tribunaux... (Applaudissements.) sans quoi les tribunaux auraient pu les soumettre à leur empire. Il y a donc une inviolabilité réelle, attachée au caractère de député ; et ce caractère, il le tient, comme je l’ai déjà dit, de ce qu’il exerce les droits de souveraineté et que, par cela môme, il ne doit y avoir aucun pouvoir qui puisse agir sur lui, ni intimider dans ses fonctions. Il est donc impossible, tant qne dure l’inviolabilité, qu’ils ne doivent qu’à l’exercice délégué de la souveraineté nationale ; il est impossible, dis-je, qu’ils exercent d’autres fonctions auxquelles cette inviolabilité n’est pas altachée. Je passe au principe même de la question. Qui devez-vous regarder comme base de toutes les libertés de l’Empire? Le Corps législatif. Il faut donc lui assurer la force, la considération et le respect. Il importe que tous les citoyens voient dans les membres de ce corps des hommes revêtus d’une mission universelle; il importe que ces hommes, rappelés à des fonctions particulières dans l’intervalle des sessions de la législature, ne s’accoutument pas à ne voir dans le Corps législatif que leur canton ou leur département. En Angleterre, on n’a pas établi d’administrations locales particulières; en France, elles étaient nécessaires, mais elles ne sont pas sans danger. On doit craindre l’autorité d’une section où l’on peut être administré, jueé, avoir son évêque. Le seul moyen de fortifier le Corps législatif, c’est de donner à ses membres un esprit national. Il faut qu’ils n’aient sous les yeux q e leur mission universelle ; il faut qu’ils soient défendus contre l’influence de toutes les autorités, des tribunaux, des corps adminislra-tifs et même contre les intérêts particuliers de leurs concitoyens; la séparation des pouvoirs et des lois, celle des fonctions, sont essentielles à la conservation de l’esprit national et de la liberté. Je demande donc la question préalable sur l’article qui porte que les membres du Corps lé- 80 [Assemblée nationale.] pis la: if qui exerceraient des fonctio ns municipales, administratives on ji dh iaue-, pourront, dans l’iiitt rval le des sessio; s, reprendre l'exercice de ces fonctions. M. le Président. Je mets aux voix la question préalable demandée sur l’article du comité. (L’éj reiive a lieu au milieu du bruit.) M. le Président. L’Assemblée dé C; è le qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article. M. Thouret, rapporteur. Avant que l’Assemblée se sépare, il faut qu’elle i ntende bien ce qu’elle vient de décréter. L’article proposé portait l'incompatibilité pendant la durée des sessions. Le décret que vous venez ne rendre, eu accueillant !a question prédable, signifie qu’il •ne doit y avoir aucune espèce d’incompatibilité. (Murmures.) Le décret de l’Assemblée porte donc que l’incompatibilité s’étendra sur toute la durée delà législature. (Oui! oui!) J’ai encore une observation à faire. L’Assemblce a décrété qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. Rngnaud; or, cet amendement était que l’incompatibilité devait s'étendre sur toute la durée de la législature. Voilà ce qui doit être consigné dans le procès-verbal. M. de FoIIevillc. Je demande que la qi estion préalable subsiste sur votre article, et que vous en présentiez un autre dans le sens décrété par l’Assemblée nationale. M. ThonreJ, rapporteur. Il y a eu de l’enchevêtrement dans la proposition. L’Assemblée a rejeté, par une question préalable, ce qu’elle a voulu accueillir en adoptant une autre question préalable. 11 faut faire disparaître du procès-verbal la première délibération absolument opposée à la seconde. Voici la marche que l’Assemblée a suivie. Je proposais, au nom du comité, cd article : « L’exercice des fonctions administratives, municipales, judiciaires et de commandant de la garde nationale est incompatible avec les fonctions de membre du Corps législatif. » Sur cet article, on a demandé si l’incompatibilité était bornée à la dmée des sessions. Le comité a répondu que c’était son intention. Alors M. Regnaud a demandé nue m tte incompatibilité s’étendît sur toute la durée des sessions du Corps légistatif, et l’Assemblée a décrété qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur l’amen ement de M. Reguaud ; or, comme il s’agit d’assurer le résultat de la délibération, il faut retirer la question préalable sur l’amendement de M. IL gnaud, qui va devenir décret par la nouvelle marche de la délibération. Plusieurs membres : On n’avait pas entendu. M. d’André. Il est vrai que cet amendement a été écarté par la question préalable, qu’on a en effet peu entendu quand elle a été mise aux voix. Il y a une marche bien simple à suivre : il faut de nouveau consulter l’Assemblée sur cet amendement. Aous suivrons alors une marche naturelle, et nous parviendrons à une bonne délibération. Plusieurs membres demandent à aller aux voix. M. Merlin. Tout l’embarras vient de ce qu’on entend mal la question. 19 juin 1791. J M. Lucas et plusieurs membres : On n’a pas entendu. M. d’André. Il n’y a qu’à n commencer à délibérer sur l’amendement; alors l’Assemblée s’expliquera. M. Merlin. Par respect pour l’Assemblée, je demande que la délibération soit remise à demain. M. Steguand (de Saint-Jean-d? Angêly) . J’approuve la proposition à une condition : c’e.d que l’on remettra la question entière. M. Populos. Je demande que l’on mette aux voix que, pendant tout le temps que durera la législature, aucun de ses membres ne pourra occuper d’autre place. M. SSuport. Voici, Messieurs, la rédaction que j’ai l’honneur de proposer à l'Assemblée nationale : « Les fonctions municipales, administratives, judiciaires et de commandant de la garde nationale sont incompatibles avec celles de la législature; et ceux qui en sont revêtus, ne pourront en reprendre les f< notions qu’à la fin de la députation au Corps législatif. » Plusieurs membres demandent le renvoi à demain. M. Rewbell. On a oublié de mettre dans l’article tous les militaires et les agents du pouvoir exécutif... Plusieurs membres : Vous ferez un article additionnel. M. fiSewbeil. il est évident que ceux qui demandent l’ajournement à demain demandent une chose sage. M. Duport est parti de ce principe, qu’il est inconvenant qu’un homme fasse une loi et se retire chez lui pour la faire exécuter. Il en ferait de même pour quiconque aurait été une fois député. (Murmures .) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement de l’article.) M. f&e�naud (de Saint-Jean-d' Angély). Je demande l’ajournement de la motion de M. Rewbeil à demain et qu’on mette aux voix la rédactiou de M. Duport. M. Legrand. Et moi, je demande que tous les militaires soient exclus. (Murmures.) M. de Folierille. Je dernan le qu’il soit ajouté à l’article : « et de tous autres corps militaires ». M. Thouret, rapporteur. La proposition de M. de Folleville ne peut pas être admise, et cela par une raison péremptoire, c’est qu’on a décrété ce matin qu’il n’y avait pas lieu à délibérer sur l’amendement qu’il réclame. M. Prieur. Cette proposition avait été faite; mais la proposition laite par M. Reguaud a fait oublier cet amendement, sur lequel il n’y a pas eu de délibération. M. ChaiBÉaire. C’est moi qui ai demandé que nul membre du Corps législatif ne pût aller prendre ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 juin 1791.] te commandement des armées, sans avoir obtenu l’autorisation de la législature, on n’a pas délibéré sur ma proposition. Je n’ai pas réclamé, parce que je me réservais de la représenter quant l’article aurait été décrété. J’en demande moi-même l’ajournement et le renvoi au comité. M. Rewbell. Et moi, je demande qu’on l’adopte ou qu’on la rejette sur-le-champ. M. Regnaud {de Saint-Jean-cV Angély) . Je demande le renvoi de cette motion simple, à l’aide de laquelle ceux qui sont à la tribune voudraient compliquer la proposition qu’on entend très bien, et que l’Assemblée va décréter. (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi au comité de l’amendement tendant à exclure les militaires du Corps législatif.) M. le Président. Voici la rédaction de M. Duport pour l’article 2 : Art. 2. « L’exercice des fonctions municipales, administratives, judiciaires et de commandant de la garde nationale est incompatible avec celles de la législature; et ceux qui en seront revêtus ne pourront en reprendre les fonctions qu’à la lin de la dépuration au Corps législatif. » (Cet article, mis aux voix, est adopté sauf rédaction.) M. le Président lève la séance à quatre heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 9 JUIN 1791, AU MATIN. Dire de M. Aeliard de Bon vouloir, député du département de la Manche , ci-devant Cotentin, dans la séance du 9 juin 1791 (1), remis par lui au comité militaire. « L'Assamblée nationale ayant renvoyé au comité militaire la dénonciation que j’avais commencé de lui faire de l’état critique de l’armée, et particulièrement de la garni on de Strasbourg, pour me conformer au décret, je remets au comité militaire ce que j’ai dit et ce que j’aurais dit si l’Assemblée eût voulu l’entendre. » Messieurs, Depuis que, dérogeant à votre décret, vous avez souffert que les soldats de l’armée fissent partie d' s assemblées délibérantes, l’armée se détruit jusque dans ses éléments. Je vous dénonce la séance du 4 juin du club des amis de la Constitution de Strasbourg, dans laquelle 18 sergents-majors ont été reçus au nombie des délibérants. Dans cette séance, la motion a été faite et fortement appuyée, que toute la garnison en armes dans la plaine ries Bouch rs, ou sur la place d’arme-, renvoyât ses officiers et procédât sur-le-champ à en nommer u’autres. Les officiers, instruits des traitements qu’on 87 leur prépare, n’en sont pas moins fidèles à leur devoir, ils sont résolus à périr plutôt que d’abandonner, avant d’être relevés par la loi, le poste qui leur a été confié par la loi. {Ici, fai été interrompu par le décret auquel je me conforme.) ) Souffrirez -vous, Messieurs, plus longtemps l’existence d’un club qui admet des soldats et sou '-officiers en fonctions au nombre de ses membres comme corps délibérant? et où il se fait des motions aussi dangereuses que celle de proposer qu’une très nombreuse garnison prenne les armes sans ordre de ses supérieurs, pour chasser ces mêmes supérieurs et se répartir leurs emplois? Auriez-vous la barbarie de laisser plus longtemps sous le couteau de braves ofliciers qui ont bien servi la pairie, et qui, tenant avec tant de courage dans un poste qui ne leur présente plus que des dangers et des dégoûts, vous donnent la preuve la plus frappante de leur fidélité et de leur dévouement? Ou voulez-vous conserver dans l’armée les officiers actuels, et amrs vous leur devez l’appui des lois auxquelles ils obéissent et qu’ils défendent. Ou vous n’en voulez plus, et alors, il faut le dire franchement. Epargnez-leur les horreurs de la position où ils sent, et dans laquelle il est barbare de les laisser : épargnez aux sous-officiers et soldats des crimes par lesquels il n’est pas nécessaire de les faire passer pour leur faire prendre les places des officiers, si c’est là le but qu’on se propose. Réformez ces officiers qui sont proscrits sans l’avoir mérité, réformez-ies si vous ne voulez pas les protéger, et pourvoyez à la récompense due à leurs services passés. Les officiers occupent leurs places sous l’autorité de la loi ; s’ils ne méritent plus sa protection, elle doit prononcer leur destitution. Tant qu’elle ne l’aura pas prononcée, elle doit les protéger avec énergie. Si vous tardez un moment à rétablir la d sci— pline militaire, vous n’aurez réellement plus d’armée, vous l’aurez v e s’anéantir par votre faute; nous l’aurons détruite nous-mêmes, et si quelque partie consi térable de ce beau royaume devient la proie facile de nos voisins, nous devrons en être responsables. Car c’est un crime égal contre la sûreté de l’Etat, de démanteler ses forteresses, ou de dissoudre ses années. Vous tardez trop, Messieurs, à prononcer sur l’insurrection du régiment de Dauphiné. Songez que la conduite nu vous allez tenir dans cette circonstance va faire connaître si l’Assemblée nationale a encore la puissance de faire observer les lois. Si vous laissez impuni cet acte séditieux, cet acte qu’aucun prétexte ne peut excuser, que vos lois mêmes défendent, vous prouverez à l’Europe entière que nous sommes sans force : et nous prononcerons nous-mêmes l’état d’anarchie où est réduit l’Empire. Si vous tardez seulement à le punir, sonnez que le ma! va toujours croissant, perdant que vos lenteurs font présumer ou espérer l’impunité. Enfin, Me=sieurs, prononcez nettement et loyalement sur le sort des officiers, et ne les laissez pas plus longtemps dans u e position où une grande vertu peut renie leur donner le courage de tenir. Vous savez qu’il suffit qu’un poste soit périlleux pour qu’un officier français se fasse un. j oint d’honneur de ne pas l’abandonner. (I) Yoy. ci-dessus, page 72.