| États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Resançon.] 343 néraux, et réciproquement entre toutes les provinces. Art. 26. Les sujets du comté de Bourgogne continueront de jouir du droit de ne pouvoir être dis-traifç Hp lpiir ppcçnrt Art. 27.11 a été délibéré unanimementd’appeler au Roi et aux Etats généraux du royaume, de l’arrêté de la cour du Parlement de Besançon du 27 janvier dernier, et de dénoncer à leur justice les protestations et déclarations faites les 6 janvier et 10 mars dernier, par quelques gentilshommes et nobles se disant former la chambre de la noblesse, et quelques ecclésiastiques sous le nom de chambre du clergé, comme encore des protestations émises par des membres du Parlement et autres, à la suite de leur serment prêté le 6 avril courant, comme lesdits arrêtés et protestations étant attentatoires au droit de la nation, irrespectueux à l’autorité royale, tendant à fomenter la division entre les divers ordres de P Etat, et destructifs de la convocation solennelle en vertu de laquelle le serment a été prêté. Fait et arrêté à l’assemblée générale du tiers-état du bailliage de Besançon, tenu le 13 avril 1789, par-devant nous, noble Charles-Louis Arbilleur, lieutenant général du bailliage de Besançon, lequel cahier a été par nous coté et paraphé au nombre de trente-deux pages celle-ci comprise, et avons signé avec MM. les commissaires et notre greffier ; signé à la minute des présentes Gruet, Blanc, Vavet, Daclin, Haulun, Lapoule , Ramboz, Antoine Guion, Martin, Laurent, Bes-siard, Ballaud, Nardin, Perrinot, Dromard, Bal-leydier, avocat, Simonbez, Arbilleur de Billom. DOLÉANCES PARTICULIÈRES DU COMMERCE DE BESANÇON. Reculement des barrières. Dans un moment où tous les ordres de citoyens sont appelés par la bienfaisance du prince à exprimer librement leur vœu sur le bien public, les négociants de Franche-Comté seront-ils les seuls qui ne feront pas entendre leurs justes réclamations? Jamais sans doute, ils ne furent dans un besoin plus pressant d’obtenir le redressement de leurs griefs et ils n’ont pu voir, sans la plus vive amertume, le commerce en général privé du droit de se faire représenter aux Etats généraux par des députés particuliers choisis dans son sein. Quoique les avantages infinis que procure le commerce dans un Etat soient aujourd’hui d’une vérité démontrée, cette vérité n’est pas encore suffisamment sentie par ceux qui, accoutumés à ne voir dans cette profession qu’un gain véritablement mercantile, se dissimulent toutes les épines, toutes les spéculations, toutes les connaissances qui sont du ressort de l’homme infatigable qui se consacre au besoin de sa patrie et de ses concitoyens. Dans les tristes circonstances on se trouve le commerce de Franche-Comté, il n’a pas cru payer un tribut plus légitime de sa confiance aux députés de cette province aux Etats généraux, qu’en leur soumettant ses doléances et les priant de les appuyer de tout leur patriotisme à l’assemblée de la nation. De toutes les provinces conquises la Franche-Comté est la seule qui ait le plus à se plaindre du régime financier; depuis un siècle chacune des branches de son commerce n’a cessé d’éprouver des entraves que l’intérêt privé de la ferme se plaisait à multiplier; placée dans une longueur de cinquante lieues sur une largeur de trente, au milieu de l’Alsace, delà Lorraine et des provinces des cinq grosses fermes, elle a été continuellement sacrifiée aux vicissitudes et à tous les systèmes arbitraires de la fiscalité, et tout nouvellement encore, une décision du 13 décembre 1788 surprise au conseil du Roi, en prohibant l’entrée des fils de Lorraine, d’Alsace et Suisse, quoiqu’ils soient assujettis aux droits de 21 p. 0/0, menace d’une ruine prochaine les fabriques de bonneterie établies dans la ville de Besançon. C’est pour asservir son commerce� à une foule de droits inusités, que l’on a vu naître cette distinction puérile et onéreuse de province, réputée étrangère et des provinces à l'instar de l’étranger effectif. Sous la première dénomination, la Franche-Comté, quoique soumise à l’empire français, a vu les frontières inondées de garde et de commis pour intercepter son commerce avec les provinces voisines, ou l’assujettir à des droits si multipliés, qu’il n’a pu s’élever à sa prospérité naturelle. Sous la seconde dénomination de province à l'instar de l'étranger effectif ,V et la Lorraine ont été entièrement fermées à la Franche-Comté, et par une bizarrerie inconcevable, elle s’est vue isolée, réduite à elle-même, quoiqu’elle aperçût à ses côtés les provinces voisines s’enrichir par des rapports libres et naturels avec le pays étranger. Ainsi la Franche-Comté, réputée étrangère, l’est réellement et indistinctement pour tout ce qui l’environne, sans exception de provinces des cinq grosses fermes, de provinces réunies et de pays étrangers, tandis que l’Alsace et la Lorraine, considérées simplement à l’instar de V étranger effectif , commercent librement partout, excepté avec la France et la Franche-Comté. Une lésion aussi manifeste, quoique la Franche-Comté ait les mêmes droits et les mêmes principes à invoquer que ces deux provinces, demande un remède prompt et indispensable; elle seule autorise la contrebande, elle nécessite la fraude, isole le commerce, l’affaiblit ou en tarit les sources . Nous aurions sans doute des raisons fortes de nous réunir à l’Alsace et la Lorraine pour leur être assimilés dans les droits et la liberté du commerce qui nous sont communs, et nous nous réservons expressément tous nos privilèges, dans le cas où les choses resteraient toujours au même état. Mais si jusqu’ici nous n’avons été Français que pour en acquitter les charges, nous nous faisons gloire de réunir nos intérêts à ceux du royaume entier; nous demandons, nous désirons là suppression de toutes les entraves qui nous rendaient étrangers à un empire auquel nous sommes dévoués ; et malgré les inconvénients inséparables pour nous du reculement des barrières à l’extrême frontière, nous n’hésitons point, après un mûr examen, de regarder ce reculement indispensable comme la première base de la prospérité du commerce national. Nous osons donc supplier le souverain et les Etats généraux de déterminer : 1° Le reculement des barrières aux seules extrémités du royaume entier, en réduisant la ligne de démarcation sur la frontière à l’espace le plus resserré possible; 2° La libre circulation de toute espèce de marchandises dans tout le royaume sans être assujetties à aucun droit; 3° La suppression de tous les anciens tarifs des droits de traites et l’établissement d’un nouveau Gode qui fixera avec simplicité les droits à l’entrée et à la sortie : à l'entrée, de manière que les droits n’excédant jamais le prix de l’assurance, 344 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Besançon. puissent maintenir la concurrence et assurer le plus possible l’avantage des fabriques nationales; àla sortie, en proportionnant cas mêmes droits à l’utilité effective dont nous sont les objets et à la nécessité dont ils peuvent être à l’étranger; 4° Le libre établissement de tout1 espèce de manufacture et l’anéantissement de tout privilège exclusif ; 5° L'ordonnance en conséquence que toute matière première entrera sans payer aucun droit, et payera le droit entier à la sortie; 6° Que toute marchandise fabriquée sortira sans payer aucun droit, et payera le droit entier à l’entrée ; 7° Que toute matière première qui n’aura reçu qu’une première main-d’œuvre acquittera la moitié du droit, tant à l’entrée qu’à la sortie; 8° Que l’objet du tarif, en se conformant aux principes précédents, sera de classer chaque espèce de marchandise de matière première et de déterminer par une balance exacte la quotité et le taux invariable des droits sur chacune ; 9° Que la perception sur chaque objet, tant à l’entrée qu’à la sortie, sera uniforme dans tous les bureaux sans aucune exception; 10° Que la suppression de tous droits locaux, péage, etc., sera ordonnée, à charge d’indemnité aux propriétaires qui seront fondés en titres probants ; 1 1° Que les marchandises étrangères destinées pour l’étranger et qui ne passent sur les terres de France que par emprunt de territoire, celles mêmes dont l’entrepôt sera nécessaire par l’incertitude de leur destination, ne seront assujetties qu’à un droit modique combiné d’après l’avantage que les négociants étrangers trouveront à passer par le territoire français plutôt que par les Etats voisins ; 12° Que l’uniformité des poids et mesures et aunage sera admise dans toute l’étendue du royaume; 13° Que dans le cas cependant où la Lorraine, l’Alsace, etc , seraient maintenues dans le commerce libre avec l’étranger, la Franche-Comté leur sera entièrement assimilée et jouira du même droit ; 14° Que les Etats particuliers de la province, constitués nationalement, décideront seuls par eux-mêmes ou par leur commission intermédiaire de la liberté ou de la suspension du commerce momentané des grains. Régie. Pour parvenir à l’avantage inestimable qui doit résulter pour la France entière du reculement des barrières, de la liberté du commerce et de la confection d’un nouveau tarif, il est intéressant de substituer une régie à l’administration actuelle des fermes, c’est-à-dire que tous les objets relatifs aux droits à percevoir tant à l’entrée qu’à la sortie, aux gardes employés, commis, etc., soient confiés pour le compte de l’Etat à un certain nombre de membres à appointements fixes, et comptables tous les ans aux Etats provinciaux ou à leurs commissions intermédiaires. Par là on substituera à l’égoïsme du moment un esprit public et national qui préviendra mieux la contrebande que toutes les lois Fiscales les plus rigoureuses; quel est le vrai citoyen qui, dégagé du sentiment qui le maîtrise" aujourd’hui contre les abus et les gains immenses de la ferme, ne se fera un devoir de penser différemment, lorsqu’il sera convaincu que la régie est au compte de l’Etat et du souverain, et qu’en se prêtant aux fraudes, il préjudicie au prince et à la patrie? S’il était des êtres assez lâches pour manquer à l’un et à l’autre à la fois, ils ne trouveraient ni ressources ni protection chez leurs concitoyens, parce qu’ils auraient blessé l’intérêt général de la chose commune. Cet esprit public, qu’il importe si essentiellement de ressusciter, ne peut sympathiser avec l’administration toujours odieuse, toujours active des fermiers, intéressés au profit, croyant perdre lorsqu’ils ne s’enrichissent pas; le commerce et le bien public succombent toujours à la longue sous leurs éternelles prétentions, et les occasions qu’elles fournissent de multiplier les contraventions sont les sources fécondes où ils recueillent le gain des abus. Le commerce demande donc avec instance : 1° L’abolition de la ferme générale; 2° Une régie nommée par le souverain d’après les instructions des Etats généraux ; 3° Qu’il soit fixé à ses membres des appointements déterminés qui les rendent indépendants des abus de l’administration ; 4° Qu’il lui soit attribué la perception du tarif, tantà l’entrée qu’à la sortie, sur les marchandises et la connaissance de tout ce qui tiendra à l’administration subalterne des commis, gardes ou employés; 5° Que le produit de toutes les perceptions soit versé dans la caisse des Etats provinciaux; 6° Que la régie soit tenue de rendre compte tous les ans aux Etats ou à leur commission intermédiaire, et de faire imprimer ce même compte; 7° Qu’il soit libre à tous les fabricants, négociants et citoyens de porter plainte d’abord à la régie sur les abus qui peuvent se glisser dans son sein, et dans le cas où ils n’obtiendraient pas justice, de s’adresser directement aux Etats ou à leur commission intermédiaire. Tribunaux de commerce. Le commerce en général a ses tribunaux, la justice y est sommaire et gratuite, et l’on peut même assurer qu’elle y est rendue de manière à mériter la confiance des citoyens. Cependant ce ne serait rien faire pour l’intérêt du commerce de Franche-Comté, si son tribunal consulaire n’était pas rendu provincial, si l’attribution des faillites ne lui était pas accordée et si le souverain ne daignait pas lui donner des juges souverains pris dans son ordre, qui puissent décider les appels en dernier ressort. Quoique particulière au bailliage de Besançon, la justice consulaire est devenue provinciale par le fait, et la confiance du commerce de cette province lui a assuré cette qualité dans tant de circonstances, qu’elle ne fait en ce moment que réclamer légalement du souverain un titre et une compétence qui lui ont été librement accordés par tous les négociants de la Franche-Comté. Ces négociants ont senti qu’être jugés par leurs pairs, l’être sommairement sans les subterfuges et les sinuosités des procédures ordinaires, c’était un avantage précieux dont il fallait user, et le greffe consulaire atteste hautement cette honorable vérité. L’attribution des faillites que ce tribunal sollicite n’est point une innovation ; déjà elle lui a été accordée par plusieurs déclarations du conseil, et pendant un in tervalle de plus de quinze années ; ce qui a été utile dans un temps, mérite des considérations, lorsque le même degré d’utilité subsiste et que la nécessité vient encore y ajouter [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Besançon.] de nouveaux droits. La première chose que l’on doit examiner dans les faillites, c’est le saint de la masse et le bien réel du créancier ; le seul tribunal consulaire peut, par la promptitude des procédures et la modicité des frais qu’elles entraînent, veiller à l’intérêt du failli et des créanciers; d’ailleurs la connaissance de tous les objets qui intéressent le commerce semble tenir naturellement à un tribunal qui s’occupe habituellement de celte partie. Le vœu des négociants, le bieu général sollicitent également du souverain une aussi avantageuse attribution. Enfin, depuis longtemps le commerce en général soupire après un tribunal souverain qui puisse décider en dernier ressort les contestations dont l’appel sera jugé nécessaire. Quoique l’on rende justice aux cours qui sont en possession de juger ces appellations, quoique tous les négociants se plaisent à leur rendre l’hommage qui leur est du, cependant, asservies par la loi à des procédures longues et coûteuses pendant le délai qu’il faut laisser écouler pour obtenir un arrêt, les frais se multiplient, les lenteurs ruinent les masses, la circulation est interceptée, et souvent, après la cause jugée, il reste à peine des fonds pour acquitter les frais. Une cour de commerce parerai ta tous ces abus : exercée par expérience à tous les objets qui la concernent, composée d’hommes nés et instruits dans la profession, destinée à juger gratuitement, assujettie à une célérité qui forme l’attribut distinctif du commerce, elle aura tout l’avantage des autres tribunaux sans en avoir les inconvénients ; en un mot, le commerce de Franche-Comté ne fait en cette matière que se réunir au commerce général pour obtenir la faveur la plus juste, la plus utile et la plus indispensable. Dans ces circonstances il supplie Sa Majesté de lui accorder: 1° Que toutes les matières de faillite lui soient exclusivement attribuées, conformément aux déclarations du Roi du 10 juin 1715 et autres suivantes; 2° Qu’il soit établi à Besançon une cour de commerce pour juger souverainement et en dernier ressort toutes les causes d’appel de la justice consulaire; 3u Que cette cour soit composée de négociants et formée d’après les instructions remises au souverain par les Etats généraux ou provinciaux. RÉCAPITULATION. En un mot, le commerce de Franche-Comté ose attendre une régénération pressante qui lui deviendra commune avec celle de la France entière. En sollicitant le reculement des barrières, il écoute moins son intérêt particulier qui lui est opposé, que le bien général de toute la nation; mais il ose attendre pour la province en générai une indemnité proportionnelle à la perte qui doit en résulter. Cette indemnité lui a été promise ainsi qu’à l’Alsace , la Lorraine et les Trois-Evêchés, et c’est à la prudence de MM. les 345 députés aux Etats généraux qu’elle remet le soin de veiller à un objet aussi intéressant. La conversion de la ferme en régie tient au bien général du royaume et aux plus chers intérêts du souverain, en simplifiant le Code fiscal; on arrête tous les désordres, tous les abus de la finance qui se multipliaient dans le mystère et qui se couvraient toujours d’une foule de décisions obscures ou équivoques pour accroître ses profits. Du moins s’ils doivent exister, ces profits, la France entière aura la consolation de savoir qu’ils appartiennent directement au souverain sans passer par des mains intermédiaires qui s’en approprient la plus notable portion. Eh ! l’Assemblée nationale et le prince juste qui nous gouverne pourraient-ils être insensibles aux cris de ces malheureux qui trouvent dans les prohibitions cruelles de la ferme souvent la mort, toujours l’ignominie I Le vrai moyen de supprimer la contrebande et de détruire la loi odieuse qui en assimile la peine à celle des crimes les plus infâmes, est d’établir une régie qui soit sans intérêt de déshonorer les citoyens, et qui par une perception juste et légitime puisse changer les idées reçues, révolter meme tous les Français contre l’homme assez vil pour se livrer à un métier proscrit par la nation elle-même et la bienfaisance du Roi. Enfin la justice consulaire de Besançon devenue provinciale, l’attribution des faillites, la création d’une cour de commerce, doivent redonner au commerce languissant de cette province un essor qui peut seul en prévenir la ruine enlière; déjà la confiance des négociants des différentes villes a assuré à la justice consulaire le titre qu’elle sollicite aujourd’hui; déjà la compétence des faillites lui a été remise pendant plus de quinze années, au soulagement de toutes les parties intéressées; ces deux premières demandes s’accordent avec l’avantage de la province et l’intérêt des particuliers. D’un autre côté le commerce de Franche-Comté ne fait que se réunir au vœu général de tout le commerce français, lorsqu’il réclame une cour d’appel choisie dans son sein; toutes les provinces du royaume en ont senti la nécessité par la longueur ét les frais des procédures qu’entraînent les formes ordinaires. L’âme du commerce est l’activité et la plus rapide circulation; le priver de son énergie pour l’asservir à la marche lente et tortueuse des tribunaux, c’est lui enlever tous les ressorts du mouvement qui lui est propre, c’est environner d’enlraves l’acte le plus essentiellement libre qui puisse exister. Des considérations aussi majeures sont faites pour mériter la plus grande attention, et c’est avec une confiance sans bornes que le commerce de Franche-Comté les dépose dans le sein de la patrie et de tous ses députés à l’Assemblée nationale. Les députés choisis par la corporation du commerce, signés : Charles Faivre, Faivre d’Arcier l’aîné, F. Pochet, Balleydier, J. Amel, Moutille l’aîné, J. Hézatte.